Le massif méridional d'Hélonna abrite des montagnes riches en minerai où habitent des clans de nains alliés aux Luméniens mais demeurant indépendants. Qui sait ce cachent les grottes creusées par cette vaillante confrérie ? Touchant ces monts s'élève la forêt maudite que l'on dit hantée par les fantômes et les esprits. Des brumes épaisses entourent les marécages et on raconte que des morts-vivants les parcourent la nuit tombée... Enfin, non loin, plus au nord, se dresse le fier pic des orques. Bref, une zone regorgeant de moult périls.
Un paysage grandiose de roches suspendues entre ciel et terre, de parois verticales défiant les lois de la gravité, des cols de haute altitude, parfois couverts de neige même au cœur de l'été, des gorges profondes creusées au fil du temps par les rivières, des nombreuses sources jaillissant en cascade : le cœur du massif est, pour le voyageur qui ose s’y aventurer, à la fois démesuré et fascinant.
On pourrait croire cette zone trop inhospitalière pour l’homme. Pourtant, au cœur des vallées, se nichent quelques villages de bergers, coupés du monde par la neige l’hiver, et qui, dès les premiers beaux jours, mènent leurs troupeaux vers les estives, avides de soleil et de l’herbe grasse des hauts pâturages.
De nombreuses pistes sillonnent ces contrées, souvent simples sentes à flanc de montagne, parfois véritables routes au creux des gorges et vallées, empruntées régulièrement par des convois de marchands. Car ces montagnes sont loin d’être aussi désertes qu’on pourrait le croire. Son sous-sol riche en minerai a favorisé, petit à petit, l’installation d’importants clans de nains, vivant au sein des nombreuses cavernes de la région.
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Quête : Rendez-vous manqué
Le soir tombait. Kasumi, qui avançait sans discontinuer depuis la veille au soir, était remonté en selle, profitant d’une portion de chemin large et à peu près plane, et avait franchi encore un col de plus. D’où il se tenait, il voyait le sentier se poursuivre plus loin à flanc de falaise, se transformant peu à peu en un étroit passage en bord de précipice, sans doute caillouteux et dangereux sur plusieurs kilomètres. La nuit allait tomber, et toujours aucune trace de la rôdeuse.
en RP : Astrée,rôdeuse-druide. Co-modératrice Luméno-hélonienne
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Une fois de plus, Kasumi fut contraint de s’arrêter. Les risques d’éboulement de la piste sous le poids d’un cheval étaient déjà très grands en plein jour, emprunter le passage qui s’étendait devant lui serait suicidaire alors que la nuit tomberait dans quelques minutes. Avoir fait ce choix raisonnable ne privait pas le rôdeur de l’inquiétude grandissante qui l’assaillait. Une nuit de plus pouvait signifier la mort pour Astrée si elle se trouvait en mauvaise posture… Et même sans songer à cette extrémité, plus il perdait de temps, plus la piste risquait d’être difficile à suivre. Dans ce terrain ingrat mainte fois retourné par des éboulements naturels, il devait s’en remettre totalement au flair de Première Neige. Celle-ci comprit son angoisse et continua sa progression infatigable de sa démarche souple qui avalait les kilomètres. Elle partait en éclaireur pour suivre la piste tant qu’elle était fraîche alors que le demi-elfe et sa monture trouvait un abri de fortune en se plaquant le long d’une paroi en léger dévers qui les protègerait à peine des vents les plus violents.
Pourtant habitué aux longues marches, Kasumi se sentait épuisé, vidé de toute force autant par ses efforts physiques que par son angoisse lancinante. Ombrage n’était pas en meilleur état… Il ne tiendrait plus longtemps au rythme que lui imposait son cavalier. Alors qu’il s’occupait de lui, le demi-elfe se demandait confusément s’il ne ferait pas mieux de continuer à pied. Il repoussa sa décision au lendemain, se sentant trop épuisé pour penser de façon cohérente. Il s’efforça à manger, plus pour maintenir ses forces que par réelle faim. Lorsqu’il en eut terminé de son triste repas, il s’allongea sur contre le mur de pierre. Ses pensées virevoltèrent un moment encore alors qu’il se demandait ce qui avait pu mener Astrée dans cet endroit accidenté. Approchait-il de la destination qui avait été la sienne ? Avec l’espoir que suscitait la possible fin du voyage grandissait la peur de la découvrir morte. Cette image le remplissait d’horreur et agita sa nuit de cauchemars. Cette fois-ci, il se réveilla avant que la clarté ne permette de franchir sans risque l’éboulis. Son premier mouvement fut de vérifier l’état de sa monture qui n’avait rien pu trouvé à manger dans ce paysage des plus désolés.
Ombrage ne semblait guère apprécier cette excursion improvisée, c'était le moins qu'on puisse dire... Heureusement, ils traversaient parfois quelques étendues herbeuses qui lui permettaient de se sustenter un peu, et il pouvait se désaltérer aux nombreux petits cours d'eau qui sillonnaient les pentes. Mais cela ne valait certainement pas une place dans une bonne écurie, d'autant qu'ils n'avaient pas trouvé d'herbe depuis la veille en milieu d'après-midi.
Tout cela, Kasumi le devinait sans peine, et n'y pouvait pas grand-chose. Mais alors qu'il flattait doucement l'encolure de sa monture, son attention fut distraite par Première Neige qui, poussant sa main de sa truffe humide, cherchait à lui faire comprendre quelque chose. Dès qu'elle eut capté l'attention du rôdeur, elle fit mine de s'éloigner sur la piste, se retournant pour voir s'il la suivait. Peut-être avait-elle repéré quelque chose lors de son escapade nocturne ? Un simple contact mental suffit à Kasumi pour obtenir confirmation.
Le rôdeur ne fut pas long à se mettre en route à sa suite, Ombrage sur les talons. Le sentier qui courait à flanc de falaise était étroit, mais finit par s'élargir en un chemin plus praticable, suffisamment en tout cas pour permettre au cavalier de se remettre en selle.
Le soleil se levait tout juste lorsque, après une bonne heure de marche, la louve s'arrêta, près d'un buisson de ronces, le regard fixé sur le précipice à leur droite, humant l'air. Kasumi nota que le sol caillouteux comportait à cet endroit de nombreuses traces de sabots : visiblement les montures avaient longuement piétiné sur place. Avec appréhension, il s'approcha du vide.... qui heureusement n'était qu'une pente extrêmement raide, caillouteuse et impraticable, parsemée de quelques buissons et arbustes qui s'accrochaient vaillamment à la roche.
Il observa attentivement la pente au-dessous de lui, à la recherche de ce qui avait pu attirer l'attention de sa louve. Il mit quelques instants à le repérer.... là, à un mètre de lui à peine, accroché à un buisson épineux, se trouvait un lambeau de tissu, de couleur beige, sans doute arraché assez récemment à un vêtement. Plusieurs branches avaient été arrachées au buisson. D'autres branches, plus bas, et les traces au sol, ne laissaient aucun doute : quelque chose, ou plutôt quelqu'un, avait dévalé la pente... A une dizaine de mètres en contrebas se trouvait un replat planté d'un petit bouquet d'arbustes. Avec un peu de chance, la chute avait pu être stoppée. Sinon....
