[Guilde] La Vierge d'Argent

[Elissa Keens]

Elissa avait hoché la tête. Un vrai sourire s'était dessiné dans ses yeux. L'espace d'un instant, Eliaëdel put avoir un aperçu de ses sentiments. Pas de froideur, pas de dégoût, pas de peur. Une sorte de soulagement. Mais la jeune femme fut incapable de savoir si c'était le fait qu'elle restait ou ce qui venait de se passer qui l'avait provoqué.
Elle avait souri, un vrai sourire.

*Je ne sais pas où je vais, mais j'y cours tout droit*

La fatigue la rattrapa à ce moment. Plus celle des soucis, une saine fatigue. Elle ne reculerait pas, elle avait pris sa décision.

"Heureusement pour toi, plaisanta-telle, il aurait fallu que tu te battes contre moi pour pouvoir partir"

[Eliaëdel]

Gloussement. Avant d'ajouter, mi sérieuse, mi rieuse. « Je sais à quoi m'attendre maintenant si je fais mine de m'éloigner. » Elle s'arrêta à quelques pas de la porte. Parut hésiter. Chercher des mots. Quelque chose à dire. Finalement non. Elle ouvrit en silence la porte. Et quitta la chambre. Les sentiments qu'elle avait pu exprimer étaient de nouveau voilés. Distants. Par une crainte maladive, une méfiance inexpugnable.

Un instant, elle faillit bien se retourner, envoyer un dernier regard en arrière. Redevenir ce dont elle avait montré un aperçu. Elle ne le fit pas, même cela parut lui coûter. Motivée par une sorte d'urgence. Elle jeta ses affaires avec négligence sur le petit bureau une fois arrivée dans le cadre familier de sa chambre. Indifférente et désinvolte, avant de s'allonger sur son lit; repliée sur elle même, dodelinant du chef. Le sommeil ne lui fut pas d'un grand secours pour autant. Les doutes avaient quelque chose d'amer; une sorte de poison insidieux et corrosif. Les murmures qui nichaient dans son crâne s'en donnèrent à coeur joie cette nuit là. Et la lutte était plus que jamais inégale; ce n'était pas comme si elle avait coutume de laisser se dicter son comportement par ses sentiments.

[Elissa Keens]

Elissa n'avait pas non plus dormi cette nuit là. Ses pensées allaient et venaient. Peut être n'aurait elle pas dû envoyer Oriane à Linceul. Elle lui trouvait certes de potentiel mais personne ne savait ce qui l'attendait là bas. Peut être ferait elle bien d'envoyer quelqu'un pour la seconder. A moins qu'il ne soit trop tard.

Elle se reprit à penser en patronne de guilde. Elle était restée derrière. Peut être s'interdisait elle de penser à autre chose. A Eliaëdel par exemple. Elle s'était clairement dévoilée. Elle hésitait à suivre. Elle ne voulait pas faire croire qu'elle éprouvait des sentiments dont elle réprouvait l'existence. Ceux-là n'étaient peut être pas pour elle.

Elle se remit à penser à la guilde, à Althéa qui travaillait pour elle de moins en moins pour s'occuper de sa fille, à Oriane et à tous les absents. Et elle espérait qu'Eliaëdel ne partirait pas.

[Eliaëdel]

Elle s'était levée dès le petit matin, malgré l'épuisement. Mangea en vitesse, discrètement, presque à regret, tant que nul ne pouvait encore la voir. Était descendue à l'herboristerie se servir en onguents. Et s'était soignée sérieusement. Avec une volonté farouche d'effacer les outrages et les traces. De retrouver la plénitude de ses moyens. Elle était en colère. D'une colère froide et méthodique. Contre elle; étouffant dans l'oeuf toute trace de sensibilité.

Tout oublier. Il fallait tout oublier. Elissa. Ses paroles. Elle se concentra sur l'absence de réaction de la moinesse; ça lui facilitait la tâche. Elle descendit au sous sol, dans la salle d'arme. Dans un discours aux voix multiples. Agitée.

Reprit son entrainement physique, des heures durant, sur les mannequins d'entrainement de la guilde et leurs dispositifs parfois vicieux; travaillant sur ses reflexes et son endurance. Avec une détermination presque effrayante à voir. Chassant d'un revers de l'esprit les douleurs que cela faisait renaitre. Elle vivait encore. Et comptait bien rester en vie le plus longtemps possible.
Elle ne s'arrêta que lorsque le sol commença à tourbillonner autour d'elle; pâle, trempée de sueur, les muscles douloureux, tenant tout juste sur ses jambes. Le regard terne.

