[Temple] Le sanctuaire de Dénéir

[Agrippa]

Agrippa fit ce qu'elle lui demandait, sans hâte mais sans hésitation non plus. Il passa ses bras autour de la jeune femme, précautionneusement, comme s'il avait peur de lui faire mal.

Il resta ainsi sans bouger, laissant son esprit vagabonder bien au-delà de la pénombre de la pièce, vers Manost et au-delà des océans. Il lui semblait qu'il était sur un immense navire, qu'elle était avec lui, et qu'ils allaient tous les deux vers une île encore inconnue mais pleine de mystère et de promesses tues.

Il serra fort la Manostienne, oubliant ses craintes, et ferma les yeux pour mieux profiter de l'instant présent. Demain ne serait peut-être pas aussi bienveillant avec eux.

[Althéa]

Elle était restée dans ses bras sans bouger, tel un chaton dans le creux d’une paume. A la fois apeurée et heureuse. Elle voguait elle aussi vers des eaux calmes et limpides même si au dessus de sa tête planait le mauvais temps. Elle entendait gronder le tonnerre et se gonfler les vagues. Mais pour quelques secondes, elle se sentait en sécurité et au chaud. Elle l’avait serré fort contre elle de façon à percevoir les battements de leurs cœurs mêlés.

Et soudain, les digues se brisèrent et elle éclata en sanglots. Cela faisait si longtemps qu’elle se cachait, retenait ses larmes de peur de voir couler le sang. Mais à cet instant, son cœur avait explosé dans sa poitrine. Et elle avait baissé les armes. Simplement pour quelques instants. Et les larmes roulèrent et vinrent se poser sur les joues d’Agrippa.

[Agrippa]

Il ne tenta pas de savoir pourquoi elle versait ces larmes, ni comment il pourrait l'en empêcher. Il resta simplement tel qu'il était, reserrant imperceptiblement son étreinte pour lui montrer qu'il ne s'enfuirait pas.

Il attendit que les larmes passent. Agrippa n'avait jamais considéré le fait de pleurer comme étant vain, ainsi que beaucoup de personnes semblaient le penser. Les gens qui ne pleuraient pas l'effrayaient, et il s'en gardait comme de la peste.

Althéa pouvait verser toutes les larmes qu'elle avait retenues en elle; il attendrait tout naturellement qu'elle sèche ses joues sur ses habits de prêtre, et qu'elle lève ses yeux vers lui. Alors, ils se reconnaitraient, et ils ne seraient plus jamais seuls.

Il se rendit soudain compte qu'il pensait déjà à Althéa comme une partie de lui-même. Cette pensée le bouleversa, et doucement, sans bruit, lui aussi s'abandonna aux larmes.

[Althéa]

Elle l’avait entendu se mettre à pleurer à son tour. Etranges instants où les larmes nous rassemblent. Elle resserra elle aussi son étreinte. Etrange petit prêtre, un pas au dessus des hommes mais si proche d’eux. Si proche d’elle …
Elle resta un long moment dans ses bras avant de se décider à le regarder. Ses joues étaient humides. Elle éclata de rire :

« Hé bien, nous avons tous les deux fière allure. Pour peu, on nous embaucherait pour nettoyer les sols. Allez, reprenons nous. Un peu d’air nous fera le plus grand bien. Tenez, et si nous retournions sur le toit de l’auberge où nous étions hier ? Nous y serions moins à l’étroit »

[Agrippa]

Très bien, allons-y.
Il n'était pas convaincu que l'air frais du soir lui ferait plus de bien que les bras d'Althéa autour de lui, et il avait presque envie de rester là, sans penser à rien, de faire durer cet instant aussi longtemps que possible.
Alors qu'ils s'étaient tous les deux levés, le clerc saisit le poignet de la Manostienne et porta sa main à ses lèvres, y déposant un baiser qu'il espérait le plus doux possible.

Althéa, profitons du peu de temps qu'il nous reste avant votre retour à Manost. Je ne veux pas perdre une seule minute loin de vous.
Et lorsque mes pas m'amèneront à Manost nous aurons, si vous le souhaitez, bien d'autres soirées au clair de lune sur les toits de la ville.

