[Lieu] Au cÂœur des montagnes

[Voyageuse]

Quête : Rendez-vous manqué

La pluie avait cessé, mais le ciel restait menaçant.
Lorsqu'il s'approcha de la tente des esclaves, il aperçut celles-ci qui en sortaient, titubant un peu d'être restées immobiles toute la journée. Toute portaient sur leur visage des traces de larmes d'émotion, et certaines jetaient autour d'elles des regards craintifs, comme si elles ne pouvaient croire à leur soudaine bonne fortune.

La sœur d'Amil-Galad était accrochée à son bras, et Kasumi nota son regard hanté, absent. Son frère la couvait d'un œil inquiet. Elle s'efforçait de sourire cependant, de chasser de son visage la souffrance qui y apparaissait par moment. Son visage refléta une profonde inquiétude en voyant la rôdeuse sans connaissance, mais elle parut se rassurer en voyant le souffle régulier qui l’animait. Elle remercia avec effusion le demi-elfe qui les avait enfin libérées de leur captivité.
L’elfe fit signe au rôdeur, qui portait toujours Astrée, de les suivre à l’intérieur de la tente que venaient de quitter les esclaves. Il avait fait de son mieux pour la nettoyer et faire disparaître tout signe de son usage récent, mais les chaînes restaient visibles, et l'odeur rance d'urine était toujours prégnante.
Il aida Kasumi à installer la jeune femme le plus confortablement possible, le rassurant au passage sur son état : elle restait inconsciente davantage à cause de l'épuisement que d'une quelconque blessure qui leur aurait échappé. Sa sœur, instinctivement, s’assit près de sa compagne d’infortune, écoutant d'une oreille la conversation.

L'elfe tourna vers Kasumi un visage soucieux.
- Voici l'amulette que portait le guerrier, fit-il en lui tendant l'objet. Mais je suis bien incapable de mettre fin à la magie qu'elle contient. Je crains, si nous tentons de la détruire, que nous ne déclenchions son pouvoir... Quant aux boucles d'oreille, impossible de les ôter, bien évidemment. Ce qui signifie que nous sommes pour le moment condamnés à ne pas nous éloigner les uns des autres...

Il grimaça. Visiblement cette perspective ne l'enchantait guère, et il était évident qu'il avait escompté repartir avec sa sœur dès sa libération. Celle-ci accueillit la nouvelle avec un haussement d'épaule résigné.
- Je pense qu'un prêtre pourrait nous aider. D'après ce qu'ont entendu les filles, le village où se rendait le mage est assez important. Sans doute possède-t-il un temple... Je propose que nous nous y rendions dès demain, qu'en pensez-vous ? Et en attendant... Voulez-vous conserver l'amulette sur vous ou préférez-vous que je m'en charge ?

[Kasumi]

Quête : Rendez-vous manqué

Kasumi fit une grimace en pénétrant sous la tente. Malgré les efforts des elfes pour la rendre habitable, tout en rappelait la fonction d’origine. Un lieu où les jeunes filles avaient été contraintes de s’entasser, terrifiées pendant leurs rares moments de repos relatif. La toile qui n’avait pas souffert du combat offrait au moins l’avantage de protéger ses occupants des intempéries et du fond de l’air allant en fraîchissant. Le rôdeur déposa sa compagne sur l’une des paillasses puis lui glissa un manteau sous la nuque. Il s’assit ensuite à ses côtés sans lui lâcher la main tandis qu’il écoutait les elfes. D’une voix lasse mais calme, il souscrivit à leur plan.

- Je suis d’accord pour que nous nous rendions dès demain dans ce village. Nous avons tous besoin d’une bonne nuit de sommeil. Voyons aussi de quelles provisions nous disposons. Ces jeunes filles et nous-mêmes devons reprendre des forces. Mais avant toute chose, Amil-Gamad, je pense qu’un bain s’impose pour nous deux. Anathiel, pourrais-je vous demander de veiller sur Astrée pendant que je me rends un peu plus présentable ?

L’invitation était plus qu’univoque. Le rôdeur cherchait manifestement à parler au druide seul à seul sans doute pour parler de thèmes qu’il ne souhaitait pas aborder devant les affranchies.

[Voyageuse]

Quête : Rendez-vous manqué

Amil-Galad afficha un instant une expression de surprise, devinant que le rôdeur souhaitait lui parler. Mais après tout, Kasumi avait raison, ils avaient grand besoin d'un brin de toilette, et la rivière était toute proche. Ils pouvaient s'y rendre en emportant l'amulette sans risque pour les filles.
- Je vous suis, fit-il simplement, après avoir consulté sa soeur du regard.
Anathiel acquiesça d'un signe de tête. Elle parlait peu, ses seuls mots ayant été pour remercier le demi-elfe de son aide. Et toujours cette expression vide, hantée. Mais il était évident qu'on pouvait compter sur elle pour veiller sur Astrée du mieux possible.

[Kasumi]

Quête : Rendez-vous manqué

Le demi-elfe remercia la jeune elfe d’un geste de la tête avant de sortir, Amil-Galad sur les talons. Ils s’éloignèrent en silence et Kasumi récupéra un morceau de savon dans les fontes de selle d’Ombrage avant de se diriger vers la rivière. Les deux combattants se débarrassèrent de leurs affaires souillées à l’abri de fourrés Mais Amil-Galad put noter que le rôdeur avait emporté ses armes avec lui, pour les avoir sous la main. Il affichait une mine soucieuse lorsqu’il entra dans le lit du ruisseau. L’eau était fraîche mais il s’y immergea presque totalement sans hésiter. Il se débarrassa du sang qui maculait sa peau avant de prendre la parole, l’air soucieux et circonspect :

- Je suis inquiet. Ces hommes étaient trop organisés et trop puissants à mon goût. De plus, le mage se rendait au village où nous nous rendons. J’aurais préféré éviter d’y aller mais nous n’avons guère le choix en la matière. Je crains que ces esclavagistes aient disposés de contacts dans la région sinon d’alliés. Je ne veux pas inquiéter inutilement les jeunes filles que nous avons libérées. Elles ont déjà bien trop souffert… elles sont trop épuisées pour bouger et moi aussi mais je propose que nous assurions des tours de garde ce soir. J’irai récupérer les chevaux que nous avons laissés plus loin sur la route afin de ne pas attirer trop l’attention cette nuit. Et je suggère que nous ne gardions qu’un chariot demain, pour celles qui ne peuvent monter et pour nous faire passer pour de simples voyageurs même si notre groupe est des plus singuliers.

Le rôdeur nettoya au mieux les plaies qu’il avait reçues, faisant une grimace en constatant l’état de son bras gauche et de son mollet malgré les soins prodigués par le druide. Il n’était pas certain de pouvoir mener un nouveau combat si des complices venaient venger la mort des esclavagistes et récupérer leurs « marchandises ».

[Voyageuse]

Quête : Rendez-vous manqué

Le druide acquiesça aux propositions de Kasumi. Il semblait trop préoccupé pour émettre la moindre protestation, et la cause en était facile à deviner.
- Anathiel n'a pas voulu me dire ce qu'ils lui avaient fait, murmura-t-il simplement. Je ne la reconnais plus... Ce sont des monstres, soupira-t-il. Mais vous avez raison, nous ne sommes pas en sécurité ici, et nous ne le serons peut-être pas non plus demain.

