[Habitation] La maison de Corwin Balder

[Lothringen]

Corwin réfléchit quelques instants. Pour Lothringen, le prêtre avait beau se défier de lui par principe... Le semi-drow était conseiller de cette ville, et pour ce que Corwin en savait, il semblait prendre au problème de la succession d'Alréac un intérêt plus grand que le Grand Emissaire lui-même. En tout cas, il était venu au conclave, et pas ce dernier. Tout le monde l'avait remarqué, et le vieux prêtre en rougissait de honte.

"Messire Lothringen a beau ne pl... ne pas être helmite, je crois qu'il ne nous refusera pas son aide. Du moins ponctuellement."

Et Althéa ? Corwin se souvenait encore de leur dernière rencontre, de la panique de la jeune femme après son enlèvement...

"Althéa... a été très fragilisée par de récentes mésaventures, et elle doit s'occuper de sa fille en bas âge. Je pense qu'il vaudrait mieux la laisser tranquille. Bon, cela dit, elle a une excellente mémoire et passe pour bonne dessinatrice : elle pourrait vous faire le portrait d'Eroeh."

Il avisa alors Mical et Chandara, qui n'étaient visiblement pas équipés pour un long voyage.

"Je suis apparemment le seul de nous trois à être prêt au départ ? Pour ce que j'en sais, la magie divinatoire peut prendre pas mal de temps. Si vous voulez, nous pouvons nous séparer, et nous donner rendez-vous aux portes de la ville pour, disons, midi ? Pendant ce temps-là, j'irai voir le conseiller, et vous achèverez de vous préparer... A moins que vous n'ayez d'autres projets, ou que vous ne préfériez m'accompagner ? Après tout, c'est à vous qu'a été confiée cette mission, et je n'ai pas précisément mes entrées au Palais des Murmures."

[Macros]

" Hmmm. Nous devions nous rendre à la Vierge d'Argent afin de compléter notre expédition. Le trajet risque d'être dangereux, surtout maintenant... "

Au fond de lui, Mical enrageait toujours de n'avoir pu empêcher ces hommes de fuir. Malheureusement, la lâcheté de ces imposteurs avait jouée en leur faveur, cette fois ci.

" Peut être vaudrait il mieux ne pas se séparer. L'ennemi est déjà en mouvement, et même si je doute qu'il s'en prenne à nous si tôt, prudence est mère de sureté. Rendons nous donc au palais, nous rendrons visite à Elissa Keens après avoir vu... le conseiller. "

Le prêtre avait cru noter une certaine hésitation lorsque Corwin Balder parlait de Lothringen, et lui même devait avouer ne guère savoir quoi penser de l'elfe noir qu'il avait aperçu au conclave. Apparemment, il allait avoir l'occasion de se forger une opinion très bientôt.

[Lothringen]

Corwin hocha la tête. Il avait parlé trop vite, et Mical avait raison : il ne serait pas très sage de se séparer tant que des espions ennemis traîneraient en ville. Peu de chances que les deux imposteurs de tantôt travaillent seuls...

"Très bien, en route vers la Lame d'Argent alors."

Suite

[Lothringen]

En provenance du temple de Tymora de Cojum

L'opération n'avait pas été très simple. Débloquer magiquement une porte quand on tient un corps de la dimension de celui de Mornagest dans ses bras relevait de la gageure. Sans parler des efforts qu'il avait fallu déployer pour le monter à l'étage, et tout cela sans alerter les voisins au beau milieu de la nuit.

Enfin, Lothringen y était parvenu. Il avait installé Mornagest dans la chambre de Corwin Balder, comptant que le prêtre parti en expédition serait absent pour un bon bout de temps encore. Le lit était propre, les volets fermés, et la nuit s'était refermée sur eux. La respiration du guerrier était devenue peu à peu plus profonde, jusqu'à donner l'impression que ce dernier était simplement endormi. De temps à autres, l'une de ses jambes était agitée d'un mouvement réflexe, ou bien sa gorge laissait inconsciemment échapper un soupir. C'était plutôt encourageant. Au petit matin, le ventre du guerrier avait émis un gargouillis tellement éloquent que Lothringen, en fouillant dans les quelques réserves abandonnées par le prêtre dans sa cuisine, avait déniché un pot de miel dont il avait déposé deux larges bandes sur les lèvres de son compagnon inconscient. La langue de ce dernier venait les lécher par réflexe, et le miel mêlé de salive disparaissait peu à peu. Ce n'était pas l'idéal, mais d'ici à ce que Mornagest reprenne conscience, il n'y avait pas vraiment de meilleure façon de l'alimenter.