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Kasumi examina la pente qui s’étendait sous ses pieds. Il n’avait aucun doute quant à l’identité de la personne qui était tombé ici. Redoutant de voir le corps de sa bien aimée, il fouilla la ravine des yeux sans pouvoir se faire d’opinion. Il lui fallait descendre au fond du pierrier pour s’en assurer. Les rares broussailles qui s’accrochaient à la roche ne semblaient pas pouvoir lui offrir une prise sûre, leurs racines peu profondes céderaient sous son poids. Il choisit donc d’assurer sa prise sur une formation rocheuse autour de laquelle il noua sa corde. S’il ne déclenchait pas une avalanche, il pourrait ainsi avoir une chance de remonter sans trop de peine.
Le cœur au bord des lèvres, il abandonna Ombrage et la louve après quelques paroles d’apaisement pour les inciter à ne pas s’éloigner sauf s’il lui arrivait malheur. Il entreprit ensuite la descente de la pente raide en rappel, progressant à un train de tortue qui mettait ses nerfs à rude épreuve. Plusieurs pierres se détachaient sous ses pieds mais la corde lui permettait de contrôler sa descente pour le moment.
La descente était délicate, mais Kasumi progressait prudemment, lentement, et sa corde était solidement accrochée. Il parvint donc sans encombre jusqu'au petit replat qu'il avait aperçu.
Astrée ne s'y trouvait pas. Ou plutôt, ne s'y trouvait plus. Seuls subsistaient quelques morceaux de tissus ensanglantés ayant visiblement servi de compresses, abandonnés contre un arbre. Il repéra sans peine l'endroit où le corps de la rôdeuse avait heurté les arbustes qui avaient stoppé sa chute, puis l'endroit où elle s'était assise pour tenter de soigner ses blessures. Il nota avec une grimace les traces de sang sur le sol. En observant mieux, il s'aperçut que plusieurs tiges de noisetiers avaient été coupées, apparemment avec un couteau.
Sur sa droite, des traces s'éloignaient du bouquet d'arbres. Un seul pied. Et des trous ronds sur les côtés. Puis à nouveau l'empreinte d'une chaussure, puis deux trous ronds. Et ainsi de suite. La piste suivait une espèce de corniche, parallèle au chemin qu'il avait suivi juste au-dessus, en sens inverse. La rôdeuse avait probablement espéré rejoindre le chemin principal un peu plus loin. Mais elle n'y était pas parvenue, sinon il aurait aperçu ses traces avant d'arriver sur les lieux de l'accident.
En s'avançant sur quelques dizaines de mètres pour avoir une vue plus dégagée sur la paroi rocheuse, il comprit que l'étroit sentier, loin de remonter vers le chemin au-dessus, descendait petit à petit vers le fond de la vallée. Peu après, à sa grande surprise, il vit d'autres traces, arrivant face à lui puis faisant demi-tour, accompagnant visiblement la rôdeuse. Au bout d'une dizaine de minutes, il croisa un petit sentier s'élevant sur la droite, rejoignant peut-être l'autre chemin ? Quoiqu'il en soit, les traces d'Astrée et de son mystérieux compagnon continuaient, elles, à descendre en direction de la vallée.
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La découverte des traces d’Astrée posait plus de questions qu’elle n’en résolvait. Il paraissait pourtant évident qu’elle avait fait une mauvaise chute mais avait réussi à reprendre la route par ses propres moyens. Les étranges empreintes signifiaient certainement que la rôdeuse, en plus de perdre du sang, s’était foulé ou cassé la cheville. L’hiver s’attardait à cette altitude et la rôdeuse ne pourrait certainement pas chasser dans l’état dans lequel elle devait se trouver. Kasumi avait mis plus d’une journée complète pour atteindre cet endroit. Combien en faudrait-il à la rôdeuse pour regagner la protection relative de son abri ? Le sang était séché mais ne semblait pas remonter à plus de quelques jours.
La présence d’un second individu n’était pas pour le rassurer. S’il s’agissait d’un allié, il aiderait Astrée à regagner son campement saine et sauve mais s’il avait des intentions hostiles, la rôdeuse n’aurait pas pu lui résister longtemps avec pour toute arme, son couteau. Le demi-elfe pouvait choisir de tenter de regagner la corniche en suivant le chemin de gauche mais rien ne garantissait qu’il ne devrait pas effectuer un long détour pour cela. Il ne tenait surtout pas à perdre une précieuse heure bien qu’il répugnât à se séparer de sa monture et de sa corde. Une présence se manifesta à la limite de son esprit et il maudit sa bêtise. Il n’avait qu’à contacter Première Neige pour qu’elle le rejoigne et guide Ombrage sur sa piste. Il doutait qu’elle parvienne à convaincre facilement le cheval de lui obéir mais il avait gardé l’essentiel de son matériel sur lui. S’il devait faire un bivouac, ses couvertures et ses vivres lui manqueraient cependant. Il tendit son esprit pour essayer de contacter son familier et le hongre caractériel :
"Rejoignez-moi !"
Le message était volontairement simple et le rôdeur espérait qu’il passerait malgré son manque de pratique. Ombrage et lui voyageaient ensemble depuis plusieurs mois mais il parvenait à une unicité mentale beaucoup plus forte avec la louve. Avant même d’attendre une réponse qui ne viendrait probablement pas, le rôdeur se remit en route sur la piste d’Astrée et de son escorte. Si elle boitait, il espérait regagner du terrain sur elle… Au moins était-il certain d'être sur la bonne piste et que la rôdeuse avait survécu à sa chute.
Délaissant le petit sentier à droite, Kasumi suivit donc les traces d'Astrée, descendant lentement vers la vallée. Les empreintes étaient nettement visibles sur le sol sablonneux, le chemin était peu accidenté, et il progressait assez rapidement. Au bout d'une quinzaine de minutes, il entendit derrière lui une course haletante et découvrit Première Neige, hélas seule.
Elle lui envoya mentalement l'image de sa monture, bloquée dans un passage un peu délicat, et il dut se résigner à faire demi-tour pour la secourir. Il s'engagea sur le petit sentier, raide et étroit, qui grimpait en lacets le long de la pente quasiment verticale. Heureusement, il ne lui fallut que peu de temps pour atteindre l'endroit où attendait son hongre. Celui-ci, une fois son maître tenant sa longe, ne fit plus aucune difficulté pour avancer. Mais il avait perdu presque une heure...
Il reprit ensuite son chemin, suivant les traces parfois à peine visibles de la rôdeuse. Il était maintenant aidé par la louve. Elle avait flairé la présence d'Astrée et de son compagnon de route et suivait leur piste sans grande difficulté, même lorsqu'elle disparaissait à la vue de Kasumi.
Il marchait depuis quelques dizaines de minutes lorsque le petit sentier à peine praticable sur lequel il se trouvait croisa enfin une piste digne de ce nom. Large, carrossable, elle semblait empruntée assez régulièrement par des convois. Ombrage y serait nettement plus à l’aise pour progresser, et le rôdeur put remonter en selle. La piste était bordée à droite par la paroi rocheuse, et à gauche par une haie touffue. Il était peu probable que la rôdeuse s'en éloigne, mais, par acquis de conscience, il vérifiait soigneusement que les empreintes restaient toujours visibles, et jetait des coups d'oeils réguliers aux bas-côtés.
Les traces d’Astrée et de son mystérieux compagnon suivaient le chemin, remontant en pente douce vers un col qu’on devinait non loin, au sud. Il les suivit sur quelques centaines de mètres. Mais, soudain, elles disparurent.