[Althéa]

Elle avait souri, manifestement rassurée. L’immobilité était la contrainte à laquelle elle se pliait le plus difficilement, surtout quand elle pouvait l’éviter. Certes, elle s’était sentie bien dans les bras du prêtre mais il y avait parfois mieux à faire que de garder l’autre dans ses bras de peur qu’il ne s’enfuie. A la longue, on finissait par se tenir chaud. Et rester dans le temple de la sagesse ne l’enchantait pas vraiment. Elle se sentait comme observée, jugée et toutes ses errances examinées à la loupe. Pourvu qu’Oghma ne parle pas à son disciple de tout cela … Il était dans son univers, elle n’était que son invitée faisant tout son possible pour se tenir bien. Ne pas faire entorse à l’étiquette. Et elle avait tant envie de bouger.

Il était donc temps de sortir prendre l’air, profiter de l’horizon. En même temps, elle voyait son compagnon encore sous le coup des émotions de la veille. Trop d’exercice et elle serait obligée de le ramener en le portant sur son dos. Mieux valait donc le ménager un peu. La taverne de la Bienveillance ferait très bien l’affaire. Surtout si … Elle interrompit brutalement sa pensée, le rouge aux joues. Non, surtout ne pas penser à ça. Ce serait trahir la mémoire d’Angelo. C’était encore trop tôt. Elle sourit pour masquer son trouble. .

« Alors, qu'attendons nous ? »

[Agrippa]

Il vit une lueur étrange passer dans les yeux de son amie, mais il ne s'en étonna pas. Qui pouvait bien savoir ce qui se passait sans la tête de la jeune femme, si fantasque et imprévisible?

Allons. La Bienveillance nous ira très bien. Je commence à avoir mes habitudes là-bas, je dois avouer que je m'y plaît énormément.

Après s'être assurés qu'Althéa n'avait oublié aucunes affaires derrière elle, ce qui n'aurait pas manqué de susciter la curiosité du bedeau qui n'en avait pas besoin, ils quittèrent le sanctuaire en direction de la Taverne de la Bienveillance.

[Agrippa]

Il s'affaira au santuaire, mais ses pensées étaient avec Althéa, qui était restée à la Taverne de la Bienveillance, en attendant le départ de son navire pour Manost.

Il se sentait complètement perdu, et les mots de ses fidèles glissaient sur son esprit sans prendre de sens. Tout cela le perturbait grandement, et il sentait le déséquilibre qu'avait créé en lui sa rencontre avec la jeune femme.
Les quelques heures qui lui restaient passèrent comme dans un mauvais cauchemar, où le temps ne s'écoule pas à la vitesse normale, mais où il donne au contraire l'impression de s'être figé sans espoir de reprendre son cours normal.

Enfin, vers 14 heures de l'après-midi, il sortit du sancutaire pour se rendre sur les docks, où l'attendait une scène de séparation qu'il espérait la plus courte possible.

[Agrippa]

L'ambassadeur avait parcouru le court chemin qui séparait le Palais présidentiel du sanctuaire, perdu dans ses pensées. Les projets dont il venait de discuter avec le Haut-Conseiller Dédalus lui paraissaient souhaitables, mais difficilement réalisables. Mais après tout personne ne lui avait promis un travail facile lorsqu'il avait accepté ce poste.

Son esprit monopolisé par les relations entre Luménis et Manost finit par emprunter une voix bien plus douce, celle de la femme qu'il avait laissée là-bas, sur Dorrandin, et qui devait certainement penser à lui en cette heure tardive.
Cette pensée lui rendit le sourire, et il se surprit à regarder les étoiles dans le ciel pur au-dessus de Luménis. Il songea que les livres qu'il lisait étant enfant parlaient de ces amoureux séparés contemplant les astres au même instant, réunis l'espace de quelques minutes par l'intermédiaire des lumières immortelles qui éclairaient leurs nuits.

Agrippa passa une nuit très calme, et dormit d'un sommeil profond.
A son réveil, il entama une méditation longue et sincère, afin de racheter le temps qu'il avait passé hors du sanctuaire. La faim qui le tenaillait et la fatigue toujours présente lui donnèrent la satisfaction d'être des adversaires coriaces rendant ses prières plus difficiles et d'autant plus sincères.

Après avoir expédié quelques affaires courantes concernant la gestion du temple avec le bedeau, il se plongea dans l'étude du projet de traité entre Manost et Luménis, lequel n'était encore qu'une ébauche théorique cachée dans un recoin de son esprit.