A ce moment, Kasumi perçut un mouvement dans le ciel : un aigle descendait vers eux et se posa sur le poing tendu de l'elfe. Un moment, celui-ci demeura silencieux, concentré, puis son visage se détendit.
- Je l'ai envoyé en reconnaissance, expliqua-t-il. Il semble bien y avoir un temple dans cette ville. Et il a aussi vu deux gardes en uniforme à l'entrée. Je n'ai guère confiance dans les armées des hommes, mais en l'occurence... Ah, et il n'a vu personne sur la route entre le village et nous. Peut-être leurs contacts de la ville ne se sont-ils pas encore inquiété du retard. Ce qui serait plutôt rassurant. Mais quoiqu'il en soit, vous avez raison, nous établirons des tours de garde cette nuit. Je peux prendre le premier tour si vous voulez, vous êtes debout depuis longtemps et vous avez davantage besoin de repos. Mais c'est comme vous préférez. Et dès que je me serai suffisamment reposé, je m'occuperai de soigner cette étrange fièvre que vous avez contractée au combat.

Il se leva, s'apprêtant à retourner vers les tentes.
- Je garde l'amulette pendant que vous vous occupez des chevaux, vous serez trop loin. Je me charge de rappeler le mien, et je vais voir si je peux soigner quelques-une des blessures de ces jeunes filles, j'ai des onguents dans mes affaires... Puis il faudra voir ce que contiennent ces charriots, et faire un feu pour le repas de ce soir. Je pense que nous avons tous besoin de reprendre des forces.

[Kasumi]

Quête : Rendez-vous manqué

Le regard de Kasumi s’était abîmé dans le vague à la mention d’Anathiel et du cauchemar non exprimé qu’elle avait vécue. Les combattants avaient libérées les jeunes filles mais il aurait été illusoire de croire que cela suffirait à les rendre à leur ancienne vie. Certaines d’entre elles avaient peut être passé des semaines avec ces brutes. Le rôdeur ne se souvenait que trop bien de la description du sort de Sandra. Nul doute que ces esclavagistes ci n’avaient pas été moins monstrueux avec leurs captives. Malgré la peine qu’il éprouvait pour ces pauvres filles à peine sorties de l’enfance, il ne pouvait nier que le sort d’Astrée le préoccupait encore bien davantage. Les marques sur son dos démontraient des mauvais traitements répétés. Mais avait-on été encore plus loin dans les tortures qu’on lui avait infligé ? La rôdeuse s’en ouvrirait-elle à lui ? Comment pourrait-il atténuer sa peine si c’était le cas. Tant de questions qui ne trouveraient peut être jamais de réponse, tout ce qu’il pouvait faire était d’être présent pour elle.

Il acquiesça au plan du druide, ajoutant qu’il s’occuperait de nettoyer le campement des signes les plus visibles du combat à commencer par les cadavres qui jonchaient le campement. Il était inutile d’ajouter la vision des corps mutilés aux cauchemars des affranchies. Leur calvaire était déjà bien lourd à porter…

Kasumi enfila des vêtements propres après s’être séché rapidement. Il se mit immédiatement à la tâche, réunissant les chevaux un peu effrayé par l’odeur de loup et les attachant à un arbre. Puis il se mit en devoir d’accomplir sa sinistre tâche, traînant les cadavres disséminés hors de vue des jeunes filles. Il retourna se laver abondamment les mains avant de revenir vers le campement, un peu blême. Après avoir vérifié qu’Ombrage et Première Neige se portaient bien, ses pas le menèrent naturellement jusqu’à la tente où Astrée devait toujours dormir. Il ne se sentait pas d'entamer la conversation avec les anciennes esclaves tourmentées, il ne se sentait guère capable de les soulager, pas encore, pas tant qu'il n'aurait pas tout fait pour Astrée.

[Voyageuse]

Effectivement, Astrée dormait toujours. Son souffle était régulier. Anathiel était toujours auprès d'elle, le regard perdu.

La pluie s'était remise à tomber, forçant les jeunes filles, à contrecoeur, à se mettre à l'abri sous la tente qui leur avait servi de prison. Amil-Galad lui apprit qu'elles auraient voulu dormir dans la grande tente commune, mais celle-ci était en trop mauvais état. Il leur avait distribué de l'onguent, les laissant se soigner entre elles.
La plupart avaient conservé leur tunique rouge, refusant de porter un vêtement de leurs tortionnaires. Leurs vêtements à elle avaient été brûlés dès le soir de leur capture. Ainsi que toutes leurs affaires, sauf ce qui avait de la valeur. Seule Anathiel avait troqué sa tunique contre une autre, prêtée par son frère.

L'une d'elle pleurait dans un coin, à gros sanglots nerveux. Une autre, peut-être sa soeur vu leur ressemblance physique, la réconfortait de son mieux. Toutes avaient l'air épuisées. Mais aucune n'affichait le même regard hanté qu'Anathiel. On y lisait simplement le soulagement, l'incrédulité, et parfois la peur au moindre bruit.
- Vous avez trouvé comment enlever nos boucles ?
Un signe de dénégation de l'elfe.
- On va aller où maintenant ? Quand est-ce qu'on va pouvoir rentrer chez nous ?
Cette dernière question émanait d'une toute jeune fille, peut-être douze ans, qui fixait Kasumi d'un oeil implorant.

[Kasumi]

Quête : Rendez-vous manqué

Le rôdeur se força à croiser le regard de la jeune gamine qui ne le quittait pas des yeux, essayant de sourire mais sans que le cœur y soit vraiment. Il parla d’une voix calme et basse autant destinée à apaiser les jeunes filles qu’à ne pas réveiller la jeune femme endormie à ses côtés :

- Nous nous rendrons demain dans le temple du village le plus proche. J’aurais préféré pouvoir vous retirer vos boucles dès ce soir et vous ramener chez vous dès demain matin mais vous allez devoir vous montrer courageuses. Je vous raccompagnerai dès que ce sera fait. Je viens de Luménis, la cité de lumière, si certaines d’entres vous préfèrent y trouver refuge un moment, je m’arrangerai pour cela. D’où venez-vous ? Je suis certain que vos foyers vous manquent comme à moi, je vous y ramènerai.

Le rôdeur s’efforçait d’évoquer des souvenirs moins douloureux pour les jeunes-filles, se demandant confusément s’il n’aggravait pas encore les choses. Lui-même n’avait guère de foyer durable où se réfugier. N’avait-il pas rompu tous les ponts après la douleur de la mort de sa mère ? Les jeunes-filles qu’il avait devant les yeux se sentiraient-elles encore chez elles parmi leurs proches ? Supporteraient-elles même leur contact après ce qui leur était arrivé ? Tant de doutes que le demi-elfe essayait sans grand succès d’effacer de ses traits.

[Voyageuse]

Quête : Rendez-vous manqué

Ce fut une autre des jeunes filles qui répondit. Celle qui était en train de réconforter sa soeur.
- Moi je viens d'un petit village près de Corelliah, avec ma soeur Lucille. On vivait chez notre grand-mère... Elle doit être malade d'inquiétude. Et la plupart de mes camarades sont originaires des Rocheuses du Dragon, près de la Lorien.
- Oui, ils ont profité de la montée aux estives pour nous kidnapper. On était sensées accompagner les troupeaux, et comme ils ne nous ont pas vues ils ont sans doute pensé qu'on était restées en bas avec nos mères. Du coup ils n'ont pas dû donner l'alerte...
- Moi je vivais avec une tribu nomade, je n'ai pas vraiment de village d'origine, mais je sais que je peux les retrouver à Ithilion à la fin du printemps, ils participent à la foire. Simplement... Je n'ai pas d'argent pour me rendre là-bas.
- Ne vous en faites pas pour l'argent, interrompit Amil-Galad. En fouillant les chariots et les tentes, j'ai rassemblé une bonne cinquantaine de pièces d'or, et quelques objets de valeur. Je crois qu'il serait normal que vous vous les partagiez...