Il venait de parcourir quelques dizaines de mètres sur une portion de chemin où la roche à nu ne retenait aucune empreinte, et il rejoignait à nouveau un sol caillouteux qui aurait dû garder les traces du passage des deux piétons. Pourtant, il n’y avait rien. A croire que la rôdeuse et son mystérieux compagnon s'étaient volatilisés. Et la louve, malgré son flair, semblait aussi désorientée que lui.
Comble de malchance, quelques gouttes éparses, glacées, commençaient à tomber. Pas tout à fait de la pluie, pas non plus de vrais flocons, un peu entre les deux.
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Kasumi laissa échapper un soupir d’abattement en perdant la trace d’Astrée. Depuis qu’il avait pu repérer des traces tangibles de sa présence il avait eu l’impression de regagner rapidement du terrain sur elle. Se pouvait-il que dans son empressement il se soit laissé tromper par une fausse piste ? Il avait pourtant fait attention à garder une trace sur les bas côtés… Se pouvait-il que celui qui accompagnait Astrée ait cherché à dissimuler leurs traces ? Cela ne laissait rien imaginer de bon sur ses intentions. Reprenant ses esprits, le rôdeur demanda à Première Neige de courir examiner la piste plus loin pendant qu’il faisait demi tour et examinait les bas côté de la portion pierreuse qu’il venait de parcourir. L’inspection lui ferait perdre un temps considérable et le temps qui tournait à la pluie effacerait bien vite les indices que la rôdeuse aurait pu laisser. Il devrait sans doute étendre ses recherches aux alentours en partant de l’hypothèse que ceux qu’il suivait avait utilisé une corde pour franchir la paroi rocheuse. Première Neige pourrait peut être s’en assurer…
Kasumi eut beau examiner attentivement la haie qui bordait la piste à gauche, il ne trouva aucune trace indiquant que quelqu'un l'ait franchie récemment. Tout juste vit-il deux ou trois trognons de pommes sans doute jetés par des voyageurs de passage. Impossible que la rôdeuse ait pu traverser la haie sans laisser de trace, à moins d'avoir été transformée en mulot !
L'examen de la paroi rocheuse ne lui apporta rien non plus, mais c'était prévisible : la roche ne garde que peu d'empreintes. Si un grappin avait été lancé, peut-être aurait-il laissé des traces au sommet de la paroi, à quelques mètres au-dessus de lui ? Et des traces de pas s'y trouveraient sans doute. Il suffisait d'y envoyer la louve pour s'en assurer. Heureusement, la pluie ne s'était pas accentuée, pas suffisamment en tout cas pour avoir pu effacer d'éventuelles empreintes.
Il établit un contact mental avec Première Neige, et changea instantanément de plan devant les images qu'elle lui transmettait : une compresse ensanglantée abandonnée plus loin sur le bas-côté. Toujours pas d'empreintes sur le sentier, mais l'odeur de la compresse était bien celle qu'ils avaient suivie jusque-là. La louve poursuivait son chemin, en quête d'autres traces.
Rasséréné, il se remit en route.
Midi était passé, et la pluie s'était transformée en légers flocons de neige, lorsqu'il rejoignit enfin la louve. Celle-ci arborait un air satisfait et se pavanait avec un lapin fraichement tué dans la gueule. Il se trouvait à un col, et le paysage d'alpages qui se dévoilait à ses yeux était magnifique. Il sentit Ombrage frémir d'impatience à l'idée de pouvoir enfin se sustenter. Il y avait même un ruisseau pour l'abreuver.
Plusieurs chemins se croisaient, tous apparemment régulièrement fréquentés par des convois au vu des traces de roues et de sabots qui s'entremêlaient. Plusieurs traces de bivouacs, plus ou moins anciens, le confirmaient.
Première Neige le conduisit vers l'un des ces bivouacs, l'un des plus récents. Les traces de plusieurs tentes, d'un grand feu, et des reliefs de repas abandonnés étaient clairement visibles. La louve lui fit comprendre en frétillant qu'elle avait retrouvé l'odeur. Ce qui ne fit aucun doute lorsqu'il aperçut, au milieu du bric-à-brac d'ordures abandonnées, quelques compresses ensanglantées. Cette fois, ce n'était pas de simples lambeaux de tissus arrachés aux vêtements d'Astrée, mais des compresses propres. Néanmoins, c'était bien son sang, d'après le flair de Première Neige.
Le soulagement du rôdeur fut hélas de courte durée. Première Neige fut incapable de déterminer le chemin qu'avait ensuite pris la rôdeuse. Et vu le fourmillement d'empreintes en tout sens, il le pouvait encore moins. Au moins cinq directions étaient possibles. Pas moyen de savoir par où était partie Astrée.
A moins que… Il réalisa soudain que l’endroit n’était pas désert.
A quelques dizaines de mètres sur sa droite s’ouvrait une faille, à mi-hauteur de la paroi rocheuse, accessible par un escalier taillé dans la roche : une mine. Un monte-charge avait été installé, descendant le minerai jusqu’à une grande bâtisse en contrebas, dont la haute cheminée fumante laissait deviner la fonction : une usine d’extraction. Et devant la bâtisse, au bord de la route, deux nains discutaient avec animation devant un imposant tas de lingots d’or.
Sur sa gauche, il entendit également des éclats de voix lointains : un groupe de halfelins visiblement en train de se quereller au sujet du troupeau de chevaux derrière eux.
L’endroit était décidément très fréquenté.
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Les signes de passage s’étaient multipliés et Kasumi ne fut pas plus surpris que cela de détecter les travailleurs. Ces montagnes étaient réputées pour les nombreux gisements qui attiraient des communautés à braver le climat difficile et l’isolement. Le rôdeur savait ne pas avoir été repéré par les nains. Il préféra donc l’approche prudente ne connaissant pas leur implication ou non dans la disparition d’Astrée. L’or qu’ils gardaient laissait craindre qu’ils ne soient armés et sans doute méfiants pour un inconnu demi-elfe…
Mais leur présence pouvait être une chance de retrouver la rôdeuse. Il y avait trop de traces pour choisir et trouver facilement la bonne piste sans aide. Peut être avait-on conduit la rôdeuse à la mine. Peut être l’y gardait-on pour la soigner ? Peut être l’avaient-ils au moins vue et pourraient lui donner de précieuses indications pour répondre aux mille questions qui le taraudaient ? Son angoisse touchait-elle à sa fin ? Il refusait de se laisser aller à cet espoir et s’approcha prudemment des nains. Première Neige se dissimula dans les fourrés, prête à intervenir en cas de grabuge. Le demi-elfe fit connaître sa présence, ses épées au fourreau mais bien visible pour dissuader toute agression :
- Bonne journée maîtres nains. Je viens en paix à la recherche d’une amie. Peut l’avez-vous vue ?
Les deux nains, en grande discussion, s'étaient interrompus en le voyant approcher. Ils ne manifestaient pas d'intentions hostiles, mais n'étaient pas pour autant ouverts et souriants... Le moins qu'on puisse dire, vu l'air revêche qu'ils arboraient, était que l'intervention du rôdeur les importunait. - Croyez p'têtre que j'ai qu'ça à faire, d'surveiller les passants ? lança le plus âgé d'un ton peu amène, roulant légèrement les "r". - Ne vous énervez pas comme cela,intervint son compagnon, un nain nettement plus jeune, dont le costume impeccable et le sourire aimable tranchaient avec la barbe en broussaille, le ton bougon et les vêtements poussiéreux de l'autre.Ce jeune homme semble inquiet, sans doute son amie a-t-elle disparue... - L'avait qu'à la surveiller ! Est-ce que c'est des manières de laisser une femme seule dans ces montagnes ? Et pis d'tout' façons ça m'concerne pas.
