[RP : l'inattendu] Dans les cryptes abandonnées

[Lothringen]

Quel silence tout à coup. On entendait le vent du soir souffler dans les feuillages, les mélopées des prières que les visiteurs du cimetière adressaient à leurs morts ; au milieu d'une allée s'étalaient désormais de nouveaux morts, anonymes, encore sanguinolents, que personne ne revendiquerait.

Lothringen contemplait le spectacle, sans joie. Ils n'avaient probablement pas affronté le bon adversaire, tout serait à refaire... et il éprouvait une frustration certaine à voir Dargor encore en vie. On allait encore leur débiter des mensonges, sûr et certain : il recommençait à penser que la seule solution pour ne pas être dupe serait de les massacrer tous, les uns après les autres. Comme ils venaient de le voir avec ce lamentable rituel, l'innocence demeurait à Melandis un concept tout relatif.

Comment savait-il qui il était, pour qui travaillait Monsieur T.... Lothringen aurait eu plus d'une question à poser à leur prisonnier, mais il ne voulait pas voler la première place à Mornagest - ce dernier venait de l'emporter grâce à l'aide de manostiens, c'était déjà une position suffisamment inconfortable. Tournant son regard vers son compagnon, le semi-drow se demanda alors ce que ce dernier voudrait faire, à présent. Mais il n'allait pas tarder à avoir la réponse...

[Mornagest]

Grimaçant, haletant, Mornagest n'était pas au mieux de sa forme. Mais il faudrait attendre un peu, pour les soins ; l'heure était aux questions. La suite... ils aviseraient en fonction des réponses données. Cependant, la survie de Dargor était mise à mal.

Le guerrier s'approcha de son co-conseiller, un regard mauvais dans les yeux. Il lança froidement :

"Tu n'as pas eu la chance de succomber à la bataille ; tu risques de le regretter... explique-moi ce que tu cherchais à faire, là-dessous ?"

L'homme considérait Mornagest d'un œil hagard, celui du perdant, qui ne réalisait pas encore exactement ce que cela impliquait pour la suite des évènements. Il regarda vaguement autour de lui, considérant les morts gisant à terre, puis secoua vainement la tête.

"Euh..." Il eut un soudain éclair maléfique dans les yeux, avant de répondre, très sèchement : "Ce n'était pas censé arriver !". Il se tut ensuite, tandis que le mélandien tentait de comprendre.

"Quoi donc ? Parle, Dargor. Je suis fatigué, mais ma colère peut me permettre de t'interroger pendant longtemps.
- Une voix... dans ma tête." Ce fut tout ce qu'il put répondre, gardant la bouche entrouverte, fixant attentivement un point sans intérêt derrière Mornagest. Ce dernier se tourna, perplexe, vers son compagnon.

[Lothringen]

Lothringen haussa les épaules, passablement exaspéré.

"Mensonges, comme d'habitude. Je lisais ses pensées tout à l'heure, et ce n'avait pas grand chose à voir avec celles d'un homme sous l'emprise d'un sort de domination."

Le semi-drow finit d'essuyer ses lames sur un pan de vêtement de cadavre, avant de se retourner vers le conseiller mélandien.

"Parlons peu, parlons bien. Votre seule existence me pose un épineux problème. Si vous persistez à vouloir jouer les poids morts inutiles, j'y trouverai sous peu une solution du genre radicale. Vous me comprenez ? "

Il ne bluffait pas. Cet homme en savait beaucoup trop sur lui, sur eux ; sous leurs yeux, une jeune fille venait de mourir au cours d'un rituel démoniaque ; Dargor les y aurait bien livrés eux-mêmes... Les scrupules étouffaient si peu le manostien que ce n'était que le besoin de renseignements qui le retenait encore de passer à l'acte.

[Mornagest]

L'homme recula tant qu'il put, soit un demi-pas, avant d'être repris par les deux mercenaires qui l'encadraient. Il leva un bras, comme pour se défendre d'un coup que Lothringen ne lui avait du reste pas porté...

"Je... bon, très bien." Il paraissait paniqué, maintenant. Son petit jeu avait échoué, et il savait qu'il était dans une posture des plus délicates. Plus question de mentir...

"Nous avons monté une secte depuis plusieurs mois. Nos recherches étaient longues et coûteuses... quelques vols sur des cibles intéressantes nous ont bien aidé. Les... le... comment dire ? Le but était de convoquer une espèce relativement puissante de démon, qui nous aurait obéi pratiquement au doigt et à l'oeil... des objets puissants sont nécessaires pour s'assurer son obédience. Le rituel était prêt à être exécuté. Le sang d'une vierge suffisait à convoquer le démon. Vous avez... ruiné nos espoirs !"

Il jeta un coup d'oeil à Mornagest, qui lui dardait un regard si sombre qu'il n'osa pas protester plus avant. Les noirs desseins de ces fanatiques crétins n'émouvaient pas le guerrier.