L'elfe s'assit sur une chaise. Vida une cruche d'eau. Reprit lentement son souffle. Étira une dernière fois ses ses muscles. S'allongea sur un banc. Il ne devait pas être plus tard que la fin de matinée; elle s'endormit toutefois sur sa couche improvisée en bois. Calme. Apaisée. Jusqu'à ce qu'un bruit ne finisse par la réveiller, quelques heures plus tard.

[Elissa Keens]

Un bruit ténu, léger. Une porte qui se ferme. En se redressant, Eliaëdel découvrit un morceau de parchemin barré d'une écriture maladroite.

"Eli. Ne m'en veux pas pour hier soir. Ce n'est pas une erreur. Laisse-moi juste le temps"

Pas de ratures ni de raclements. Elissa avait écrit ces mots de sa main malhabile sans revenir en arrière ni rien regretter. Quant à la forme : les paroles s'envolaient et les écrits ...

En tendant l'oreille, la barde entendit du bruit dans la boutique. La moinesse avait entrepris de mettre un peu d'ordre dans le magasin.

[Eliaëdel]

La lecture du message lui fit l'effet d'une douche froide. Longues inspirations nerveuses. Elle le froissa entre ses doigts. Mais le garda dans son poing fermé. La conscience qu'elle arrivait à sa propre perte. Qu'elle ne pourrait pas l'empêcher. La colère ressentie quelques heures plus tôt se mua en panique soudaine. Non. Cela ne l'aidait plus du tout. Le sentiment que les choses lui glissaient entre les doigts. Comme une poignée de sable sous le vent du bord de mer.

Garder le silence. La tuer tant qu'il avait été encore possible. Mais il était trop tard désormais. La force de faire ces choix lui manquait. Elle serra le poing jusqu'à ce qu'il soit douloureux. Rit faiblement. D'amertume. De démence. Elle en conçut du regret. De la colère. Yeux fermés sur le banc. A écouter les bruits alentours. Sa respiration agitée. Ce qui devait être Elissa qui marchait dans la boutique.

Elle se releva. Rangea le message dans sa poche après hésitation. Se dirigea vers la boutique. S'il était possible de faire machine arrière...

Entra dans l'herboristerie. Elle masquait bien ses émotions en tous cas. Détachée. L'air de rien. Faire machine arrière. Soit. Le désirait elle véritablement au prix que cela lui coûterait?

[Elissa Keens]

Le bruit d'un bocal s'écrasant sur le sol. Privée temporairement de son épaule et d'une partie de son bras, Elissa manquait cruellement d'agilité.

"Et merde"

Elle avait entendu Eliaëdel approcher de son pas léger de félin. Elle s'était immobilisée quelques secondes devant le pot brisé au contenu éparpillé sur le sol. Elle se sentait malhabile, inutile, presque infirme. Et c'était entre autre chose ce qu'elle détestait. Mais il y avait autre chose. Autre chose qui lui fit venir les larmes au yeux.

"Merde, merde et remerde"

Elle s'était accroupie et avait entrepris de ramasser les morceaux.

"Attention, il y a du verre partout. J'ai décidé de refaire un peu la déco ..."

[Eliaëdel]

Elle a pesté interieurement. S'est maudite. S'il s'agissait maintenant d'essayer de l'éloigner, elle en était incapable; ne le voulait pas. Sa faiblesse lui en donnait des nausées. Elle n'a pas bougé tout de suite.
Effleuré l'idée de remonter; prendre un bain pour effacer les efforts du matin. Tout, mais ne pas rester ici.

Elle n'a pas réussi. L'elfe s'est approchée sans rien dire, puis s'est accroupie pour ramasser les éclats de verre à son tour. Sans essayer de croiser le regard d'Elissa. En se forçant à rester concentrée sur sa tâche.

[Elissa Keens]

Une légère pression sur son épaule, l'espace d'une seconde laissa à Eliaëdel la sensation de l'avoir rêvée. A côté d'elle, Elissa semblait ne pas avoir bougé. Et pourtant. L'espace d'une seconde, elle croisa son regard. Elle ne détourna pas les yeux. Elle y vit comme à son habitude ce léger sourire qui montrait peu mais en disait si long.

"Merci"

Elle ne pleurait plus. Seul le timbre de sa voix trahissait un soupçon de fatigue. Elle ne se sentait pas en paix comme poursuivie par un sentiment de catastrophe imminente. Mais comme à son habitude, rien ne laissait voir son trouble. Quand le dernier éclat de verre fut ramassé, elle se releva en grimaçant, la main sur son épaule.