Quant à Lothringen, il s'était installé à ses côtés, sur le bord du lit. Et, tout en levant régulièrement le nez des notes de travail d'Eolder'n dont il tentait de comprendre les tenants et aboutissants*, il attendait.

* Eolder'n, ancien assistant de Dorson Jaell'ym, est un nécromancien tué par Lothringen près de deux ans plus tôt. Il travaillait sur une approche nécromantique du Zin'Carla.

[Mornagest]

Son rêve avait été agité. On l'avait comme bousculé, comme si le plan dans lequel il vivotait avait été secoué sens dessus-dessous. Il avait eu l'impression de tomber, mais à chaque fois, il se rattrapait au dernier moment, évitant... il ne savait quoi, et préférait l'ignorer. Ne pas se relever dans un monde aussi affreux pouvait signifier bien des choses obscures...

Il s'habituait vaguement à son environnement, mais s'écœurait chaque instant - heure ? siècle ? - davantage de ce qu'il voyait. La dernière en date, une malheureuse gamine dont l'apparence s'approchait plus du zombie que de l'enfant, et dont les dernières heures à vivre avaient été... il en aurait frissonné, s'il l'avait pu.

Parallèlement, dans le monde des vivants, le guerrier eut un mouvement qui se propagea le long de son échine, qui ne dura que le temps d'un battement de cil. Sa bouche exprimait la tristesse mêlée de colère.

Son dégoût était fort, et sa volonté de s'enfuir devenait de plus en plus puissante. Il n'arrivait pas à trouver une porte de sortie, cependant. Où aller ? L'infini était devant lui, le néant, nulle part. Aucune issue, aucun moyen de "mourir" définitivement...

Il reccueillit un nouveau témoignage en la personne d'un jeune homme vigoureux, assassiné lâchement et monstrueusement pour le contenu de sa bourse... vide. Les vertèbres disloquées, il marchait avec le dos qui pendait à moitié en avant. Un sursaut nauséeux envahit Mornagest...

... qui vomit un peu de bile, dans le lit de Balder. Il toussa, faillit s'étouffer, ouvrit un œil vitreux sur l'extérieur, vit un visage d'ébène le regarder avec angoisse, marmonnant quelque chose d'incompréhensible.

"Weeuggh...", vomit-il alors. L'autre œil s'ouvrit, mais il ne voyait pas beaucoup mieux. Trop lumineux, il était éblouit. Il voulut lever la main pour se protéger de la lueur de la bougie, sur la table de nuit, mais ses forces étaient faibles. Il referma les yeux, moins fatiguant, et ouvrit la bouche en soupirant.

"Soif..."

[Lothringen]

Le cœur battant, Lothringen souffla d'abord sa bougie qui semblait incommoder Mornagest. Après tout, il en avait eu besoin pour lire, mais elle lui serait inutile à présent. Dans la pénombre à peine troublée par l'aube dont quelques stries traversaient les persiennes, il se tourna vers son compagnon. La faiblesse de Mornagest paraissait extrême, au point qu'il ne parvenait pas seulement à se redresser sur le matelas. Ce dernier réclamait à boire, mais, dans la position où il se trouvait, recroquevillé sur le côté, il ne pourrait pas avaler grand chose. Lothringen tenta d'éponger la petite tâche de bile, indice certain de ce que le guerrier n'avait rien dans le ventre, avant d'étaler une serviette en double à son emplacement. Voilà, ce serait toujours mieux que de baigner dans des draps humides. Le semi-drow n'avait pas une grande expérience des malades mais il essayait de faire au mieux.

Les yeux toujours clos, Mornagest ne réagissait pas. Seules ses lèvres tremblaient un peu, montrant qu'il n'avait pas à nouveau perdu conscience. Lothringen le saisit à bras le corps, et, à l'aide des oreillers, entreprit de le redresser suffisamment pour lui faire boire un verre d'eau, gorgée après gorgée. Un exercice difficile, car il avait la sensation que le buste tout entier du guerrier reposait sur son bras...