- Excusez mon associé, il est un peu... nerveux, fit le plus jeune avec un sourire d'excuse à l'attention de Kasumi. Si votre amie est passée par ici, il l'a sans doute vue, il ne quitte guère sa mine. Ou alors l'un de ses hommes. Mais je crois il a d'autres soucis qui le préoccupent en ce moment. - Mes soucis, c'est vous ! Et ce petit con qui me vole mon or ! Et si vous ne me demandiez pas si cher pour utiliser votre fichue balance, des soucis, y'en aurait plus depuis longtemps ! Le nain se leva d'un bond, la main sur sa hache, semblant prêt à frapper son congénère. Il inspira profondément, semblant se forcer au calme. Puis il se rassit alors que l'autre souriait d'un air narquois et répliquait calmement : - Vu la précision de cette balance, et le besoin impérieux que vous avez de l'utiliser, mon prix est tout à fait raisonnable...
Il se tourna vers Kasumi, semblant le prendre à témoin. - Mon associé a quelques problèmes avec l'un de ses ouvriers. A chaque fois qu'il coule un lingot d'or, il triche et en garde 1% qu'il met de côté. Au lieu de peser 100 grammes, les siens ne font que 99 grammes. Et ainsi, au bout de 100 lingots, il en a un pour lui. - Z'êtes pas obligé de raconter ça à tout'l'monde ! D'quoi j'vais avoir l'air, moi, d'me faire voler comme ça par mes propres hommes ? D'autant qu'on en est même pas sûr, c'est juste un bruit qui court ! Mais je veux savoir si c'est vrai, trouver ce saligaud et le pendre par la peau des c... Heu, pardon,se corrigea-t-il.Mais comprenez mon énervement. Cet enfoiré de négociant se dit prêt à peser précisément les lingots de chacun de mes ouvriers, mais il réclame en paiement 10 lingots par pesée ! Vous vous rendez compte ? Et j'ai 20 ouvriers ! Donc 20 pesées... Il parut se souvenir alors de la question de Kasumi. - R'marquez, si vous arrivez à trouver mon voleur sans qu'ça m'coûte plus de dix lingots d'or, je verrai si je peux vous aider...
HRP : je prends des risques, là...
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Kasumi n’était pas d’humeur à négocier pour obtenir des informations. Astrée était en danger et chaque minute perdue lui était une torture. Il n’avait donc pas de temps à perdre avec un nain taciturne et asocial. Au point où il en était, il aurait bien secoué ce dernier pour lui faire révéler ses informations… Mais ce n’était pas la solution. Un nain pouvait se montrer buté surtout lorsqu’il s’agissait d’or. Il réfléchit donc furieusement au problème, ses capacités déjà mises à mal par les heures de sommeil de retard et la course folle dans laquelle il s’était lancée. Les moqueries mentales de son animal de lien en toile de fond, il fut bien près d’abandonner pour en venir aux supplications. Mais il se souvint d’un jeu de son enfance, une sorte de devinette d’éveil. D’un ton bourru, il exposa rapidement sa solution :
- Si vous êtes certain qu’un seul de vos employé vous vole, il est inutile de peser tous les lingots un à un. Réunissez un lingot de chacun de vos ouvriers et pesez-les ensemble. Deux fois dix d’abord, puis deux fois cinq parmi le groupe le plus léger. Puis encore deux fois deux. Si les deux plateaux s’équilibrent, le cinquième sera le coupable. Si ce n’est pas le cas, une dernière pesée vous le désignera. En trois ou quatre pesées, vous en aurez le cœur net. Et maintenant, avez-vous vu une femme, brune d’une petite trentaine et de ma taille ?
L’impatience dans sa voix montrait qu’il n’avait pas l’esprit à jouer encore aux devinettes.
Le nain fronça les sourcils. - Avec votre technique, ça va quand même me coûter 30 à 40 lingots ! J'suis sûr qu'y a une autre solution... - Ne vous plaignez pas trop, au moins vous n'aurez pas à effectuer 20 pesées,fit le négociant avec un sourire affable. - Bon, j'suppose que j'ai pas l'choix,ronchonna son comparse.C'est d'accord, j'vais faire comme ça. Ah, et votre copine.... Elle est vague, votre description, c'est qu'j'en vois passer, du monde, par ici !
Il soupira, se gratta la barbe. - Alors, hier soir, y'avait des marchands, qui venaient de Luménis je crois, et y'avait deux femmes parmi eux. Mais c'étaient des halfelins, pas des humains, donc ça vous concerne pas. Ils rentraient dans leur village, à une journée d'ici. Attendez, y'avait aussi un autre bivouac en même temps, c'étaient des humains cette fois. J'crois qu'y v'naient négocier du minerai chez mon concurrent. Y'avait bien une femme avec eux, brune, la trentaine. Mais rien ne prouve que ce soit votre amie.... Ils sont partis par là-bas, ajouta-t-il en désignant l'une des voies, partant en direction de l'ouest. J'imagine qu'ils rentraient à Luménis. Il secoua la tête. - Sinon, avant-hier au soir y'avait personne, mais la nuit précédente y'avait un camp de nomades, vous savez, ces voleurs de poules et de chevaux qu'on voit traîner par les routes. Des gens pas honnêtes, si vous voulez mon avis. On dit qu'ils volent même des bébés, on sait pas c'qu'y z'en font. Parait qu'y a des sorcières avec eux. J'ai même entendu dire qu'ils avaient volé des jeunes filles à leurs parents. En tout cas, j'ai toujours interdit à ma fille de les approcher ! - Ce sont des racontards, ça. Qu'ils volent quelques poules, quelques chevaux, parfois un peu d'or, je veux bien le croire, mais des enfants et des filles... - On voit bien qu'z'êtes de la ville, vous !lança-t-il d'un ton sans réplique à son associé. En tout cas, ils étaient nombreux, et y'avait plusieurs femmes ressemblant à votre description. Y'en a une qu'était blessée, elle avait des béquilles. Ceux-ci sont partis par là-bas, fit-il en indiquant un chemin partant direction sud-est,j'crois qu'ils vont au village halfelin.
Une fois lancé, le nain se révélait beaucoup moins taciturne qu'on aurait pu le croire : rien ne semblait devoir l'arrêter. - On voit passer toutes sortes de gens, vous savez, c'est pour ça que j'ai toujours deux ou trois hommes pour monter la garde. Surtout quand y'a ces va-nu-pieds dans les parages. Mais c'est pas eux les pires, r'marquez. Avant-hier, j'ai vu passer un convoi, des gens de la pire espèce qui soit, avec une marchandise bien particulière : des filles. Voyez c'que j'veux dire ? Oh, pas de risque que la vôtre en fasse partie, y'avait que des adolescentes à peine pubères. Heureusement, y'z'ont pas dormi là. Et avant les voleurs de poules... Nouveau froncement de sourcil alors qu'il tentait de remonter dans sa mémoire. - Non, personne d'autre pendant la semaine précédente. Maintenant, si vous l'voulez bien... J'ai des affaires à traiter avec ce grippe-sous. Venez, vous, am'nez votre fichue balance, qu'on en finisse !
