[Commerce] La Taverne de la Bienveillance

[Arya Du Varden]

La misère à l’état brut, Arya était bouleversée par l’enfant qui lui faisait face, elle commençait à entrevoir que le gamin était un accident aussi pour sa propre mère qui ne lui apportait même pas le plus élémentaire de l’éducation. Mais les efforts qu’il faisait démontraient qu’il était bien conscient qu’il y avait un autre monde que celui dans lequel il vivait et qu’il se battrait pour monter cette marche quelles que soient les embûches qu’il rencontrerait. L’Elfe se rendait compte que tout était à faire, mais que Podrick avait une capacité à s’adapter considérable. L’Elfe était consciente qu’elle s’engageait pour bien des années avant que son petit protéger ait acquis la totalité des bases indispensables pour se sortir seul de la condition peu enviable dans laquelle il vivait, mais elle savait déjà que celui-ci se battrait avec force et courage pour y arriver et qu'elle serait à ses côtés.
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En l’instant, c’était plutôt le maniement de la fourchette et du couteau qui lui posait problème et le mimétisme en devant inverser ce qu’il voyait n’était pas évident, Arya ne voulait pas lui donner un cours de maintien au milieu d'étrangers qui pourraient ouvertement se moquer de lui et le regarda d’un air complice en posant son couteau et en attrapant un morceau de pain dont elle se servit pour pousser les aliments dans la fourchette par très petite quantité avant de les porter à sa bouche. Mais elle projeta l'achat de couverts pour qu'il puisse hors des regards s'habituer à cette délicate manipulation.
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Comment trouves-tu le repas Podrick ? Je trouve ces petits légumes délicieux, la viande et les pommes de terre aussi. et lorsque l'on pousse avec le pain, on peut déguster un peu plus de sauce avec .... un vrai régal !

[Taliesin]

Le gamin, plus appliqué à ne pas mettre de la nourriture partout qu'à en savourer le goût, hocha cependant la tête.
-Mmfouimouifestfmtrèsfmfbon...
Il rougit, déglutit et se fendit d'un sourire désarmant.
-Pardon... Oui, c'est très bon, j'voulais dire... Pis la viande, elle est moins dure que mes semelles, j'ai pas l'habitude... Et l'pain, y a même pas b'soin de l'tremper dans de la soupe pour pouvoir le mordre...
Il se pencha à nouveau sur son assiette et acheva d'avaler ce qu'elle contenait avant d'éponger la sauce. A la fin, elle était toute propre. La table et sa chemise un peu moins, mais c'était un détail...

[Arya Du Varden]

Les yeux d’Arya pétillaient de bonheur en observant avec quel plaisir le gamin mangeait et elle ne s'offusquait nullement de son manque de tenue. Elle ne voyait qu'un enfant innocent à qui tout avait manqué, d'autant qu'il devait avoir drôlement faim pour essuyer avec tant de soin son assiette et devait prendre ce repas certes délicieux, mais toutefois modeste, pour un vrai festin. Alors qu’ils terminaient de manger, les marins assis à leur table se levèrent rapidement en se rendant compte que s’ils ne se pressaient pas leur bateau aurait largué les amarres avant leur retour au port et qu’ils resteraient immanquablement à quai. Arya profita de ce qu’ils étaient seuls, au moins quelques instants.
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Eh bien ! Le Tavernier va être ravi de voir comment tu as apprécié sa cuisine, ça va lui faire drôlement plaisir. Dis-moi Pod ! J’ai quand même l’impression que c’était la première fois que tu te trouvais encombré d’une fourchette … et aussi d’un couteau lorsqu'il faut les manier ensemble, mais tu t’es drôlement bien débrouillé … , voyant l’enfant porté son regard avec désolation sur les débordements qui avaient largement teinté la table, elle souleva les épaules comme si cela fut inévitable et bien normal bien qu’elle eut envie de rire en pensant que c’était peut-être juste le regret de ne pas avoir pu y tremper son pain, eh oui ! L’assiette a débordé, mais que veux-tu la sauce n’est pas très disciplinée et elle s’amuse à jouer des tours lorsque l’on ne sait pas la contrôler. Puis, elle murmura, il faudra que je t’apprenne à être plus malin qu’elle, elle fit mine de réfléchir longuement, et je pense qu’en une seule leçon tu pourras y arriver, donc la prochaine fois … je devrai faire bien attention que rien ne chute de mon assiette, car dans ce cas, ce sera toi qui me donnera un cours que nous nommerons « Sauve la sauce » !
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Tous deux rirent à cette évocation alors que le tavernier arrivait pour débarrasser les couverts des marins et faire place nette pour de futurs clients. Arya posa un regard interrogateur sur Podrick, se demandant ce qu’il pouvait bien penser de cette chance qui se présentait à lui et qui lui permettait, pour une fois, de manger à sa faim et de plus un repas bien chaud et délicieux. <o></o>

