[Commerce] Au Loyal Paladin

[Althéa]

Titoeil avait rougi jusqu'aux oreilles. Ainsi, on pensait à lui. Et une jolie fille par dessus le marché. Très jolie. Un peu plus, il en aurait lâché son plateau.

"Oh, vous me faites plaisir. Je me demandais ce que vous deveniez. Je commençais même à me faire du soucis pour vous. Je pensais que je ne devrais jamais vous revoir. Mais dites-moi, qu'avez vous fait durant tout ce temps que nous ne nous sommes pas vus"

[Chandara]

Chandara adressa un nouveau sourire charmant à l’aubergiste avant de s’éloigner de quelques pas et de le regarder dans les yeux. Hésitant un instant, elle ajouta à haute voix :

- Il est encore un peu tôt mais si vous acceptez de dîner avec moi ce soir, je vous raconterai tout, c’est promis. Mais le voyage a été long : auriez-vous une chambre où je pourrai poser mes affaires et me reposer jusqu’à ce soir ? Je compte profiter de votre grande hospitalité jusqu’à demain matin. Ensuite il me faudra reprendre mon chemin. Mais rassurez-vous, je compte bien m’établir en ville si le Cœur radieux veut de moi.

[Althéa]

"Une chambre, pour vous ? Ho, mais j'en ai plein. Enfin, vous pourrez n'en louer qu'une ... ou même plusieurs si vous le voulez, autant que vous voudrez. Enfin, je peux vous louer la plus confortable, à prix d'ami. Nous avons même un accord avec le Coeur Radieux pour que les paladins de passage bénéficient de réductions avantageuses. Mais au fait, pourquoi allez vous au Coeur Radieux ? Quelle fierté ce serait pour le Loyal Paladin. Il pourrait s'appeler : la belle Paladine"

[Chandara]

La jeune femme rosit joliment au compliment si sincère de l’aubergiste. Elle savait pouvoir faire confiance à l’homme simple et honnête tenancier de cette auberge bine tenue. Voilà qui la changeait agréablement de son récent séjour Mélandien, de ses compagnons d’alors, de ses employeurs tous amers et acerbes. D’une voix douce, elle décida de répondre à Titœil :

- Je ne peux pas encore me targuer d’appartenir à l’ordre et je ne voudrais surtout pas en usurper les avantages ! Mais pour vous répondre, je sens que telle est ma place et quand je vous vois et vous écoute, je trouve la foi en pensant que j’agis pour défendre des gens bien, honnêtes et valeureux à leur façon. Vous m’avez toujours fait bon accueil à chaque fois que je venais et c’est en pensant à vous que je m’avancerai vers l’autel en jurant fidélité aux principes de la Cité et du Culte. Je ne suis pas née ici mais je me sens un peu plus chez moi à chaque séjour grâce à votre bonté et votre générosité mon cher Titœil. Plus que tout autre chose, je pense avoir trouvé un ami ici. Et je continuerai à honorer votre noble établissement, soyez en sûr !

[Althéa]

Titoeil avait encore rougi jusqu'à devenir aussi rouge que le vin rouge qu'il venait de servir.

"Hé bien très chère. Sachez que vous serez toujours la bienvenue ici, conclut il avec un immense sourire, et quand comptez-vous vous présenter au Coeur Radieux ? Je penserai à vous à ce moment là"

[Chandara]

Chandara ne se départit pas un instant de son sourire, mais une ombre d’inquiétude passa devant ses yeux un moment avant qu’elle ne réponde :

- Merci, vous me redonnez confiance car je suis terrifiée à l’idée d’échouer aux épreuves et qu’on me refuse l’ordination. Jusqu’ici, j’avais fondé tous mes espoirs sur l’idée d’intégrer cet ordre prestigieux mais au moins je sais que j’ai déjà gagné un ami. C'est un soulagement qui m'ote un poids considérable des épaules. Je compte me présenter demain à la première heure histoire de ne pas effrayer les dignitaires du Cœur Radieux par ma mine épouvantable. Le voyage ne fut guère facile et reposant.

[Althéa]

Titoeil fit semblant de réfléchir.

"Voyons, comment redonner bonne mine à une jeune et jolie fille comme vous ? Je lui proposerais en entrée une salade de croûtons et de magret de canards. Ensuite, nous avons quelques venaisons que nous venons juste de recevoir accompagnées de gratin de pommes de terres. Du bon pain pour arroser le tout. Et en dessert, de la tarte à la framboise, ça vous dit ?"

