[Ailleurs] Au-delà : troisième pilier - Mornagest

Message par **Taliesin** » mar. 11 mars 2014, 19:35

Le silenelnce. Les ténèbres. Rien.

Et puis...

Les odeurs vinrent les premières, d'abord en une senteur uniforme dont, peu à peu cependant, se détachèrent chacune des composantes : fumets alléchants de plats savamment cuisinés, arômes entêtants de grands crus et de parfums distingués, fragrances de fleurs printanières...

Virent ensuite les sons, dans un premier temps mêlés en un indistinct brouhaha qui, lui aussi, ne tarda pas à se décomposer : conversations joyeuses, rires, tintements des coupes et des couverts...

Enfin, il ouvrit les paupières et découvrit, enflammé par les rayons du soleil couchant, une scène de banquet se déroulant apparemment dans le parc de quelque manoir cossu.

Lui-même se trouvait sur une estrade et tenait une harpe dans les mains. Des mains qu'il ne reconnut pas : plus fines, plus effilées que les siennes...

Il semblait avoir changé de corps.

Message par **Mornagest** » mar. 11 mars 2014, 21:35

Il cligna des yeux. Une fois. Deux fois. Les mains étaient toujours celles d'un autre. Elles jouaient magnifiquement bien d'un instrument dont il avait à peine effleuré le corps, durant sa vie. Elles étaient attachées à des bras fins et souples, contrairement à ses bras, musclés et carrés. Il n'osa pas regarder ailleurs ; il essaya de se concentrer sur ce qu'il faisait. Il donnait un récital, chez un seigneur dont il ignorait tout, probablement : les visages et le décor qu'il voyait ne lui disaient rien, en tout cas. Il s'agissait de ne pas faire de fausse note, sous peine d'une sanction probablement immédiate, et tout aussi probablement désagréable.

Il s'aperçut rapidement qu'il ne devait pas consacrer l'ensemble de son esprit sur le jeu : naturellement, les doigts pinçaient les cordes, méthodiquement, ils passaient de l'une à l'autre, formant une mélodie qui lui serrait le cœur et faillit lui arracher des larmes. Mais il tint bon et tenta de savoir ce qu'il faisait là. Pourquoi avait-il une apparence différente ? Où était-il ? Qui étaient ces gens ?

Pour l'heure, il lui faudrait terminer "sa" composition, peut-être suivie d'autres, avant de pouvoir espérer discuter avec qui que ce fût.

Message par **Taliesin** » mer. 12 mars 2014, 21:52

Il acheva le morceau quelques minutes plus tard, et son interprétation fut saluée par une salve d'applaudissements nourris. Pas ceux d'une taverne, non : ceux d'une assemblée distinguée qui manifeste son enthousiasme avec modération et distinction. Mais qui le manifeste tout de même.

Quelqu'un se leva. C'était un homme d'âge mur, d'aspect plutôt quelconque mais richement vêtu : le maître des lieux, assurément, puisqu'il était jusqu'ici assis au haut bout de la table.

-Félicitations, messire Taliesin, c'était magnifique. A présent, voudriez-vous me faire l'amabilité de jouer "La complainte du goéland" ? Je suis sûr que vous confessez cette magnifique ballade...

Le dénommé Taliesin la connaissait sans doute. Mais Mornagest, lui, n'en avait même jamais entendu parler.

Message par **Mornagest** » mer. 12 mars 2014, 22:13

Surpris d'avoir pu arracher des applaudissements de la part de l'assemblée, Mornagest le fut bien moins lorsque le seigneur lui demanda de jouer une autre chanson... il craignait cet instant, à raison : jamais il n'avait entendu parler d'une telle ballade... il allait devoir improviser une mélodie, et des paroles !

"Eh bien... certes, monseigneur", fit-il, quelque peu mal à l'aise. Il ne reconnut pas sa voix, modifiée tout comme son apparence. Cela n'aurait pas dû l'étonner outre mesure, mais il avait déjà oublié cela dès lors que le seigneur s'était mis à lui demander cette fichue ballade. "Je... j'en connais une version un peu particulière, que j'ai ouïe lors de l'un de mes passages dans une taverne populaire. Hum... comme vous devez vous y attendre, elle est, euh... elle sort un peu de l'ordinaire."