La discussion semblait avoir ravivé un peu la flamme dans les yeux des filles, et c'est presque avec le sourire que l'une d'elle se proposa pour aller chercher de quoi manger. Comme si on avait donné un signal invisible, plusieurs se levèrent aussi, comme si l'activité pouvait leur faire oublier un moment les jours difficiles qu'elles avaient vécus.
Le druide avait apporté une bonne provision de bois et un feu se mit bientôt à crépiter à l'entrée de la tente, malgré la pluie.

[Kasumi]

Quête : Rendez-vous manqué

Le rôdeur opina de la tête, songeur. Les esclavagistes s’étaient enfoncés au plus profond de l’intérieur des terres, une perspective qui donnait le vertige. Certes, les maraudeurs n’avaient pas eu l’audace d’enlever de jeunes filles dans les communautés les mieux défendues de l’île, mais chaque hameau était dès lors susceptible de voir se renouveler de tels drames. L’insurrection et la tyrannie avait durement atteint les hommes chargés de la défense de la capitale, comment espérer que la situation n’empire pas avec tous les complices du régime battant encore la campagne. Kasumi avait eu la chance d’en arrêter une bande, puissante certes, mais trop tard même pour certaines des filles qu’il avait libérées. Astrée en avait fait les frais elle aussi, se trouvant sur le chemin de ces prédateurs sans foi ni loi, et là encore il avait été incapable de préserver l’être qui lui était le plus cher… Il aurait même échoué à venir à bout de ses tourmenteurs sans l’arrivée providentielle d’un allié puissant en la personne d’Amil-Galad.

La tête lui tournait et il fut soudain incapable de rester plus longtemps sous cette tente, nauséeux, il avait besoin de reprendre une bouffée d’air frais, de faire taire les pensées inquiètes et maussades qui lui submergeaient la conscience. Il ne voulait pas laisser voir sa peine et son sentiment d’impuissance et s’éloigna à grands pas de la tente. Il avait cru enfin trouver un endroit, un moment de paix en cette nouvelle terre mais tout le poussait à reprendre la lutte, à chercher refuge dans la fureur des armes, dans sa quête de justice, sans espoir de la voir un jour triompher tout à fait. Pouvait-il un instant songer imposer cette vie à Astrée si toutefois elle voulait de lui ? Peut être avait-elle détenu la solution avant qu'il ne l'entraîne dans ses combats, en s'isolant du monde, du malheur qui rôdait toujours, proche et insidieux, à l'affût.

[Voyageuse]

Quête : Rendez-vous manqué

Le reste de la soirée se déroula sous une pluie battante. Le temps était aussi maussade que l'humeur générale, les jeunes affranchies ayant encore un peu de mal à réaliser ce qui leur arrivait, comme si elles ne pouvaient émerger complètement de leur cauchemar.
Le druide et le rôdeur s'activèrent à préparer un repas consistant pour les rescapées, qui avaient sans doute été peu ou mal nourries durant leur captivité. Les plus âgées des filles semblaient vouloir mettre un point d'honneur à reprendre leur vie en main, et aidèrent à la préparation du repas.
Astrée restait inconsciente, et Anathiel ne fit que grignoter quelques morceaux, mais leurs compagnes firent honneur au repas.

Amil-Galad prit le premier tour de garde. Quand il réveilla Kasumi, il l'informa que rien d'anormal ne s'était passé.
Rien ne vint non plus inquiéter le rôdeur durant les quatre heures où il veilla. La pluie avait enfin cessé, et quelques étoiles commençaient à faire leur apparition.
La première chose que fit le druide à son réveil fut de soigner le mal étrange dont souffrait Kasumi, lui rendant instantanément sa vigueur habituelle, et lui affirmant que ça devrait également jouer sur son humeur : on n'est jamais positif quand on est diminué... Puis il lui souhaita une bonne fin de nuit et se prépara à veiller jusqu'à l'aube.

[Kasumi]

Quête : Rendez-vous manqué

Kasumi recouvra la conscience de la force qui l’habitait habituellement, comme si une partie de sa torpeur lui avait été retirée et pourtant la fatigue le disputait à cette bienheureuse sensation. Les combats du jour avaient été des plus rudes après une longue traque angoissée. Le rôdeur n’était toujours pas débarrassé de ses fantômes, Astrée toujours inconsciente avec les secrets qui l’habitaient, qu’elle garderait peut être bien malgré elle à son réveil. Les idées toujours sombres, il retourna sous la tente, cherchant instinctivement la présence de la jeune femme, souhaitant être là, simplement présent si elle venait à se réveiller. Il l’observa un moment. Apparemment paisible, elle était plongée dans un sommeil sans rêve. Il ne tarda pas à l’imiter et sombra instantanément, trop épuisé pour ressasser encore ses sombres réflexions.

Il fut réveillé par les premiers rayons filtrant à travers la tente. Un regard appuyé vers la rôdeuse lui appris qu’elle n’avait pas bougé de toute la nuit. A la lumière du matin, il aperçut son teint redevenu légèrement rosé, signe que le poison avait reflué. Il quitta ensuite la tente sans bruit, souhaitant ne pas réveiller les dormeuses plus vite que nécessaire. Elles avaient toutes besoin de reprendre des forces, un matériau nécessaire pour essayer de se reconstruire.

Plus pour s’occuper que par réel besoin, le demi-elfe s’en alla inspecter les chevaux et en particulier Ombrage qui avait fait montre de courage tout au long du voyage. A son approche, il avisa la louve qui leva la tête vers lui, lui renvoyant une image de chasse avant de disparaitre à sa vue mais pas tout à fait à ses sens. Première Neige se cherchait un déjeuner...

[Voyageuse]

Le soleil venait de se lever lorsqu’Astrée émergea enfin de sa torpeur. Instinctivement, son corps se crispa, puis se détendit en ressentant l’absence des chaînes qu’elle portait habituellement. Elle se souvint… Le combat… Ils avaient gagné ? Kasumi ?
Elle ouvrit les yeux, et eut un moment d’affolement en ne le voyant pas. Etait-il… ? Elle se redressa subitement, inquiète, et sentit alors les pansements sur son épaule. On l’avait soignée. Et habillée d’une tunique trop grande pour elle. Une tunique d’homme qu’elle reconnut instantanément comme celle de Kasumi, se refusant à envisager un seul instant que d’autres hommes puissent porter la même. Et puis, qui d’autre que lui aurait pu la soigner aussi bien ? Elle était presque sûre de reconnaître l’odeur de son onguent… Elle sourit à cette idée, cet optimisme stupide … mais qu’est ce que cela faisait du bien ! Oui, c’était lui qui l’avait soignée…

Elle sourit doucement, puis rougit en réalisant qu’il avait dû pour cela la déshabiller… et poser ses mains sur son corps… Un trouble délicieux l’envahit. Elle visualisa ses yeux verts, son regard sans doute inquiet. Elle ferma les yeux un instant, imaginant la douce caresse de ses doigts… Puis soudain d’autres images surgirent devant ses yeux, d’autres mains qui l’avaient touchée, frappée, humiliée, des rires… elle réprima un frisson de terreur et de dégoût.
Les battements de son cœur s’étaient accélérés, et elle serra les poings, les dents. Puis inspira à fond.
Non. N’y pense plus. Tout ça c’est fini. C’était juste… un cauchemar.
Quatre jours à oublier. A enfouir quelque part tout au fond d’elle-même pour ne plus jamais y repenser. Juste une parenthèse d’horreur dans sa vie. Et il fallait qu’elle l’oublie. Bien sûr, ils reviendraient peupler ses cauchemars. Sans doute trop longtemps. C’est ainsi que l’esprit soigne ses blessures. Mais la vie continue. Il faut qu’elle continue. Comme avant. Juste une parenthèse à refermer.