[Taliesin]

Il était difficile de savoir exactement ce que pensait le gamin. Parfois, il jetait des regards autour de lui, ou sur la jeune mage, et ses yeux s'écarquillaient légèrement, incrédules ou perplexes. Il n'avait sans doute pas songé, en ce levant, que sa soirée commencerait ainsi. On le sentait aussi un peu gêné, emprunté, comme s'il ne savait pas trop comment se comporter en un tel endroit, et vis-à-vis à son inattendue bienfaitrice; Mais, au-delà de tout, il était visiblement décidé à profiter au mieux de l'instant : sa vie pour le moins chaotique lui avait-elle appris à prendre les choses comme elles venaient. bonnes ou mauvaises, et à ne pas laisser passer les rares chances qui se présentaient. D'où sa volonté manifeste de ne pas déplaire à Arya et les sourires sincères qu'il lui adressait.

[Arya Du Varden]

Parlant de tout et de rien, Arya et Podrick passèrent encore près d'une heure à discuter de tout et de rien. De Lumenis, de la période où Morféa avait envahi la cité, des difficultés encore plus importantes pour Podrick et les nécessiteux. L'Elfe ne souhaitait pas que son petit protéger rentre trop tard, pas à cause du risque de se faire réprimander, car celui-ci était inexistant, mais elle savait qu'il devrait traverser à nouveau les taudis et bien qu'il lui avait moult fois dit qu'il courrait vite, elle ne pouvait s'empêcher de craindre qu'il ne reçoive un mauvais coup. Mais une question vint alors qu'elle pensait l'inviter à faire avec lui un bout de chemin.

- Dis-moi Pod ! As-tu déjà pensé à un métier que tu voudrais faire lorsque tu seras un homme ?

[Taliesin]

Le gamin, qui jetait de fréquents coup d'œil à la porte, signe qu'il sentait l'heure du départ proche, sourit largement..
-Mais j'suis déjà presque un homme ! fit-il.. Et j'travaille déjà !
Il fronça les sourcils, réfléchit plus avant à la question.
. Mais... Ben... Non, j'ai pas vraiment d'idées. Des fois, comme j'en vois qui gagnent plein d'argent en faisant des trucs louches... Mais c'est pas très bien, quand même, sauf peut-être quand y prennent de l'argent à ceux qui en ont des tas... Sinon,... J'serais un peu plus vieux, j'entrerais dans la garde, ils cherchent du monde, en ce moment... Après... Ben, je prendrai ce qui viendra, comme maintenant. L'vieux Ralf, y dit qu'y faut être pra... pramatique, un truc comme ça. Que la vie elle fait rien comme on a prévu, et qui faut pas trop avoir de grandes idées, parce qu'on est déçus. Alors je ferai ce que je trouverai...