Il déglutit. Sa prose n'était guère convaincante, il s'en rendait compte. Il n'avait pas la verve d'un barde, encore moins l'aisance des propos lorsqu'il était autant pris au dépourvu. Que dirait le seigneur s'il se rendait compte qu'il ne faisait là qu'inventer une sottise sans nom ? Au moins, il pourrait déjà gagner un peu de temps en prolongeant la partie instrumentale de la ballade.

Message par **Taliesin** » jeu. 13 mars 2014, 15:51

Le noble rit de bon cœur et fut bientôt imité par le reste de l'assemblée.

-Une version un peu particulière sortant de l'ordinaire et glanée dans une taverne populaire ? Vous piquez ma curiosité, et en faisant des rimes, de surcroit ! Ah, maître barde, votre réputation n'est point usurpée. Allez-y, je vous en prie... Mesdames, préparez-vous à couvrir vos chastes oreilles !

Il y eut de nouveaux rires, puis le silence ce fit, et Mornagest dut se lancer. Cela s'avéra bien moins difficile qu'il ne l'aurait cru : ses mains ne tardèrent pas à jouer un air entraînant sur la harpe, et sa voix à chanter des couplets parfaitement ciselés dont la grivoiserie éhontée n'avait d'égale que l'élégante manière dont le thème était abordé, dissimulant la gauloiserie du propos derrière de subtiles métaphores, d'heureux jeux de mots, de fins double sens...

Les applaudissements retentirent sitôt qu'eut disparu l'écho de l'ultime note. Manifestement, il avait fait un malheur...

Message par **Mornagest** » ven. 14 mars 2014, 20:33

Il ne se reconnaissait vraiment pas. Faire des rimes sans le vouloir, improviser sur une chanson dont il ignorait jusqu'au titre quelques minutes plus tôt, et parvenir à satisfaire un public certes restreint mais très probablement exigeant... il rêvait, c'était sûrement cela. Ou alors... est-ce que le pilier qu'ils avaient touché était responsable de cela ? Comment se retrouvait-il ainsi dans la peau d'un autre, agissant comme lui mais conservant ses propres souvenirs ? C'était... fou. Impossible. Illogique. Et pourtant...

Sans qu'il en eût consciemment décidé, il se leva, et, d'un geste majestueux et plein d'emphase, il réalisa une révérence parfaite, tout en se rendant compte qu'il était normalement incapable de faire cela avec autant de précision et de grâce. Voire, le faire tout court...

Machinalement, il détailla ses vêtements, qu'il venait de voir de façon plus large en se penchant sur lui-même. Des vêtements de cour, pratiquement. Riches, mais d'une richesse sobre. L'étoffe était douce, le satin reflétait la lumière, les chausses étaient solides mais élégantes. Rien de ce qu'il aurait pu s'imaginer porter un jour, surtout dans une taille si petite...

Il était barde. Il était avec un barde, avant de toucher le pilier. Taliesin... pourquoi lui ? Lui qui le détestait, pour une raison certes valable... le sort était bien ironique, décidément. À moins qu'il ne fût quelqu'un d'autre. Des bardes elfes, il devait y en avoir d'autres. Mais il ne croyait pas au hasard, dans cette mésaventure qui semblait vouloir leur jouer encore bien des tours pendables.

Se redressant, il contempla les gens. Non, aucun visage connu... probablement personne de l'empire mélandien ; il en connaissait beaucoup, à l'époque révolue où il était chancelier. Était-il sur Helonna ? Sur Féérune ? Il exclut Éternelle-Rencontre, car ces gens étaient humains. Toutes les autres hypothèses étaient ouvertes.

Il murmura un "Merci" à peine audible, et il se sentit rougir jusqu'aux oreilles.

Message par **Taliesin** » sam. 15 mars 2014, 16:36

-Notre maître barde à un coup de chaud, dit joyeusement le maître des lieux quand les applaudissements se furent arrêtés. Cela ne m'étonne guère, vu les prouesses dont vous venez de nous gratifier. Merci mille fois pour votre récital, messire Taliesin. A présent, je vous en prie, venez vous installer à la place d'honneur.

Et de désigner un siège vide, à sa droite. A sa gauche se tenait une accorte jeune femme à la mise élégante, à l'opulente chevelure auburn. Sa fille, peut-être. A moins qu'il ne s'agisse de son épouse.

