[Bâtiment] Le Mélandinopole

[Taliesin]

Taliesin, toujours souriant, tenta de scruter le visage de la jeune femme dans l’ombre du capuchon. Elle semblait bien différente de la plupart des Mélandiens qu’il lui avait été donné de croiser depuis son arrivée… Mais, en la Cité du Chaos plus encore qu’en d’autres lieux, il ne fallait pas se fier aux apparences. Cependant, se montrer vigilant n’empêchait pas la courtoisie.

-Je viens d’un autre continent, loin au delà des mers… Depuis des années, je parcours le monde, exerçant mon métier dans les bourgs et les châteaux qui jalonnent ma route. Cette dernière m’a finalement conduit ici, à Mélandis, dont j’ai maintes fois entendu parler depuis que j’ai débarqué sur Dorrandin.

Voilà pour l’autobiographie. Maintenant, il pouvait changer de sujet sans pour autant paraître éluder la question.

-Vous m’avez dit ne jamais avoir chanté devant un réel public ? Cela est fort dommage, et il faut y remédier ! Je ne suis pas un spécialiste du théâtre chantant, et, à dire vrai, je n’ai jamais participé à une telle pièce… Par contre, il m’est arrivé de jouer en compagnie d’autres musiciens, ou de chanteurs… Alors, pourquoi ne participeriez-vous pas à l’une de mes représentations ? Vous pourriez préparer certaines de vos chansons et même des poèmes, et, de mon côté, je pourrais vous accompagner à la harpe. Qu’en dites-vous ?

[Lies]

Lies fût ravie de cette idée, si elle n'avait pas été en ce lieu et devant un homme qu'elle connaissait à peine, elle aurait surement fait de petits sauts autour de son interlocuteur. Elle se contenta d'acquiescer sans cacher sa grande joie :

"Je serai très heureuse de faire partie de votre troupe. Cela dit, il vous faudra vous familiarisiez à un 'petit' détail : celui de vous baladez avec une femme de dirigeantes. Peut-être même avez-vous vu mon cher mari récemment, Nathiel Ecthelion, un vampire aux cheveux longs?"

Elle ne laissa pas le temps au barde de répondre que déjà elle l'entrainait vers la porte :

"Et si l'on allait travailler dans un endroit plus adéquat, vous avez le choix entre ma boutique qui a un petit coin repos ou le domaine Ecthelion qui a une graaande bibliothèque et de nombreuses pièces mais qui est habité par quelques fées, animaux et un jeune enfant."

Bien sûr, il fallait qu'ils se fassent discrets dans la rue car Lies savait que trop bien les médisances des gens et encore plus de celles qui convoitaient son mari. Il ne leur fallait pas avoir vu grand chose pour qu'elles s'imaginent de nombreuses choses. Et ceux et celles qui avaient déjà entendu ce genre de remarques comprenaient pourquoi Lies se baladait si souvent seule et la tête couverte d'une capuche.

[Eredef]

Eredef le tieffelin aux yeux de chats dorés suivit du regard le couple qui sortait du mélandinopole. Curieux comme c'est pas permis (mais qu'espérer d'un tieffelin totalemment lunatique et instable?) , il se mit en tête de les filer. Aussi discret qu'un...chat, il les suivit à pas de loup, quelques temps. Puis il s'enfonça dans l'ombre d'une ruelle...

[Taliesin]

Taliesin marchait aux côtés de Lies, se faisant aussi discret qu’elle, et lorsqu’il parlait, c’était dans un souffle audible de la seule jeune femme.

-Et bien… Pour le lieu de nos répétitions, j’avoue ne pas avoir de préférence : les deux me conviennent parfaitement… Je vous laisse donc seule juge du plus propice à la musique. Quant à votre mari… j’ai effectivement eu l’honneur de le rencontrer : c’est lui en personne qui m’a engagé au Mélandinopole. Et je dois dire que c’est le vampire le plus courtois et le plus sympathique qu’il m’ait été donné de rencontrer.

Devisant doucement, faisant attention à passer inaperçu, Lies et Taliesin poursuivirent leur chemin, sans remarquer l’étrange personnage qui les suivit un moment, avant de s’éclipser.

[Lies]

Sieur Ecthelion étant très pris en ce moment, je propose que nous allions nous installer dans ma boutique. Je fermerai celle ci le temps des répétitions...

*Tout bas*...Et même bientôt définitivement". En effet, Lies avait remarqué celui qui les avait suivi et elle se doutait qu'une fois de plus, il y allait avoir du carnage au domaine. C'est aussi une des raisons qui faisaient qu'elle ne souhaiter pas amener ce cher jeune homme en ces lieux.