Durant tout ce temps, il ne parlait pas. A vrai dire, il n'était même pas certain que Mornagest soit conscient de sa présence..

[Mornagest]

L'obscurité presque totale lui convenait mieux. Ses paupières ne lui donnaient plus l'impression de brûler sous la lumière. Et sa soif était en partie épanchée. Il soupira, d'aise, cette fois ; il se sentait mieux, même si la fatigue le terrassait littéralement. Il eut cependant suffisamment de force pour ouvrir à nouveau la bouche et murmurer quelques mots.

"Qui... qui est là ?"

Sa langue ne collait plus au palais. Mais il sentait qu'il avait faim... il ne pourrait pas manger maintenant, pourtant. Trop exténué pour cela. Qu'avait-il fait pour subir cela ? Un simple rêve ! Ou bien... rêvait-il qu'il s'éveillait dans ce lit, dont il commençait à ressentir le contact, sous ses doigts, sur sa nuque ?

"Où... ?"

[Lothringen]

Lothringen était attristé de ce qu'il entendait. Il avait bien deviné : le guerrier ne l'avait pas reconnu... Etait-ce parce que ce dernier l'avait à peine entraperçu à contrejour, ou parce qu'il avait tout oublié de son existence terrestre ? Le semi-drow préféra ne pas poser cette question qui lui brûlait pourtant les lèvres. Après tout, le convalescent n'était pas précisément en pleine possession de ses moyens ; il ne fallait pas tirer de conclusion hâtive. Tout en achevant de le rallonger dans son lit, Lothringen lui murmura à l'oreille :

"Je suis Lothringen, ton compagnon. Je t'ai fait ramener d'entre les morts avant de t'installer ici, dans une maison vide de Manost. Tu y seras en sécurité le temps de ton rétablissement. Repose-toi, retrouve des forces. Quand tu iras un peu mieux, nous pourrons parler. "

Il caressa de la paume la joue de Mornagest, tout en se demandant si ce dernier le sentirait.

"J'ai hâte, tu sais..."

[Mornagest]

Il n'était pas certain de tout comprendre, mais les sons lui parvenaient de manière étouffée, comme à travers une porte. Cependant, il se détendit lorsqu'il sentit une main chaude et douce lui toucher la joue. On s'occupait de lui, on ne lui voulait pas de mal... et il sentait qu'il pourrait s'endormir sans crainte pour sa vie. Il était si fatigué...

Ses paupières closes, il retomba dans l'inconscience alors qu'il sentait toujours le contact sur sa peau. Sa respiration se fit régulière, profonde, et le semi-drow put constater que le guerrier s'était rendormi.

Ses rêves étaient moins agités, moins torturés. Il voyait un personnage à la peau d'ébène, quelqu'un qu'il avait dû connaître assez bien, car il se le représentait très bien, comme s'il avait eu l'occasion de l'observer à maintes reprises, dans bien des situations. Des situations qui changeaient régulièrement, presque trop rapidement. Des combats, où ils croisaient le fer côte à côte ; des balades dans la nature ; des discussions dans des tavernes obscures ; des enlaçades, des caresses...

Puis Mornagest sombra dans une phase de sommeil profond, et ne ressentit plus rien jusqu'à son réveil définitif, le lendemain matin. Il ouvrit les yeux, aux paupières collantes, et put se redresser sur son séant, avec quelque peine toutefois. Son ventre hurlait sa détresse. Ses yeux tombèrent sur Lothringen, qui s'était assoupi sur son fauteuil.

"Je vous connais", dit-il sans remarquer l'état de son compagnon.

[Lothringen]

Le son de sa voix le tira à peine de son sommeil. Le semi-drow grogna et s'étira douloureusement en se tordant sur les bras du fauteuil. Cela faisait déjà deux jours qu'il veillait son compagnon et la fatigue avait fini par reprendre ses droits ; à plusieurs reprises, il s'était assoupi d'épuisement avant de se réveiller en sursaut, dans la permanente pénombre de la chambre, sans savoir combien de temps avait pu durer son sommeil, mais avec la conscience d'avoir failli. A chaque fois, il avait découvert Mornagest inconscient. Cette fois-ci, c'était différent... Il se frotta les yeux.

