[Quête] Rapports diplomatiques: Une masure isolée

[Lothringen]

Quête: Rapports diplomatiques

"Oh, je doute qu'on puisse parvenir au conseil de Melandis sans avoir quelques hauts crimes à ses basques... Mais il semblerait qu'on n'en ait pas chez vous tout à fait la même définition qu'à Manost", acheva-t-il sur un sourire entendu.

"En dépit des rapports copieux que je reçois régulièrement sur leur compte, je ne sais rien sur Echtelion et DeVir qui soit susceptible de les compromettre aux yeux de leurs collègues, désolé. En même temps, il n'y aura pas de raison pour qu'ils se sentent solidaires des deux autres."

Il prit le temps de réfléchir un moment. Mornagest avait raison, pour ce qu'il voulait faire, il allait avoir besoin d'alliés au sein du Conseil. Ce qui ne lui laissait guère le choix...

"Que ce soit par dégoût de la manoeuvre ou par lassitude du pouvoir, Echtelion ne t'aidera pas. Mais il restera sans doute neutre. Ce qui ne te laisse pas d'autre allié possible que Beorn DeVir. Dans des intrigues de ce genre, il serait comme un poisson dans l'eau. Un atout décisif, dirais-je même.
Aurait-il le moindre intérêt à agir contre Seina ? Peut-être en tant que grand-prêtre de Talos, pour autant qu'il s'en soucie vraiment. Peut-être pour mettre un homme de paille à sa place... Oui, sans doute. Pas que ça me plaise... Cet homme est trop retors pour toi."

Il regarda bien en face son compagnon.

"Réfléchis bien avant d'avoir recours au drow. Quand tu seras entré dans ses filets, Mornagest, il ne te lâchera pas de sitôt."

Il se tut alors, guettant la réaction de son compagnon. Tout dépendait de ce que ce dernier était prêt à faire. S'il ne cherchait qu'à écarter Seina, ce serait relativement simple, compte tenu des révélations que Lothringen venait de lui faire. Faire tomber Walar ou même le menacer serait un peu plus délicat, et demandait au semi-drow une plus grande prise de risque. Mais en avaient-ils besoin? Combien de personnes pesaient réellement contre l'ambassadeur, au Conseil de Melandis?

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Il hochait la tête, à mesure que Lothringen lui donnait ses impressions. Cela correspondait à l'image qu'il s'était fait des conseillers, même s'il n'avait encore jamais rencontré Nathiel. Quant au semi-drow, il ne l'avait croisé qu'un bref instant, sans pouvoir se faire d'autres idées que les classiques préjugés sur ceux de sa race... et, avec Lothringen, il se rendait parfaitement compte qu'il ne s'agissait là que de préjugés.

Mais l'homme était à la tête de Melandis, général des armées et grand prêtre de Talos... non des moindres. Le faire tomber serait pour ainsi dire impossible... et probablement inutile. Qu'avait-il comme importance aux yeux de Beorn Devir ?

Seina tomberait sans doute le plus facilement. Il avait déjà entendu parler de son instabilité, et, accablé par ces accusations, il serait contraint de quitter le Conseil, sous peine de subir le courroux de ses autres membres. Du moins, Mornagest l'espérait-il...

Quant à Walar... un vampire sournois, cruel, énigmatique et très dangereux. L'écarter serait très difficile, mais peut-être pourrait-il prendre un peu de "recul" ? Accepterait-il de se démettre d'une partie de ses fonctions ?

Le mélandien fit part de ses réflexions à son compagnon, ajoutant ensuite :

"Rien ne dit qu'ils me laisseront vivre. N'importe lequel d'entre eux est facilement capable de m'occire en combat."

[Lothringen]

Quête: Rapports diplomatiques

"C'est bien pour ça que cette fois-ci tu ne te battras pas. Le mieux serait même qu'ils continuent d'ignorer que tu es pour quoi que ce soit dans l'affaire. Si tu es suffisamment prudent pour laisser un autre plus puissant que toi monter au créneau et lancer les accusations à ta place, ce n'est pas infaisable.

Quant à Walar..."

Le semi-drow ferma les yeux quelques temps. Ce n'étaient pas de très bons souvenirs...

"Si tu peux éviter d'avoir affaire à lui de près ou de loin, c'est le mieux que tu puisses faire. Car c'est, de loin, le plus dangereux de tous. Mais si jamais il s'avisait de voir en toi l'un des pions de ses collègues, il pourrait..."

A la seule idée que Walar pourrait faire tuer son compagnon, Lothringen étouffa un gémissement. Pourquoi fallait-il que Mornagest retourne là-bas?

"Ecoute... En enquêtant sur les commanditaires du meurtre de Banshee, c'est le vampire que nous avons trouvé, tout au bout de la chaîne. Mais j'en ai appris davantage. J'ai acquis aussi quelques certitudes dont je n'ai jamais fait part ni à la nouvelle chef de guilde, ni à Folken, ni à Ravestha, ni à qui que ce soit.

C'est qu'il y a là de quoi déclencher une guerre entre Manost et Melandis, alors... Garde cette information pour le jour où tu seras vraiment aux abois. Qui sait, il y a du monde à faire chanter avec ça, et Walar pourrait bien être obligé de renoncer au Conseil, pour peu que vous n'ayez pas envie de cet affrontement. "

Lothringen reprit sa respiration. Il était en train de commettre une folie, et il doutait que qui que ce soit au monde puisse la comprendre. Il allait répéter à un mélandien ce qu'il n'avait pas voulu dire à ses propres alliés. Et tout cela pour quoi? Parce qu'il l'aimait?

Les informations qu'il était en train de donner à Mornagest, bien exploitées, pourraient agir comme des bombes à retardement. Mais qu'est-ce qui était le plus important à ses yeux: la paix? La vengeance des autres? Ou bien la liberté de son compagnon? Cette dernière, sans aucun doute.

"Peut-être sais-tu que le Conseil de Manost était décimé, à mon arrivée. L'un de mes prédécesseurs s'appelait Egrevyn Berrak; c'était un ami personnel du Grand Emissaire. Il est mort à Melandis, à peu près à la même époque que Banshee. Et c'est Walar qui l'a tué... En personne."