[Arya Du Varden]

L’enfant avait raison, la vie ne fait rien comme on l’avait prévu, elle en savait quelque chose, elle qui savait exactement qui était l’entité qui l’habitait, mais n’avait aucune connaissance de sa propre vie. Le regard d’Arya se fit encourageant, son voie convainque, elle le soutiendrait quel que soit son choix, il avait de grands capacités, elle le ressentait.
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Podrick, il te faut réfléchir sérieusement, pas aux trucs louches qui ne t’apporteraient que des ennuis et comme tu l’as dit, ce n’est pas bien et surtout je ne te t'aiderai pas si tu choisissais cette voie. L’avenir est là, presque un homme, oui … mais ton avenir vient de changer, pense grand … pense loin … et ose me dire ce qui te vient à l’esprit et qui es ce qui a peuplé tes rêves.

[Taliesin]

Le gamin resta coi un instant, mais finit par acquiescer.
-Bon, d'accord, j'y réfléchirai et j'vous dirai si je vois quelque chose...
Un nouveau regard à la porte, et il se leva.
-Mais je crois qu'il faut que j'y aille. J'commence tôt, pour le journal, et si je dors pas assez, j'vais pas être très efficace...
Il passa son manteau et dévisagea Arya, hésitant.
-Heu... Merci pour le repas, c'était vraiment bon et tout... Et pour la leçon de tout à l'heure... J'ferai ce que vous m'avez dit dès que je pourrai...

[Arya Du Varden]

Arya sourit bien que son cœur soit triste, elle était consciente que l’enfant allait retrouver l’écurie puante et sentit un frisson la parcourir. Mais c’était le destin de ce petit homme, n’être qu’un nécessiteux qui allait devoir saisir une chance inespérée pour changer de vie, accepter la rupture d’un bien être auquel il ne pouvait qu’aspirer tout en vivant dans un environnement misérable, devoir y croire, vouloir y arriver. Se battre avec des armes dérisoires pour obtenir la victoire. Le gamin avait raison, mais elle ne pouvait le laisser seul faire tout le chemin qui les séparait des taudis. Elle se leva et machinalement prit la main de l’enfant.
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Attend Pod ! Si tu le veux bien, je voudrai faire un bout de chemin avec toi, il faut que je repasse à l’université, ainsi je ne marcherai pas seule dans la nuit.<o></o>
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[Taliesin]

Podrick jeta un regard circulaire sur la salle, comme s'il craignait qu'on le traite de bébé parce que quelqu'un lui tirait la main. Mais personne ne faisait attention à eux, et il ne la retira pas.
-Si vous voulez ! Y a pas beaucoup de danger près de l'université, mais ça me gêne pas, c'est sur mon trajet. Mais vous irez pas plus loin que l'université, hein ? Sinon, c'est vous qui devrez rentrer toute seule, et c'est quand même dangereux...
Manifestement, il n'était pas dupe : il savait bien qu'Arya rechignait à le laisser rentrer sans compagnie.

[Arya Du Varden]

Arya appréciait l’esprit vif de Podrick et pourtant à son regard, elle le regretta prseque en comprenant que non seulement il avait saisi que la raison évoquée n’était qu’une excuse et surtout que par son geste, elle aurait pu sans le vouloir faire porter sur le gamin des regards qui aurait pu le blesser. Mais elle ne dit rien, lâcha la main de l’enfant sous prétexte d’arranger sa tenue tout en récupérant la besace. Puis, elle lui emboîta le pas alors qu’il se dirigeait déjà vers la sortie, tout en saluant le tavernier d’un grand sourire et d’un geste amical de la main. A cette instant, elle se souvint de la promesse qu'elle avait faite au bibliothécaire qui avait fait une entorse au règlement pour lui permettre d'emporter, bien qu'elle ne put affirmé être déjà Lumenienne, le livre qu'elle convoitait.
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Je sais que tu dois te coucher tôt, alors je te propose une course jusqu’à la Bibliothèque, je dois y passer avant de me rendre à l'Université, elle murmura telle une confidence, j'avais oublié .... puis elle se mit à rire, méfie-toi, moi aussi je cours vite !