Avant de suivre le nain qui s'approchait du tas de lingots, le négociant s'approcha de Kasumi et lui souffla à l'oreille avec un clin d'oeil : - Ah, au fait, merci. Il y avait moyen de s'en sortir avec une seule pesée, en utilisant mes poids étalonnés, précis au gramme près. Vous m'avez fait gagner au moins 20 lingots de plus que prévu ! Je file peser ses lingots.... Et au passage, je vous souhaite bon courage pour retrouver votre amie.
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Le rôdeur se contenta de hausser un sourcil devant la rouerie du négociant qui connaissait une technique qui aurait pu faire économiser de l’or à son client. Il choisit de ne pas relever, toutes ses pensées tournées vers Astrée. Après une nouvelle et brève discussion avec le nain, il acquit la conviction qu’il s’agissait bien d’elle et qu’elle ne paraissait pas privée de sa liberté. Somme toute, les informations obtenues réussirent à apaiser un peu son inquiétude. Il avait deux jours de retard sur la rôdeuse et le groupe de nomades. Si elle s’était arrêtée au village pour être soignée, il pourrait peut être la retrouver demain. Mais un autre sujet de préoccupation pointait en trame de fond de ses pensées : si la jeune femme voyageait avec un groupe comme ce semblait être le cas, peut être avait-elle trouvé quelqu’un d’autre… Le rôdeur rejeta immédiatement cette pensée futile et égoïste. Mais tout de même ?
Il remercia le nain et suivit les indications de celui-ci pour prendre la route du village des halfelins. Il était heureux qu’il sache où il se rendait désormais : la neige qui tombait allait en s’épaississant et aurait tôt fait de recouvrer toute trace. Il s’autorisa une brève halte pour laisser Ombrage brouter et s’abreuver pendant qu’il se restaurer une fois de plus sur le pouce. Il voulait parcourir le plus de chemin possible avant la nuit où il lui faudrait monter un abri si le temps se maintenait ainsi. Malheureusement le hongre était déjà éprouvé et ne se privait pas de le manifester. Première Neige partit donc une nouvelle fois en éclaireur. Ce n’était pas du luxe tant qu’il n’an savait pas plus sur ce groupe important. Il se maudit de n’avoir pas songé à en demander davantage sur leur armement.
La neige tombait en gros flocons lourds, couvrant le sol d'un tapis blanc et glissant qui se transformerait en boue à la première occasion : il ne faisait pas suffisamment froid, en ce début de printemps, pour que la neige se maintienne.
Les traces disparaissaient petit à petit, et l'épais rideau blanc masquait le paysage. Heureusement, le rôdeur n'avait qu'à suivre la large piste qui menait au village halfelin. Mais le temps exécrable ne lui permettait pas de se détendre. Il faisait trop humide, le sol était trop glissant.
Il avait dépassé le col, mais le dénivelé était à peine perceptible. Au plateau herbeux succéda un large sentier à flanc de montagne, bordé d'un côté par une pente de plus en plus abrupte et de l'autre par une paroi rocheuse verticale, haute de quelques mètres. Plus haut, il devinait que la pente s'adoucissait à l'approche de la ligne de crête. Et la neige tombait toujours, alourdissant l'épais manteau qui recouvrait déjà la montagne au-dessus de lui.
Une sensation étrange... Comme une vibration de toute la montagne, au-dessus de lui. Un grondement sourd, à peine audible puis de plus en plus fort. Il sentit la nervosité gagner Ombrage. Quelque chose n'allait pas.
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Kasumi observa avec une horreur fascinée la masse de neige dévalant la pente vers lui. Une avalanche ! La coulée était bien trop proche et trop large pour qu’il puisse la distancer en mettant Ombrage au galop. Du reste, la piste étroite et déjà glissante précipiterait leur fin à coup sûr s’il accélérer l’allure de son hongre. Comme si la providence l’avait placé sur son chemin, il lui sembla repérer un léger renfoncement de la paroi cinquante mètre plus loin. C’était sa seule chance de s’en sortir et il talonna sa monture sans ménagement pour la sortir de sa torpeur effrayée. Alors qu’Ombrage filait comme le vent, le rôdeur espérait que sa vision ne lui avait pas joué un mauvais tour et que son cheval ne s’écarterait pas de la seule voie praticable durant son court trajet.
De lointain murmure, le son amplifia bien trop vite en un vacarme tonitruant ne lui permettant plus d’entendre l’impact des sabots sur la pierre du chemin. Un mur de neige blanc le rendit aveugle à son environnement et il ne distingua même plus l’encolure qu’il agrippait comme un naufragé. Il n’eut pas le temps de sauter de selle avant que le cheval ne fasse une embardée qui les plaqua tous deux contre la paroi rocheuse, bien futile abri en pareille tourmente. Comme flottant dans un monde onirique, il eut à peine conscience du choc de son épaule contre l’affleurement rocheux. Le vacarme monta encore d’un niveau alors que la neige se déversait en un flot continu et dévastateur. Une pluie de pierraille s’abattit sur le dos de Kasumi qui s’était allongé sur l’encolure du hongre terrifié. Des chocs sourds se faisaient entendre par-dessus le bruit continu. Kasumi craignait que la coulée n’aient emporté des rochers ou des troncs qui pouvaient bloquer le chemin voire les ensevelir vivants. Pour l'heure, il se sentait meurtri et frigorifié alors que l'avalanche semblait ne jamais devoir cesser...
Le hongre avait eu le réflexe instinctif de se plaquer contre la paroi, et le léger dévers de la falaise les protégeait un peu... suffisamment en tout cas pour qu'ils ne soient pas emportés par l'avalanche.
Le plus gros de la masse neigeuse passa juste au-dessus d'eux, heureusement sans les toucher vraiment. Ils n'eurent droit qu'aux "dégâts collatéraux". Des paquets de neige s'écraisaient sans discontinuer devant eux, derrière eux, à côté d'eux, et évidemment sur le dos du rôdeur qui avait l'impression que ses côtes allaient se briser sous la violence des chocs. Et l'avalanche durait, durait...
Kasumi ne voyait plus rien que du blanc, il avait l'impression d'être plongé dans une atmosphère ouatée qui envahissait sa bouche, ses poumons, le faisant tousser, s'étouffer.... A moitié allongé sur le dos de sa monture, il prit conscience qu'il risquait de s'y noyer et eût le réflexe de se protéger le nez et la bouche de ses bras repliés.
Enfin, le bruit s'arrêta. Il ne voyait toujours que du blanc. De la neige devant, derrière, tout autour de lui. Et au-dessus, aussi... Il était toujours sur le dos du hongre, par on ne sait quel miracle. Celui-ci était si immobile qu'on aurait pu le croire transformé en statue de glace. Mais il était tout simplement hébété de peur, incapable du moindre mouvement. Il secoua brusquement la tête, dégageant un espace vide autour de ses naseaux. La neige au-dessus de lui tomba et un coin de ciel gris apparut, quelque part au-dessus de sa tête.
Kasumi bougea les bras qu'il avait maintenus devant son visage. Apparemment la neige n'était pas très lourde au-dessus de sa tête. Signe d'une faible épaisseur. Il leva les bras et s'aperçut que ses mains étaient maintenant à l'air libre. Il parvint à dégager l'espace au-dessus de son visage. Il pouvait enfin respirer librement.
La louve, elle, en repérage assez loin à l'avant, n'avait pas été touchée par l'avalanche. Mais elle l'avait perçue. Inquiète, elle fit demi-tour pour se porter à la rencontre de Kasumi.