[Eliaëdel]

Elle a posé le front contre son épaule valide lorsqu'elle l'a vu grimacer l'en enlaçant brièvement au niveau des hanches. Un geste d'apaisement. Pas dénué d'affection. Spontané. Avant qu'elle ne se tourne vers la fenêtre observer le ciel de giboulées qui sévissait au dessus de Manost.

« Tout finira par aller. » Sans expliciter si c'était pour l'épaule ou pour le message qu'elle avait reçu. De la persuasion ou de la conviction. Se garder de bien délimiter les contours de ses propos n'était pas pour lui déplaire. Une distraction à laquelle elle renonçait rarement.

« Ne m'en demande pas la raison. Je n'arrive pas à me l'expliquer. » Un fil de pensée, serpentant l'avait fait ressortir de son silence détendu; sans transition avec le message d'apaisement. Sur le ton du monologue; un aveu de fait. Mais...
il aurait pu être adressé tout autant à elle même qu'à la moinesse. Son intelligence n'était pas d'un secours étourdissant; ni son aspect le plus cyniquement calculateur. C'était cause d'une amertume qui n'avouait pas son nom. Et plus elle y pensait, moins elle y trouvait de sens. Ce faisant, elle était à deux doigts de renoncer à y trouver une signification dans sa logique tortueuse; prête à l'accepter en tant que fait. Dans un aveuglement dont ellle acceptait petit à petit les conséquences. Toutes. Malgré les instants de révolte qui n'étaient jamais bien loin.
Elle savait pourquoi elle était venue la voir. Mais ça ne résistait pas à l'épreuve des faits.
Elle se promena dans la boutique; faisant les cents pas. Regardant les étagères, avec leurs baumes, les plantes séchées. Une manière de remettre de l'ordre dans ses pensées.

[Elissa Keens]

Elissa l'avait observé à la dérobée, de l'autre coté de la pièce. Les paroles d'Eliaëdel flottaient encore dans son esprit. Mais elle n'y voyait aucun apaisement. Tout mot qu'elle prononçait était fait d'énigmes, et chacun des tiroirs recelaient de différents abymes. Il y avait toujours cette tension chez elle, cet instant en suspens où elle sentait tout déraper.

Peut être arriverait-elle à l'appaiser ou du moins à lui permettre de trouver le chemin vers une certaine sérénité. Elle ignorait comment. Pour le moment, elle laissait le temps au temps. En espérant que ni l'une ni l'autre n'auraient à en souffir.

[Eliaëdel]

Elle a quitté la boutique quelque temps après. Sans rien ajouter. Elle s'est baignée, pour effacer les efforts prolongés de la matinée. Objectivement, elle ne sentait pas la rose. Ca ne la gênait pas d'ordinaire. Mépris total du regard des autres. Et causer le malaise ne la troublait pas outre mesure. Elle s'en servait. Mais le seuil de l'acceptable était atteint surtout si elle voulait guérir.

Mais ça ne suffirait pas. Assurer ses arrières d'une part; pour cela, Elissa allait devoir en savoir plus. Mais pas tout de suite. Cela ne ferait qu'attirer la suspicion et la desservirait au sein de la guilde; cela finirait par se savoir. Sa situation était déjà assez délicate pour se permettre de rajouter des complications.

Assurer sa propre protection ensuite. Son épée, ses notes et sa magie ne suffiraient sans doute plus. Elle retrouvait lentement ses capacités physiques; mais avec un délai serait trop long pour qu'il puisse suffire pour la prochaine attaque. L'armurerie de la guilde était une possibilité; qui ne serait pas plus gratuite que n'importe quelle échoppe vendant du matériel pour des aventuriers. Juste la nature du paiement qui différerait.

[Elissa Keens]

Elissa avait continué de ranger ses bocaux. Bien qu'ayant remarqué le départ d'Eliaëdel, elle ne l'avait pas arrêtée pour savoir où elle allait. N'importe qui dans la guilde était libre de ses mouvements, à part si - bien sûr - on lui fonçait dessus avec une épée au clair en hurlant. Mais ce n'était pas vraiment le propos.

Il y avait aussi le fait que, quelque part, elle avait besoin de rester un peu seule. Eliaëdel la troublait. Elle avait besoin de savoir comment. Puisque ce n'était peut être pas de l'amour, il fallait bien que ce soit quelque chose. Quelque chose la liait à la barde. Mais elle voulait rester lucide, garder le contrôle. Et c'était de plus en plus difficile.