[Taliesin]

Podrick la dévisagea, décontenancé pour le coup.
-Une course ? Vous rigolez ?
Mais la magicienne semblait des plus sérieuses.
-Bon, ben... Si vous voulez, même si je vais gagner. Et si les gardes s'étonnent de me voir courir et m'attrapent en croyant que j'ai fait un sale coup, faudra leur dire que c'est pas le cas !
Puis, sans attendre, il se faufila à l'extérieur.

[Arya Du Varden]

Avant même qu'Arya put lui répondre, le garnement avait filé tel l’éclair et courrait à toute allure dans les ruelles sombres. L’Elfe était naturellement plus rapide et rattrapa aisément son retard, vaillant toutefois à lui laisser une bonne longueur d’avance. Elle comprenait maintenant ce qu’il voulait dire. Il avait été prompt au démarrage et avant même que celui qui lui cherchait noise puisse réagir, il devait avoir disparu dans le paysage.
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Heureusement, aucun garde ne se trouvait sur le chemin de leur course folle et lorsqu’elle le rejoignit, il s’était adossé au mur de la Bibliothèque faisant mine de l’attendre depuis de longues minutes. L’Elfe émit un sifflement admiratif.
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- La prochaine fois, c’est moi qui partirai devant, tu cours vraiment vite, aussi vite qu’un lapin pourchassé par un renard affamé.
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Elle prit doucement la main de Podrick et se baissa à sa hauteur.
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- Fais bien attention à toi et permets-toi de rêver. Je passerai demain au port pour acheter mon journal, j’espère que tu seras là. Mais de toute façon n’oublie pas que nous avons rendez-vous fin de journée à l’entrée du Parc verdoyant. Tu es toujours d’accord ?

[Taliesin]

-Oui oui, bien sûr, fit le garçon en opinant vigoureusement du chef. J'serai au port, et au parc pour le rendez-vous. J'essaierai d'être à l'heure... Et je serai prudent en rentrant, aussi, même s'il risque rien de m'arriver !
Il serra un instant la main d'Arya, spontané, puis fit quelques pas en arrière.
-Bonne nuit ! Bossez pas trop tard !
Et il fila, petite ombre fugitive bientôt avalée par les ténèbres.

[Arya Du Varden]

Bonne nuit Pod ... A demain ....

Les mots de l'Elfe se dispersèrent pour ne pas trop troubler le silence qui enveloppait maintenant Lumenis et il ne fut plus que la nuit et quelques rares badauds qui pressaient le pas en cette soirée d’automne, Arya resta quelques instants immobile face à la rue sombre et silencieuse dans laquelle Podrick avait disparu tout en lui faisant confiance pour arriver sans encombre dans l’écurie qui abritait ses nuits.
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Il était maintenant temps pour l’Elfe d’apporter la certitude à Angwe sur l’obtention de sa citoyenneté et elle dirigea ses pas vers l'entrée de la Bibliothèque.

HRP Bonnes vacances Talie

[Taliesin]

Quelques minutes seulement après avoir quitté leur domicile, Victor et Taliesin pénétrèrent dans l'auberge. Le trajet avait été des plus brefs, mais il régnait dans la cité un froid piquant, et tout deux accueillirent avec bonheur la chaleur de la salle commune.
L'ancien barde demeura un moment immobile sur le seuil, lorgnant l'endroit avec attention. Rien n'avait changé. Il avait l'impression que toute une vie s'était écoulée depuis qu'il avait quitté pour la dernière fois la Bienveillance, avant d'embarquer vers Mélandis. Mais retrouver les lieux à l'identique lui rappelait la vérité : à peine plus de deux ans étaient passés. Deux ans.... Une goutte d'eau dans l'océan du temps. Et pourtant, cela avait suffit pour le transformer tout entier.
Il fit effort pour chasser l'abattement qui s'insinuait en lui. A l'époque, il portait déjà un fardeau. Moins lourd, moins cruel, moins définitivement stigmatisant, mais il n'avait pas le cœur aussi léger qu'il voulait bien se le figurer. Et puis, les choses étaient désormais ce qu'elles étaient : se lamenter, regretter ne lui apporterait rien. Il fallait faire avec, aller de l'avant.
Avec peine, il se composa une mine avenante, un sourire détendu, et, après un regard à Victor, il se mit en quête de l'aubergiste. Il avait séjourné des semaines sous son toit mais, pour autant qu'il se souvienne, il avait très peu exercé son office de musicien. Il était alors trop obnubilé par ses recherches et voulait s'y consacrer à plein... Alors, avec un peu de chance, l'homme l'aurait oublié. Il voyait passer tant de figures ! Il n'était qu'un parmi tant d'autres... Et qui sait si le tenancier n'avait pas changé, d'ailleurs ? La ville était passée par une guerre civile, après tout...