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Kasumi se sentait engourdi des pieds jusqu’aux épaules et c’est avec peine qu’il remua les bras pour dégager son visage. Il s’efforça d’ignorer la douleur qui tenaillait maintenant l’épaule qui avait heurté durement la paroi. Ombrage était lui aussi enseveli. Il fallait le dégager au plus vite avant qu’il ne suffoque ou ne panique. Le précipice était tout proche et le risque de glisser dans le trou invisible était plus grand que jamais… Le demi-elfe sentit soudain une forte traction sur son bras : la louve avait agrippé sa manche pour l’aider à se hisser hors de la chape de neige molle. Cet appui extérieur lui permit de se dégager le torse. A gestes prudents il dégagea la neige accumulée autour du cou d’Ombrage qui put enfin se dégager la tête. Le cheval roula immédiatement des yeux affolés en sentant la présence toute proche de la louve alors qu’il était toujours prisonnier de la neige. Le rôdeur enjoignit la louve à s’éloigner pendant qu’il tassait prudemment la neige autour de lui dans l’espoir qu’elle supporterait son poids. Bien vite il ne sentit plus ses mains glacées aussi inutiles que si elles s’étaient transformées en glaçons. A gestes tatonnants, il parvint à dégager ses genoux et à glisser à bas de la monture, à demi couché sur la neige pour répartir son poids. Lorsqu’il tentât de se redresser, il s’enfonçât immédiatement jusqu’au bassin et faillit même se laisser emporter par un soudain glissement de la couverture neigeuse. Il se rattrapa de justesse à la selle du hongre. Lorsque les battements de son cœur s’apaisèrent enfin, il pataugea lourdement autour d’Ombrage en dégageant la neige devant lui. L’animal fit une brusque embardée dès qu’il put à nouveau bouger et Kasumi dut le retenir pour éviter qu’il ne s’éloigne trop de la paroi. Sans outil approprié, creuser un passage dans la coulée neigeuse n’enchantait guère le rôdeur qui voyait encore ses chances de rejoindre rapidement Astrée s’amenuiser. Au bout de quelques mètres d’une progression laborieuse, le demi-elfe était trempé et glacé jusqu’aux os et grelottait malgré l’effort qu’il devait fournir pour ouvrir une voie sûre à son cheval.
Somme toute, l'incident aurait pu plus mal tourner. Pourvu seulement qu'Ombrage ne se ressente pas trop fortement de l'exposition de ses membres au froid humide de la neige collante. Un éternuement interrompit ses réflexions : les heures à venir promettaient d'être longues...
Le couloir d'avalanche n'était large que d'une trentaine de mètres, mais il parut au moins dix fois plus à Kasumi qui n'avait que ses mains et ses pieds pour ouvrir la voie. La louve, légère, avait moins de difficultés à progresser, même si elle s'enfonçait parfois jusqu'au poitrail.
A force de patience et de ténacité, le rôdeur parvint cependant à tasser la neige suffisamment pour leur permettre d'avancer, à lui et à sa monture.
Lorsqu'ils émergèrent enfin de la zone ensevelie par la neige, Kasumi ne sentait plus ses doigts ni ses pieds. Il était en nage, épuisé, et trempé de la tête au pied d'une humidité glacée qui le faisait greloter. Il constata avec inquiétude qu'il avait perdu toute sensibilité au bout des doigts, et que ceux-ci ne semblaient guère répondre à ses ordres. S'il ne trouvait pas un moyen de se sécher et de se réchauffer très rapidement, il risquait non seulement une bonne pneumonie mais aussi des engelures, voire la perte d'un ou plusieurs de ses doigts, ou d'un membre entier. Peut-être même était-il déjà trop tard....
Il restait deux ou trois heures avant la nuit, et la piste semblait s'infléchir doucement, descendant en direction de la vallée. Il apercevait, un peu plus loin, quelques conifères annonciateurs d'une zone moins escarpée. Il lui fallait absolument faire une pause et prendre le temps de se soigner. Et s'il ne parvenait pas à récupérer complètement l'usage de ses membres en les réchauffant, il ne lui resterait plus qu'à espérer trouver rapidement un temple avec un guérisseur plus compétent...
Ombrage, lui, semblait aussi frigorifié que son maître. L'œil hagard, il était anormalement calme, docile, totalement hébété d'épuisement, de peur et de froid. On devinait que seule la confiance qu'il avait en son maître le faisait avancer encore. Mais heureusement, Kasumi ne trouva aucun signe annonciateur de fièvre : le hongre se remettrait vite.
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Le rôdeur avait prévu de continuer sa route tant que la lumière le permettrait mais l’avalanche avait bouleversé ses plans. Il se sentait incapable de poursuivre plus avant, chaque pas qu’il effectuait sur ses jambes raidies par le froid et l’humidité lui arrachant une grimace de douleur. Il poursuivit néanmoins jusqu’à la limite du bouquet de conifères. Alors qu’il ramassait des branches mortes pour faire un feu, il sentit peu à peu le sang revenir irriguer douloureusement l’extrémité de ses doigts. Il eut toutes les peines du monde à faire partir la flambée, ses mains gourdes et tremblantes ne lui facilitant pas la tâche. Finalement, il mit de côté cette tâche pour se concentrer sur Ombrage qu’il frictionna du mieux qu’il put avec une couverture de rechange qui avait miraculeusement été épargnée par la neige.
Cette tâche lui avait rendu la sensibilité des doigts et il put se concentrer sur l’allumage de son feu. Il se débarrassa de ses vêtements gorgés d’eau qu'il étendit près du feu et se laissa tomber lourdement à côté de la flambée naissante, la couverture qu’il avait mise sur les épaules et la frêle flammèche ne réussissant pas à faire cesser ses tremblements incontrôlables. L’épuisement qui lui tomba sur les épaules le dissuada de chercher à préparer un dîner chaud et il se contenta donc de vivres boucanés…
Une fois sommairement restauré, le rôdeur retrouva quelques forces. Mais il ne parvenait pas à se réchauffer complètement. Malgré le feu qui crépitait, malgré les vêtements secs qu'il avait enfilés et sa couverture, il était frigorifié, comme si le froid venait de l'intérieur de son corps. Il finit par se résoudre à se lever pour faire chauffer un peu de neige. Il se prépara un bol d'infusion, dilua le reste de l'eau bouillante avec un peu de neige pour en adoucir la température et y trempa longuement ses mains glacées. Puis en versa sur ses pieds, avide d'un peu de chaleur.
Enfin réchauffé, mais trop épuisé pour reprendre la route, il finit par s'installer le plus confortablement possible pour la nuit. La neige, par chance, avait cessé de tomber, mais les nuages restaient menaçant, et il s'abrita le mieux possible sous les arbres.
Il se leva de bonne heure le lendemain. Cependant, l'avalanche lui avait fait perdre du temps, et il était près de midi lorsque, après une descente qui lui parut interminable, il parvint enfin à se destination.
La route descendait lentement, en lacets, depuis le col près duquel il s'était fait surprendre par l'avalanche, jusqu'à une vallée verdoyante, chaleureuse, printanière. Il eut l'impression d'avoir en quelques heures quitté l'hiver pour le printemps tant la différence de température était grande.