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Si les premières révélations de Lothringen lui avaient causé un choc, celles-ci dépassaient tout entendement. Le mélandien retint sa respiration, incapable de prononcer un seul mot. Walar, l'assassin de Berrak, commanditaire de la mort de Banshee Sangdelune... devait-il encore recevoir d'autres informations aussi capitales ? C'était presque trop pour lui, même s'il ne parlerait qu'en cas d'absolue nécessité. La torture ne l'effrayait pas... sauf la torture mentale, mais qui pourrait savoir quelle cible il faudrait viser pour l'atteindre, lui ?

Avec tout cela, Lothringen avait largement de quoi déclencher une guerre sans merci entre les deux cités. Or, ils venaient de conclure un accord comercial visant justement à apaiser les tensions... tout briser en une phrase malheureuse ne serait de l'intérêt d'aucun des deux diplomates. D'autant que le semi-drow faisait montre d'une confiance pratiquement aveugle à son compagnon, pour oser lui faire part de tels secrets. Et il savait pourquoi il le faisait. Pour lui sauver la mise, une fois de retour à Melandis.

Au bout d'un long moment, Mornagest reprit enfin la parole, sur un ton grave :

"Je garderai ceci pour moi, je te le promets. Je trouverai un moyen de faire pression sur certains membres du Conseil, afin de pouvoir me permettre de voyager où bon me semble, sans être lié à eux par une laisse."

Au fond de lui-même, il ne souhaitait que cela. La liberté. Il devait se battre pour l'obtenir ; la fuite ne lui serait d'aucune utilité. Ils le traqueraient, l'emprisonneraient, et lui feraient subir mille tourments, tandis qu'ils se trouveraient un nouvel ambassadeur plus docile...

[Lothringen]

Quête: Rapports diplomatiques

Lothringen sourit faiblement. S’il était rassuré de voir que Mornagest savait garder la tête froide, restreindre ses ambitions et ne pas perdre de vue son désir de le revoir, il doutait davantage de le voir parvenir à ses fins aisément. Mais le manostien lui avait déjà dit l’essentiel : laisser un autre plus puissant s’exposer à sa place. Ne jamais agir en personne. Prendre toutes les précautions nécessaires. Mornagest était manifestement tout à fait conscient du degré de dangerosité des informations que Lothringen venait de lui donner ; se répéter ne changerait rien à l’affaire. Puisqu’il avait fait suffisamment confiance au guerrier pour lui donner le moyen de lui faire perdre la confiance du Conseil et de déclencher une guerre, il n’avait plus qu’à aller jusqu’au bout, et accepter que la suite des événements lui échappe tout à fait. Et même, tandis qu’il songeait à ce qu’il pourrait se passer lorsque Mornagest retournerait à Melandis, Lothringen appréhendait davantage pour ce dernier que pour lui-même.

Il lui faisait donc confiance ? Lui livrait des secrets d’état assez lourds pour mettre leurs deux nations à feu et à sang, pour se perdre … et pour le perdre ? Mais quelle folie, quel acte insensé… !
Ou bien, oui, quel pari. Car, en cas de succès, il pouvait parvenir à se débarrasser de deux des conseillers les plus nuisibles de Melandis, tout en laissant mine de rien s’accomplir quelques vieilles vengeances qui attendaient encore leur heure… Ce n’était pas pour cela qu’il avait parlé, et il ne prétendait pas non plus se servir de l’ambassadeur comme d’un outil. Mornagest demeurait libre de ses actes. Mais on ne pouvait oublier tout à fait cet aspect des choses...

Et maintenant qu’il avait tout donné, que lui restait-il sinon l’inquiétude et le doute…

Lothringen se sentait désormais rattraper par le trouble diffus qu’il avait ressenti dans les mois qui avaient suivi sa conversion, cette impression de lâcher prise, de ne plus sentir le sol sous ses pieds, et de ne plus même reconnaître la lumière éblouissante autour de soi. Chute ou plein vol ? Aucun repère. Et en même temps, l'ivresse. Car il n’en ressentait pas de regret, assuré qu’il était d’avoir fait le meilleur choix, le seul choix possible. Sa cause était la meilleure qui puisse être, la seule qui puisse valoir de pareils sacrifices...

Songeant à tout cela Lothringen dévisageait son compagnon dans la pénombre. Il n’aborderait plus ce sujet. Fallait-il que leur dernière soirée se passe en politique… Il préférait détailler les traits du guerrier, se moquant bien de l’obscurité grandissante. Combien de mois avant de nous revoir… Je veux me souvenir de tout. Porterons-nous alors l’un sur l’autre le même regard qu’à présent ?

Après un long moment, Lothringen se releva pour aller chercher ses vêtements encore humides qui avaient à peine eu le temps de sécher près du feu. Une fois rhabillé, il s’empara de son arc, décidé à trouver un peu de gibier. Ils n’avaient pas dîné la veille, et ils faisaient un peu trop d’exercice pour pouvoir se permettre de sauter un repas sur deux.

Mornagest n’avait pas bougé. Lothringen se contenta d’effleurer sa nuque en passant. En dépit de ce qu'il disait, le guerrier n'avait jamais porté de collier ni de laisse, ni connu l'esclavage. Puisse-t-il ne jamais apprendre le sens réel de ces mots-là.

« Sois prudent. »

Un conseil qui valait tous les autres.

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Il aurait voulu pouvoir trouver la force de se lever, et de partir avec son compagnon afin de débusquer de la viande pour ce soir. Mais le choc avait été rude, et il en accusait lentement le coup. Réaliser tout ce que cela impliquait. Imaginer les conséquences d'une erreur, même minuscule. Réfléchir afin de les éviter. Craindre, aussi... tout cela lui mettait la cervelle en compote, mais qu'aurait-il pu faire d'autre ? Oublier tout, faire comme si de rien n'était ? Littéralement impossible.