[Eliaëdel]

Elle avait joué ensuite après avoir regagné ses quartiers, des heures durant. Jusqu'à ce que le soir ne tombe dans des lambeaux roses orangés fatigués. Pas dans un but de tuer le temps; elle avait manqué de pratique les derniers temps. Le temps d'accorder la petite harpe de voyage était révélateur à ce propos. Ses décennies de pratique lui avaient toutefois évité l'écueil des fautes notes. Mais elle maintenait une exigence certaine à ce propos. Et cela la calmait, lui apportait une paix qui lui faisait défaut -pour un temps.

Elle avait besoin de la musique pour avoir accès à la magie qu'elle employait; néanmoins d'une certaine manière, elle trichait... même à ce propos. Elle abandonnait progressivement sa musique au profit d'un chant discret, sourd, grave, aux mélodies beaucoup plus subtiles. Presque parlé pour qui n'y prenait garde. Beaucoup plus à propos dans les situations ou la furtivité était requise. Ce qui n'avait pas manqué d'être utile. Et le serait à nouveau.

[Althéa]

Elissa n'avait pas cherché à la voir. Elle ne comprenait que trop bien son besoin de solitude. A travers la porte, elle l'avait entendue jouer. Elle n'était pas entrée. Elle avait simplement saisi les notes au vol, une à une. Quelques chansons lui rappelèrent des souvenirs, d'autres ne lui dirent rien mais éveillèrent en elle une certaine nostalgie. Elle aussi aurait voulu savoir faire quelque chose de ses mains. Mais les fusains d'Althéa faisaient inlassablement des pâtés sur les feuilles et les malheureux sons qu'elle avait tirés des instruments qui lui étaient malencontreusement tombés entre les mains étaient capable de mettre en déroute une armée entière.

Au soir, elle retourna s'asseoir dans le bureau de la guilde. Là, elle médita. Le calme du soir chassa à peine son angoisse. Elle attendait Oriane.

hrp : pas le temps de me connecter sur le bon compte

[Eliaëdel]

La nuit était passée; elle l'avait laissée à un silence trompeur. Les volets ouverts, à contempler le ciel nocturne et étoilé assise en tailleur sur le lit. Une agitation réprimée. Un repos qui lui filait entre les doigts malgré sa musique. Elle s'était levée aux premières lueurs de l'aube; après une toilette rapide et après avoir avalé quelque chose à la hâte. Avait attendu quelques temps encore, le temps que les premiers bruits ne lui indiquent que la guilde s'éveillait à son tour.

Elle s'était dirigée vers la chambre d'Elissa, sans un bruit, après avoir pris sa bourse et vérifié son contenu d'un reniflement. Puis avait frappé discrètement à la porte; elle n'aimait le public que dans des circonstances bien précises; et non quand elle avait quelque chose à demander. Surtout une requête qui la dérangeait plus que ce qu'elle voulait admettre.
La moinesse lui ouvrit; elle entra dans la chambre presque avec répugnance; en évitant le regard gris-bleu qui l'auscultait. Une gêne qu'elle ne masquait que très approximativement. Mais elle se décida finalement à parler après un silence qui menaçait de devenir trop long.

« Je vais avoir une faveur à te demander. » Voix sourde. Et éteinte. La fatigue était perceptible. « Je vais avoir besoin d'une armure. Ou de n'importe quoi d'équivalent qui fasse l'affaire. »

Elle s'est tournée vers la fenêtre. Avant de continuer; presque rudement.

« J'ai de quoi le payer si c'est ce qui t'inquiète. »

[Elissa Keens]

Elissa n'avait pas parlé tout de suite. Elle s'était d'abord contentée de secouer la tête. Non, elle ne voulait pas de son argent. Elle voulait une armure et elle allait lui en fournir une. Elle pouvait aussi lui demander une arme, tout ce qu'elle voulait. Mais après. C'était l'encourager à continuer dans son délire de paranoïa et de vengeance. C'était lui donner les armes pour sa propre mort. Et que pouvait elle faire ? Lui refuser son aide ?

Elle avait tenté de garder un visage impassible mais Eliaëdel avait lu dans ses yeux une multitude de questions avant qu'elle ne détourne le regard.