Il parvint au fond de la vallée peu avant midi, et distingua les premières traces de vie sédentaire. Quelques champs en terrasse, fraichement labourés. Des troupeaux de moutons qui se préparaient pour l'estive, quelques bergers, quelques paysans. Les premières maisons apparurent, petites cabanes de pierre aux toits de bardeaux. Puis le chemin s’élargit pour aboutir à un immense champ communal où erraient une dizaine de poules, un poney et trois vaches. Face à lui, une source jaillissait de la paroi rocheuse, vaguement domestiquée par un captage artisanal. Elle alimentait un bassin rectangulaire, avant de s’écouler dans un ruisseau au débit impressionnant en cette période de fonte des neiges. Un seau et un gobelet étaient à la disposition du voyageur de passage.
Tout autour de cette immense place centrale se trouvaient des habitations, dont la plupart étaient de simples habitats troglodytiques rappelant un peu l’abri d’Astrée. Quelques bâtisses plus imposantes, en pierre, trahissaient la richesse de leurs propriétaires. Un temple assez modeste se trouvait tout près de la source. Des enfants aux cheveux noirs et au teint rougeaud jouaient sur l’herbe, une femme prenait de l’eau. Le village respirait la vie toute simple des gens des montagnes. Une petite auberge, au bord de la route, démontrait qu'il était régulièrement fréquenté par des caravanes de marchands ou de voyageurs. . Mais un détail – de taille – frappa Kasumi : toutes les personnes étaient d’une taille ne dépassant pas un mètre. C’étaient des halfelins. Les maisons étaient presque moitié moins haute qu'à l'habitude. Et d’ailleurs, le temple était dédié à Yondalla, « la sainte »…
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Bien que peu coutumier de la culture halfeline, le demi-elfe se réjouit de retrouver enfin des traces de civilisation. Le petit village niché dans le creux de la montagne semblait verdoyer de l’esprit du printemps alors que l’hiver d’Aurile s’agrippait à la montagne à quelques centaines de mètres de là. L’endroit avait le charme paisible propre à toutes les communautés suffisamment prospères pour ne pas craindre le froid et la faim mais toutefois pas assez pour susciter la convoitise. Pour conforter cette hypothèse, Kasumi constata qu’aucun des villageois en vue ne semblait porter d’arme et que le bétail présent sur la place était laissé à la garde insoucieuse de quelques enfants.
Rien ne laissait non plus supposer que les voyageurs qui accompagnaient Astrée étaient passés par là. Sa joie de découvrir ce havre de paix décrut donc bien vite avec la perspective angoissante de s’être trompé de route, d’avoir bravé le péril d’une avalanche pour rien… N’y tenant plus, il s’approcha de la femme en train de puiser de l’eau et s’arrêta à bonne distance pour ne pas risquer de l’effrayer :
- Bonjour à vous, veuillez m’excuser de vous importuner mais je voyage depuis des jours à la recherche de mon amie. Il s’agit d’une humaine d’à peu près ma taille, brune et d’environ trente ans. Peut être l’avez-vous vue ? Je crois qu’elle a été blessée. J'ai peur qu'elle ne soit en danger.
L'approche n'était pas des plus subtiles mais l'épuisement et l'inquiétude empêchaient le rôdeur de réflechir clairement.
La femme, plus très jeune, leva vers Kasumi un sourire quelque peu édenté. - Bonjour à vous, voyageur. Et soyez le bienvenu dans notre petite communauté. Vous dites que vous recherchez une jeune femme, une humaine ? Vous savez, il y a souvent des voyageurs qui font halte ici, et beaucoup d'humains parmi eux. Laissez-moi réfléchir.... Je sais qu'il y a deux ou trois jours, une caravane à destination d'Evendum a traversé le village : is transportaient du minerai. Il y a eu aussi un groupe d'aventuriers venant de Luménis, ils ont dormi à l'auberge. Et puis, un convoi un peu louche, ils n'ont fait que traverser, on n'a pas su d'où ils venaient ni où ils allaient. Ah, j'oubliais, comme tous les ans, il y a eu le groupe de nomades qui nous vendent des chevaux et des paniers. Et j'en oublie sûrement d'autres... Elle secoua la tête. - Je crains hélas de ne guère pouvoir vous aider, la plupart du temps je suis à l'intérieur et je n'ai pas le loisir de dévisager les voyageurs de passage. Le peu que je sais, je l'ai appris par les rumeurs. Mais si votre amie est blessée, peut-être a-t-elle été amenée au temple ?
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Le rôdeur fut soulagé de savoir qu’il n’avait pas fait fausse route et que les nomades n’avaient, à ce qu’il semblait, pas une mauvaise réputation auprès de ces gens paisibles. Selon toute vraisemblance, ils étaient repartis. La petite femme lui apprit encore que le groupe qui l’intéressait était arrivé il y a environ trois jours et lui confirma qu’il était reparti la veille. Elle ne savait cependant pas qu’elle avait été leur prochaine destination. Après l’avoir chaudement remercié, le demi-elfe tira de l’eau pour Ombrage, réfrénant son envie d’aller immédiatement au temple. Après s’être assuré que le cheval ne manquait de rien, il put enfin porter ses pas vers l’unique chapelle du village en espérant pouvoir en apprendre davantage sur la gravité des blessures d’Astrée. Il ne s’attendait plus à la retrouver ici comme il s’était laissé aller à l’espérer : nul doute que la villageoise n’aurait pas omis un fait de cet importance… Il s’arrêta sur le parvis de la bâtisse dédiée à Yondalla, marquant une brève hésitation. Et si elle se trouvait là ? Après avoir tant vécu ce moment par anticipation et avoir suivi sa piste au travers des montagnes, le demi-elfe se sentait soudain nerveux à l’idée que sa quête ne prenne fin. La dernière fois qu’il avait vu la rôdeuse, il l’avait embrassée. Comment parviendrait-il à seulement la regarder si elle surgissait soudain en face de lui ?
L'intérieur du temple était dépouillé, sans ornement ni décoration surperflue. Il respirait le calme et la simplicité.
Dès que Kasumi en eut franchi les portes, une jeune femme s'avança vers lui. Svelte, les cheveux noirs, elle avait le teint un peu rougeaud des halfelins.
Elle s'adressa à lui d'une voix douce et mélodieuse. - Bonjour à vous, ami de passage en ces murs. Je suis Lydia, servante de Yondalla. Quel hasard porte donc vos pas parmi nous ? Je devine en vous une grande fatigue, peut-être une douleur... Est-ce ce qui vous amène ici ?
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Kasumi prit sur lui pour présenter une mine la plus avenante possible malgré les circonstances. La prêtresse l’accueillait avec courtoisie et il regrettait soudain de ne pas savoir grand-chose sur le panthéon hobbit. Il se faisait l’effet d’un intrus inculte et malpoli de pénétrer ainsi dans le temple d’une déesse dont il ignorait quasiment tout. Pour ne pas risquer d’impair, il choisit d’aller droit au but :
- Je vous remercie pour votre accueil chaleureux. La route des montagnes n’est guère clémente en ces premiers jours de printemps et je voyage depuis environ une veille. Ce qui porte mes pas si loin de mon foyer est la recherche d’une amie qui m’est très chère. Je pense qu’elle a été blessée et tout me porte à croire qu’elle est passé par ici il y a à peine quelques jours. Peut être vous êtes-vous occupée d’elle. Il s’agit d’une belle humaine brune d’à peu près trente ans. D’après ce que j’ai appris, elle voyageait avec le groupe de nomade qui est passé il y a quelques jours. Mon amie s’appelle Astrée, l’auriez-vous vu ? Oh, et pardonnez mon inconduite, Maîtresse Lydia, je me nomme Kasumi. Je suis enchanté que ma route m’ait amené à faire votre connaissance.