Parallèlement, le guerrier en voulait à Lothringen. De façon intangible, indicible. Pourquoi ? Pourquoi lui avait-il révélé cela, maintenant ? N'aurait-il pas pu mieux choisir son moment, leur laisser une dernière nuit de repos tranquille avant de subir une inéluctable séparation ? Craignait-il tant que cela que Mornagest ne lui revînt jamais ?

Mais à quoi bon lui dire cela ? Il savait que ses crises de colère passaient vite. Restait à apprendre à ne pas agir pendant qu'elles avaient lieu. Des paroles prononcées en ces moments étaient souvent regrettées, il en avait lui-même fait la cruelle expérience avec Lothringen, sans que cela porte heureusement à conséquence.

Non, il ne devait pas reculer. Il savait, désormais, et devait faire le maximum pour utiliser ces révélations à bon escient. Qui sait ? Peut-être en reviendrait-il vivant, et libre... peut-être reverrait-il le semi-drow en des jours meilleurs que ceux qui se tramaient sombrement dans son avenir proche ? Il se surprit à l'espérer. Finalement, à quoi bon sombrer dans la mélancolie ? Il venait de passer quelques jours bouleversants. Auguraient-ils un renouveau plus profond encore ? Ou était-ce simplement une expérience de plus, ces expériences qui, en s'accumulant, devenaient la vie ? Il préférait opter pour la première possibilité. Car elle incluait pour lui de pouvoir vivre sans se soucier de qui le commanderait. Et il était prêt à tout pour cela.

[Lothringen]

Quête: Rapports diplomatiques

Lothringen ne tarda pas à comprendre qu'il ne trouverait pas l'énergie de se mettre à l'affût le temps qu'un animal se manifeste sur sa route. C'est pourquoi il préféra repérer quelques terriers aux environs du vallon et bricoler des collets qu'il déposa à leur entrée. Après en avoir installé cinq ou six, il revint au premier, marchant sans le savoir sur sa seconde issue, qui s'effondra. Affolée, une lapine pleine se précipita vers l'autre sortie, pour venir s'étrangler seule au noeud coulant. Lothringen l'acheva rapidement, avant de la suspendre à sa ceinture. Après avoir au cours de sa tournée relevé un second collet heureusement chargé, il décida de retourner au camp.

Il appréciait toujours la chasse. Cela l'empêchait de penser à autre chose.

A voir la mine assombrie que faisait Mornagest à son retour, ce dernier aurait été bien inspiré de l'imiter. Lothringen le laissa à ses pensées, le temps de préparer ses prises et de les faire rôtir. Suivit un long silence mastiquatoire...

Mornagest lui en voulait, évidemment. Lothringen venait de lui remettre son destin entre les mains; quel cadeau empoisonné! Il aurait été tellement plus confortable pour lui d'attendre passivement que le futur ou le conseil décident à sa place... Au moins cela vous épargnait-il d'avoir à endosser la responsabilité de votre propre malheur.

Mais le semi-drow savait bien que Mornagest tenait, comme lui-même, à sa liberté plus que tout. Le moment venu, il saurait faire le nécessaire.
Fallait-il pour autant que ces appréhensions leurs gâchent leurs derniers moments?
Sur la fin du repas, Lothringen releva les yeux vers son compagnon. Un peu triste. Un brin agacé.

"Souhaites-tu vraiment passer la soirée en concours de grises mines?"

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Il releva tristement la tête, puis, comprenant petit à petit le sens des paroles de Lothringen, il sourit, d'abord faiblement, puis plus franchement ensuite.

"Non. Tu as raison. Je suis idiot, mais je n'arrive pas à penser à autre chose..."

Il se leva, puis alla s'asseoir en face du semi-drow. Mille pensées le traversaient à nouveau, mille sentiments contradictoires - colère, affection, haine, amour, désespoir, renaissance. Tout ce par quoi il était passé depuis quelques jours, alors qu'il avait l'habitude d'être enfoui sous une épaisse couche de mélancolie indéfectible. Tant de changements, tant de bousculades dans son esprit ravagé. Pourrait-il se relever, même avec l'aide de son compagnon ?

"Encore des interrogations", pensa-t-il en se morigénant. Il chassa ces réflexions stériles de sa tête, puis regarda Lothringen dans les yeux. Ces yeux sombres, teintés de mélancolie, eux aussi. La perspective de leur prochaine séparation, probablement, mais aussi, ce qui risquait d'enn découler. Serait-ce la dernière nuit qu'ils passeraient en paix ? Il ne voulait pas y croire, mais, comme le suggérait le semi-drow, en profiter.

Il posa simplement sa main sur l'épaule, puis passa doucement ses doigts sur la joue gauche de son compagnon. Il avait besoin de sa présence. A quel point ? Il l'ignorait. Sa récente expérience - la veille seulement ! - l'avait laissé mitigé, envieux mais apeuré de recommencer...

[Lothringen]

Quête: Rapports diplomatiques

Les mêmes, au même endroit, le lendemain : ils savaient où cela conduisait. Entre eux bien des choses avaient évolué, pourtant, et Lothringen ne se trouvait pas tout à fait dans les mêmes dispositions que la veille. A cause de la fatigue, d’abord, accumulée jour après jour, de la longue marche au milieu des ronces, de la noyade encore récente. A cause aussi de l’incident qui l’avait conduit durant la nuit passée à repousser Mornagest, et qui lui avait fait perdre de son assurance. Si cela venait à se reproduire ? Si son compagnon découvrait avec le temps qu’il souhaitait la même chose que lui, et que ses propres angoisses allaient le frustrer, encore et encore, jusqu’à ce que le seul souvenir de son maître réussisse à les séparer ?

Si le temps avait pu jouer en leur faveur, alors Lothringen aurait probablement préféré s’abstenir, ce soir-là, et tenter plutôt d’apaiser les craintes du guerrier concernant son retour à Melandis. Mais depuis le lever du soleil le semi-drow ne cessait de penser à la séparation prochaine, au jour plus qu’incertain de leurs éventuelles retrouvailles. Même s’il voulait croire aux promesses et à l’ingéniosité de Mornagest, il ne pouvait s’ôter de l’esprit qu’il n’y aurait peut-être pas de prochaine fois. Tant d’imprévu sur leurs routes. La mauvaise conscience cédait devant la certitude qu’il s’agissait là de l’ultime occasion ; la conscience de l’urgence exhaussait le désir. S’aimer tandis qu’ils le pouvaient encore.