"A la guilde, les gens sont nourris, logés, blanchis. Tu trouveras tout ce dont tu as besoin dans la pièce à coté de la salle d'entraînement, dit elle d'une voix blanche, par contre, en cas d'ennuis le règlement voudrait que la guilde fasse comme si de rien n'était ... Plus facile à dire qu'à faire"

L'espace de la journée, elle s'était prise à croire à un apaisement au son de quelques notes. Il en allait tout autrement. L'espace d'un instant, elle faillit lui demander pourquoi, ce qu'elle avait en tête mais se ravisa. Elle n'avait aucune légitimité, aucun droit, aucun lien.

"Je vais voir si j'entends parler de l'expédition à Linceul. Si on me cherche, je serai sur le marché. En bref, je ne suis pas là"

Et elle partit sans se retourner.

[Eliaëdel]

Eliaëdel se détendit. Imperceptiblement; avant de sourire faiblement après le départ d'Elissa. Sans joie. Mais soulagée par certains aspects. Non. Elle ne pourrait pas lui garantir qu'il n'y aurait pas d'ennuis. La moinesse le savait: cela lui évitait des explications stériles et inutiles. Un court répit. Ça lui évitait de devoir révéler ses raisons qui n'étaient pas les bonnes. Pas les plus raisonnables.

Elle refusait encore d'admettre que le motif de sa survie n'était plus entièrement motivé par celui simple de vivre; par la simple vengeance. Un autre argument naviguait en eaux troubles. Elle murmura, à personne en particulier. Sans cohérence; sans signification. Des imprécations. Des protestations étouffées.
Elle finit par quitter la chambre, avant de se diriger vers l'armurerie de la guilde. Elle avait croisé Basile au passage; sans sembler le voir, l'expression fixe et vide; la présence d'esprit de se taire le temps qu'il disparaisse de sa portée d'oreille de l'avait pas même effleurée.

Elle avait mis du temps à se décider. Le temps de trouver une armure au cuir sombre, souple, assemblée solidement par des rivets metalliques d'un gris argenté tirant vers le noir, étrangement ternes à la lumière; assez pour ne perturber qu'au minimum ses mouvements; assez pour continuer à se servir de sa magie sans trop de contraintes, au prix d'un ajustement patient, méthodique et minutieux. Un enchantement mineur était à l'oeuvre pour en améliorer la protection. Et un je ne sais quoi... qui la rendait franchement sinistre; peut être que la balafre qui se refermait en une cicatrice étroite, discrète et néanmoins indélébile ressortait mieux dans cet accoutrement; ou la moue déterminée et glaciale qu'elle affichait. Eliaëdel n'était pourtant pas grande; pour faire un euphémisme. Même parmi les elfes. Avec une silhouette gracieuse qui dissimulait très bien la force dont elle était capable. L'impression en était d'autant plus... dérangeante.

Elle est restée quelque temps dans la salle après qu'elle en eut fini; habituant ses mouvements à cette nouvelle gêne. Puis elle regagna ses quartiers, toujours préoccupée, en attendant le retour de la demie elfe. Et peut être avec elle, du neuf.

*Ding, vous venez de gagner une armure +1 *

[Oriane]

Oriane venait d’entrer dans la guilde. Elle avait quitté les Banks quelques minutes auparavant, non sans avoir promis aux enfants qu’elle tâcherait d'aller les voir, aussi souvent que son travail le lui permettrait.
Constatant que la grande salle était vide de tout occupant, elle se dirigea directement vers sa chambre. Elle y rangea rapidement son épée et les quelques affaires qu’elle était passée récupérer à la ‘villa passage’ avant de partir. Puis elle regarda autour d’elle, un instant. Elle n’y avait dormi qu’une fois, mais cette pièce lui était déjà agréablement familière. Sécurisante quelque part. Surtout après...les évènements récents. La jeune femme frissonna. Elle sentait bien que la mission l’avait bien plus éprouvée qu’elle n’aurait pu l’imaginer, surtout avec la mort de Bérénice. Mais, se rappela-t-elle, c’était...terminé. Elle était de retour à la guilde, à Manost. Et la vie allait reprendre son cours normal.
Forte de cette idée, elle sortit de la chambre pour rejoindre la grande salle et retrouver Elissa. La pièce était toujours vide. Après une hésitation, elle décida d’aller faire un tour du côté de la boutique, pour constater que la moinesse ne s’y trouvait pas non plus. Perplexe, elle retourna vers la grande salle, où elle aperçut cette fois le dénommé Basile. Elle se dirigea vers lui, l’ombre d’un sourire venant éclairer son visage au souvenir de leur première rencontre.

"Bonjour. Hmm...Basile...c’est bien ça ? Sais-tu...où se trouve Elissa ?"