[Chandara]

L’estomac de Chandara manifesta son assentiment avant même qu’elle ne puisse répondre, la mine réjouie :

- Ce sera le plus merveilleux dîner que j’aurai eu l’occasion de savourer depuis ma dernière visite, mon cher. Et vous êtes un amour d’avoir découvert mon dessert préféré et de m’en préparer alors même que j’arrive à l’improviste !

La jeune femme se dirigea vers une table prévue pour deux personnes accotée à une fenêtre donnant sur la rue. La lumière déclinante du jour jouait à travers le verre teinté, donnant une allure chamarrée au coin de table. Une fois installée par les bons soins de l’aubergiste, elle lui sourit et renouvela son invitation :

- Je sais que vous êtes un homme très occupé mais je me sentirais honoré que vous partagiez ma table pour me raconter les dernières nouvelles et peut être me révéler quelques mystères concernant le plus célèbre aubergiste de Manost.

[Althéa]

Titoeil avait manqué s'évanouir de plaisir. Une belle jeune femme, peut être la plus belle paladine de tout Manost l'invitait à partager son repas. Il chercha Althéa et Dryade d'un regard coupable. Ne les trouvant pas, il reporta son attention sur Chandara.

"Je veux bien manger avec vous. Par contre, il me faudra être disponible aussi pour les autres clients, serviable, affable, généreux et brave comme à mon habitude. Hum ... c'est ce que j'ai entendu du moins"

Il s'assit à la table de la jeune femme.

[Chandara]

Chandara émit un petit rire joyeux à cette entrée en matière. La salle commune était encore bien calme mais les clients ne tarderaient pas à affluer pour le dîner et accapareraient certainement le brave Titœil. Mais la paladine comptait bien profiter de sa bonne compagnie tant que la soirée n’était pas trop animée pour dissuader toute discussion :

- Et les rumeurs disent vrai pour une fois. Vous êtes tel qu’on vous décrit, assurément. Et je m’en voudrais de vous garder pour moi seule et priver les autres clients de votre compagnie. Une paladine doit savoir faire ce genre de sacrifices. Mais c’est la deuxième fois qu’une rumeur s’avère exact : vous souvenez-vous des circonstances de notre première rencontre ? Je suivais la trace d’une annonce un peu folle concernant Mélandis.

[Althéa]

Titoeil avait hoché la tête. Il avait entendu le crieur public passer. Il fut soudain très fier, fier de sa petite Chandara. Enfin, sa ... Si l'on voulait. Sa petite protégée. Oh, pas comme Althéa qui se débrouillait très bien toute seule et l'avait fait grand-père d'une certaine façon, parrain du moins. Mais cette petite paladine là était une véritable héroïne.

"Alors, c'est vous qui avez mis Talos en déroute ? Et vous avez survécu ? Mais c'est magnifique !"

[Chandara]

Chandara contempla un instant le jeu de lumières en provenance de la rue. Elle finit par répondre, embarrassée de voir qu’elle avait fait attendre Titœil :

- Je n’étais pas seule, vous savez. Cette mission ne m’apporte aucune joie, mon cher : j’étais accompagnée par de bien peu recommandables partenaires. Leurs motivations étaient inavouables à n’en pas douter et j’espère ne pas avoir fait leur jeu en déstabilisant le culte de Talos. J’ignore comment mes actes seront accueillis par les représentants de l’Ordre. C’est pour cela que j’ai peu que l’on me refuse l’accès demain. Je crois que j’ai échoué…

La jeune femme avait prononcé ces dernières paroles d’une voix affectée. Elle détourna vivement le regard pour que l’aubergiste ne voie pas les larmes qu’elle contenait à peine.

[Althéa]

"Mais non. Vous n'allez pas échouer. Vous avez mis un dieu du mal en déroute. Un dieu moins que fréquentable. Ce n'est pas moi qui ferais ça. Enfin, peut être que si on me le demandait mais passons. Ils seront fiers de vous. Et même si vous n'étiez pas reçue, nous serions fiers de vous. Hé, mais vous n'allez pas pleurer dites !"

[Chandara]

La jeune femme s’essuya les yeux du revers de sa manche et renifla. Elle regarda intensément Titœil :

- Vous savez y faire pour rasséréner les gens, mon ami. Nous verrons ce que penseront de mes actes les autres paladins. Mais il est une chose que je ne puis avouer qu’à vous.

Elle se pencha par-dessus la table :

- J’ai eu si peur de finir ensevelie dans les souterrains du Temple, vous savez. J’ai toujours été mal à l’aise dans les endroits sombres et fermés. Mais ici, je me sens bien ! conclut la jeune femme en effleurant d’un baiser la joue de l’aubergiste.