Alors, à nouveau, elle ferma les yeux, cherchant les souvenirs heureux. Revoyant le sourire du rôdeur, lorsqu’ils étaient à Rohan. Son regard lorsqu’il l’avait embrassée le matin de son départ. Ses yeux… Elle sourit, à nouveau. Il lui fallait se concentrer sur cette image. Ne rien laisser d’autre envahir sa pensée. Jamais. Elle y arriverait.
Autour d’elle, plusieurs des filles se réveillaient. Kasumi était déjà levé, mais sa couche était encore tiède. Il avait dormi tout près d’elle… Elle regretta de ne pas s’être réveillée près de lui. Mais au moins était-elle sûre qu’il n’était pas trop gravement blessé, sans cela il n’aurait pas pu se lever.

Elle inspira profondément, comme prise d’une résolution subite. Il était temps qu’elle reprenne sa vie en main. En commençant par rattraper l’erreur qu’elle avait commise à Luménis.
Près d’elle était posé un petit paquet de toile. Le pantalon qu’elle avait laissé chez les nomades s’y trouvait. Elle se hâta de se changer, se leva et sortit. La tunique de Kasumi flottait sur son corps amaigri. Elle se sentait minuscule à l’intérieur.

Le ciel était clair, le soleil brillait, elle était libre. Rien d’autre ne comptait. Sauf… ce qu’elle s’apprêtait à faire.
Kasumi était auprès des chevaux. Comme d’habitude. Elle se rappelait chaque détail de leur voyage précédent. Elle aussi l’avait soigné, un jour… et il l’avait récompensé d’une statuette, et tout avait commencé.
Mais elle n’avait pas de statuette à lui offrir.
Elle s’approcha sans bruit. Discrète. Lorsqu’elle fut tout près, elle murmura simplement, tout bas :
- Merci de m’avoir si bien soignée. Et merci... de m'avoir retrouvée...
Sans lui laisser le temps de répondre, elle se glissa entre lui et Ombrage, prit sa main dans la sienne, entremêlant leurs doigts. Puis, se hissant sur la pointe des pieds, elle déposa un léger baiser sur ses lèvres.
Elle rougit aussitôt de son audace. Mais ne lâcha pas sa main. Et ne baissa pas les yeux. Son cœur battait à tout rompre.

[Kasumi]

Quête : Rendez-vous manqué

Kasumi n’avait pas entendu la rôdeuse s’approcher de son pas particulièrement discret. Il était occupé à masser l’antérieur droit d’Ombrage qui donnait des signes d’une légère contracture. Soigner les chevaux était si simple, presque reposant. Il aurait voulu qu’il soit aussi facile de soigner les blessures de l’âme humaine. Absorbé par sa tâche et ses songeries, il fut encore une fois totalement pris au dépourvu lorsque le vent apporta le parfum caractéristique de la rôdeuse.

Tous ses doutes furent instantanément relégués à l’arrière plan. Astrée s’était enfin réveillée et se tenait debout devant lui, forte dans la tourmente, il se raccrochait à son image pour puiser de l’énergie positive. Il esquissa un sourire sincère, sans retenue, pour la première fois depuis des mois et l’époque heureuse de leur premier voyage. Mais la jeune femme figea sa réponse sur ses lèvres, d’un doux baiser qui pouvait signifier tant de choses, remerciement amical, invite amoureuse, simple signe de soulagement… Mais qui au fond n’en signifiait qu’une et une seule pour Kasumi. Il avait retrouvé la femme qu’il avait connu à Luménis, certes marquée par les épreuves mais toujours Astrée. Par sa seule présence, elle renforçait encore la conviction profondément ancrée dans son âme et dans son cœur. Il l’aimait.

Ne sachant pas comment réagir à cette manifestation inattendue, il se réfugia derrière son éternel sourire mutin, n’osant tout simplement pas l’embrasser fougueusement maintenant qu’elle lui faisait perdre tous ses moyens :

- Je rêve ou tu m’as embrassé ?

[Voyageuse]

Quête : Rendez-vous manqué

Elle sourit à son tour. Il n’avait pas changé.
- Oh, je ne sais pas... Tu as peut-être rêvé, fit-elle, espiègle. Et moi, en tout cas, je suis sûrement en plein rêve, puisque tu es enfin là alors que c’était impossible… Mais si c’est un rêve alors je ne veux plus jamais me réveiller, ajouta-t-elle plus bas. Avec un sanglot dans la voix.

Un instant, sa résolution vacilla, et elle fut sur le point de fondre en larmes. Elle l’avait tant attendu. Elle avait cru ne plus jamais le revoir… Mais elle tint bon. Elle aurait tout le temps de pleurer plus tard, de laisser s’écouler ces émotions trop fortes pour elle. Pour l’instant… elle avait juste envie de sentir ses bras l’enlacer, de sentir la chaleur de son corps contre le sien, de l’embrasser à nouveau… Et qu’il la serre fort… Pour oublier tout le reste.

Elle plongea son regard dans le sien, cherchant à se noyer dans ses yeux verts. Rougit, le cœur battant. Oserait-elle ? Et s’il la repoussait ? Et si elle s’était imaginé tout ça ? S’il n’éprouvait rien d’autre que de l’amitié pour elle ?
Tant pis. Il fallait qu’elle sache. Elle avait trop attendu. Et la vie est trop courte pour laisser échapper le bonheur quand il passe si près…
Sans détacher un seul instant son regard du sien, à nouveau, elle se hissa sur la pointe des pieds. Repoussa tendrement une mèche de cheveux. Et déposa un nouveau baiser sur ses lèvres. Plus doux. Plus tendre.…

[Kasumi]

Quête : Rendez-vous manqué

Le cœur du rôdeur battait à tout rompre malgré l’apparente décontraction qu’il affichait. Il n’entendait pas vraiment les paroles d’Astrée, sinon à un niveau de conscience supérieur. Kasumi ne pouvait pas détourner son regard d’elle, de son visage, de ses yeux si expressifs. Il avait tenté de plaisanter comme à chaque fois qu’il se sentait mal à l’aise, mais ce faisant il se maudissait de son manque de témérité qui pouvait passer pour de l’indifférence. Il fallait qu’il lui explique, qu’il lui fasse comprendre combien elle lui avait manqué, par quels abysses il été passé lorsqu’il s’imaginait ne plus jamais la revoir. Alors il avait compris que ses sentiments pour elles étaient bien plus que l’amitié qu’il aurait du éprouver. Astrée était la moitié qui le complétait parfaitement, la femme qu’il avait recherchée toute sa vie durant, celle qu’il avait cru perdre, pour laquelle il n’aurait pas hésité à se rendre à Mélandis.

Mais les mots étaient impuissants à exprimer ce qu’il tenait à lui dire. Pas alors qu’une tempête d’émotions l’assaillaient. Cela attendrait plus tard, lorsque son cœur battrait un peu moins vite. Alors, lorsque ses lèvres approchèrent de façon presque inespérée, il les accueillit sans retenue, abandonnant toute raison pour se fondre dans l’amour d’Astrée. Cette fois il n’y avait plus aucun doute sur la signification du baiser. Kasumi se pencha lentement vers elle, l’enserrant doucement de ses bras, posant délicatement les mains là où la jeune femme n’avait pas été blessée tout en l’attirant fermement vers lui. Plus rien ne comptait sinon qu’elle reste tout près de lui, que le baiser se prolonge sans fin, délicieux baume effaçant toutes ses peines, ses doutes, ses ruminations. Dangereux aussi, mais il ne se souciait plus du danger, insensible au monde extérieur, totalement tourné vers le monde qui lui tendait les bras. Il n’avait pas envie que tout ça s’arrête.