Déjà, un groupe de musiciens s'avançaient, prêts à prendre la relève sur l'estrade.

Message par **Mornagest** » sam. 15 mars 2014, 20:37

Taliesin. Il avait compris quelques instants avant que le maître des lieux le nommât ainsi. Que diable faisait-il ici, dans le corps du barde, dans un endroit qu'il ne connaissait pas le moins du monde ?

Il devrait remettre ses questions à plus tard : on venait de lui désigner un siège, et il fallait faire montre de la plus extrême courtoisie. Après avoir salué le seigneur, il s'assit donc avec discrétion, espérant probablement vainement se faire oublier quelques instants, au moins... le temps pour son cœur de retrouver un rythme normal. Il détestait être le centre de toutes les attentions ; il venait d'être servi...

Et maintenant ? Devait-il deviser avec la dame à ses côtés, ou feindre de s'intéresser aux musiciens qui lui avaient succédé ? Il songea que la jeune femme entamerait la conversation d'elle-même bien assez tôt... Néanmoins, peu désireux de passer pour un malotru, il l'observa à la dérobée une fois ou l'autre, pour s'assurer qu'elle n'était pas en train d'essayer d'attirer son attention. Quelle situation délicate ! Il se sentait toujours mal à l'aise.

Message par **Taliesin** » dim. 16 mars 2014, 18:24

Mornagest eut la nette impression que la jeune femme se livrait à un jeu apparenté au sien. Bien sûr, de prime abord, elle paraissait n'adopter que l'attitude polie et conviviale que l'on était en droit d'attendre d'une convive courtoise qui, de surcroit, venait d'assister à une superbe représentation. Néanmoins, à maints petits signes discrets, il lui sembla fort que l'intérêt qu'elle lui portait allait bien au-delà des simples bonnes manières. Sans doute le dissimulait-elle à cause de la proximité du maître des lieux. Lequel ne tarissait pas d'éloges.

-Ah, vraiment, c'est grand dommage que vous teniez tant à votre vie itinérante ! finit-il par dire. Sinon, je me serais volontiers attaché vos services, et ma demeure serait devenue le théâtre des soirées les plus courues de la région ! N'êtes vous point de mon avis, Christèle ?
-Si, je le suis. Et je gage que tous nos voisins seraient morts de jalousie... répondit l'intéressée en lui accordant cette fois un regard plus prolongé.

Message par **Mornagest** » dim. 16 mars 2014, 20:08

Il se sentit très nettement rougir jusqu'à la racine des cheveux. Il n'était pas né de la dernière pluie, et comprenait plus que parfaitement les allusions de la jeune femme. Il n'avait certes guère l'habitude de ce genre de compliments qui frisait les avances, mais il se rappelait qu'il n'avait pas son apparence ordinaire. Seulement son manque de verve, qui devait trancher avec celle du barde. Il sentait qu'il ne devait pas se contenter de devenir pivoine, mais avait à répondre à la fille de l'hôte. Ou son épouse ? La question restait ouverte...

"Ma dame, vos propos m'honorent. Il est vrai que j'affectionne le voyage, car il favorise la connaissance, les rencontres, la découverte... comment, sinon, pourrais-je avoir accumulé autant de chansons de tous les coins de Toril ?"

Et voilà qu'il se mettait à parler comme un barde ! Il espérait que ce rêve - si c'en était bien un - ne déteindrait pas davantage sur lui. Peut-être allait-il bientôt lui prendre des envies de meurtre envers son véritable soi...

Message par **Taliesin** » lun. 17 mars 2014, 16:45

-Certes. D'un autre côté, à présent que vous possédez un répertoire si fourni, pourquoi ne pas vous accorder une pause et découvrir les joies de la sédentarité ? De surcroit, sachant que certains elfes du soleil pouvaient vivre un millénaire entier, que sont quelques années de halte comparé aux siècles qui s'étendent devant vous ?
-J'aurais une question, si vous le permettez... fit la jeune femme. Certes, voyager constamment vous permet de récolter maintes choses. Mais n'êtes vous pas parfois frustré de ne pouvoir approfondir vos connaissance sur un pays donné ? Car votre bref passage ne vous permet sans doute de ne recueillir que les récits ou les chants les plus connus... Par exemple, notre contrée est riche en chansons traditionnelles, en contes et en légendes qu'on n'entend qu'en certaines occasions... ou seulement lorsqu'on a réussi à s'attirer la confiance des habitants.
Un échanson se présenta, remplit leurs coupes d'un vin à la belle robe cramoisie.