Lothringen saisit la taille de son compagnon pour la presser doucement contre lui, et pour toute réponse l’embrassa. Lentement. Profondément. Douloureusement.
Pendant ce temps, son regard se perdait dans le vague.

Je n’ai pas tout à fait autant d’entrain qu’hier, je commence à douter où j’en suis avec toi, et me taraude la peur de ne plus rien maîtriser de la suite. Mais si ce doit être maintenant ou jamais, alors, c’est sûr, ce sera maintenant.

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Il avait fermé les yeux au contact des lèvres de Lothringen sur les siennes. Savouré la douceur de sa peau. Frémi lorsque, lentement, leurs langues s'entremêlaient, chacune essayant en vain d'agripper l'autre. Son coeur battait plus vite, sa respiration se fit plus profonde. Il posa ses mains sur les épaules de son compagnon, l'attirant contre lui pendant cette étreinte, qu'il voulait faire durer, dont il voulait profiter.

Mais ils s'arrêtèrent malgré tout. Les meilleures choses avaient une fin... Mornagest ouvrit les yeux et regarda le semi-drow, d'un air qui se voulait enjoué. Mais sa voix était empreinte de tristesse et de gêne, lorsqu'il lui sussurra :

"Je... je ne sais si c'est une bonne idée... d'aller plus loin... ce soir." Sa voix se brisa sur ces derniers mots, et il baissa les yeux, regrettant presque immédiatement ses paroles. Pourtant, il devait les prononcer. Car il ne se sentait pas prêt à cela. Il avait forcé les choses, la veille, et il s'en était rendu compte. Là, la crainte l'avait de nouveau envahi. Il avait encore du chemin à parcourir...

"Ce ne sera pas notre dernière nuit. J'en suis convaincu."

Il cherchait probablement à se rassurer lui-même. Pourtant, il croyait sincèrement ce qu'il disait. Il devait rentrer à Melandis, par nécessité, mais aussi par envie. Il aimait cette ville, non parce que le Conseil le muselait, mais parce qu'il s'y sentait chez lui. Ici, malgré la nature qui l'entourait, il était un étranger, et il l'avait senti depuis son arrivée à Manost, jusqu'à leur plongeon dans le lagon, deux heures auparavant.

Mais il reviendrait. Son coeur était divisé en deux, mais il ne pourrait se résoudre à abandonner une seule des deux parties. Sans quoi, la mort l'attendrait. Une mort bien pire que les souffrances physiques qu'il avait pu éprouver jusqu'ici. La mort de l'âme. Il serait un monstre sans émotions, redevenu la bête cruelle qu'il fut autrefois, qu'il avait ardemment combattu depuis son exil jusqu'à la Cité du Chaos. Il ne pourrait s'en relever une seconde fois.

"Ne pouvons-nous pas... simplement rester l'un contre l'autre ?". Il se sentait à nouveau cette apparence de jeune fille. Il ressentait probablement le même genre de peur, face à ces contacts inconnus.

[Lothringen]

Quête: Rapports diplomatiques

Lothringen avait laissé parler le guerrier, sans laisser rien transparaître de ses émotions. En entendant sa dernière question, il haussa cependant un sourcil.

"Non, nous ne pouvons pas, prononça-t-il d'une voix grave. Je suis le méchant drow, et j'ai très faim."

A la mine stupéfaite de Mornagest, il grimaça un sourire d'excuse. Mauvaise plaisanterie, et au mauvais moment. Mais c'était à peu près ce que lui inspiraient les balbutiements et le regard fuyant de son compagnon. Alors, comme cela, on avait peur de lui? Le semi-drow avait l'impression d'être pris pour une brute, un obsédé ou un satyre. Le beau rôle. Sur le moment, il en oubliait même qu'il était de mauvaise foi, et que quelques instants plus tôt, c'était lui-même qui se forçait.

Avec cela qu'il ne croyait plus en leurs retrouvailles, comme si cet échec était le signe très sûr de ce que Mornagest finirait par ne garder de lui que ce souvenir embarrassant qui lui faisait monter le sang au visage. Certains soirs, Lothringen maudissait l'infravision.

Mais il fallait en finir avec ce silence, et il haussa les épaules. "Comme tu voudras."

Lothringen se recoucha dans l'herbe, près de Mornagest. Si près. A des plans de là.

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Il se sentait stupide, mais se coucha près du semi-drow. Contre lui. Un coude au sol, la tempe gauche dans la main, il le regardait sans mot dire, un sentiment de gêne l'envahissant désagréablement. Lui en voulait-il de refuser de passer une dernière nuit mouvementée avec lui ? Il l'ignorait. Mais il ne le pouvait. Pas maintenant. C'est ce qu'il essaya d'expliquer à Lothringen, maladroitement. Se justifier... vaine tentative, d'ailleurs.

"Je ne suis pas... je ne me sens pas prêt." Voilà, c'était dit. Avait-il ressenti du dégoût, la veille ? Nullement. A vrai dire, il avait aimé leur contact, leurs ébats. Même s'il avait dû faire un gros effort pour accepter... et il ne se sentait plus la force de le réitérer ce soir. Mentalement, comme physiquement, il était épuisé. Il aurait voulu dormir une semaine sans interruption, et se réveiller libre. Libre... s'il revoyait un jour son compagnon, c'est ainsi qu'il pourrait se définir. A moins bien sûr que Lothringen ne contemplât que son cadavre... auquel cas il aurait également recouvert sa liberté. Le prix était cependant cher. Et il pourrait toujours recourir à cette dernière extrémité, pour le cas où les choses tourneraient vraiment trop mal, à son retour.

Un long silence s'était établi entre les deux hommes, et Mornagest ne savait comment le briser. Ni s'il devait le faire.