Déjà elle s'avançait en direction de la boutique. Il fallait se préparer mais elle ne souhaitait guère rester ici plus longtemps, les lieux lui semblaient de moins en moins sûrs.

"Vous venez beau jeune homme ?"

[Taliesin]

Taliesin avait suivi le regard de la jeune femme et cru entrapercevoir une ombre se glissant dans une ruelle transversale, à quelque distance derrière eux. Cette vision avait visiblement inquiété dame Ecthelion ; d’ailleurs, elle pressait déjà le pas.

-Vous venez beau jeune homme ?
-Je vous suis !

Et l’elfe de hâter le pas et de s'avancer, aux côtés de son guide, dans la direction du commerce qui s’appelait, comme il le découvrit bientôt, la Grotte d'Elfwood.

[Taliesin]

Le carrosse qui était venu chercher Lies et Taliesin à la Grotte d'Elfwood s’arrêta derrière le Mélandinopole, près de l’entrée des artistes. Les deux passagers s’y engouffrèrent, suivis par les aides du cocher chargés de leurs malles.

Dans sa loge, le barde revêtit l’habit qu’il avait choisi parmi les nombreux costumes que lui avait présentés dame Ecthelion : il s’agissait d’un élégant justaucorps d’étoffe bleu roi que les doigts de fée de la jeune femme avaient artistement brodé de fils d’or.

Puis il déballa sa harpe et se mit en devoir de répéter certains des morceaux qu’il allait devoir interpréter dans à peine plus d'une heure. Il n’était pas question de faire la moindre erreur, la moindre fausse note : ce soir, point d’instruments spectraux, d’effets d’ombre ou de lumière. Il n’y aurait que sa harpe, et la voix de Dame Ecthelion.

[Lies]

Lies, entrain d'enfiler un corset aux couleurs roses, se mit à suivre la musique du barde, qu'elle percevait à peine, pour échauffer sa voix. Les loges étant côte à côte, elle arrivait à entendre parfois un son et son esprit se chargeait de lui jouer la suite de la musique qu'elle connaissait par coeur à présent.

Lies avait peur, peur de cette foule qui allait se trouver là, peur que quelqu'un atteinte à sa vie. Tout en enfilant son jupon, elle pensa à son fils qui se trouvait avec Alyps et les fées déjà dans l'Assemblée. Une nourrice s'occupait de lui vu que Sieur Ecthelion ne semblait, une fois de plus, pas disponible pour assister à la cérémonie.

Quand elle eût fini de se préparer, elle alla frapper à la loge de sir Taliesin pour répéter une dernière fois et revérifier à nouveau que le costume lui allait bien.

[Taliesin]

Taliesin alla ouvrir à la jeune femme et, ensemble, ils reprirent les chansons les plus difficiles. Leurs ultimes préparatifs se déroulèrent sans anicroches, et lorsque, satisfaits tout autant qu’anxieux face à l’échéance imminente, ils mirent un terme à la répétition, un employé du Mélandinopole vint les informer qu’il était temps de gagner la scène.

Le barde se tourna vers Lies.

-Et bien, je crois que cette fois, nous y sommes ! Mais n’ayez aucune inquiétude : tout se passera très bien !

Il se leva, prit sa harpe et précéda la jeune femme dans le couloir. Arrivé sur la scène, tous deux purent découvrirent que les gradins les dominant étaient combles : il n’y avait presque plus aucune place de libre. Décidément, ils n’avaient pas intérêt à ratet leur interprétation…

Sous les applaudissements d’un public attentif et impatient, les deux elfes s’installèrent et quand un silence relatif s’installa dans l’immense salle, le barde tira les premières notes de sa harpe. Le spectacle préparé avec tant de soin débutait enfin.

[Lies]

Lies attendit la note fatidique et de sa plus belle voix se mit à chanter. Elle n'osait regarder son public, préférant le regard rassurant que lui porter, entre deux notes, Taliesin.

Ils avaient commencé par un des morceaux les plus longs et difficiles mais tout se passa merveilleusement bien. Ils enchainèrent les musiques et les chants sous les applaudissements des villageois. Melandis semblait avoir quelque chose de beau en elle : Les gens étaient rassemblés pour un moment de détente et ils unissaient leurs applaudissements et leurs cris d'encouragement.

Melandis semblait renaître sous un nouveau jour et Lies ressentit une certaine tristesse au fond d'elle même de quitter une ville qui aurait pu être la sienne pour toujours. C'est ainsi qu'elle chanta divinement bien un chant dramatique. Même Taliesin n'en revenait pas de cette interprétation.

Quand le spectacle fût fini, les deux artistes saluèrent l'assemblée et la fin du rêve devint réalité pour Lies...