[Voyageuse]

Quête : rendez-vous manqué

Un torrent d'émotions submergea Astrée lorsque Kasumi la prit dans ses bras. Ce fut comme si elle perdait soudain le contrôle de ses sensations, de ses sentiments. Plus rien n'existait que lui, ses bras qui l'enserraient, ses lèvres douces et gourmandes, son corps... Elle ferma les yeux, s'abandonnant totalement à son étreinte, répondant à son baiser avec une passion qu'elle croyait avoir oubliée depuis tant d'années.
Presque aussitôt, elle sentit monter en elle un désir fou, brûlant, irrépressible. Elle avait passé ses deux bras autour de son cou et lui caressait la nuque, les épaules, le torse à travers la fine étoffe de sa tunique... et elle comprit que son corps en voulait encore plus, réclamait le contact de sa peau contre la sienne, des caresses... partout... Elle eut la pensée fugace que non, ils n'avaient pas réussi à la détruire, qu'elle était encore capable d'éprouver du désir, et avec une telle intensité.... Elle se sentit le coeur incroyablement léger, et se serra encore plus fort contre lui, répondant à son baiser avec une ardeur renouvelée. Elle aurait voulu qu'il ne finisse jamais, que le temps s'arrête et les laisse là, enlacés.

Ils perdirent la notion du temps, perdus dans un océan de tendresse et de passion. Un toussotement tout près les ramena à la réalité. Amil-Galad et sa soeur étaient près d'eux, un peu gênés.
- Je venais juste vous avertir que le petit déjeuner est prêt...
Anathiel était toujours aussi pâle. Mais son regard d'ordinaire vide fixait Astrée avec une expression un peu étrange. Comme un questionnement. Discrets, et gênés d'avoir dérangé les deux rôdeurs, ils s'éloignèrent aussitôt.

[Kasumi]

Quête : Rendez-vous manqué

Kasumi aurait du se sentir gêné d’avoir été ainsi surpris, surtout par Anathiel qui avait du subir des horreurs indicibles et en garderait peut à vie ce regard hanté et la crainte des autres qui la caractérisait. Pourtant, la communion qui s’était produite avec Astrée le laissait euphorique, oublieux de sa timidité, gagné par une étrange jubilation. Elle l’aimait… il s’était douté qu’elle éprouvait une certaine attirance pour lui sinon il n’aurait jamais pu lui voler ce baiser aux portes de Luménis mais ce qu’il vivait dépassait tout ce qu’il avait jamais pu imaginer. La passion que lui transmis la jeune femme répondait tellement harmonieusement à la sienne qu’il en avait un moment oublié où il se trouvait. Pourtant, loin de rompre soudainement l’étreinte, il la desserra juste assez pour contempler le visage d’Astrée. Puis, dans un geste spontané, il lui caressa l’arête du nez avant de le laisser glisser sur ses lèvres pulpeuses, épousant leur contour en une caresse délicate et irréfléchie. Puis il approcha sa bouche de son oreille et lui murmura tout bas :

- Ce n’est pas un rêve, c’est la réalité. Et si tu te réveilles, je serai encore à tes côtés.

[Voyageuse]

Elle répondit d'un sourire, et l'émotion empourpra son visage. Son coeur battait beaucoup trop vite, beaucoup trop fort. Le simple contact de son doigt sur sa lèvre avait fait frissonner tout son être.

Bien sûr, il y avait eu l'interruption, le regard d'Anathiel... Un instant, elle avait été ramenée à la réalité, et la magie de l'instant avait disparu, du moins l'avait-elle cru.
Mais quand Kasumi la regardait ainsi... Plus rien d'autre n'existait. Que lui. L'amour qu'elle éprouvait pour lui. Et celui qu'elle lisait dans ses yeux. Tout le reste était sans importance.
Pourtant... Pourtant il fallait qu'elle s'occupe d'Anathiel. Mais pas tout de suite. Un peu plus tard....

Elle caressa doucement le visage du rôdeur, puis, sans crier gare, saisit sa tête de ses deux mains pour l'embrasser à nouveau, passionnément, goulument. Et peu importait que les autres les attendent, peu importait si le monde s'écroulait. Elle attendait ce baiser depuis trop longtemps... Depuis le jour où il l'avait sauvée des sharites. Ce jour-là, son corps avait réclamé un baiser, une étreinte... et elle se l'était refusée. Et elle l'avait aussi refusé à Luménis. Que de temps perdu à rattraper...

[Kasumi]

Quête : Rendez-vous manqué

Un frisson courut tout le long de son échine au contact de la main douce d’Astrée sur son visage. Le geste était doté d’une telle tendresse qu’il aurait pu s’y abandonner. La jeune femme éveillait ses sens pour mieux le happer dans un torrent impétueux de passion. Une nouvelle fois leurs lèvres se joignirent, s’entrouvrirent pour laisser place à un baiser charnel, rien moins que timide. S’en fut presque trop pour le cœur de Kasumi qui s’emballât et pour sa conscience qui fut arrachée comme un fétu de paille dans les tourbillons de rapides. Son corps était partagé entre l’irrépressible envie de s’y jeter tout à fait pendant que sa conscience à la dérive cherchait à s’en extirper avant qu’il ne soit définitivement trop tard, que le désir qui affleurait devienne irrémédiable et l’entraîne plus loin encore.

Dans un soubresaut de volonté, il réussit à revenir sur terre, à reprendre la maîtrise de son corps, de ses sens. Alors il s’écarta doucement, gardant les mains d’Astrée dans les siennes, osa croiser son regard enfiévré et enfin trouver les mots, si simples, si évidents maintenant malgré son souffle court :

- Astrée, je... Je t’aime. Nous devrions rejoindre les autres, juste un instant. Reprendre des forces.

Puis, comme s’il avait craint que ses préoccupations aient atténué sa déclaration, il déposa un simple baiser sur sa joue, l’invitant à le suivre. Astrée n'avait rien mangé depuis tôt la veille et il s'en inquiétait confusément. Lui même se sentait peu d'appétit, le goût des baisers sur ses lèvres réussissant à le rassasier, à éveiller d'autres envies.

[Voyageuse]

Quête : Rendez-vous manqué

Astrée éprouva une sensation d'arrachement lorsqu'il s'écarta d'elle. Elle avait tant besoin de la chaleur de son corps, de la force de ses bras. Bien sûr, elle savait qu'ils devaient aller manger, qu'ils devaient partir. Mais c'était trop court...
Il avait dit qu'il l'aimait... Puis était tout de suite passé à autre chose. Comme s'il ne voulait pas qu'elle accorde d'importance à ses paroles. Qu'elle les oublie. Ou comme s'il regrettait de l'avoir avoué. Elle ne comprenait pas. Puis elle se dit qu'après tout, cela n'avait guère d'importance. Elle savait ce qu'il éprouvait, elle l'avait lu dans ses yeux, senti le désir monter dans son corps... Il l'aimait. Et le bonheur qui l'envahissait à cette idée lui faisait oublier tout le reste. Même ce qu'elle avait subi lui paraissait un simple mauvais rêve, et pourtant elle en sentait encore les stigmates dans son corps.

Elle garda sa main dans la sienne alors qu'ils retournaient vers le campement. Pour y puiser un peu de force, un peu d'amour.
Elle s'arrêta net en voyant Anathiel, immobile, assise près du feu devant un déjeuner auquel elle ne comptait visiblement pas toucher. Il fallait qu'elle fasse quelque chose... Mais que faire ? Elle se sentait tellement coupable... et tellement révoltée.
- Ce qu'ils lui ont fait... C'est inhumain.
Elle avait parlé presque à voix basse, et regretta instantanément ses paroles. Après tout, Kasumi n'avait pas besoin de savoir...
Pourtant, elle continua, profitant qu'ils étaient trop loin des autres pour être entendus.