[Galathée]

HRP : une idée de ce à quoi il ressemble, ce tavernier ? Une description en deux mots dans le premier post serait du meilleur effet

L’aubergiste regarda approcher Taliesin, les sourcils froncés, le poing gauche sur la hanche. Il ne le laissa pas parler.
« Oh, je connais cette mine, et votre visage m’est familier. Vous allez de nouveau essayer de m’entourlouper avec des promesses de belles chansons et de détente. Et je vais vous croire, bon sang ! C’est votre métier, de me faire croire n’importe quoi ! »
Il secoua la tête, prit une bouteille derrière son comptoir, en servit deux verres, et en poussa un vers Taliesin.
« Je sais qu’il est tôt, mais c’est du bon, pas trop alcoolisé. Vos congénères du Nord me l’ont envoyé il y a deux semaines pour dégustation. J’ai besoin d’un avis car c'est pas bon marché. »
Il se pencha vers Victor.
« Tu prends quoi, mon grand ? »
« La même chose ! »
« Je ne crois pas. »
« Même un peu ? Juste un demi-verre ou quoi. »
« T’as le choix entre lait de vache, lait de chèvre, lait d’jument, et il doit même me rester un peu de lait de chamelle. »
« C’est quoi une chamelle ? »
« Je crois que c’t’une grande bestiole verte avec des cornes longues comme toi et six pattes. »
« C’est un dragon, ça. »
« P’t’être que les chamelles sont des sortes de dragon qui font du lait, alors. »
« Alors je prends ça. »
« Très bien. »
Il fourragea sous son comptoir et fit couler un liquide ocre dans un bol en terre cuite, qu’il tendit à Victor.
« Alors maître barde, les conditions sont les suivantes. Six soirs par veillée pendant l’hiver. Rien de moins. Vous partagerez l’affiche avec une contorsionniste de KaraTur et un illusionniste nain. Et parfois la goule musicale, si elle se pointe. »

[Taliesin]

Taliesin cligna des paupières, décontenancé. Comme de coutume, il avait essayé de se préparer à tous les cas de figure possibles et, comme de coutume, les choses avaient pris un tour totalement inattendu. Il avait assisté à la scène, pantois, et maintenant que c'était à lui de parler, il ne savait trop que dire.
Il se souvint alors du verre posé devant lui. L'attrapant d'une main, il le vida d'une traite, histoire de se remettre les idées en place. Il regretta aussitôt son geste, tandis que sa gorge s'embrasait. "Pas trop alcoolisé" ? Il préférait ne pas imaginer ce que l'aubergiste considérait comme "alcoolisé"...
-Je...
Il se racla la gorge, toussa un peu. Ce n'était pas le moment de perdre sa langue. L'homme allait peut-être changer d'avis.
-Six soirs par veillée... Une contorsioniste, un nain, une goule... D'accord, ça me va.
Apparemment, le tenancier avait décidé de mettre le paquet en ce qui concernait l'animation de son établissement. Il devait se considérer heureux qu'il lui reste encore de la place...
-Heu... Et la boisson est... très bonne, oui... Un bon cru...