[Althéa]

Un peu plus, Titoeil en tombait à la renverse. Un baiser. Elle lui avait donné un baiser.

"Ici, plus de plafonds bas ni d'obscurité. Désormais, vous êtes en sécurité. Quoi qu'il arrive, je vous protégerai. Parce que vous pourrez revenir quand vous le voudrez. Vous reviendrez, hein ? Promis ?"

Et le visage de Titoeil se fit implorant.

[Chandara]

Chandara adressa un nouveau sourire à Titœil. D’un ton faussement indigné, elle répliqua avec verve :

- Evidemment que je reviendrai ! Comment pourrait-il en être autrement ? Si nous avons de la chance, je serai autorisée à m’installer à Manost et rien ne m’empêchera de venir vous rendre visite. Je me sens en sécurité à discuter avec vous. Mais dîtes-moi : je n’ai pas eu l’occasion de visiter la cité lors de mon dernier passage. Accepteriez-vous de me servir de guide lors d’une promenade ?

[Althéa]

Un instant de panique. Pour Titoeil, le monde se résumait au Loyal Paladin, l'endroit le plus exotique étant les cuisines. Il ne connaissait quasiment rien du monde extérieur. Terra incognita. Presque chaque fois, il envoyait Dryade et Althéa faire les courses. Quand il n'avait pas le choix, il s'équipait en conséquence. Mais vraiment en cas de situation exceptionnelle. Et là, situation exceptionnelle, il y avait.

"Bien sûr que je vais vous montrer la ville. Mais attendez moi, je vais me préparer"

Et il monta s'équiper à l'étage ...

Avant de revenir auprès de Chandara, il se regarda devant la glace histoire de voir de quoi il avait l'air. Sous sa cape de marche, on voyait transparaître son gros ventre. Le signe de l'homme qui a vécu, mangé et bu toute sa vie durant. Oh, peut être qu'en le rentrant un peu ... Sous son chapeau à feutre noir s'échappaient quelques mèches rousses. Les seules à avoir survécu à une calvitie précoce. Quelques rides. Des rides de sourire pour la plupart. Oui, jusqu'à présent, il avait été heureux. Un petit poignard, une fierté, offert par Althéa pour son anniversaire pendait à sa ceinture. Oui, il était à peu près présentable. A peu près. Il bomba le torse histoire de se donner un peu de contenance. Pas vraiment beau le Titoeil, plutôt débonnaire que charmant. Mais une force de la nature en marche.

"Me voila" dit il en retournant près de Chandara.

[Chandara]

Chandara fut surprise de l’empressement de l’aubergiste à souscrire à son idée de promenade. Une petite marche plaisante au grand air lui ferait le plus grand bien et ne manquerait pas de la mettre en appétit. La paladine se réjouit donc du retour de Titœil. La jeune Cojumienne ne connaissait de la cité guère que son marché portuaire et la place du temple.Il lui manquait mille et une choses mais ce n’était pas le meilleur moment pour suggérer d’aller visiter les boutiques, aussi Chandara suggéra à l’aubergiste de choisir la destination. Soudain un peu gênée, elle ajouta :

- Je ne voudrais surtout pas vous arracher trop longtemps à vos clients…

Mais la perspective de la promenade l’emporta et elle se dirigea résolument vers la porte :

- Mais je suis certaine que si nous sommes rentrés pour le dîner, ils ne nous en voudront pas !

[Althéa]

Rentrés pour le dîner. Oh, ça oui, c'était une nécessité. Toute sa vie il n'avait vécu que pour l'heure des repas. Et il n'y avait pas seulement ceux du midi et du soir. Un repas, quel qu'il soit se préparait méticuleusement, amoureusement presque et se servait dans le même esprit. Alors non, il ne manquerait pas l'heure du souper. Mais pour l'instant, il avait d'autres choses en tête.

"Voyons, voyons ... où voulez-vous que je vous emmène ?"

[Chandara]

La jeune femme eut une moue indécise. Pour une ballade de fin d’après-midi, mieux valait ne guère s’éloigner de l’auberge. Le temps passé dans le désert et dans les souterrains poisseux du sanctuaire de Talos la décida enfin :

- Je veux voir le front de mer ! On m’a dit qu’il y avait une promenade magnifique tout près de l’océan. J’ai toujours été transportée par son immensité. Sa force et la vôtre m’aideront dans mon épreuve à venir.

La jeune femme passa son bras sous celui de Titœil alors qu’il marchait tranquillement dans la rue un pas devant elle.