[Eliaëdel]

Elle avait quitté sa chambre lorsqu'elle avait entendu du bruit dans la chambre à côté de la sienne. Ce n'était pas Elissa. Mais cela pouvait être... comment s'appelait elle déjà? Oriane? Qui était de retour.
Elle avait attendu qu'elle descende dans la pièce principale pour lui suivre ses pas, sans bruit.

« Elle est partie au marché, Oriane. Elle vous attendait. Ce sera plus simple d'attendre son retour ici. » La réponse n'était pas venue du halfelin, mais du dos de la bretteuse. Calme et distante.

Bien. Elle était revenue. Mais ça ne lui plaisait pas. Elissa aurait du l'intercepter sur le trajet si elle était sur le marché. Elle ne devait pas être du genre à baisser sa vigilance aussi facilement. D'autant que la jeune femme était reconnaissable. Seulement, ce n'était pas le cas.
Elle a reniflé. Une ombre de souci derrière l'indifférence affichée. Elle s'est décidée.

« Je reviens au plus vite. »

Elle s'est retrouvée au dehors sans leur laisser le temps de protester ou de réagir.

[Althéa]

Eliaëdel avait à peine tourné les talons quand la porte de l'herboristerie s'ouvrit de nouveau. Althéa entra discrètement. Depuis qu'Eliaëdel avait reporté ses pas à la Vierge d'Argent, elle sentait planer sur la guilde un vent de folie et de discorde. Et la savoir tout près d'Elissa n'était pas pour lui plaire. Qu'était devenue la maîtresse de guilde qui accordait si difficilement sa confiance ? L'autre semblait l'avoir ensorcelée. Sa présence seule donnait froid dans le dos.

Elissa avait brièvement évoqué leur voyage à travers le miroir et elle était persuadée qu'Eliaëdel avait dans sa blessure sa part de responsabilité et qu'elle ne tarderait pas à récidiver. Dès qu'elle le pourrait, elle trouverait le moyen de l'éloigner de la guilde.

Elle fut surprise en voyant l'herboristerie déserte. D'habitude, Elissa sortait rarement. En passant dans l'arrière boutique, elle tomba sur Oriane. Oriane, la nouvelle recrue de la guilde. Sur ce choix, elle comprenait tout à fait Elissa. La jeune bretteuse était on ne peut plus fiable.

Un sourire, et elle lui demanda.

"Alors, comment a été l'expédition à Linceul ?"

[Eliaëdel]

Il ne lui a pas fallu longtemps pour rentrer dans l'herboristerie. A moitié en courant. Tantôt en marchant. Dans une rage disproportionnée; à la hauteur de l'inquiétude qui l'avait poussée à partir à sa recherche. Une rancoeur aveugle. Si elle s'est retenue d'hurler des injures tout au long du chemin du retour, ça lui en avait coûté. De ce genre de ressentiment qui ne serait pas sans conséquences. La porte de la boutique a claqué derrière elle dans un fracas assourdissant; si son départ avait été discret et précipité, son retour manquait franchement de discrétion et de tact.

L'elfe a repris son souffle avant de franchir de seuil de l'arrière boutique, le temps de recomposer un visage neutre alors que les brides de discussions qu'elle percevait dans la pièce voisine s'étaient interrompues brutalement. Derrière la colère, la tristesse n'était pas loin. La peur aussi. Elle aurait aimé vomir cette faiblesse qui ne se laissait pas submerger par sa rancoeur; et ne se laissait au contraire qu'emporter par elle.
Quant elle s'est décidée à franchir la porte, pour y découvrir Althéa et Oriane, elle réussit à maintenir l'illusion. Elle avait reposé le masque de froideur sur ses traits. Elle s'est assise près du poêle, face à la fenêtre, sans un regard pour les deux autres. Sans les écouter.

[Oriane]

L’elfe, Eliaëdel, était repartie aussi rapidement qu’elle était arrivée, sans laisser à Oriane le temps de réagir, la laissant seule avec son information. Elissa était donc en ville. Bien...alors il ne lui restait plus qu’à l’attendre. La bretteuse espérait qu’elle ne tarderait pas trop, cette attente allait finir par la rendre nerveuse. L’idée qu’elle ne soit pas acceptée au sein de la guilde lui avait effleuré l’esprit et ne la quittait plus. Après tout, on ne pouvait pas dire que sa mission...d’essaie, avait été un succès total...
Alors qu’elle hésitait à rejoindre sa chambre pour attendre, quelqu’un entra dans l’arrière boutique. La bretteuse cru d’abord au retour d’Elissa, mais réalisa bien vite son erreur, comme elle dévisageait la nouvelle venue. Elle ne l’avait encore jamais vue. Peut-être était-ce...la dénommée Althéa. Le seul membre de la guilde qu’elle n’avait pas encore aperçu.