- Ils l'ont... Ils l'ont initié, comme ils disent. Je n'ai jamais su pourquoi. Elle avait sans doute tenté de désobéir ou de se révolter. Et ils ont voulu faire un exemple. Et maintenant... elle ne s'en remettra peut-être jamais.
Elle se mit à pleurer.
- Et moi j'étais là, et j'ai rien fait. J'ai rien dit. J'avais trop peur. Trop peur qu'ils me fassent la même chose. Je les ai laissé faire sans réagir... Si tu savais comme je m'en veux de ma lâcheté ! J'aurais dû prendre sa place, elle était trop jeune pour subir ça, j'aurais dû les empêcher...

Elle inspira profondément. Il fallait qu'elle lui dise. Qu'il comprenne.
- C'était le soir où ils m'ont capturée. Pendant le repas, ils l'ont obligé à passer toute la soirée dans la grande tente. Nue. A leur merci. Ils ont... ils l'ont obligée à faire tout ce qu'ils voulaient. Ils ont... ils ont abusé d'elle... Toute la soirée, dans un coin de la tente... Et moi j'étais là, et j'ai rien fait. J'ai obéi à leurs ordres, je leur ai servi le repas, la bière. Ils ne me quittaient pas des yeux, ils m'avaient fait comprendre qu'au moindre faux pas j'y passais aussi. Alors j'ai obéi.
Elle pleurait sans pouvoir s'arrêter.
- J'aurais dû faire quelque chose, j'aurais dû prendre sa place, je sais pas... Moi ça m'aurait moins démolie qu'elle. Elle est trop jeune.... Elle a passé la moitié de la nuit avec eux. Et ensuite, quand elle est revenue... Elle n'était plus rien. Un fantôme. Je me sens tellement coupable. J'ai essayé de l'aider, ensuite, j'ai trouvé des herbes pour la soigner, pour la douleur, pour empêcher qu'elle se retrouve enceinte, pour dormir.... C'est tout ce que je pouvais faire...

Elle se tourna brusquement vers Kasumi, les yeux remplis de larmes... et d'une haine qui lui était habituellement étrangère.
- Ce sont des monstres... J'espère qu'ils sont tous morts, que tu les as tous tués. C'est tout ce qu'ils méritent.

[Kasumi]

Quête : Rendez-vous manqué

Kasumi fut abasourdi, sentit un vertige le gagner, incomparable à celui qu’il avait éprouvé tantôt. Un sentiment de colère mêlé d’indignation, de dégoût, d’impuissance. Une folle angoisse aussi. Ses pires craintes concernant les esclavagistes s’avéraient fondées. Leur sadisme dépassait même l’imagination du demi-elfe. Comment des êtres humains pouvaient-ils en arriver à commettre de telles horreurs ? Quelle lubricité pouvait inspirer le viol répété d’une si jeune adolescente, meurtrie dans sa chair, dans son âme, dans sa plus pure intimité ? Quel esprit pervers pouvait se réjouir de réduire une femme à l’état de spectatrice impuissante ? Quel but recherchaient ces monstres ? Cela dépassait l’entendement du rôdeur. Peut être n’avaient-ils au fond d’autre but que le plaisir de faire souffrir, de réduire à leur merci des êtres qui valaient tellement plus que toutes leurs sombres âmes réunies. Rien que d’imaginer l’épouvantable suffisait à donner des haut-le-cœur à Kasumi. Il n’arrivait même pas à appréhender ce que la jeune fille avait du ressentir, livrée ainsi toute la nuit à une situation cauchemardesque, son calvaire avait du lui paraître sans fin. Le demi-elfe se doutait qu’il n’en aurait pas, en effet. Qu’elle serait à jamais condamnée à revivre cette horrible nuit dans ses cauchemars éveillés.

Accablé par la peine, ses pensées lui firent explorer d’autres chemins, peut être plus terribles encore. Astrée avait été contrainte à assister à cette scène d’épouvante. C’était largement suffisant pour briser la volonté la plus courageuse. Et leur rapprochement rendait encore plus sensible la douleur qu’il percevait en elle. La douleur pour n’avoir rien pu faire, confronté à la barbarie de ce premier soir.

Le rôdeur ressentait toute l’impuissance de sa bien-aimée, celle qui faisait échos à son propre sentiment. Il était arrivé bien trop tard pour certaines. Peut être était-il arrivé trop tard pour Astrée aussi. Quelles séquelles garderait-elle de ces souvenirs ? Que lui avait-on fait pour tenter de la briser à son tour ? Lui avait-on fait subir le même sort ? Juste par jeu, juste pour se moquer de son obéissance et de sa passivité ce soir là ? Si la pensée des tortures d’Anathiel l’avait fait blêmir, lui coupant toute envie de s’approcher de la moindre nourriture, l’idée insidieuse qu’Astrée ait elle aussi subi la même sauvagerie, ait été violée lui était parfaitement insupportable. Sans son bras passa autour de sa taille, il se serait profondément laissé tomber à genoux. En tous cas, rien n’aurait réussi à retenir ses larmes, des larmes qu’il ne chercha pas à retenir. Elles exprimaient à la fois la douleur partagée, la rage incommensurable, l’inquiétude trop poignante pour être masquée.

A aucun moment il ne relâcha Astrée, ne chercha à se dérober à son contact. Au contraire, il avait envie de ne faire plus qu’un avec elle, de partager son fardeau pour tenter d’en atténuer le poids. Il puisa dans les ressources que lui communiquait sa bien aimée pour parler d’une voix mal assurée :

- Ils ne s’en prendront plus jamais à d’autres, pas un n’a survécu. Je sais ce que tu penses, mais tu n’aurais pas atténué la peine d’Anathiel en cherchant à prendre sa place. Au contraire, je pense que ces monstres en auraient joué. Tu as fait ce que tu as pu, tu as été là pour réparer ce qui pouvait encore l’être. Je sais que ce n’est en rien satisfaisant, je ressens la même chose à un degré incomparable.

Après un instant de silence, il reprit d’une voix encore plus faible, réduite à un murmure implorant qui prit peu à peu de un accent de conviction sincère :

- Je suis arrivé trop tard pour empêcher ça. Je suis arrivé trop tard pour t’éviter cette peine. Mais je veux être là pour toi maintenant. Non pas par culpabilité ou par devoir mais parce que je t’aime, depuis la première fois où j’ai croisé ton regard. J’ai besoin de toi pour me compléter moi-même. Quand tu souffres, je souffre aussi. Mais quand tu ris… Oh que ne donnerais-je pas pour t’entendre à nouveau rire ! Malgré tout ça. Peu importe le temps qu’il te faudra, peu importe ce que tu exiges de moi, ce ne sera rien comparé à ma joie lorsque nous partagerons à nouveau des instants heureux. Je veux que tu saches que je suis prêt à partager ton fardeau comme étant le nôtre, aussi mal que cela puisse me faire.

Le rôdeur caressait doucement les paumes de l’humaine, en un geste de tendresse naturelle. Un voile persistait tout de même derrière son regard vague.

[Voyageuse]

Quête : Rendez-vous manqué

La déclaration du rôdeur laissa Astrée sans voix, bouleversée. L’émotion qui la submergeait était trop forte.
Elle sécha ses larmes d’un revers de manche. Puis se tourna face à son compagnon et le fixa droit dans les yeux. Elle avait la gorge nouée, et était incapable de trouver les mots pour exprimer ce qu’elle ressentait. Alors elle laissa parler son corps, ses gestes. Doucement, tendrement, elle l’embrassa à nouveau, résistant à grand-peine à l’envie de prolonger indéfiniment le contact de leurs lèvres, de leurs corps.
Il avait le goût salé des larmes. Elle s’en voulait de l’avoir fait pleurer.