[Althéa]

Titoeil s'était senti défaillir. La plus belle demoiselle de Manost lui prenait le bras. Les gens qui passaient lui lançaient des regards entendus en les saluant. Mais il les ignorait. Parce qu'il était heureux et fier que la jeune femme accorde son pas au sien. Bien sûr, il savait que compte tenu de son âge, il n'y aurait jamais aucune ambiguïté quant à la teneur de leur relation. Mais qu'importe.

Un endroit d'où on pouvait apercevoir le front de mer, il en connaissait un.

"Je vous emmène à la promenade des docks"

[Chandara]

La jeune femme et l’aubergiste coururent de façade de bâtiment en façade de bâtiment pour tenter d’échapper à la pluie. Pourtant, la pluie tombant de façon oblique eut tôt fait de les tremper jusqu’aux os. Malgré le manteau du tenancier du Loyal, la robe de la jeune femme ne tarda pas lui coller à la peau. Riant aux éclats pendant tout le trajet, elle ouvrait la route à un Titœil à bout de souffle. Qu’il était bon de sentir la pluie après la longue traversée du désert ! Le couple s'engouffra dans la salle commune chauffée du Loyal où une marre ne tarda pas à s'épancher autour de leurs pieds.

[Althéa]

Titoeil toujours riant se tourna vers la jeune femme trempée jusqu'aux os.

"Mais dites moi, vous allez attraper la mort. Attendez, ne bougez pas, je vais vous chercher des serviettes. Et il faudrait faire sécher votre robe. Attendez, venez avec moi, je vais vous trouver des vêtements de rechange"

Ce disant, il entraîna la paladine dans les étages, jusqu'à une porte close qu'il ouvrit sans aucune hésitation. Une chambre plutôt spacieuse et claire, dans laquelle se trouvaient un lit et un berceau.

"La chambre de ma petite protégée. Elle vient dormir là quelques fois. Je pense qu'elle a laissé quelques affaires ..."

Il ouvrit un petit placard. Effectivement, il restait encore quelques habits, pendus à des cintres.

"Voila, servez vous. Elle n'aime pas le robes donc je ne pense pas que vous en trouverez une, mais tout le reste est pour vous. Je vais vous laisser vous changer"

Et il descendit l'attendre dans la salle commune.

[Chandara]

Chandara remercia gracieusement Titœil de prendre ainsi soin de sa santé. L’aubergiste n’avait pas menti : il n’y avait guère de robe dans la penderie de la chambre. Cependant, la jeune femme constata avec soulagement que les vêtements étaient à peu près à sa taille, quoique peut être un peu justes. La jeune femme se mit en quête de vêtements simples, gênée à l’idée d’emprunter les habits d’une autre. Elle mit la main sur une tunique de laine bleue et des chausses à l’avenant. Elle se délesta alors de sa robe gorgée d’eau et relâcha ses cheveux qui tombèrent lourdement sur ses épaules. Elle prit le temps de ses sécher avec les serviettes chaudes laissées à sa disposition avant d’enfiler les vêtements secs. Elle renfila ses bottes dont l’intérieur avait heureusement été épargné par l’ondée.

L’ensemble lui donnait un air étrange jugea-t-elle mais elle se dirigea non moins résolument vers la salle commune pour remercier son bienfaiteur et se régaler de la bonne chère du Loyal Paladin.

[Althéa]

Titoeil l'attendait à une table qu'il avait généreusement pourvue de thé et de quelques gâteaux. Il sourit en voyant la jeune fille.

"Ah, vous voila. Je me suis permis de vous préparer cette petite collation. Je ne voudrais pas que vous tombiez malade, surtout avant de vous rendre au Coeur Radieux. Savez vous qu'ils m'ont donné un titre honorifique ? Meilleur tavernier de la ville de Manost. C'était vraiment un honneur pour moi"

Et il sourit à ce souvenir.

[Chandara]

Chandara descendit les marches de l’escalier de la grande salle pour constater que celle-ci se peuplait de ses premiers clients de la soirée. Elle était mal à son aise dans les vêtements un peu trop serrés qu’elle avait emprunté à la protégée de Titœil. C’est surtout qu’elle espérait que celle-ci comprendrait si toutefois il s’avérait qu’elle reconnaisse ses propres vêtements portés par une inconnue. Elle se dirigea vers la table près de laquelle se tenait l’aubergiste avec un peu de précipitation et des coups d’œil jetés à la dérobée.