*************

C'est deux jours après son retour à Luménis qu'Agrippa décida d'aller se faire par lui-même une opinion sur les rumeurs concernant l'arrivée d'un contingent de réfugiés dans la cité de l'aube. Il rangea soigneusement ses manuscrits dans son coffre de travail, et sortit en direction du port de Luménis.

[Agrippa]

La faim d'Agrippa et de son hôte n'avait fait qu'augmenter durant le trajet depuis le quartier des taudis, aussi fut-ce avec une hâte peu commune qu'ils s'animèrent autour du réchaud à bois. Celui-ci était situé au centre de la pièce sobre et modeste qui servait de chambre au prêtre, séparée par une porte en bois du coeur du sanctuaire.

Des lentilles à la mode Aquafondienne... avec du lard fumé dans les règles Luméniennes. Vous ne regretterez pas le trajet, lança le prêtre qui ne paraissait pas moins fier de ses victuailles que des volumes enluminés qui constituaient l'essentiel de ses biens.

[Iluvatar]

Iluvatar, heureux d'être tomber sur un clerc aussi dévoué et attentionné se mit à table, observant silencieusement le repas apêtissant.

Je dois avouer que tous ceci paraît succulent, merci cher hôte de cet accueil fort sympathique.

Iluvatar regarda respectueusement les plats préparés puis posa son regard sur Agrippa se fendant d'un sourire bienveillant.

[Agrippa]

Le paladin était encore énigmatique aux yeux du clerc. Tant de bons sentiments affichés, cela ne constituait pas une originalité pour qui se réclamait de la vertu et de la justice. Mais le souhait d'être près des petits et des obscurs, cela ne ressemblait pas aux paladins qu'Agrippa avait déjà rencontrés.
La pénombre des quartiers populaires et la monotonie de la misère quotidienne ne se prêtaient guère aux actions d'éclat si prisées par les ordres dont faisait partie Iluvatar, et l'on attendait avant tout de lui qu'il soit le bras armé de son Dieu.

Vous êtes une bien étrange personne dit le prêtre après que son hôte eut fini son assiette en silence.
:notme:
Ca fait des mois qu'il fallait que je la sorte, celle-là

[Iluvatar]

Ca fait des mois que tu me trouves bizarre? XD

Iluvatar mangeait silencieusement et se régalait de la moindre bouchée qu'il pouvait avaler. Le repas se déroula dans un silence totale car les deux hommes avait de reprendre des forces. La faim qui tiraillait le ventre d'Iluvatar au début s'était très vite éteinte pour laisser place à un sentiment de gaieté désormais. Tout était silencieux jusqu'à ce qu'Agrippa lui adresse à nouveau la parole.

Si je suis bizarre? Oui c'est possible, j'ai tellement vécu d'épreuves difficiles et de situations diverses que je suis "peu commun" si je puis me permettre. A vrai dire les paladins ont toujours vécu dans un certain luxe, mais ce que je n'ai jamais oublié, c'est que à un certain moment j'ai vécu comme les personnes que nous avons croisé aux taudis, je sais donc ce qu'elles peuvent ressentir et mon statut de paladin me permet de m'investir encore plus dans ce que j'accomplis. Parlez moi un peu de vous? Vous faîtes quoi exactement? Vous voyagez beaucoup?...

Iluvatar posa ses coudes sur la table et se joignit les mains tout en posant son menton sur ce nouveau support...

[Agrippa]

Je suis effectivement le plus souvent absent de Luménis. Bien que ce qui me tienne le plus à coeur ce trouve ici-même, ajouta-t-il en désignant d'un geste circulaire les murs du sanctuaire. J'ai été appelé à servir Luménis d'une façon différente de celle à laquelle je me destinais en premier lieu. Je ne suis Luménien que d'adoption, étant né sur les rives de l'autre côté de la Grande mer, à Eauprofonde.

En arrivant ici, je m'étais à l'époque juré d'y fonder un nouveau foyer pour ma foi et mon dieu, et c'est ce que j'ai fait. Mais un concours de circonstances m'a conduit à de fréquents voyages... je suis diplomate, voyez-vous. Au service de notre belle ville de lumière.