"Tu... tu as parlé ?"

Il regarda Mornagest. Ce dernier s'était redressé sur les oreillers, et il avait les yeux ouverts. Tout fatigue quitta Lothringen sur le champ, tandis que le guerrier répétait :

"Je vous connais."

Ce vouvoiement surprit le manostien, qui ne l'avait plus entendu depuis le temps de leur première rencontre, lors de la négociation des accords d'Ysté. Il le peina aussi. Lothringen força un sourire.

"Et comment. On peut même se tutoyer."

Ses yeux se détournèrent.

" Je suis heureux de voir que la mémoire te revient, même si c'est de manière incomplète. Je pense... Inutile de forcer les choses. Comment te sens-tu ? Tu dois avoir une faim d'ogre !"

[Mornagest]

L'évocation du mot "faim" provoqua de nouveaux gargouillis dans le ventre du guerrier, qui opina timidement du chef. Il ne cessait de fixer Lothringen, espérant vainement retomber sur son nom, sur les souvenirs qui faisaient qu'il le connaissait, jusqu'à en avoir rêvé... d'étrange façon. D'ordinaire, Mornagest ne se rappelait que vaguement ses songes nocturnes, mais cette fois, ils étaient aussi nets que s'ils étaient réels. Et... s'ils l'étaient ? Mais cette question attendrait un moment.

"Faible, mais ça va... je n'ai plus mal. Qu'est-ce qui s'est passé ? Qui êtes... euh... qui es-tu ? Je n'ai cessé de rêver de toi", prononça-t-il avec un peu d'effort. Rester dans l'au-delà, puis ressuscité sans manger pendant plusieurs jours n'était pas une mince affaire.

[Lothringen]

Il hocha la tête, surpris de voir combien la mémoire du guerrier pouvait être sélective.

"Je m'appelle Lothringen. Je suis le conseiller de Manost à la diplomatie, mais évidemment, ce n'est pas à ce titre-là que je m'occupe de toi. Nous... étions... proches."

Il marqua un temps, mal à l'aise. Difficile de parler à son amant comme à un inconnu. Puisse cette situation ne pas durer...

"Tu as été ressuscité, j'imagine que ça a dû un peu t'embrouiller les souvenirs. Je pourrais tout te raconter mais ça risque d'être long, et puis... Je préfère attendre de voir si cela te revient tout seul."

D'autant que le passé de Mornagest était lourd et que Lothringen n'était pas certain de bien agir s'il le lui rechargeait sur les épaules. Autant que possible, le semi-drow préférait ne pas avoir à prendre une telle décision.

"J'avais préparé de la soupe à tout hasard ; si tu penses pouvoir avaler ça, je te la réchauffe..."

Sur ces mots, il se leva sans se détourner, guettant une éventuelle réaction. Le fourneau pouvait attendre...

[Mornagest]

Le chancelier déchu hocha la tête aussi vivement que son état le lui permettait. Il avait besoin de forces, et sa tête prise de vertiges ne l'aidait pas à réfléchir aux propos que lui tenait le semi-drow. Proches... il n'en doutait cependant pas, à en juger par les nombreuses apparitions qu'il avait faites pendant ses rêves. Ou souvenirs ?

Mornagest resta un moment seul, le temps que Lothringen revienne armé d'un bon bol de soupe fumante aux légumes accompagnés de lardons. Un véritable délice, qu'il engloutit avec un plaisir non dissimulé.

"C'est succulent. Merci." Il avait l'impression de n'avoir pas mangé pendant des mois, mais il allait mieux, maintenant. Ayant terminé son bol, il le rendit au manostien, et essaya de décrire ce dont il se rappelait.

"Je me souviens de toi, et d'autres choses. Tu parlais de résurrection ? Je n'ai... euh... c'est idiot à dire, mais je ne me souviens pas d'être mort... je suppose que c'est normal ? Mais je me souviens nettement d'avoir marché pendant longtemps, sans but, dans un décor froid et mort. J'ai pensé être en enfers. Je pensais être mort... et c'était le cas, si je comprends bien. Comment suis-je mort ?"