[Lothringen]

Quête: Rapports diplomatiques

Lothringen, qui s'était mis à fixer le ciel avec obstination, cligna soudain des yeux en entendant l'explication de Mornagest. Il avait d'abord supposé que ce dernier était tout simplement fatigué, trop fatigué pour avoir envie, mais cet aveu lui prouvait que le problème était plus profond, autant, peut-être, que la boule qui commençait de se former dans le fond de sa gorge. Pas prêt?! Il lui fallut quelques temps pour mettre des mots sur sa pensée.

"Alors tu ne l'étais pas non plus hier. Alors tu t'es forcé, tu m'as menti... et nous n'avons rien partagé."

Il dut s'empresser de se mordre les lèvres, pour les empêcher de trembler. Au-dessus, les étoiles entamaient une sarabande corruscante, comme pour se moquer de lui.

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Mornagest fronça les sourcils.

"Si... ce n'est pas ce que je voulais te dire."

Comment expliquer l'inexpliquable ? Qu'il ne savait pourquoi il ne voulait pas faire l'amour avec Lothringen ? La tristesse guidait-elle ses pensées ? La peur ? La fatigue ? Il n'en savait rien, et cela l'enfonçait davantage dans la mélancolie. Il refusait ses derniers instants à son compagnon... cruelle torture.

"Je ne t'ai pas menti. Hier... c'était différent. Ce soir, je suis... je me sens mal. Je n'ai pas le coeur à cela. Est-ce si difficile à comprendre ?"

Lui-même ne s'expliquait pas clairement, nulle surprise à ce que Lothringen ait mal interprêté ses paroles. Confusion... cela ne le menerait pas loin, s'il persistait dans cette voie.

[Lothringen]

Quête: Rapports diplomatiques

"Non. Quand c'est dit clairement."

Lothringen se retourna sur le côté, pour pouvoir dévisager Mornagest. Il n'avait pas envie d'épiloguer sur ce refus, vu le tour que prenait la discussion, entre dialogue de sourds et vexations réciproques. S'ils ne changeaient pas de sujet, ils feraient aussi bien de s'endormir tout de suite.

D'un air distrait, il alla chercher la main droite de son compagnon, mêlant ses doigts aux siens.

"Tu te sens mal?..."

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Encore une qualité qu'il appréciait grandement chez son compagnon. Cette faculté de changer rapidement de sujet, lorsque c'était nécessaire... et c'était le cas. Il n'avait pas envie de s'étendre davantage sur la situation. Qu'en dire ? Cependant, Lothringen avait bien saisi son trouble... mais il ne lui apprendrait pas grand-chose de plus en lui révélant ce qui le chagrinait.

"Comme avant de quitter mon compagnon", dit-il en grimaçant un sourire sans joie. "Je reviendrai, mais j'ignore quand... c'est cela qui m'effraie, plus que la peur d'un échec. Je crains mon retour à Melandis, mais je pense qu'il ne sera que temporaire. Et bénéfique."

Il serrait doucement les doigts de Lothringen entre les siens.

[Lothringen]

Quête: Rapports diplomatiques

Revenir? A supposer que Mornagest parvienne à ses fins - et il n'était permis d'envisager autre chose - où et quand qu'ils se retrouvent, ce ne serait sans doute ni ici, ni bientôt. Lothringen s'efforçait de se projeter à son tour dans l'avenir. Il n'avait pas d'interrogations de la taille de celles de son compagnon, mais il était loin de baigner dans la luminosité éblouissante de la voie droite.

"Que je trouve Eloern ou non, je ne rentrerai pas tout de suite à Manost. Toujours cette affaire d'émeute, cela ne fait que quelques jours... Je passerai d'abord à Graëlon, histoire de secouer un peu les autorités sur le délicat sujet des elfes de cuivre. Puis je ferai sans doute aussi un séjour à Aghoralis, pour les accords que tu connais.

Quand j'en aurai fini avec la série des corvées, je pourrai enfin revenir en ville... et il n'est pas dit que j'en reparte tout à fait quand je veux. Vu les effectifs du Conseil ces derniers temps, nous sommes obligés de nous relayer pour ne pas laisser la cité sans dirigeant.

Cela dit, je n'ai pas de fil à la patte, moi, et je ne rends de comptes à personne... Plutôt que d'attendre que tu puisses te lancer dans de longs voyages transcontinentaux, je pourrais venir te chercher à Melandis, à l'occasion. A moins que cela ne t'embarrasse?"

C'était une vraie question, dont il n'était d'ailleurs pas du tout certain de connaître la réponse. Voir Mornagest dans son milieu naturel risquait d'être un choc assez difficilement soutenable. D'un autre côté, il fallait bien avouer que c'était ce qu'il y avait de plus simple; Lothringen était un des rares mages de Dorrandin à pouvoir incanter des téléportations, et on aurait vraiment tort de ne pas en abuser.

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Mornagest avait fermé les yeux. Ecouté parler Lothringen, sans l'interrompre. Il avait une soudaine envie de dormir, d'oublier tout cela... mais le réveil serait aussi cruel que le moment présent, et leur séparation, plus proche encore.

"M'embarrasser ? Pas le moins du monde. Quelle idée ?" Il ouvrit les yeux en regardant son compagnon d'un oeil intrigué. Pensait-il vraiment ce qu'il venait de lui demander ? "Au contraire. Tu as raison. Je pourrai probablement voyager moins facilement que toi, dans les semaines à venir... le temps que toute cette affaire soit réglée. Et... ensemble, nous pourrions sans doute mieux gérer les... réactions de nos cibles."

Il se força à nouveau à sourire. Seina, et surtout, Walar, ne se laisseraient pas écarter facilement. Ils avaient une petite idée, mais si elle venait à échouer, il faudrait aviser. Or, en matière de politique, Mornagest n'en menait certes pas large... Non, vraiment, pourquoi cela l'aurait-il embarrassé ?

[Lothringen]

Quête : rapports diplomatiques

Tiens, on dirait bien que sa question avait surpris. Mais c'était que Lothringen essayait de se mettre à la place de Mornagest, et qu'à sa place, il n'aurait pas forcément apprécié de voir le guerrier faire irruption dans son quotidien sans prévenir. Si heureux qu'il soit au fond de le revoir...