Elle prit ses deux mains dans les siennes, les serra fort.
- Je t’ai attendu tout l’hiver, murmura-t-elle enfin. Et j’ai cru ne jamais te revoir. Mais maintenant tu es là alors… tout le reste n’a plus aucune importance. Ce qui s’est passé ces derniers jours n’était qu’un cauchemar qu’il faut oublier. Tu m’as sauvée, et quand je suis dans tes bras j’oublie tout le reste. Je revis... Je t’aime, Kasumi. Depuis notre première rencontre. Alors… Plus rien ne compte à présent que nous deux. Et le bonheur qui nous attend.

Elle devina le voile d’inquiétude qui demeurait dans son regard. Bien sûr… Il craignait qu’elle ait subi le même sort qu’Anathiel…
- Je sais ce que tu crains… Mais n’aie pas peur, ils n’ont pas pu me détruire. Ils m’ont fait du mal, c’est vrai, et j’avais tellement peur qu’ils me fassent subir la même chose qu’à elle… J’ai cédé, j’ai fait tout ce qu’ils m’ordonnaient, pour qu'ils me fichent la paix, pour qu'ils croient m'avoir soumise. Elle soupira, serra les dents.Y’a juste eu un soir… ils ont voulu me punir parce que j’avais insisté pour enterrer le corps d’une de nos camarade, morte. Ils m’ont frappée, humiliée, ils …
Sa voix se brisa. Les images envahissaient son esprit. Le fouet. Les rires. La douleur. Les regards lubriques posés sur elle. Leurs mains. Les plaisanteries salaces. Les promesses obscènes susurrées à l’oreille. La terreur.
Le souffle coupé, le cœur au bord de la nausée, elle était incapable de continuer. Elle ne voulait plus y penser. Juste enterrer tout ça au fond de son esprit. C’était ses souvenirs, à elle de vivre avec, et elle se savait assez forte pour ça. Surtout… surtout s’il restait auprès d’elle. Avec lui elle pourrait tout affronter. Il avait dit qu’il était prêt à partager son fardeau, et ces simples paroles lui avaient presque ôté tout le poids de ses souffrances. Il attendait sans doute qu'elle lui raconte ce qu'elle avait subi. Mais c’était tellement dur de le revivre…

Ses larmes s’étaient remises à couler, malgré elle. Elle les sécha, inspira un grand bol d’air, et reprit d’une voix plus ferme :
- Mais c’est fini. Ils ne m’ont rien fait, rien à côté de ce qu’ils ont fait à Anathiel. Si tu le veux vraiment, je te raconterai. Même si c'est pas facile. Mais ensuite... je veux juste oublier, et reprendre ma vie comme avant. Retrouver le bonheur d'être à tes côtés. Je t’ai tellement attendu. Je t’aime... Et puisque tu m’aimes aussi, alors…. Alors je suis la femme la plus heureuse du monde. Et rien d’autre n’a d’importance tant que tu es auprès de moi.
Doucement, presque timidement, elle tendit la main pour lui caresser la joue.
- Je t’aime, répéta-t-elle encore une fois. Elle ne se lassait pas de le dire…

[Kasumi]

Quête : Rendez-vous manqué

Kasumi serra les mains tendrement comme s’il ne voulait plus jamais les lâcher. Ce simple contact dissipait peu à peu son angoisse, adoucissait son esprit de colère par la volonté de vivre qui irradiait d’Astrée. Plus rien ne comptait alors qu’il pouvait à nouveau la serrer dans ses bras, écouter la douce musique de sa voix qui le faisait chavirer de bonheur lorsqu’elle prononçait son nom, goûter à ses baisers, chacun le comblant de bonheur mais en appelant un autre.

La crispation qu’il avait ressentit à l’évocation de ce qu’on avait fait subir Astrée fut magnifiée par ses paroles d’amour. Malgré leurs baisers échangés, la sensation était si euphorisante, si étrangère qu’il sentit le rouge lui monter aux joues. Il avait tant de fois imaginé cette scène dans ses rêves et pourtant, même les plus passionnés n’avaient fait qu’effleurer la réalité. Il se sentait soudain mis à nu, vulnérable. La sensation était déroutante mais surtout incommensurablement agréable… Plongeant dans le regard d’Astrée, il se fit violence pour revenir à la réalité, lui apporte tout le réconfort dont il était capable :

- Elle repose en paix. J’y ai veillé. Et grâce à toi, les autres sont maintenant libres. Parce que j’ai pu remonter ta trace avec Première Neige, parce que tu as su braver le danger pour me fournir les informations qui m’ont sauvé la vie, qui ont rendu notre victoire possible.

Détournant soudain les yeux pour regarder ses bottes, il ajouta dans un souffle dissimulant mal un petit air espiègle :

- On ne m’avait jamais embrassé de cette façon… Je ne répondrai plus de mes actes si tu recommences.

[Voyageuse]

Astrée sourit. Amusée et... troublée. Son coeur avait repris un rythme beaucoup trop rapide.
Elle jeta un coup d'oeil au groupe en train de déjeuner non loin, hésita un instant. Elle n'avait pas vraiment faim. Et puis, elle pourrait toujours manger un morceau rapidement plus tard. Tout ce qu'elle voulait, c'était... Etre avec lui. Etre dans ses bras. Et elle avait bien envie de tester à quel point il était sérieux en disant ce qu'il venait de dire... C'était si agréable de se sentir désirée par l'homme qu'on aime. Même si elle était bien certaine qu'il ne faisait que plaisanter... Il était trop raisonnable pour ça. Mais ça lui apprendrait à parler à la légère...

D'un air très sérieux, elle dit simplement :
- On devrait peut-être aller préparer les chevaux pour se rendre un peu utiles ?

Elle prit la main de Kasumi et l'entraîna avec elle, contournant les chariots en direction des chevaux.
Mais dès qu'ils furent hors de vue, elle reprit d'un ton espiègle :
- Tu disais quoi au sujet des baisers ?
Et sans attendre de réponse, elle passa ses bras autour de son cou et l'embrassa. Passionnément. Goulument. Comme si elle ne devait jamais être rassasiée de ses baisers.

[Kasumi]

Quête : Rendez-vous manqué

Kasumi s’était attendu à ce qu’Astrée mette sa menace à l’épreuve mais lorsqu’elle se jeta une nouvelle fois contre lui, il se sentit défaillir. Il savait pourtant qu’elle n’avait nulle autre pareille pour retourner les situations à son avantage, pour lui faire perdre tous ses moyens. Et pourtant, il n’avait pas pu s’empêcher de jouer avec le feu. Un feu qui courait dans ses veines alors que le désir montait. Ses mains se mirent à courir doucement le long du dos de la jeune femme, glissant lentement vers la courbure de ses reins, décrivant de légères arabesques alors qu’il prolongeait le baiser d’Astrée. Puis, il la fit doucement pencher en arrière, la soutenant dans ses bras tandis qu’il embrassait doucement son cou.

Mais avant qu’il ne perde totalement pied, il relâcha son étreinte presque à contrecœur, le sang bouillonnait dans ses veines et faisait vibrer chaque fibre de son être. Malgré toute sa volonté, il ne pouvait plus détourner le regard de la femme accomplie qui se tenait devant lui.

[Voyageuse]

Quête : Rendez-vous manqué

Astrée sentit son corps lui échapper. Elle ne maîtrisait plus rien. Ses mains, comme animées d'une volonté propre, se mirent à caresser la nuque de son compagnon, son torse, puis se glissèrent sous sa tunique, au contact de sa peau... Elle se sentait brûlante d'un désir irrépressible de lui ôter ses vêtements pour se blottir contre sa peau, ne faire plus qu'un avec lui.
Lorsqu'il la fit basculer en arrière, son souffle se fit rauque tandis qu'elle s'agrippait à lui, dévorée de l'intérieur par une faim insatiable de son corps, de ses mains, de ses caresses....
Puis il la relâcha... Leurs regards se croisèrent. Elle savait bien qu'il avait raison, que les autres allaient arriver, qu'il fallait s'arrêter avant qu'il ne soit trop tard, avant qu'ils ne puissent plus. C'était si dur.