[Iluvatar]

Je vois, je vois. Je trouve cet endroit simple mais plaisant, juste comme il faut.

Iluvatar se tut un instant puis reprit la parole.

Diplomate donc? Je vois que vous avez l'habitude de parler avec les gens. Vous êtes certainement apaisant. Je m'efforce d'éviter de donner mon point de vue sur les personnes, et de garder un regard objectif sur le monde, il m'arrive parfois de faillir, mais je finis par m'en rendre compte. Surtout ne prenez pas mal ce qui peut vous paraître dérangeant, j'ai parfois tendance à parler trop vite sans repenser à ce que j'ai dit et en aucun cas je ne cherche l'hostilité, encore moins de mes hôtes.

[Agrippa]

[Quête : L'invasion des Ombres]

Le clerc allait répondre lorsqu'un clameur sourde se fit entendre à l'extérieur du temple, telle qu'une foule seule peut en produire. Peu habitué à ce genre d'agitation depuis son installation à Luménis, Agrippa sortit avec son hôte sur le perron du sanctuaire, et put constater que le plus grand désordre régnait dans les rues.

Les habitants habituellement si calmes et posés courraient en tous sens; les plus aisés d'entre eux ressemblaient à des bêtes traquées, comme sous la menace d'une attaque imminente. La présence insolites de quelques vagabonds, peu fréquents dans le quartier nord, attira particulièrement l'attention d'Agrippa, lequel saisit son compagnon par le bras pour attirer son attention.

Il se passe quelque chose de grave, Messire. De ma vie je n'ai vu une telle panique. Venez, essayons de nous renseigner. Les deux hommes s'élancèrent vers un petit groupe de personnes aux regards apeurés, blottis sous un porche à quelques maisons du sanctuaire.

Que se passe-t-il? Où courrent donc tous ces gens? commença le prêtre.
Le visage des Luméniens qui l'entendirent dénota la plus grande incrédulité. Ce fut une femme d'une quarantaine d'année, une petite fille dans les bras, qui répondit sur le ton de la rage.

Comment? Vous ne savez pas? Ces démons Mélandiens, ce Morfea... Nvalk, Nvolk, ou quelque soit son nom maudit... Ils tentent de prendre contrôle de la ville... Les gardes se font massacrer. Ils vont tous nous voler, nous tuer! Ma maison brulait lorsque j'ai quitté le quartier ouest.

Agrippa fut comme frappé par la foudre en entendant ces nouvelles. Les réfugiés qu'ils étaient allés visité, le paladin et lui, plus tôt dans la journée? Comment avaient-ils pu créer une telle agitation? Un coup d'Etat paraissait improbable, mais pas complétement à exclure. Vite, il fallait agir.

Venez, suivez-moi. Je peux vous offrir l'asile au sein de mon temple. Dénéir vous accueillera bien volontiers, le temps que les choses rentrent dans l'ordre.
Devenus des réfugiés dans leur propre ville, les malheureux acceptèrent l'offre qui leur était faite, et s'installèrent dans le sanctuaire.
Cela fait, Agrippa rassembla les quelques effets nécessaires au trajet qu'il allait entreprendre; sa masse d'arme, quelques potions, des pièces d'or, la lettre officielle certifiant son statut de diplomate, et enfin son manteau de voyage doublé, s'il devait dormir au Palais. Car c'était bien là le lieu où il devait se rendre au plus vite.

Me suivrez-vous au Palais présidentiel, messire, ou allez-vous vous présenter au quartier général de votre ordre? Je sais que Lathandre a besoin de vous plus que jamais en ce jour; mais si nous joignons nos forces, nous aurons peut-être plus de chance d'influer sur le cours des évènements...

[Iluvatar]

[Quête : L'invasion des Ombres]

C'est en délivrant Luménis avec vous du mal que je servirais le mieux Lathandre. Nous partons quand vous le voulez, je n'ai aucune affaire particulière à prendre.

Iluvatar regarda Agrippa d'un air serein et détendu, il retrouvait enfin un compagnon pour une nouvelle aventure. Il lui sourit, puis sortit son épée quelques instants, il passa un coup de chiffon, puis il la remit dans son étui.

Je suis paré.

Ni une ni deux, les deux compagnons d'armes se mirent en route allant ainsi vers le Palais présidentiel