[Taliesin]

Taliesin et Lies se firent leurs adieux près des loges. Ils s’étaient un peu remis de leurs efforts, aidés en cela par les applaudissements nourris qui avaient remercié leur prestation. Ils étaient heureux de ce moment de bonheur pendant lequel la cité du chaos avait paru plus chaleureuse, plus humaine. Mais, tel un mirage, l’impression se dissipait déjà. Le concert était fini, Taliesin devait entreprendre ses recherches et Lies, quitter la ville.

L’au revoir se prolongeant, tous deux rechignant à se séparer, essayant de repousser encore, pour quelques instant, leur retour à la triste réalité. Mais il se faisait tard, et, après un dernier salut, les deux elfes se détournèrent et s’en allèrent tristement vaquer à leurs occupations respectives.

[Morfea Nwalk]

[Quête : Le prophète gris]

Arrivant presque directement du bureau de grand chancelier où lui avait été confié une nouvelle mission, Morfea avait longuement repensé au nom de Taliesin. Il ne savait dire pourquoi, mais petit à petit, force lui était d'admettre que quelque chose le dérangeait dans cette mission. Ce nom ne lui était décidément pas inconnu, mais pour autant qu'il s'en souvienne, il ne parvenait pas à remettre de visage ou de souvenir dessus. Pensif, c'est presque sans trop y faire attention que le bourreau parvint à atteindre les portes du mélandinopole. Ses yeux perdus dans le vague retrouvèrent leur aspect perçant au cri des bravos et des applaudissements qui venaient conclure le spectacle qui venait de se dérouler. L'affiche indiquait une prestation prometteuse de Maître Taliesin.

Quelque chose intriguait décidément le bourreau dans ce nom, un sentiment d'inquiétude mêlé d'excitation. Nul doute que le barde sortirait par la sortie des artistes. Morfea fit donc le tour du bâtiment pour se diriger discrètement vers la sortie des artistes. Le ciel était extrêment clair ce soir là ; la pleine lune éclairait la cité du chaos, trônant au milieu d'une nuée d'étoiles. Malgré toute cette lueur nocturne, Morfea repéra un coin reclus dans l'ombre d'où il apercevait la porte de service. Une occasion innatendue pour attendre ce barde qui l'intriguait tant et de mettre un visage sur son nom. Il s'y posta donc, attendant la sortie de sa future proie.

[Mornagest]

La nuit était agitée, mais tout le monde était loin d'être au courant. Au départ, seuls les prêtres présents à la réception à l'antichambre avaient eu connaissance de la destruction du temple de Talos, mais la nouvelle s'était répandue comme une traînée de poudre, dans le clergé du Seigneur des Tempêtes. La populace, quant à elle, dormait, ou s'égayait dans quelque taverne, voire assistait à un spectacle au Mélandinopole.

Le prêtre talosien Gregorius en faisait partie. Il adorait le théâtre, et plus particulièrement les drames. Les acteurs, ce soir, étaient tout bonnement excellents ; la jeune fille enlevée par le jaloux rival de son fiancé était à croquer, tandis que les rebondissements bien placés étaient cohérents et rendaient l'ensemble passionnant et remarquablement construit.

Le dernier acte s'acheva sous un tonnerre d'applaudissements, alors qu'on venait à peine d'apprendre que l'enlèvement n'était en réalité qu'un complot visant à faire accuser le jeune homme jaloux et le faire pendre par le père de la jeune fille. Malheureusement pour l'innocent, la justice avait frappé trop tôt...

L'esprit encore imbibé des détails croustillants de la pièce, le prêtre Gregorius regagna la sortie du Mélandinopole en suivant les autres spectateurs, sans trop y prêter attention. Il sortit à l'air libre quelques minutes plus tard, et flâna un moment autour du bâtiment, puis se mit en marche vers le temple de son dieu tutélaire afin d'y regagner sa couche.

Connaissant Melandis comme sa poche, il opta pour un raccourci constitué de ruelles pavées dans lesquelles siégeaient tavernes, commerces étranges et bordels de luxe. Il fut un instant tenté d'y faire un tour, mais décida qu'il était trop éreinté pour s'acoquiner avec une jouvencelle, ce soir. Il passa donc son chemin et atteint le coin de la rue, où trois assassins l'attendaient. Habillés de vêtements ornant ostensiblement le symbole du soleil noir de Cyric, ils poignardèrent le prêtre à maintes reprises, ne s'arrêtant que lorsque sa tunique fut complètement trempée de son sang. Il mourut sans un cri, trop frappé de stupeur pour s'exclamer.

L'un des trois hommes sortit alors une scie de sa trousse, et entreprit de séparer la tête du prêtre de son tronc. Ils délaissèrent le corps, emportant leur trophée dans la nuit, se fondant parmi les ombres.