Mais Mornagest songeait visiblement, avant toute autre chose, à la difficultés des luttes politiques dans lesquelles il s'engageait, doutant de pouvoir s'en sortir seul. Preuve d'une certaine sagesse... Le semi-drow appréhendait moins ce moment, ayant eu davantage de temps pour se familiariser avec les arcanes du pouvoir. Moins qu'un vampire ou un demi-céleste multicentenaires, cela dit... Il était prêt cependant à relever le défi et à régler ses comptes: et ce fut un sourire beaucoup moins forcé et très peu bienveillant qui se dessina sur ses lèvres, à la pensée d'en découdre à nouveau.

"Je ferai de mon mieux pour pouvoir intervenir rapidement, mais comme je t'ai dit, il faut compter avec un temps de latence de plusieurs semaines... qui évitera du reste qu'on ne fasse trop facilement le rapprochement avec ton séjour hors les murs."

Il observa Mornagest qui, les yeux clos, semblait sur le point de s'endormir.

"Dors, si tu veux. Je surveille les cauchemars."


Quant à lui, comme la veille, il était bien probable qu'il ne dormirait quasiment pas.

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

La fatigue lui montait au cerveau, depuis plusieurs heures déjà. Il était exténué, et les derniers mots de Lothringen eurent un effet de déclic... il ferma les paupières, murmura simplement :

"Et toi ? Tu ne dors pas ?"

Mais avant même que Lothringen ait pu répondre, il dormait déjà, emmené par ses pensées vers le pays des rêves. Des cauchemars ? Il n'en put jamais juger : il se souvenait rarement de ses songes, et celui de la nuit précédente l'avait marqué à plus forte raison qu'il était exceptionnellement sinistre...

S'il avait pu, le guerrier aurait conté ses simples voyages de par le continent, contemplant tranquillement chaque nouveau paysage qui s'offrait à sa vue, derrière chaque colline, au sortir de chaque bois, le long de chaque falaise. Il aurait décrit le vent lui burinant le visage, tandis que les vagues de l'océan conquérant venaient lui inonder les jambes avec une régularité rassurante. Il aurait parlé des animaux sauvages qu'il entrevoyait du coin de l'oeil, avant qu'ils ne s'échappent à son approche, effrayés par la venue d'un intrus...

Mais rien de tout cela ne lui resterait en mémoire, au petit matin, quand il ouvrirait les yeux. Il serait reposé, calmé, et partant pour entamer cette nouvelle journée avec entrain. La nuit portait conseil... et le plus avisé serait de ne point craindre l'avenir, mais se préparer aux éventualités qu'il proposait.

[Lothringen]

Quête : rapports diplomatiques

La veille, il avait réussi à trouver suffisamment la paix pour accéder à la Rêverie. Il ne ne renouvela pas la tentative, certain d'échouer cette fois-ci; trop d'inquiétude, trop de fatigue. Et il n'osait non plus s'abandonner au sommeil, quand il lui semblait si probable d'y rencontrer son tourmenteur. Dorson ne lui avait infligé le sortilège du Cauchemar qu'une seule fois depuis le début de cette aventure, mais ce n'était pas la première fois, et Lothringen en gardait une secrète blessure, dont il ne parlait pas.

Ce n'était pas que de la peur, comme on aurait peur d'un ennemi qui s'en prendrait à votre vie ou à vos proches. Dorson était une partie de lui-même, comme il avait vainement tenté de l'expliquer à Mornagest: celui qui l'avait fait ce qu'il était, ce qu'il savait, ce qu'il pouvait. Celui qui le connaissait mieux que lui-même, et dont la domination semblait devoir s'exercer à travers le temps et l'espace, jusque dans l'inconscient.

Les Cauchemars lui prouvaient qu'ils n'en avaient pas fini, et qu'il aurait été stupide de croire pouvoir lui échapper. Peut-être Lothringen allait-il, dès le lendemain, trouver un moyen de protéger ses pensées à plus terme, mais au fond de lui-même, il n'y croyait pas vraiment. Comment croire que son maître ne verrait pas venir la parade, qu'il n'avait pas d'autres moyens...

Et qui lui disait qu'au moment même où il croyait se débattre, il ne faisait pas que resserrer l'étau de ses filets?

Ces pensées lui vrillaient le crâne. S'y ajoutèrent les craintes qu'il avait de voir Mornagest s'éloigner, la chimère d'une voix de mage errant dans les troncs d'arbre d'une forêt hostile, cette impression de couler, inexorablement, comme un poids mort dans le tourment d'une cascade... et seul l'épuisement réussit à lui fermer l'oeil, peu avant l'aube.

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Une nuit sans encombres, réparatrice. Il en avait besoin, et il se sentait en meilleure forme que la veille. Tous sens en alerte, il s'étira brièvement, avant de se tourner vers Lothringen. Celui-ci dormait paisiblement, ou du moins, en donnait l'apparence. Ses yeux étaient fermés, sa respiration régulière et lente. Bon signe. Le guerrier se leva sans bruit, et, saisissant l'arc du semi-drow, et quelques flèches, il se mit en devoir de leur procurer de quoi se nourrir avant d'entamer cette dure journée.

Il marchait depuis quelques minutes seulement, lorsqu'il aperçut un faisan, à une vingtaine de mètres de lui, dans une petite clairière, non loin du lagon. Une cible facile, même s'il n'était guère habitué à manipuler l'arc... mais il fit mouche, fort heureusement ; la volaille n'aurait pas manqué de détaler à toute vitesse, s'il l'avait ratée.

Il alla chercher son butin, et revint près de leur bivouac, en ramassant un peu de bois mort pour démarrer un petit feu. Il entreprit de plumer le faisan, tandis que le bois brûlait rapidement, en crépitant, tout en ajoutant quelques branches vertes afin de l'alimenter, et surtout, éviter qu'il ne parte trop vite en fumée.

[Lothringen]

Quête: Rapports diplomatiques

Il y avait des odeurs de terre, d'herbe fraîche, de rosée. Il y avait des relents de feuilles en décomposition, de bois mort; de tiges écrasées, de sève répandue. Il y avait aussi quelques traces de sueur humaine, de laine bouillie, de sang séché. Par-dessus tout cela, entêtant, aussi discret qu'un ogre à découvert, il y avait enfin un fumet de graisse chaude et de gibier rôti.