Message par **Mornagest** » mer. 19 mars 2014, 20:38

Pertinentes questions. Et qui devaient cacher des intentions moins avouables - quoique flatteuses - à son encontre... là encore, il essaya de jouer la prudence. Les mots ne lui venaient pas aussi difficilement qu'il l'aurait cru, mais il se sentait surtout mal à l'aise à cause de la teneur de la conversation, davantage que sa situation burlesque en tout cas.

"Eh bien... je reste tout de même un certain temps dans un pays. Il m'arrive aussi d'y revenir... c'est même assez fréquent, à dire vrai. Cela me permet de me familiariser avec la contrée, et en voir les évolutions, males ou bonnes. Mais il est vrai que la quête de savoir est quelque part frustrante... il est illusoire de penser pouvoir tout connaître, même en vivant des siècles. Cependant..." hésita-t-il, avant de reprendre, non sans avoir cherché ses mots - il espérait que cette pause serait comprise comme une envie de théâtraliser son discours "laisser filer des trésors de connaissances, d'anecdotes et de légendes, alors qu'ils gisent non loin de moi serait encore bien pire."

Il se surprit à s'imaginer réellement barde, écoutant les contes, recueillant les témoignages, lisant les annales. Il pouvait aisément concevoir le côté grisant de cette recherche permanente mais ô combien fructueuse pour qui prenait la peine de s'intéresser aux cultures qui marquaient les Royaumes depuis des millénaires. Mais il était guerrier, il rêvait, et cette dame cherchait sans doute à lui faire faire un faux pas plutôt que d'en réellement savoir plus sur "sa" condition... ou alors, il était paranoïaque.

Message par **Taliesin** » ven. 21 mars 2014, 20:29

-Or, comme je vous le disais, pareils choses ne manquent pas dans les environs. A trois lieux d'ici se dresse un manoir abandonné où personne n'ose loger même une seule nuit, à cause des fantômes qui le hanteraient. A cinq lieues, c'est l'orée d'une forêt qui, dit-on, abrite des ruines elfiques ainsi qu'un autel dont d'aucuns prétendent qu'il fut utilisé par les druides, tandis que d'autres affirment qu'il servait de lieu de sabbat aux sorcières. Et ce ne sont là que quelques exemples parmi tant d'autres...
-Vous voyez, vous auriez tout à gagner en vous attardant. Sachant par ailleurs qu'il ne vous faudrait vous soucier ni du gîte ni du couvert, puisque vous seriez notre invité, et sans compter que vous pourriez vous produire ici devant un public de qualité... et pour des occasions spéciales.

Message par **Mornagest** » ven. 21 mars 2014, 22:50

Difficile de trouver plus alléchant pour un barde, effectivement. Il était pris au piège : comment pouvait-il se défausser sans risquer de vexer ses hôtes ? Il n'avait pas suffisamment d'imagination et d'esprit d'improvisation pour trouver une pirouette crédible, et il trouva plus sage de s'abstenir de servir un mensonge par trop gros. Après tout, il était peut-être dans un rêve, mais qui lui disait qu'il n'y craignait pas les inconvénients ?

"Ma foi, ma curiosité est piquée au vif, je dois l'admettre. De telles promesses méritent réflexion ! Des escapades aventureuses, des représentations en votre splendide demeure..." il prit un air rêveur, à dessein. Ou peut-être pas. Était-il entraîné par le rêve, par le charme de cette dame ? Il ne parvenait pas à se poser sérieusement la question.

Message par **Taliesin** » dim. 23 mars 2014, 20:49

Ce qui était sûr, c'est que de charme, la dénommée Christèle n'en manquait pas. Son abondante et soyeuse chevelure auburn reflétait les lueurs des flambeaux, de même que ses yeux d'un vert profond ; son visage aux lignes harmonieuses était gracieux, prompt aux sourires, et ses gestes à la fois simples et élégants ; même le doux parfum qui émanait de sa personne aux formes parfaites avait un petit quelque chose de délicatement entêtant...
-Piquer la curiosité d'un barde, n'est-ce pas avoir remporté la partie ? dit-elle d'un ton amusé et réjoui.
-Je crois que oui... fit le seigneur, manifestement heureux. Néanmoins, Maître Taliesin, nous ne souhaitons pas vous forcer la main, vous avez évidemment le droit de réfléchir... Mais si vous restez, je puis vous l'assurer, vous ne le regretterez pas.