[Lothringen]

Lothringen se rembrunit, songeant au cadavre disloqué et sanguinolent qu'il avait découvert à l'Antichambre. Une des minutes les plus douloureuses de son existence, et tout entière vécue dans un silence de fin du monde.

"Tu as été assassiné par un vampire il y a près de deux semaines. J'ai vu ton corps quelques heures plus tard : ce n'était pas beau à voir... Il t'avait attaqué de face, alors, tu devrais peut-être t'en souvenir. A moins que ton esprit n'ait décidé qu'il valait mieux pour toi ne pas te rappeler des instants pareils ? je le comprendrais... Mais il aurait pu étendre cette grâce sur ton séjour outreplan. Je n'ose imaginer ce que tu as enduré là-bas."

Sa voix s'était altérée, comme il songeait que c'était à cause de son long trajet de Mélandis à Cojum que Mornagest était demeuré si longtemps dans le royaume des morts. Aurait-il pu lui épargner cela ?Il reporta son regard sur son compagnon, cherchant à savoir à quel point ce dernier était marqué par ce qu'il avait vécu. Il en parlait avec un étrange détachement...

[Mornagest]

Il resta les yeux dans le vague, le temps d'un instant, puis son regard revint vers Lothringen et il souffla :

"Alors... tout cela était vrai ? Tout ce que j'ai rêvé... n'était que réalité ?" Son expression prenait un air effrayé à mesure qu'il parlait, et qu'il prenait conscience de la cruelle vérité. Les âmes perdues, les corps déchirés, les témoignages abjects, l'injustice omniprésente... tout avait eu lieu. Il secoua la tête, puis répondit :

"Assassiné par un vampire. Hum. Je ne me souviens pas de ça, précisément. Je pense me rappeler qu'en enfer, je... j'avais piètre apparence. Mon bras droit était presque déchiré..." Il grimaça. Ce n'était effectivement pas beau à voir, pour ce dont il se souvenait.

"Je ne me rappelle pas de tout. Des souvenirs me reviennent en mémoire, mais je n'arrive pas encore à les assembler tous. Je... j'espère que ça reviendra. Il rougit. Cette situation l'embarrassait. Lothringen semblait être quelqu'un qui tenait vraiment à lui.

C'est toi qui... qui m'a fait ressusciter ? Gêné. Cela représentait énormément de sacrifices, soit financier, soit pire que cela... un service, une promesse, parfois très difficiles à tenir.

[Lothringen]

Tandis qu'il écoutait Mornagest parler, Lothringen avait replié les jambes en posant les talons sur le bord de la chaise, et, les genoux serrés entre ses bras, il se balançait légèrement, avec plus ou moins d'amplitude selon les aléas de sa nervosité. Pour l'instant, Mornagest n'avait apparemment aucun souvenir de sa vie passée, à part quelques images de lui. Ses légitimes interrogations se faisant peu à peu plus précises, comment devrait-il lui répondre ? Cette dernière question le figea un instant.

"Oui, c'est moi. Je me suis adressé au clergé de Tymora, à Cojum. C'est l'Eglise de ma déesse, expliqua-t-il. J'avais pu prélever une mèche de cheveux sur ton corps. A priori, le prêtre qui s'en est chargé ignorait ton identité - et, comme je me suis hâté de lancer le sortilège de protection contre la divination que nous avions préparé pour... bref, tout le monde continue et continuera de te croire mort."

Après quelques instants, il ajouta :

"Je crois que cela vaut mieux. Tes ennemis étaient du genre tenace."

[Mornagest]

Il hocha pensivement la tête. Lothringen avait probablement raison, si on lui avait envoyé un vampire pour l'éliminer, ses ennemis ne devaient reculer devant rien.

Cojum. Le nom lui rappelait quelque chose. Il sentait qu'il l'avait lu sur une carte... il en avait le souvenir. Bah. Cela lui reviendrait plus tard. Il avait plutôt envie de se rappeler sa relation avec le semi-drow, que son passé mouvementé à... où était-ce donc, d'ailleurs ? Des endroits où les vampires se promenaient en toute liberté, voire sous l'impulsion d'adversaires tenaces, comme les avait appelés Lothringen. Melandis... cité de tous les complots, sinistre matérialisé.