Le rôdeur ressentait une curieuse impression de facilité à s’épancher sur les raisons de son voyage en présence de la prêtresse.
La prêtresse sourit à Kasumi. - J'en suis enchantée également. Et il est heureux que la chance vous ait guidé jusqu’ici. Votre amie a bien été amenée dans ce temple par les Voyageurs. C’est ainsi qu’ils se nomment eux-mêmes, précisa-t-elle. Un peuple fier et indépendant. Si j’ai bien compris, votre amie a fait une mauvaise chute et ils l’ont recueillie. Elle était grièvement blessée à la jambe : une fracture ouverte qui commençait à s’infecter. Il était grand temps qu’elle puisse être convenablement soignée. Elle grimaça, puis eut à nouveau un sourire rassurant : - Mais ne vous inquiétez pas : l’infection est guérie et votre amie est maintenant hors de danger. Je leur ai laissé des onguents à appliquer pendant encore deux ou trois jours, et elle doit éviter de marcher pendant au moins deux jours, le temps que sa cheville se consolide.
Une lueur de curiosité amusée passa dans ses yeux, et elle ajouta doucement : - Je ne sais pas ce qui vous lie à cette jeune femme, mais elle doit sans doute être très importante pour vous, pour que vous ayez fait tant de chemin pour la retrouver…
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Le demi-elfe poussa un soupir de soulagement. Il était heureux qu’Astrée ait trouvé sur sa route des personnes pour la recueillir. Il songea avec effroi qu’elle aurait eu toutes les chances de mourir seule dans le cas contraire. En ce milieu hostile, la moindre blessure pouvait s’avérer fatale. Ce fut à ce moment qu’il prit fermement la résolution de ne plus jamais la laisser seule, de veiller à être là si un malheur lui arrivait. Mais il devait tout d’abord la retrouver pour cela. Et s’expliquer de son geste certainement… Il eut un sourire rêveur lorsqu’il répondit à la prêtresse du ton décidé et sincère de qui se révèle à lui-même une vérité fondamentale longtemps tue :
- Je pense être capable de la suivre bien plus loin encore. Mais vous pouvez peut être m’aider en cela. Connaîtriez-vous sa destination ou à tout le moins la route par laquelle elle est partie ?
Tout de même, cela ne ressemblait guère à la rôdeuse de choisir d’accompagner un groupe d’étrangers alors qu’elle se trouvait guérie. Avait-elle oublié leur rendez-vous ? Mais après tout, la connaissait-il si bien qu’il aimait à le penser ? N’avait-elle pas déjà choisi de suivre sa propre voie lorsqu’elle s’était jointe au groupe de Luménien à la recherche du Conseiller Megrall ? Mille autres questions taraudaient encore l’esprit du demi-elfe alors attendait la réponse de la prêtresse halfeline.
La prêtresse sourit. - Oui, bien sûr : ils sont partis en direction d’Evendum, où ils participent chaque année à la traditionnelle foire aux chevaux. Il suffit de longer le ruisseau qui part d'ici, vous allez vous retrouver sur une route relativement fréquentée, vous la suivez jusqu'au bout, sans vous préoccuper des embranchements. Vous devriez les rattraper assez vite : ils n’ont quitté le village qu’hier matin. Elle hésita, puis ajouta : - Et j’ai bien proposé à votre amie de l’héberger jusqu’à ce qu’elle soit complètement rétablie, mais Barrack a insisté pour qu’elle accepte encore quelques jours leur hospitalité. C’est le chef du clan, précisa-t-elle.Et elle s’est laissé convaincre. Je crois qu’il a parlé d’un itinéraire moins dangereux, un peu plus au sud, qui lui permettrait de rentrer chez elle en évitant le col de Peyrefond par lequel ils sont arrivés. C’est vrai que c’est un passage dangereux, un véritable couloir à avalanches. Elle secoua la tête. - Quoiqu’il en soit, votre amie est en de bonnes mains. Barrack a insisté pour payer lui-même les soins et les onguents, et pourtant je sais à quel point ils ont parfois du mal à joindre les deux bouts. Ils vivent du commerce des chevaux et fabriquent aussi quelques paniers d’osiers. Les mauvaises langues les traitent de voleurs…. Je les connais bien, et c’est vrai qu’ils n’ont pas le même attachement à la propriété privée que bien des gens. Ils n’hésiteront sans doute pas une seconde à emporter une poule égarée croisant leur chemin. Et ils ne sont certainement pas très regardant sur la provenance de leurs chevaux. Mais ils n’ont pas un mauvais fond. Et il semblerait que votre amie ait été très rapidement acceptée par le clan, ce qui est rare connaissant leur méfiance envers les étrangers. Elle parut hésiter un instant. - Je n'ai pas de conseil à vous donner, mais... Si vous tenez à elle autant que vous en avez l'air, ne tardez pas trop à la rejoindre. Sur ces paroles énigmatiques, elle le congédia d'un vague geste.
HRP : minute culture. Chez nous, les "voyageurs", c'est le nom que se donnent les tribus Yénishes (nomades venus de l'est de l'europe, notamment de Bohème, d'où le nom "Bohémiens", il y a 200 ans à peine ; blonds-chatains aux yeux bleus). A ne pas confondre avec les manouches, partis du nord de l'Inde il y a environ 1000 ans, teint très sombre et yeux noirs, aussi appelés gitans (=ceux qui sont passés par l'égypte). Bien sûr les deux se détestent cordialement - fin de la minute culture
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Le rôdeur blêmit et ne put réprimer une brusque vague de jalousie à la mention du chef de clan. Ce Barrack semblait s’être rapproché un peu trop près d’Astrée à son goût. Il lui avait sauvé la vie et apparemment était aux petits soins pour elle… Il ne pouvait s’empêcher de se demander quel genre d’homme il était, s’il était séduisant et spirituel et combien de temps il lui faudrait pour tourner la tête de la rôdeuse. Après tout, elle ne lui devait rien, et elle était séduisante. Qu’il lui ait volé un baiser ne lui donnait aucun droit de penser que ses sentiments étaient réciproques… Et même si c'était le cas, il se pouvait que la cour de ce Barrack se révèle malhonnête.
Kasumi prit congé distraitement de la prêtresse, la remerciant plus par courtoisie que pour l’expression d’un sentiment sincère. S’il aurait pu prévoir de se reposer un moment pour prendre un vrai repas dans ce village, un nouveau sentiment d’urgence l’accablait. Il devait à tout pris avoir le cœur net sur ce que la jeune femme pensait de lui-même si cela devait lui briser le cœur. Il n’aurait jamais du attendre si longtemps avant de la rejoindre… De retour sur la place, il constata qu’Ombrage avait fini de s’abreuver. Après l’avoir dirigé par la bride jusqu’à la limite de la place, il le monta et laissa le village des halfelins derrière lui, bien décidé à ne pas perdre un instant de plus que nécessaire sur le chemin menant à Evendum.
Le massif méridional d'Hélonna abrite des montagnes riches en minerai où habitent des clans de nains alliés aux Luméniens mais demeurant indépendants. Qui sait ce cachent les grottes creusées par cette vaillante confrérie ? Touchant ces monts s'élève la forêt maudite que l'on dit hantée par les fantômes et les esprits. Des brumes épaisses entourent les marécages et on raconte que des morts-vivants les parcourent la nuit tombée... Enfin, non loin, plus au nord, se dresse le fier pic des orques. Bref, une zone regorgeant de moult périls.