Elle déposa un dernier baiser sur ses lèvres, doux et léger.
- Je crois qu'il nous faudra continuer ça un peu plus tard... Les autres vont arriver. Mais ne compte pas t'en tirer aussi facilement la prochaine fois ! ajouta-t-elle avec un clin d'oeil espiègle.
Et effectivement, les deux elfes approchaient, discrètement, sans doute par peur de déranger. Astrée croisa le regard d'Anathiel. Toujours aussi hanté.

- Je vais te laisser commencer à préparer les affaires avec le frère d'Anathiel. Je dois lui parler un peu..., souffla-t-elle.
L'elfe s'y attendait visiblement. Sans même avoir besoin d'échanger un mot, les deux jeunes femmes s'éloignèrent, laissant à Kasumi et Amil-Galad le soin de s'organiser.

[Kasumi]

Quête : Rendez-vous manqué

Kasumi avait senti la chaleur irradier son corps, la réponse de celui d’Astrée sous ses caresses. A cet appel, il s’était presque laissé gagner par une volupté frémissante, par le besoin irrépressible de faire courir ses doigts sur sa peau si douce, de la découvrir doucement, de la dévêtir de cette tunique trop lâche qui lui laisser entrevoir des merveilles, inondait ses sens d’un désir brûlant, presque primal.

Mais il fallait s’arrêter et c’est ce qu’il parvint à faire à grand mal, encore fiévreux d’un désir repoussé, anticipé. Dans le regard que Kasumi posa sur Astrée, il sentit une connivence univoque, celle de recommencer plus tard, d’explorer leur relation naissante, de se laisser aller à leurs envies communes.

Le demi-elfe eut grand mal à se concentrer en s’attelant aux préparatifs du départ. Par réflexe, il prit soin de réunir les provisions sur deux chevaux de bât, puis d’éteindre le petit feu qui avait servi à la cuisson. Les voyageurs n’emportaient que peu de choses, laissant là les tentes et les chariots pour ne garder que ce qui aurait une valeur immédiate, les armes et les bêtes essentiellement. Avant de quitter les lieux, le rôdeur prit soin de rédiger une note sous l’une des seules tentes encore debout, expliquant la raison de la présence de sept cadavres mutilés, un avertissement autant qu’une justification.

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Esclavagistes, violeurs et assassins. Nulle sépulture pour ceux au-delà de la rédemption.

Il n’y avait pas assez de chevaux de selle pour tous les cavaliers mais Kasumi organisa les chevaux pour que trois d’entre eux supportent un couple de cavaliers. Il avait évidemment réservé Ombrage à son propre usage ainsi qu’à celui d’Astrée, savourant par avance les heures à venir.

[Voyageuse]

Quête : Rendez-vous manqué

Lorsqu’Astrée et Anathiel rejoignirent le reste du groupe, le regard de la rôdeuse était grave. Et celui d’Anathiel n’avait guère évolué. Astrée aida sans mots dire aux derniers préparatifs. Les moments de tendresse qu’elle venait de partager avec son compagnon semblaient déjà loin. Elle lançait de temps à autre, à la dérobée, des regards inquiets à celle qui avait été sa compagne d’infortune. Si seulement elle avait pu la convaincre, lui redonner un peu le goût de vivre. Mais peut-être ses paroles avaient-elles semé quelque lueur d’espoir au fond de son âme brisée. Et puis, le retour chez les siens était proche, et la vie au sein la nature aurait peut-être les mêmes vertus thérapeutiques que pour elle, l’année précédente. Elle se dit qu’il fallait absolument que son frère l’aide à se maintenir occupée, sans cesse active, pour ne pas ruminer. Et qu’il lui laisse du temps. Il faudrait qu’elle lui dise…
Elle avait fait tout ce qu’elle pouvait pour l’aider, elle le savait. Mais s’en voulait tellement de n’avoir pas pu faire plus.

Elle se dérida un peu en montant en croupe sur Ombrage. La présence tout contre elle de Kasumi lui donnait du baume au cœur, comme s’il lui transmettait sa force. Et elle en avait tant besoin. Doucement, elle posa ses mains sur sa taille, résistant à l’envie de le taquiner.
La petite caravane se mit en route, lentement. Dix personnes sur sept chevaux de selle, et quatre chevaux de bâts dont deux ne portaient aucune charge. Ils seraient revendus pour finance le voyage de retour. Amil-Galad avait envoyé son aigle en éclaireur, et l’oiseau venait de temps à autre planer près d’eux, rassurant, avant de repartir de l’avant. L’elfe et sa sœur avaient pris la tête de la troupe, Kasumi et Astrée formant l’arrière-garde. Ils avançaient lentement, certaines des filles n’ayant visiblement guère eut l’occasion de monter auparavant. La malédiction des boucles d’oreilles les forçait à rester groupés, mais grâce à l’aigle ils n’avaient nul besoin de partir en reconnaissance.
Ils firent une pause à midi, mais n’eurent pas le cœur d’allumer un feu. Tous étaient pressés d’arriver, désireux d’en finir au plus vite avec cette histoire. Ils déjeunèrent de viande froide, de pain, et de fruits secs, avant de repartir. Astrée s’aperçut qu’elle était affamée, et fit largement honneur au pique-nique. Anathiel elle-même mangea un morceau.

Puis ils reprirent la route. Cette fois, Kasumi et Astrée passèrent devant, Amil-Galad et sa sœur à l’arrière. L’aigle ne signalait aucun danger. Astrée se blottit contre son compagnon, enserrant sa taille un peu plus fort qu’il n’était nécessaire. Elle ne l’avait pas quitté d’une semelle pendant le repas, cherchant sans cesse à croiser son regard, à frôler sa main, son corps, comme pour s’assurer qu’il était bien là, qu’elle n’allait pas le perdre à nouveau, comme pour rattraper tous les instants de bonheur qu’elle avait manqués sans lui. Et le trouble qu’elle lisait dans ses yeux, qu’elle ressentait dans son corps à chacun de ces contacts, était tellement agréable.
Elle déposa un léger baiser sur sa nuque, se serrant un peu plus fort contre lui. Elle l’aimait. Le cauchemar était terminé, il était là, il l’avait sauvée. Et bientôt ils seraient au village, enfin. Elle ferma les yeux et sourit.

Une heure plus tard ils arrivaient en vue du village. « Deux-Ponts », indiquait la pancarte.

[Kasumi]

RP : Retour à l’abri

Kasumi poussa un soupir de soulagement lorsqu’ils eurent laissé la fonderie loin derrière eux. Les deux rôdeurs suivaient un sentier longeant un petit cours d’eau qui consistait très certainement l’une des sources de la Ravissante. Le cadre était enchanteur, des raies de lumière perçaient ici et là les frondaisons et illuminaient le sous bois et le petit cours d’eau poissonneux. L’endroit paraissait presque irréel tant il diffusait une atmosphère de sérénité surnaturelle. Le demi-elfe saisit la main de sa compagne sans un mot, le moment était trop parfait pour oser rompre le silence. Pourtant, le demi-elfe ne put s’empêcher d’exprimer ce qui faisait battre son cœur un peu plus vite :

- Il y a si longtemps alors que j’étais seul et inquiet, je me suis promis de te retrouver, coûte que coûte. Je t’aime Astrée.