Message par **Mornagest** » mar. 25 mars 2014, 22:00

"Eh bien", fit-il, hésitant. Il sentait qu'il était pris au piège depuis le début, et avoir imaginé rester ne l'avait que mieux enfermé dans ce canevas. Le regrettait-il ? Pas encore. Peut-être n'aurait-il pas à le faire, d'ailleurs. Il l'espérait, de tout cœur... comment avait-il laissé passer ainsi cette discussion somme toute banale ? Lui, l'homme qui fuyait les mondanités et aspirait à une vie simple et quasiment solitaire ? Il déglutit puis se racla poliment la gorge avant de poursuivre, d'une voix moins assurée :

"Si vous me le permettez, j'aimerais prendre le temps de la réflexion. C'est que... j'ai quelques projets en tête, et je ne voudrais pas les mettre de côté trop longtemps..."

Message par **Taliesin** » jeu. 27 mars 2014, 10:19

-Maître barde, à force de nous fréquenter, nous autres humains à la brève existence, il semble que vous ayez acquis notre impatience et notre frénétique besoin d'action ! fit le seigneur, d'un ton léger. Mais je vous taquine : je n'ai pas oublié ce que vous m'avez dit lors de votre arrivée, à propos de mystérieuses affaires vous poussant à aller toujours par monts et par vaux. Je respecterai donc votre décision quelle qu'elle soit, d'autant plus que vous compter parmi nous ce soir est déjà un immense plaisir. Néanmoins, même si vous choisissiez finalement de vous attarder, sachez qu'il ne serait point question d'années, mais de quelques veilles !
Il y eut des exclamations ravies, plus loin autour de la table : des serviteurs venaient d'apporter le dessert, à savoir des sorbets, mets onéreux et raffinés s'il en étaient. Sur l'estrade, les musiciens avaient entamé un morceau au rythme plus soutenu. Peut-être un prélude à de futures danses ?

Message par **Mornagest** » jeu. 27 mars 2014, 22:12

Au milieu des exclamations d'envie face au dessert ô combien attirant, Mornagest tenta de parler, puis s'interrompit afin de laisser les convives exprimer leur contentement. Il répondit enfin :

"Voilà un compromis intéressant. Cela me permettra de rester parmi vous quelque temps, pour ensuite pouvoir repartir vivre mon existence itinérante que j'avoue affectionner particulièrement. La découverte est quelque chose de fascinant..."

Il s'interrompit à nouveau lorsqu'un serviteur déposa devant lui une coupe en cristal garnie de deux généreuses portions de glace aux fruits. Il n'avait pas mangé de sorbet depuis longtemps, et c'était... à Melandis. Il faillit grimacer, mais se retint à temps. Il ne voulait surtout pas froisser son hôte. Enfin, celui de Taliesin. Allait-il finir par se sentir pleinement barde, et elfe ?

Message par **Taliesin** » ven. 28 mars 2014, 10:33

Ce qui était sûr, c'est que son corps, lui, se sentait comme tel. Cela se traduisait surtout au niveau de ses sens, en particulier de sa vue, meilleure, plus fine, qui lui révélait d'infimes détails et parait les choses de couleurs plus vives, et de son ouïe, grâce à laquelle, malgré le brouhaha des conversations, il parvint à déceler une très légère imperfection dans le jeu de l'un des musicien ; lorsqu'une coupe de cristal tinta, il fut même immédiatement capable de dire qu'elle note elle avait produite.
-Ne me répondez pas si ma question est indiscrète, reprit Christèle, mais aussi passionnante que soit la découverte qu'elle permet constamment, la vie de nomade ne finit-elle pas par être pesante, sous certains aspects ? Elle vous interdit d'avoir un foyer, une famille, des amis...
-Peut-être maître Taliesin a-t-il un chez lui et des proches auprès desquels il retourne de temps à autres. Après tout, une décennie doit être, pour un elfe, l'équivalent d'une unique année pour un homme...