"Alors, comment a été l'expédition à Linceul ?"

Oriane esquissa un sourire, quelque peu hésitant, en réponse à celui de la jeune femme.

"Vous êtes...Althéa, n’est-ce pas ?"

La question n’attendait pas vraiment de réponse. Le fait qu’elle sache, pour Linceul, laissait clairement supposer qu’elle n’était pas étrangère à la guilde.

"L’expédition...Particulièrement éprouvante je dois dire. Et je ne parle pas de l’absence du moindre rayon de soleil, ni de son immense cimetière. Un rien lugubre. Ce n’est pas un endroit où j’aimerais retourner."

Elle avait essayé de prononcer ces mots sur le ton de la plaisanterie, mais c’était plutôt une certaine amertume qui s’en dégageait.

[Althéa]

Le regard d'Althéa s'était arrêté sur Eliaëdel. Elle avait grimacé pendant quelques secondes avant de reposer les yeux sur Oriane. Elle avait souri franchement et s'était avancée, la main tendue.

"Oui, je suis Althéa. Contente de te rencontrer. Elissa s'attendait à s'inquiéter un peu. Je crois qu'elle va te demander un rapport complet de la situation quand elle reviendra"

Elle jeta un coup d'oeil à Eliaëdel. Celle-ci n'avait pas bougé et ne semblait pas les entendre. Pourtant, quelques secondes auparavant, elle était rentrée comme une furie, comme si ...

Mais pourquoi Elissa n'était elle pas rentrée ? Comme elle la connaissait, elle avait forcèment repéré Oriane à moins d'avoir été distraite. Elle commença à sentir planer l'inquiétude. Que s'était il donc passé ? Si elle ne revenait pas, elle irait la chercher elle-même. Et s'il s'avérait qu'elle lui avait fait quoi que ce soit ...

Un léger silence s'installa dans la salle.

[Oriane]

"Heureuse de connaître aussi."

Elle avait prononcé ces mots d’une voix sincère, mais un ton plus bas, bien consciente du changement d’atmosphère qui s’était opéré dans la pièce. L’entrée d’Eliaëdel avait, semblait-il, jeté comme un froid, même si la jeune femme n’aurait su dire si c’était uniquement dû à sa présence, ou à quelque chose qu’elle ignorait. Quoi qu’il en soit, Althéa lui paraissait soudain particulièrement préoccupée, jetant des coups d’oeils furtifs en direction de l’elfe. Elle n’était même pas certaine qu’elle ait entendu sa réponse. Ce dont elle était sûre, par contre, c’était que ce silence commençait à la mettre mal à l’aise. Finalement, et non sans hésitation, elle s’éclaircit la gorge et demanda à la bretteuse :

"Est-ce que...tout va bien ?"

[Eliaëdel]

Elle tenait une fixité impressionnante. Pas un mouvement. Une respiration calme. Qui s'est interrompue brutalement lorsqu'elle a sorti son couteau. D'un geste naturel et fluide. L'éclat de l'acier était terne. Sale. Des traces brunâtres maculaient les quelques pouces de métal tranchants. Du sang séché. Elle n'avait pas pris le temps de le nettoyer depuis qu'il avait servi sur le plan des miroirs. L'elfe sourit; avec une satisfaction malsaine. Dans le souvenir des évènements récents. Ceux là ne la troublaient pas. Avec fascination. Non, la violence ne lui faisait jamais défaut. Elle était toujours fiable; toujours fidèle; quoique sans discrimination.

Le crissement obsédant de l'acier sur la pierre à aiguiser parut la détendre. Comme si les deux autres femmes dans la pièce n'étaient que des relents désagréables à ignorer à tout prix. A moins qu'elle n'aie oublié leur présence. S'occuper les mains pour éviter d'encombrer l'esprit. Elle éprouvait de temps à autres du bout des doigts le fil de l'arme, rêveuse. Souriant et gloussant aux petites coupures qu'elle recevait en récompense. Ou peut être était ce pour répondre à l'ambiance pesante de l'arrière boutique. Ce n'était pas une amélioration notoire, bien au contraire.