"Pourquoi avoir tenté de nous tuer ? Ou du moins, nous séquestrer ?
- Vous étiez sur notre piste. Ce traître de T m'avait promis son silence, moyennant une belle somme... et voilà que vous nous suiviez, ici, près de notre tanière ! Payer un morveux pour jouer la comédie devant vous, vous accueillir comme vous deviez l'être... et vous faire disparaître, une fois le rituel accompli. Vous devez constituer une nourriture de choix..."

[Lothringen]

"Oh, je suppose. De quoi donner des indigestions à une armée de méphites..."

Il avait rangé ses armes. Il fallait en venir rapidement au fait, car le cimetière de Melandis n'était pas précisément l'endroit idéal pour une discussion prolongée. Trop exposé.

"Vous devez vous douter de ce que traquer des démonistes amateurs n'est pas tout à fait prioritaire dans l'agenda du chancelier, par les temps qui courent. Se débarrasser de qui veut sa peau, un peu plus... Votre Monsieur T. nous a jetés les uns contre les autres pour le seul bénéfice d'un tiers. Un tiers qui serait, à ce qu'il semble, notre ennemi commun. Reste à déterminer qui... une idée ?"

[Mornagest]

"Lui-même", songea simplement Mornagest, mais il doutait que la fripouille avait réellement besoin de cela. Il était bien plus probable que le véritable commanditaire de cette affaire fut un des autres conseillers, ou du moins, quelqu'un de haut placé.

"Vous l'avez rencontré. Croiriez-vous, désormais, tout ce qu'il a pu vous dire ? Moi non. J'aurais soupçonné Devir... si retors. Mais j'ai vaguement cru comprendre que le chancelier était son allié... aucun moyen d'être sûr. Si je devais deviner, je dirais Enetos... mais c'est pure intuition. Je doute que vous vous basiez là-dessus."

"Somme toute, on doit tout reprendre depuis le début, cet imbécile en moins dans la liste des suspects..." se dit le mélandien. Tout ça pour... ça. Mais lui et son culte abominable avaient commis des crimes trop odieux pour le laisser s'échapper impunément. Décider d'une sanction maintenant ? La mort paraissait adéquate, mais quelles répercussions aurait-elle ? Il aurait voulu avoir l'avis de Lothringen.

[Lothringen]

Lothringen réfléchissait. Il leur restait encore une piste, malgré tout : la seconde fausse piste laissée par Monsieur T. Ce bouge où ils étaient censés surprendre Terenas... Ou un autre. L'informateur n'avait pu prévoir à l'avance lequel des deux endroits ils choisiraient de visiter en premier: il y avait donc forcément quelque chose pour eux à cette adresse... Soit un deuxième conseiller à rayer de la liste, soit des hommes de main à faire parler.

Quant à Dargor... Passée la première colère, Lothringen était désormais tenté de le laisser vivre, ne serait-ce que parce que l'assassin de Mornagest avait tenté de se débarrasser aussi de lui. Pur esprit de contradiction, en somme. De plus, Mornagest ne pouvait sans doute pas s'offrir de massacrer l'intégralité du conseil. Dargor lui serait utile pour appuyer la chute de son ou ses ennemis, quels qu'ils soient. Mais il y avait toujours le risque de le voir libéré au mauvais moment, un acteur de trop dans la danse...

"Que faire de lui ? Je serais d'avis de le mettre hors jeu jusqu'à ce que cette affaire soit finie... Pensez-vous cela réalisable ?"

Cette fois-ci, c'était aux "mercenaires" qu'il posait la question.

[Mornagest]

Mornagest devrait patienter pour sa vengeance ; Dargor échapperait à la mort, maintenant, et il serait peut-être même remis en liberté plus tard, lorsque l'affaire serait terminée.

L'un des mercenaires engagés par l'ambassadeur acquiesça.

"On va le mettre au frais autant de temps que vous voudrez, m'sire. Vous viendrez le récupérer à l'ambassade ?
- Ça me va, personnellement. Ça nous laissera le temps de finir cette histoire... et vous ?" dit-il en se tournant vers Lothringen. Jouer la comédie était peut-être encore un peu utile, après tout.

[Lothringen]

Passée la surprise de voir Mornagest le vouvoyer, Lothringen hocha la tête, mais il arrêta les mercenaires comme ils commençaient de se retirer. Il avait encore une question à poser à Dargor.

"Une dernière question. Je ne me souviens pas que vous m'ayez laissé le temps de me présenter, et pourtant, vous saviez qui nous sommes. Comment, et depuis quand ?"

Soir quelqu'un l'avait généreusement informé, soit il fallait admettre que toutes leurs précautions n'avaient servi à rien. Ennuyeux. Et ce gamin qui les avait vus s'embrasser... Dire que son premier réflexe avait été pour jeter une hache dans le buisson avant même qu'il n'en émerge. Dire qu'il en était presque à regretter de ne pas l'avoir fait...