[Galathée]

« Vous ne trouvez pas que le goût de fruits des bois est un peu trop prononcé ? Je sens bien l’humus, le champignon sauvage, mais on m’avait promis des relents de caramel que je perçois mal sans parler de l’absence absolue de la saveur melliflue du cuir de kobold. »
Devant la mine dépitée de Taliesin, il haussa les épaules.
« Soit. J’imagine qu’il y aura des amateurs. On se plaint toujours des nains, mais les elfes sont diablement durs en affaires. Ils estiment toujours que tout ce qu’ils produisent est supérieur au reste et en exigent le prix. Je vais vous dire, moi. Le meilleur vin que j’ai jamais goûté était cultivé par une tribu de xvarts sur la côte est de Dorrandin. Ils étaient bleus, mais ils savaient y faire. »

[Taliesin]

L"ancien - et futur nouveau - barde se gratta la tête, un peu perdu.
-Heu... Oui, les elfes ont tendance à être un peu prétentieux, sans nul doute... Et à négliger les productions qui ne sont pas les leurs... Hum... Pour ma part, une bonne bière me va très bien, en général...
Il lorgna en direction de Victor, qui avait vidé son bol de lait de chamelle, puis reporta son attention sur le tenancier.
-Si... Si c'est bon, pour l'engagement... Pouvez-vous me dire quel soir je dois commencer ? Et si vos clients ont des morceaux favoris qu'il seraient heureux de m'entendre jouer ?

[Galathée]

« Vous pouvez commencer dès ce soir, si vous avez de la voix. Sinon demain. En tout cas, les deux jours avant la Fête de la Lune, ça m’arrangerait bien, parce qu’il risque d’y avoir du monde. Pour le répertoire… Pas des trucs chiants ou intellos ou trop déprimants. Moi j’aime bien toute la saga du Vaillant petit bourrelier d’Antelucas, et aussi le répertoire de ce barde humain, là… Allez, je ne reviens plus sur son nom. Mitch de l’Ancien Pré. Voilà. Si vous connaissez deux trois de ses chansons, elles marchent toujours du tonnerre. »
« Ah oui, moi j’aime bien " Les Cloches en Tuyau ! " ! » intervint subitement Victor.
« Un connaisseur ? »
« Pas de tout, mais les Cloches en Tuyau, c’est super. Je peux même jouer la partition pour couvercle de casserole ! »
« Je n’en doute pas une seconde. »

[Taliesin]

Taliesin, les yeux écarquillés, fixa un instant l'enfant, puis haussa les épaules.
-Très bien... Je vais voir ce que je peux faire.
Il réfléchit une seconde, puis prit sa décision : autant ne pas reculer. Cela le forcerait à trop se poser de questions. Mieux valait se jeter directement à l'eau.
-Et je pense pouvoir commencer dès ce soir, oui. J'ai la journée pour préparer quelque chose. A quelle heure voulez-vous que je commence ?
Il connaissait vaguement les morceaux dont il était question : il pourrait en retravailler un ou deux, et compléter avec des danses et des chansons passe-partout. Il affinerai au fur et à mesure : beaucoup de labeur en perspective, mais cela ne l'effrayait pas, au contraire. Au moins, il ne réfléchirait pas trop...

[Galathée]

« Très bien, dans ce cas, je vous attends ce soir. Un conseil, prenez une tenue qui se nettoie bien. Le public est réceptif, vous vous en souviendrez, mais par essence, une taverne, ça mouille et ça tache. »
Il serra la main de Taliesin avec entrain, pour sceller leur association.
« Au fait, il est probable que la contorsionniste danse et se… contorsionne, vous voyez, pendant que vous chantez. Vous verrez, ça semble bizarre, mais l’harmonie vient vite. »
Puis, sur un sourire, il abandonna là l’elfe et l’enfant, regagnant son arrière salle.
« C’est quoi une tonsornisste ? » finit par demander Victor.