Message par **Mornagest** » ven. 28 mars 2014, 21:06

Question indiscrète, pas réellement, quoique... mais surtout, il ne savait que répondre. Il n'était pas Taliesin, et il ignorait pratiquement tout de lui, surtout que leur dernière rencontre, outre cette aventure mortellement dangereuse, remontait à plusieurs années, maintenant. Il n'avait jamais imaginé le barde fonder une famille, mais comment pouvait-il savoir ? Là encore, il dût improviser, hésitant.

"Eh bien... j'ai des connaissances, et même ce qu'on peut appeler des amis, qui me viennent en aide quand j'en ai besoin, et à qui je rends la pareille. Quant à une famille... vous touchez un point sensible, ma dame" fit-il en ne se forçant pas un seul instant pour rougir : il ne sentait vraiment pas à l'aise dans ce corps, dans cette situation. Il rougissait car il se sentait ridicule de ne pas pouvoir utiliser le bagou coutumier du barde, de devoir imaginer quelque mensonge ou semi-vérité pour échapper aux questions de dame Christèle... il espérait cependant que son état lui offrirait une porte de sortie à cette conversation difficile à mener.

Message par **Taliesin** » sam. 29 mars 2014, 21:23

En tout cas, son trouble était visible et ses hôtes, manifestement, du genre courtois et délicats. Ils se hâtèrent donc de changer subtilement de sujets et c'est donc en badinant tranquillement qu'ils finirent leurs desserts. Comme s'ils avaient reçu un signal - à moins qu'ils ne soient simplement observateurs -, les musiciens entamèrent aussitôt un air des plus entraînants.
-J'espère que vous aimez danser ! glissa alors le seigneur dont il ignorait toujours le nom. Je crois qu'il n'y a pas une seule dame ou damoiselle assise autour de cette table qui ne vous dévore pas du regard, et puisque l'étiquette stipule qu'il est bienséant de choisir un invité de marque comme cavalier, vous ne pourrez compter sur aucun père vigilant, sur aucun mari jaloux pour vous protéger !

Message par **Mornagest** » dim. 30 mars 2014, 13:22

Soulagé de ne plus avoir à évoquer une vie qui n'était pas la sienne, Mornagest profita comme il put du dessert, tout simplement succulent. Mais il avait la tête ailleurs. L'esprit aussi : dans le corps d'un autre ! Mais le répit fut de courte durée...

Aie. Après la musique, la danse... deux domaines dans lesquels il était aussi à l'aise qu'un poisson hors de l'eau... il essaya de se rassurer en se disant que lorsqu'il était censé jouer de la harpe, tout à l'heure... il l'avait fait sans encombre, comme si ses doigts étaient guidé par le vrai Taliesin. Ce serait peut-être également le cas pour la danse. Il l'espéra au plus haut point, car sa propre pratique de la danse se résumait au néant le plus absolu.

"Me voilà pris au piège, alors !" fit-il d'un ton qu'il voulait enjoué. Catastrophe : il risquait fort bien d'être réellement observé par tous. Qu'avait-il fait aux dieux pour mériter pareil châtiment ?

Message par **Taliesin** » mar. 01 avr. 2014, 18:10

Observé par tous, c'était peut-être un peu exagéré, car un ou deux couples s'étaient déjà levés. Et puis, la plupart des hommes ne lui prêtaient guère d'attention. En revanche, l'ensemble des femmes, sans la moindre exception, l'observait avec insistance. Certaines franchement, d'autres plus discrètement, multipliant les coups d’œil furtifs... La plus subtile du lot était sans nul doute Christèle ; néanmoins, elle semblait tout aussi impatiente que les autres de danser avec lui, sinon plus. Pour l'heure, toutefois, aucune n'osait faire le premier pas. L'étiquette stipulait-elle qu'il devait s'en charger ? Et si oui, par laquelle commencer ? Mornagest, pour avoir un temps frayé avec la bonne société mélandienne, savait qu'il y avait des règles bien précises en ce domaine. Mais quelles étaient-elles exactement en ce lieu ? Lieu dont il ne savait toujours rien, évidemment...