[Oriane]

Althéa semblait peu encline à lui répondre. Elle semblait...pensive. Sans doute ne l’avait-elle pas entendue. Pourtant, ce n’était pas comme si le vacarme régnant dans la pièce avait pu couvrir le son de sa voix...A mesure que les secondes passaient, le silence se faisait plus pesant. Mais la jeune femme hésitait à le rompre. Par peur d’envenimer les choses peut-être. Elle jeta un nouveau coup d’œil en direction de l’elfe qui s’était mise à aiguiser un couteau, les ignorant superbement. Elle était partie juste après lui avoir annoncé qu’Elissa attendait son retour au marché. Et puis, quelques minutes plus tard, elle était rentrée et était allée s’assoir, sans leur accorder le moindre regard.

"Est-ce que...vous...avez trouvé Elissa ?"

La jeune femme avait haussé le ton pour poser cette question à l’elfe, et le regrettait déjà. La simple idée d’avoir à discuter avec elle la mettait mal à l’aise, et les gloussements qu'elle avait commencé à pousser en passant le fil de sa lame sur le bout de ses doigts n'arrangeaient en rien cette impression.

[Eliaëdel]

Un changement subtil dans son attitude indiquait qu'elle avait entendu. Même si le fait qu'on s'adresse directement à elle semblait l'excéder. Ses épaules se raidirent légèrement. Mais elle garda le silence un instant. Elle sourit à la fenêtre. Avec cette moue sans compassion. Avant de rire plus franchement, d'une voix d'adolescente. Sans lâcher son arme. Sans arrêter son manège.

« Qui sait? Est ce mon problème? » fit-elle, avec négligence. De son intonation dédaigneuse. Dans la plus parfaite contradiction de son attitude. Elle ne voulait pas le savoir. Ni renseigner quiconque plus qu'il n'était nécessaire.

« Elle rentrera quand elle le décidera. Sans doute. »

[Althéa]

Althéa était sortie de sa torpeur. La voix d'Eliaëdel et ce qu'elle disait l'irritait autant que le bruit de son couteau. Elle s'exprimait avec tant de détachement, presque avec du mépris. Alors, c'était tout ce qu'elle ressentait envers celle qui lui avait fait confiance ? Celle qui l'avait acceptée malgré tous ses défauts ? L'ingrate. Et il y avait plus. Son retour précipité ... Il s'était passé quelque chose. Et quelque chose lui hurlait qu'Elissa était impliquée dans l'histoire. Et elle ne voulait ou ne voulait pas rentrer. Elle qui sortait si peu de la guilde. Il était trop tôt pour tirer des conclusions. Mais son détachement l'exaspérait.

Pendant un moment, elle fut sur le point de lui hurler tout ce qu'elle pensait d'elle. Elle s'abstint de justesse. Elissa ne méritait pas qu'on mette en péril la guilde avec ce genre d'affaires là. Et Oriane n'avait pas besoin d'assister à ce genre de scène.

Après avoir gratifié Eliaëdel d'un regard méprisant, elle lui tourna le dos.

"Je crois que l'on ferait mieux d'attendre un peu. Est-ce que tu as faim ? Besoin de quelque chose ?"

Bien sûr, elle s'adressait à Oriane. Eliaëdel n'existait pas. Du moins pour la soirée.

[Oriane]

Oriane avait senti la tension monter d’un coup après la réponse de l’elfe. Etait-ce du à son ton si...méprisant ? A ce qu’elle avait dit ? Ou peut-être aux deux...Et sans doute à autre chose, comme une vieille rancœur contenue, et dont évidemment elle ignorait tout. Inconsciemment, elle avait retenu son souffle, attendant que l’orage éclate, ou que les choses se calment. Ç’avait duré à peine quelques secondes, quelques très longues secondes. Puis la tension était redescendue, presque aussi rapidement qu’elle était montée, et Althéa lui avait demandé :

"Je crois que l'on ferait mieux d'attendre un peu. Est-ce que tu as faim ? Besoin de quelque chose ?"

La jeune femme hésita et jeta un dernier coup d’œil vers l’elfe. Elle ne semblait pas affectée le moins du monde par ce qui se passait autour d’elle. Elle était si...froide, distante. Et même sans parler, elle lui paraissait terriblement méprisante...Oriane secoua la tête. Mieux valait qu’elle ne se préoccupe pas davantage de cet étrange personnage. Elle se tourna vers Althéa, un sourire aux lèvres.

"Oh et bien pour tout dire...mon dernier repas commence à dater un peu...Je crois que je ne refuserais pas un petit en-cas, aussi léger soit-il..."