L'appétissant apprêt n'avait guère tardé à faire frissonner les narines délicates du semi-drow, qui n'eut dès lors plus d'autre choix que de revenir à lui, bien que la fatigue lui tirât encore les paupières. Tout en se frottant les yeux pour en évacuer ce qu'il pouvait de sommeil, il souriait à Mornagest, en guise de salut. Paré pour un dernier effort? C'est cela.

N'ayant pas le coeur de parler, ils mangèrent dans un relatif silence, occupés qu'ils étaient à déchiqueter la chair ferme et musquée de l'oiseau. L'ordinaire manquait quelque peu de variété, mais ils n'en auraient plus pour très longtemps à jouer les hommes des bois, et Lothringen se surprenait à rêver de la vie sauvage menée durant ces derniers jours, dans le Bosquet. Ils avaient pris le pli avec une surprenante facilité. Si ç'avait pu durer toujours...

Ils étouffèrent le feu, ils enterrèrent ses braises, piétinèrent le foyer. Ils remplirent à nouveau leurs gourdes et refermèrent leurs sacs: ils étaient prêts.

"... Le moment est venu de nous renvoyer là-bas..."
"..."
"... Je vais m'appliquer."

Lothringen = = > téléportation: Lothringen + Mornagest = = > un petit chiffon sur un orme.

La téléportation réussit comme un cas d'école, les rematérialisant juste au pied de l'arbre où ils avaient accroché leur repère. A leurs pieds, le suspect ruisseau de sève noire était toujours présent. Le temps qu'ils reprennent leurs esprits, la voix les saluait:

"Non, non, NON, jeune dinde! On ne touche pas à mes affaires, à moins de vouloir sucer les os de ses doigts."

Ils étaient attendus.

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

A son grand soulagement, les téléportations s'avéraient être nettement moins génératrices de nausées que les parcours aériens. Mornagest fut simplement désorienté quelques instants, avant d'entendre, lui aussi, cette voix étrange, venu d'il ne savait où. Etait-ce Eloern ? Il se le demandait. En tous les cas, son discours n'était pas plus compréhensible que la veille, du moins, pour le guerrier ignorant qu'il était.

"Encore lui ?" murmura-t-il à Lothringen. "Crois-tu qu'il s'agisse de l'esprit d'Eloern qui tente de nous parler ?"

Il avait déjà accepté depuis longtemps l'hypothèse selon laquelle le magicien était mort, les chairs pourries, des lunes auparavant... comment aurait-il survécu ici ? A moins bien sûr qu'il ne dirige lui-même cette partie de la forêt, comme en attestait leur pénible progression de la veille, parmi les taillis rebelles et les ronces traîtresses.

Une autre possibilité était que l'esprit qui s'adressait à eux - si l'on pouvait dire cela comme ça - était inhérent à la forêt, depuis des millénaires, et qu'Eloern était plus loin encore, ou décédé, mais invisible et muet...

[Lothringen]

Quête: Rapports diplomatiques

Lothringen s'efforça de se souvenir de l'ensemble des interventions de cette voix. Elle avait parlé de sorts à lancer, de comparer la dangerosité de deux monstres, d'enchanter une bague, et à présent, sa colère avait tout de la sortie de casique fatigué de voir ses apprentis fouiner dans son laboratoire. Pour autant que Lothringen pouvait en juger, ce ne pouvait être qu'un mage. Un homme âgé, à en croire les tremblements de sa voix... Il lui semblait évident que la probabilité qu'elle ait appartenu à Eloern dépassait largement quatre sur cinq.

Quant à savoir ce qu'était Eloern en ce moment-même, et si cette illusion auditive était plus qu'un simple souvenir de son passage, il n'en savait rien. L'hypothèse de Mornagest était intéressante, n'était que... Lothringen ne voyait vraiment pas quoi tirer de ce charabia! Une mise en garde contre ces deux intrus qui prétendaient bien, eux aussi, "toucher à ses affaires"? Ils reprirent leur chemin.

Les ronces se montraient toujours aussi peu coopératives, resserrant leur étau sur leurs chevilles au moindre instant d'inattention. Il fallait trancher dans le vif, encore et encore. A leurs côtés, l'inquiétant ruisseau de sève noire continuait d'accompagner leur azimuth, gagnant peu à peu en largeur et en profondeur. Sa surface était plus sombre qu'un coeur de drow. Cherchant à déterminer dans quel sens coulait la rivière, Lothringen y fit tomber une feuille : mais cette dernière, n'adhérant pas à l'illusion, coula à pic.

Ils se trouvèrent à nouveau témoins de scènes absurdes. Un démombre traversait la forêt devant eux, avant de se dissoudre tout seul, quelques pas plus loin, salué par la voix d'un "la lumière vaincra!" enthousiaste. Ils crurent aussi voir passer près d'eux un groupe d'orcs en ordre de bataille, mais ces derniers disparurent sans même remarquer leur présence.

Quoi qu'il en soit, les illusions se faisaient plus fréquentes à mesure qu'ils progressaient, et leurs surgissements toujours aussi imprévu que les interventions de la voix contribuaient à mettre les nerfs à rude épreuve.

Après quelques heures, Lothringen décida de faire une pause afin de lancer ses divers sorts de détection. Il était encore en train d'incanter quand Mornagest, en levant le nez, crut avoir bu une tasse de trop: dans un silence improbable, un grand volatile fonçait en piqué, droit sur eux, gueule ouverte. Et c'était là... un dragon rouge?! Oo

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

N'ayant d'autre choix que tenter vainement de se mettre à l'abri de la créature draconique, Mornagest réagit plus par réflexe que par raison. Il saisit brusquement l'épaule de Lothringen et lui montra la chose du bout du doigt, qu'il avait tremblant. Bien des dangers il avait affronté, mais un dragon rouge... c'était plus qu'il ne pourrait jamais combattre, même avec la bénédiction de dieux.