Message par **Mornagest** » mar. 01 avr. 2014, 19:37

Il avait assisté à bien des bals, pour son plus profond ennui. La chose qu'il avait le mieux retenu était qu'il n'avait strictement aucun intérêt pour ces frivolités. Sans doute par jalousie de ne pouvoir enchaîner deux pas de danse sans se couvrir de ridicule, mais il ne voulait pas se l'avouer. Toujours était-il qu'il aurait été mieux inspiré, à l'époque, d'au moins faire attention à ce qui se faisait... ne fut-ce que pour avoir un semblant d'idée.

Sentant que les autres convives attendaient, il estima que c'était bien à lui d'entamer la danse. Sur une musique endiablée, il aurait bien esquissé une gigue du même tonneau, s'il avait au moins su comment l'exécuter... Il inspira profondément, et, ayant repéré la rythmique des musiciens, s'élança, seul pour l'instant, au milieu des convives. Il tenta de tournoyer, de sautiller d'une jambe à l'autre, et constata avec stupeur qu'il venait pour la première fois de sa vie de réussir à ne pas choir lamentablement ce faisant. Ce qui ne tarderait sans doute pas, il n'en attendait pas moins de sa maladresse...

Message par **Taliesin** » ven. 04 avr. 2014, 09:56

Mais celle-ci semblait appartenir au passé... ou à un autre monde. Car, plutôt que maladroit, il se sentait agile, se savait exécuter des mouvements aussi hardis qu'harmonieux, comme s'il était porté par la musique, animé par elle... Cependant, il ne tarda pas à se rendre compte que quelque chose clochait. Autour de lui, les autres danseurs avaient tous formé des couples. Des couples immobiles, pour l'heure, car il était l'objet de l'attention générale. Et son ouïe étonnamment fine perçut des murmures : les convives, tout en saluant sa grâce, s'étonnaient du fait qu'il se démène en solitaire, se demandaient s'il s'agissait là d'une tradition elfique, d'un moyen d'augmenter l'impatience des cavalières potentielles ou, au contraire, d'une façon de leur signifier qu'aucune d'entre elles n'était assez bien pour lui.

Bref : si dans l'immédiat le ton était admiratif, amusé, bon enfant - qu'un barde s'avère fantasque, cela ne surprenait personne -, il eut la certitude que s'il sursoyait davantage à l'inéluctable choix, il commettrait un impair qui, loin de passer inaperçu, risquait de faire scandale et de lui valoir des inimitiés, peut-être même celle du maître des lieux...

Message par **Mornagest** » ven. 04 avr. 2014, 20:30

Imbécile qu'il était, il n'avait pas songé un seul instant à convier une cavalière pour se joindre à sa danse frénétique - mais toutefois étonnamment agile. Lorsqu'il prit enfin conscience de son erreur, il se sentit rougir jusqu'à la racine des cheveux, puis, s'avançant vers dame Christèle, ce qui lui semblait être le choix le plus adapté : en son statut d'hôtesse, elle avait pris la peine d'entretenir la conversation avec lui, jusqu'à un certain point d'ailleurs. Il lui paraissait légitime de l'inviter à danser, en admettant bien sûr que c'était bien là la coutume locale : il était loin d'en être certain, mais prit le risque. Après tout, au point où il en était...

Il lui bredouilla une excuse qu'il inventa sur-le-champ : "Ma dame, pardonnez cet accès de folie. Une... euh, une coutume elfique qui me pousse parfois à entamer une gigue endiablée pour marquer le début des réjouissances. S'il vous plaît, m'accordez-vous une danse ?" Il s'inclina poliment.

Message par **Taliesin** » lun. 07 avr. 2014, 19:29

Elle jeta un bref regard au seigneur des lieux - son père ? son mari ? toujours aucune réponse à ce sujet -, lequel acquiesça imperceptiblement. Quelques instants plus tard, ils virevoltaient tous deux au milieu des autres couples. Mornagest ne tarda pas à constater qu'elle était moins bonne danseuse que lui - ou, du moins, que l'enveloppe charnelle qu'il occupait désormais. Toutefois, élève appliquée, elle calqua ses mouvements sur les siens et s'améliora à un rythme remarquable. De surcroit, et bien qu'elle agisse avec discrétion, afin que personne d'autre que lui ne s'en aperçoive, il avait la nette impression qu'elle ne perdait pas une occasion de le frôler... ce qui ne manqua pas d'enflammer ses sens. Après tout, c'était une superbe créature, et l'elfe qu'il était désormais ne se montrait pas insensible à ses charmes, loin s'en fallait.