En voyant les biscuits et le thé fumant préparé à son attention, elle oublia ses craintes et s’exclama :

- Mais vous êtes un homme merveilleux ! Vous avez préparé tout ça pour moi ? Si vous êtes à moitié aussi prévenant avec vos autres clients que vous l’êtes avec une humble aspirante étrangère, je peux dire que le titre que l’on vous a décerné est même en-dessous de la vérité ! Pour moi, vous êtes le meilleur tavernier de tout Toril ! Mais racontez-moi comment l’ordre vous a décerné ce titre, ce doit être un récit passionnant j’en suis certaine.

La jeune femme s’empara d’un biscuit sur le plateau tout en attendant la réponse de son ami.

[Althéa]

Titoeil s'assit sur le banc en face de Chandara. Autour de lui, la salle retint son souffle.

"Hé bien, c'était à mes débuts en tant que tavernier. Père et mère venaient de me passer le relais si mes souvenirs sont exacts. Un jour, les plus hauts responsables du Coeur Radieux vinrent inspecter leurs subalternes de Manost. A l'époque comme maintenant, ces hommes là n'étaient pas des joyeux drilles, l'entretien risquait d'être tendu. Nos paladins étaient très inquiets. La délégation du Coeur devait venir prendre ses repas à Manost, au Loyal Paladin comme vous devez vous en douter. Je travaillai durant des jours et des nuits, en prévision de leur venue. Je commandai les meilleurs vins, mis au point de savoureuses recettes. Lorsqu'ils arrivèrent, tout était fin prêt. Avant de passer à table, les paladins en chef ne souriaient pas d'une moustache, se montraient distants et froids. A la fin de mon repas, la plupart d'entre eux dansaient sur les tables en riant. D'autres étaient occupés à se resservir de mes petits plats. Ils avaient tous le sourire. Après le repas, l'entretien se déroula très bien. Par la suite, nos paladins me décernèrent le titre dont je vous ai parlé. Voila, vous savez tout"

[Chandara]

Savourant un deuxième biscuit, Chandara n’émettait aucun doute quant aux vertus de la nourriture préparée par l’aubergiste. Les pâtisseries étaient succulentes et le thé la réchauffait après la course sous l’averse diluvienne. A contrecœur, elle renonça à en prendre un troisième : elle ne voulait pas se couper l’appétit juste avant de dîner.

Prenant place à table, elle désigna la chaise en face d’elle :

- Mon cher, je pense que cette histoire nous apporte à tous un enseignement décisif : à chaque fois que je serai d’humeur chagrine, je saurai où aller pour trouver un ami qui me remonte le moral. Je viendrai aussi quand je serai joyeuse, rassurez-vous ! Aurez-vous le temps de passer un peu de temps encore en ma compagnie. C’est un plaisir de vous écouter et je ne sais pas encore tout sur vous : qui vous a appris à cuisiner ?

[Althéa]

Titoeil sourit de nouveau. Il n'y avait plus un bruit dans la salle.

"Hé bien ... Ma'Debeurré, ma grand mère, sans le vouloir vraiment. A l'époque, elle enseignait la cuisine à ma mère. Un joli brin de femme ma mère, toute petite et menue. Elle venait du Calimshan, à ce que mon père m'a dit. Elle aurait pu être princesse, mais elle rencontra mon père, ici-même, alors qu'elle accompagnait sa mère pour un tour de féérune. Il se plurent tout de suite et par chance, sa mère consentit à leur union. Comme elle venait d'une grande maison, elle n'avait jamais appris à cuisiner, ce que lui enseigna régulièrement ma grand mère paternelle. Chaque jour, elle lui enseignait de nouvelles recettes. Petit garçon, je me cachais dans la cuisine pour pouvoir l'écouter. J'avais de bonnes capacités pour apprendre, et mes talents de goûteur, ne connaissaient pas de pareil. Petit à petit, j'eus le droit de couper les légumes, puis de cuire les viandes jusqu'à préparer les sauces. Et enfin, je pus mettre au point mes propres recettes ..."

[Chandara]

Visiblement l’attention générale était tout entière consacrée au récit de Titœil. L’aubergiste révélait sans doute à la paladine un secret qui avait taraudé l’esprit de plus d’un habitué ici présent. Chandara fut touchée que l’aubergiste accepte de s’ouvrir ainsi à son passé même si elle soupçonnait le vieil homme d’enjoliver sur les détails.

- On pourrait dire que vous avez appris par vos propres moyens alors ? Je suis sincèrement admirative. En tous cas, il ne fait aucun doute que vous cachez mille et une surprises que je me ferai un plaisir de venir découvrir à chaque fois que je le pourrai ! Peut être m’apprendrez-vous quelques-unes de vos recettes. Je serais ravie d’étudier avec un professeur tel que vous.