[Mornagest]

Le conseiller regarda Lothringen, puis haussa simplement les épaules.

"Cela fait longtemps qu'on sait que vous êtes un ami proche de l'ambassadeur... enfin, du chancelier", corrigea-t-il, un brin amer. "Un demi-drow à ses côtés, il n'en a pas souvent."

Les mercenaires engagés lui lièrent solidement les poignets, puis la troupe se mit en route vers l'ambassade, laissant là les deux guerriers, avec leurs interrogations quant à la suite des opérations. Mornagest les concrétisa en un laconique :

"Et maintenant ?" avant de poursuivre : "On peut essayer ce tripot renseigné par cette crapule de T... tout en sachant très bien qu'on risque de se retrouver nez-à-nez avec un dragon ou une liche, en lieu et place de Terenas... si ce n'est Enetos le coupable ! Retour à la case départ, ou presque : on sait maintenant que nous sommes surveillés de près, et qu'il faut presque prendre les indications en sens inverse..."

[Lothringen]

Le semi-drow considéra quelques temps l'épaule de Mornagest, sanguinolente, qui semblait avoir été proprement écrasée lors de son duel. Pour sa part, il était épuisé ; non tant à cause de l'estafilade qu'il avait reçue au bras ou des émotions de la journée que des nombreux sortilèges qu'il avait dû successivement lancer ou maintenir actifs, tout en gardant l'esprit disponible pour le reste. Cet exercice provoquait une fatigue psychique qui ne pardonnait pas.

"Nous ne sommes pas en état d'enchaîner sur une seconde série de combats, à ce qu'il me semble. Je n'ai plus de sorts, ou presque. Tu es blessé... Et il y a toute chance que nous soyons attendus. De toutes les indications que nous a données ton merveilleux indic neutre, seule l'adresse de ce bouge constitue encore une piste à suivre, cependant... N'as-tu aucune autre source d'informations à exploiter ? Sinon, je peux envoyer se renseigner sur ce bouge à notre place : nous sommes trop repérables."

Il soupira.

"Pour ce soir, nous avons notre compte; mieux vaut ne pas préjuger de nos forces."

[Mornagest]

Mornagest fit mine de se toucher l'épaule, mais il grimaça dès qu'il fit un mouvement la mettant à l'épreuve. Blessé, le mot était faible. Son os devait être en miettes... un prêtre ne serait pas de refus, et une nuit de repos non plus. La journée n'était pas terminée, mais le temps de se faire soigner, de se restaurer - il était, comme toujours, affamé - et il serait plus que temps de dormir.

"Malheureusement, je n'en sais guère plus que toi. Je suis resté longtemps en dehors de la cité, avant de me retrouver dans cette pagaille... du reste, j'avais assez peu de contacts avec le conseil, excepté Seina et Beorn. Et encore... tu les connais peut-être mieux que moi."

Il aurait beaucoup à apprendre avant de pouvoir prétendre gérer une cité telle que Melandis, à ce rythme. Déjà, survivre à ce complot généralisé ne serait pas une mince affaire, mais constituait une bonne épreuve, en soi.

"Si tu as quelqu'un à envoyer dans les parages, c'est sans doute préférable. Visiblement, notre signalement est connu un peu partout. De mon côté, je préfère ne plus faire confiance à mes "contacts" ; tu vois ce que mon plus fiable a donné..."

Il aurait une petite visite à effectuer, plus tard, dans les bas-quartiers. Histoire de se rappeler au bon souvenir de T.

[Lothringen]

Alors ils seraient bon pour recommencer de zéro, un nom de moins sur la liste... Ils naviguaient à vue, ne pouvaient guère faire autrement que de se précipiter dans les pièges, et cela commençait à être rageant.

"Nous aurions peut-être dû rentrer avec les mercenaires... Je crois me souvenir que l'ambassadeur nous avait annoncé qu'il consignerait un prêtre en prévision de notre retour, mais mieux vaudrait que tu sois soigné *avant* de retraverser la ville, tout compte fait. Quoi qu'il en soit, ne traînons pas ici. Il doit bien y avoir un temple, dans les parages ?"

Il jetait des regards nerveux de droite et de gauche. L'idée qu'on pouvait les épier ou se préparer à les attaquer de nouveau en ce moment-même n'avait plus rien de chimérique.

[Mornagest]

"Il y a Kelemvor, dans le cimetière même. Ça suffira pour ce que j'ai."

Ils se mirent en route, scrutant nerveusement les allées vides du cimetière. N'importe qui pouvait surgir de là et les attaquer ; rien ne prouvait qu'ils étaient hors de danger, au contraire. Tant que les opposants de Mornagest n'étaient pas envoyé dans l'au-delà, ils n'auraient guère de vrai repos.

Ils arrivèrent sans encombres au temple de Kelemvor.