Sans se soucier de s'assurer qu'il s'agissait également d'une illusion, le guerrier tira son compagnon vers un bouquet d'arbres plus touffu, derrière lequel il espérait pouvoir les cacher du monstre. A vrai dire, il n'espérait plus grand-chose. Si le dragon qu'ils avaient vu était bel et bien réel, le temps à vivre encore se comptait en secondes, guère plus.

Il se rendit compte qu'il retenait son souffle depuis qu'il avait failli avaler de travers en voyant la créature, et se fit violence pour tenter de reprendre sa respiration, et garder un semblant de calme. La panique ne les aiderait en rien, sinon mourir plus vite...

"Dans quel enfer sommes-nous ?" maugréa-t-il

[Lothringen]

Quête: Rapports diplomatiques

Lothringen se laissa entraîner sans trop réfléchir, la tête encore remplie de ses incantations interrompues. Elthaïr... kalamkhra... invocation d'épines?! Réveillé par la manière forte, le semi-drow retint un cri de douleur alors que mille ronces malveillantes lui rentraient dans la chair. Levant les yeux, il prit alors conscience de ce qu'il se passait: Mornagest l'avait entraîné à couvert, tandis qu'un dracosire dans la fleur de l'âge, visant le point qu'ils venaient de quitter, lâchait son souffle de feu et repartait aussitôt en chandelle.

La surface au sol en fut aussitôt carbonisée, mais le feu se calma cependant étonnamment vite, renonçant à semer l'incendie dans le reste de la forêt. Le guerrier-mage ne parvenait pas à quitter des yeux l'élégant monstre qui s'éloignait dans le ciel, ses courtes ailes déployées en grand sur son corps de lézard géant. Ce n'était pas tous les jours que l'on survivait à une attaque de dragon rouge. Comme s'il avait pu lire dans ses pensées, le volatile fit cependant volte-face, faisant mine d'attaquer à nouveau. N'en menant pas très large, les deux guerriers se tassèrent au sol, dans le sous-bois.

Malheureusement pour eux, les ronces qui entravaient les jambes de Mornagest les empêchaient de fuir, et le dracosire semblait vouloir se poser juste à côté d'eux, dans le cercle de terre calcinée. Si c'était une illusion, elle avait quelque chose de terriblement réaliste.

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Le guerrier n'espérait vraiment plus grand-chose. Un instant, il pensait qu'ils seraient hors de danger, tandis que le dragon s'en allait tranquillement, après avoir flambé une portion de la forêt, mais visiblement, il n'en avait pas eu pour son compte, et revenait à la charge... allait-il les manquer une seconde fois ? Un air sinistre sur le visage, Mornagest prit malgré cela le temps de faire de de l'esprit :

"Rassure-moi, nous sommes fichus, ou je me trompe ?", tout en essayant de s'extraire de ces maudites épines, mais la panique, et surtout, leur ténacité l'en empêchait, et il ne pensait pas à les tailler de son épée, de toute façon peu accessible, vu sa position malpratique. Il ne lui restait plus qu'à tenter de se calmer, et cesser de faire entrer plus profondément dans ses mollets, ces ronces récalcitrantes.

"Mets-toi à l'abri", souffla-t-il à Lothringen. "Vas-y !" sur un ton plus ferme, alors que le semi-drow restait sans réaction.

[Lothringen]

Quête: Rapports diplomatiques

Les informations tardaient à remonter au cerveau du semi-drow, qui se voyait dans l'urgence de faire des choix auxquels il n'avait pas le temps de réfléchir. Il s'efforça de faire le vide et de reprendre les choses dans l'ordre. Voyons donc, un dragon... Aucune chance contre lui, mais la fuite ne lui servirait pas à grand chose, sinon à survivre assez longtemps pour ne mourir qu'au troisième assaut. Et il ne voulait pas abandonner Mornagest à son sort, sans rien tenter. Pouvait-il tenter quelque chose?

Il lança au guerrier un objet que ce dernier attrapa par réflexe, puis se lança dans une incantation complexe qui semblait monopoliser toute sa concentration. En ouvrant la main, Mornagest identifia un anneau, ce même anneau que Lothringen lui avait désigné comme magique quelques temps auparavant. Quand il le mit à son doigt, les ronces se détachèrent de ses jambes "comme par enchantement."

Pendant ce temps-là, le dracosire eut tout le temps de réaliser un atterrissage vertical parfaitement maîtrisé. Vu de plus près, son corps avait un aspect étrange; on aurait dit qu'un sort d'invisibilité s'effilochait par intervalles, ou bien l'inverse: de temps à autres, on voyait les troncs d'arbres à travers l'énorme cage thoracique du monstre, et le ciel entre ses deux yeux.

Tandis qu'il hochait maladroitement de la tête, son regard inquiet passait sur eux comme s'il ne les voyait pas.

"Pas gardiens?"souffla-t-il, comme exténué, avec la voix humaine qu'ils commençaient à bien connaître.

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Héberlué par la voix qu'il venait d'entendre, Mornagest resta un long moment sans bouger, ni mot dire. Il était trop étonné pour pouvoir faire quoi que ce soit... il tentait plutôt de comprendre ce qui était en train de se dérouler devant eux... un dragon qui les attaquait, puis qui se rendait compte qu'il s'était fourvoyé quant à leur identité, et qui, en même temps, se mettait à disparaître, à mesure qu'il s'approchait d'eux...

Le mélandien parvint à se râcler la gorge, et à répondre à la loufoque question du draconide :

"Non... nous ne sommes pas des gardiens." Gardiens de quoi, il ne le savait, mais inutile de chercher à énerver la bête. Elle pouvait les réduire en cendres à la moindre occasion, sans raison. Lui en donner serait suicidaire.

Mais qui était-il, au fond ? Que leur voulait-il ? Pourquoi étaient-ils traqués comme des bêtes depuis qu'ils étaient dans ces bois, par le monstre golem, puis par la végétation, et enfin, par ce dragon ? Etait-ce donc interdit de venir chercher quelqu'un en ces lieux ? Et pourquoi leur parlait-il depuis la veille, par énigmes, voire un total dénuement de sens ?