-Nous avons rarement l'occasion de croiser les gens de votre peuple : pas étonnant, dès lors, que vos coutumes nous soient totalement étrangères... finit-elle par lui glisser à l'oreille. Serait-ce indiscret de vous demander de m'en révéler quelques autres ?

Message par **Mornagest** » mar. 08 avr. 2014, 19:42

Les gestes, la respiration, la grâce... tout y était. Il remerciait le destin qui avait au moins eu le bon goût de lui attribuer tout cela pour surmonter l'épreuve de ce rêve - ou ce qui s'en approchait du moins. Néanmoins, la véritable épreuve restait d'affronter les questions insidieuses de dame Christèle, qui ne perdait pas une occasion de le taquiner physiquement. Elle était belle, selon les critères communs, et emplie d'une sorte d'ingénuité qu'il soupçonnait d'être quelque peu forcée, mais c'était peut-être son imagination qui lui dictait cette pensée.

"Eh bien", fit-il en cherchant une réponse, profitant des intervalles liés à la musique pour ce faire, "vous en connaissez déjà plusieurs sans le savoir : conter des histoires..." nouvelle interruption lorsqu'ils esquissèrent un autre pas de danse "... chanter, danser... profiter de cette vie de grâce et d'art qui nous est offerte", acheva-t-il ensuite. "mais concernant nos coutumes, par exemple, lors d'une fête comme celle-ci, les hôtes ont pour habitude d'ouvrir le bal en dansant les premiers, pour inviter les convives à se joindre ensuite à eux." Il prit un air quelque peu embarrassé en ajoutant alors : "J'espère que vous pardonnerez mon écart de tout à l'heure. J'ai agi comme si j'étais aussi fougueux et inconsidéré qu'un jeune elfe sans cervelle."

Message par **Taliesin** » sam. 12 avr. 2014, 12:40

-Allons, il n'y a rien à pardonner, murmura-t-elle. Même sans savoir qu'il s'agissait d'une coutume de votre peuple, personne ne l'a mal pris. Au contraire, nous avons tous pensé que vous nous offriez un nouveau spectacle, fort agréable à regarder, d'ailleurs... Ce qui me fait pensé que les traditions que vous venez de décrire me surprennent : elles semblent prédisposer les elfes du soleil à devenir bardes, là où la plupart des humains les imagines prédestinés à devenir magiciens. Comme quoi, les préjugés sont encore plus souvent trompeurs qu'on ne le croit...

Le mouvement de la danse les éloigna un instant, pour les rapprocher derechef.

-Je prie les dieux pour que vous vous attardiez un moment parmi nous,reprit la jeune femme. J'aimerais vraiment en apprendre davantage sur les vôtres... et sur vous. Même si je suis déjà fort heureuse de vous avoir rencontrée et de passer ce bon moment en votre compagnie...

Message par **Mornagest** » sam. 12 avr. 2014, 19:40

À nouveau, il ne put s'empêcher de déceler plus que de la courtoisie dans le ton de la jeune femme. Il espérait se tromper... sincèrement. Il n'avait pas du tout envie d'être embarrassé par un quiproquo quelconque de ce genre...

"Les elfes du soleil aiment étudier les mystères. L'Art en est un, les histoires anciennes en sont d'autres... on peut voir cela comme une autre forme de magie, celle de l'imaginaire, vous ne pensez pas ?" fit-il, étonné par sa propre envolée. Il doutait que le véritable Taliesin eût prononcé de tels mots, qu'il aurait certainement agrémenté de davantage de poésie, d'emphase, ou que savait-il d'autre. Mais il avait atteint son maximum en la matière, pour sa part.

"Tout le plaisir est pour moi, ma dame. La proposition du maître de la maison est des plus courtoises, et je vous prie de vouloir m'accorder le temps de la réflexion pour prendre une décision définitive." Arriverait-il à savoir qui était-il par rapport à dame Christèle, par ce biais ? Possible. Après tout, pourquoi ne pas tenter ?

La Couronne de Cuivre

[Ailleurs] Au-delà : troisième pilier - Mornagest

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