[Taliesin]

-Heu... C'est quelqu'un qui est très souple et qui arrive à se mettre dans des positions qui pourraient paraître impossible... Comme mettre ses jambes derrière sa tête, se tasser pour rentrer dans une toute petite boîte, des trucs comme ça... En général, c'est assez impressionnant.
Tout en parlant, Taliesin avait entraîné le petit garçon vers l'extérieur, et c'est en essayant de le dissuader de tenter sur le champ un entraînement de contorsionniste qu'il le mena jusqu'à leur maison.
En tout début de soirée, il était de retour, seul, à la Bienveillance. Il s'était entraîné une bonne partie de la journée, ne s'interrompant que pour aider Victor à sortir d'un coffre dans lequel il s'était coincé - il l'avait pourtant prévenu que celui-ci était trop petit pour qu'il y entre - et pour lui dire que non, décidément, ça ne serait pas une bonne idée d'essayer de se faufiler par le soupirail de la cave. Puis Galathée était rentrée, et il lui avait annoncé la nouvelle : la rôdeuse avait paru contente. Il s'était efforcé de donner la même impression.
A présent, il se sentait relativement prêt : il s'était remis depuis quelques semaines à la harpe, avait un peu joué pour Galathée et Victor et il s'était finalement rendu compte que les vieilles habitudes reprenaient le dessus : son répertoire du jour, sans être d'une originalité folle, devrait au moins contenter les habitués qui, en général, appréciait surtout les chansons qu'ils connaissaient par cœur. Enfin, il l'espérait...
En attendant que le nain illusionniste termine son numéro, il s'installa à une petite table à l'écart, acceptant bien volontiers la bière que lui servit le tavernier. Puis vint enfin son tour. La gorge nouée, il gagna la petite estrade située dans un coin de la salle commune, salua sans fioritures l'assistance et commença son tour de chant. "Pas des trucs chiants ou intellos ou trop déprimant" avait dit le patron. Il s'efforça de suivre à la lettre les instructions, multipliant les gigues, les chansons à boire et quelques passages particulièrement truculents de la saga du Vaillant petit bourrelier d’Antelucas. L'exercice le laissa épuisé et la voix fatiguée : il n'avait plus joué ainsi depuis des éons. Mais il pensait avoir donné une prestation à peu près convenable. Restait à voir la réaction du public, toujours imprévisible...

[Galathée]

Le public était disparate et sembla apprécier ce qu’on lui avait proposé, ce qui se refléta dans les pourboires que récoltèrent Taliesin et ses confrères. Apparemment, la plupart des convives avaient été pris au dépourvu par le spectacle, et aucun ne s’était déplacé spécialement pour les artistes, mais quelques uns vinrent les féliciter en personne. Taliesin se coltina ainsi une dame relativement alcoolisée qui escomptait lui faire visiter sa chambre à l’étage, ainsi qu’un gnome féru de contes sordides qui proposa de lui en revendre l’un ou l’autre. L’heure tardive mena cependant l’elfe vers la sortie, et le sourire que lui décocha un tavernier bien occupé avant qu’il ne parte le rassura quant à ses prouesses. Première soirée, première réussite, sa carrière était relancée.

[Taliesin]

Taliesin revint à l'auberge trois des cinq soirs suivants, conformément au rythme convenu avec le tenancier. Ses journées, il les passa à s'entraîner, à dispenser ses leçons d'écriture à Victor et à tenter de l'occuper : loin de toutes les distractions qu'offrait la campagne, le gamin était un peu désœuvré, et le barde en redevenir se disait qu'il faudrait bientôt lui trouver de quoi s'occuper... Les soirées libres, il demeurait chez eux, à deviser tranquillement avec une Galathée fourbue. Lentement, ils trouvaient un nouveau rythme de vie, presque tranquille...
Et ses soirées de service... Et bien, l'elfe devait admettre qu'il arrivait presque à s'y amuser. Peu à peu, ses doigts retrouvaient leur ancienne souplesse, sa voix se faisait plus endurante, et il se permettait à nouveau certaines audaces qu'il n'avait oser tenter depuis qu'il s'était remis au travail. Il n'avait guère le temps de souffler, mais c'était tant mieux : les soucis étaient tenus à l'écart. Parfois, il parvenait même à les oublier, lorsqu'il était face à un public particulièrement réceptif et qu'il se laissait aller à quelques morceaux moins conventionnels.
Une vie normale, presque.

[Galathée]

Quête: Un désir de crépuscule

Tandis que Taliesin réchauffait le cœur et l’âme des clients de la Bienveillance, l’hiver étendait son emprise sur Luménis, de plus en plus glacé et humide, nimbant les rues de brouillard aux heures creuses. Bien que jouissant d’un climat plutôt favorable, la cité n’était pas à l’abri des grands froids et la saison s’annonçait difficile. Le barde avait déjà surpris plusieurs personnes se plaignant de nuages trop nombreux, de gel précoce, et certains vieux disaient que le vent n’avait plus soufflé de la sorte depuis bien des décennies. Chargé de cristaux de neige, il ululait comme un spectre en remontant les ruelles basses du port, pétrifiant quiconque restait en travers de sa route.
Rude, disaient les gens. L’hiver sera très rude.
Ce qui faisait bien les affaires du patron de la Bienveillance, la salle était comble, chaque jour davantage. Et ceux qui s’y installaient pour un dernier verre n’osaient généralement plus quitter sa chaleureuse atmosphère avant l’aube.
Heureusement, la Fête de la Lune promettait bien des réjouissances, de la lumière dans la nuit, les Luméniens étaient confiants. Le plus noir des hivers n’égalerait en rien les journées d’été resplendissantes sous le règne de Morféa.

« C’était quoi, ce dernier morceau ? » demanda un nain hirsute à Taliesin, alors qu’il s’apprétait à plier bagage.

[Taliesin]

Taliesin avait hâte de rentrer chez lui et de retrouver les siens... même s'ils dormaient depuis des heures. Mais discuter avec les clients faisait partie du travail, et il sourit au nain.
-C'était la geste de Pelau d'Hainebon. Je l'ai entendu dans un petit bourg de la Côte des Epées, et depuis, je l'ai reprise à mon compte. Mais je ne sais pas si le héros dont il est question est réel ou mythique... Les trouvères qui chantaient le morceau étaient trop ivres, à la fin du concert, pour répondre à mes questions...

[Galathée]

« C’est curieux. La Côte des Epées, vous dites. Ma grand-mère me chantait cet air quand je n’étais encore qu’un tout petit nain. Plus petit qu’aujourd’hui, je veux dire. Ça ne parlait pas du tout d’une histoire de paladin à la manque, évidemment. Entre nains, nous savons ce qui compte. »
A cet instant, la porte s’ouvrit sur deux hommes qui rentrèrent en courant, suivis par des trombes d’eau et de glace. Trois personnes se portèrent à leur secours et s’arc-boutèrent contre la porte pour la refermer.
« Ouah ! Ça pisse ! » s’exclama l’un des nouveaux venus, un jeune homme trempé jusqu’aux os, les chausses mouillées jusqu’à mi-cuisse comme s’il avait tenté de traverser une rivière.
Son compagnon n’était pas en meilleur état.
« J’espère qu’les égouts r’foulent pas, sinon on sera Eredhun la Nouvelle avant l’aube ! » fit ce dernier, en retirant son chapeau qu’il tordit comme une serpillière.
On les attira près du feu pour qu’ils puissent se réchauffer, tandis que le tavernier leur apportait un grog fumant.

[Taliesin]

Taliesin lorgna la porte fermée avec une grimace. C'était la tempête, dehors, et malgré l'envie qui l'étreignait de rentrer au plus vite, il serait sans doute plus sage d'attendre que ça se calme un pue. Le trajet était court jusqu'à chez lui, mais prendre le risque d'attraper une pneumonie n'était pas très raisonnable : sans voix, malade, il ne pourrait respecter son contrat... Ce ne serait pas un excellent début, loin s'en fallait.
-J'ai aussi entendu ce morceau en d'autres lieux, fit-il au nain. Mais ce n'est guère étonnant : la musique voyage, et chacun se l'approprie, la personnifie... Il doit en exister des dizaines de versions de par le monde.