"Qui pouvait donc m'en vouloir à ce point ? Qu'ai-je fait ? Nous sommes en danger ?" Il s'interrompit, puis reprit aussitôt : "Excuse-moi, je dois être assommant, avec ces questions... je suis un peu perdu, pour tout dire. Peut-être voudras-tu te reposer ? Tu as des cernes énormes...

[Lothringen]

Lothringen sourit doucement.

"Tu te réveilles amnésique en un lieu inconnu et auprès de quelqu'un dont tu ne te rappelles pas l'identité... j'aurais moi aussi des questions, à ta place. Je vais essayer de répondre à cette nouvelle salve et puis tenter de me rendormir, et je te conseillerai d'en faire autant. Tu n'as pas très bonne mine non plus."

Il désigna d'un mouvement ample la pièce où ils se tenaient.

"Tu n'as rien à craindre ici. Nous sommes dans la maison d'un prêtre qui est parti pour un moment, et même s'il devait revenir, je le connais, je pourrai m'entendre avec lui. Personne ne nous sait ici, personne ne risque de nous y surprendre... Quand tu voudras pouvoir circuler en ville, en revanche, il faudra d'abord t'inventer une histoire, et puis que je te change d'apparence. De manière permanente, je veux dire... On te reconnaîtrait sans cela. Mais cela peut attendre encore un peu..."

Il marqua une pause, le temps de se remémorer les autres questions de Mornagest.

"Quant à tes ennemis et les raisons pour lesquelles ils te haïssent... Sans entrer dans le détail : ce sont des raisons politiques. Tu as tenté de les doubler, ou tu en savais trop... Que le souvenir détaillé de ces événements te revienne ou pas, ça n'a pas grande importance pour l'instant : tout cela est derrière nous pour de bon. Et je dois reconnaître que c'est, pour moi, un soulagement immense. Même si j'aurais aimé pouvoir en dire autant de ma charge..." ajouta-t-il en se renfrognant à l'idée du marché qu'il avait dû conclure avec les tymorans. "Je préfère ne pas t'en dire plus pour l'instant. Inutile de t'accabler avec tous les détails d'une histoire aussi compliquée. Tu as enfin un peu de paix, profites-en..."

Il se leva et, faisant dix pas, gagna un divan qui devait faire office de lit d'appoint, quand Corwin devait loger un de ses malades à domicile. Lothringen s'y allongea avec des mouvements alourdis par la fatigue.

"Je... Je vais dormir un peu. Réveille-moi si tu as besoin de quelque chose..."

[Mornagest]

Le guerrier sourit à Lothringen pour toute réponse. Il était lui-même exténué, malgré le fait qu'il avait dormi pendant très longtemps. Le manque de nourriture y avait sans doute été pour quelque chose, cependant. Il regarda le semi-drow s'installer dans le lit d'appoint, puis s'enfonça confortablement dans le lit et de fermer les yeux, confiant en son compagnon retrouvé. Il se sentait en sécurité, ici, et même l'évocation de complots contre lui ne lui enlevait pas l'envie de dormir paisiblement. Il sombra rapidement dans un sommeil agréable, parsemé de rêves incompréhensibles mais néanmoins doux. Lothringen y apparaissait à de nombreuses reprises, mais pas uniquement. Il revoyait des rues pavées, un fleuve, un cimetière, des tunnels sinistres... toujours accompagné du semi-drow. Avait-il passé tant de temps avec lui ? C'était possible, après tout.

La suite de ses rêves fut plus chaotique, et il en garderait un souvenir confus. Une créature au visage cadavérique lui parlait, dans une petite pièce oppressante. Il voyait un sourire carnassier, qui se rapprochait soudain de lui, puis... plus rien.

Le rêve suivant le plongea dans un monde de glace et de neige. Il marchait sans but apparent, chassait quelque gibier, mangeait, puis repartait. Que cherchait-il ? Il l'ignorait. Mais il se voyait marcher, comme un observateur extérieur. Il était jeune, adolescent. Et une expression sinistre de haine était peinte sur son visage. Une haine qui faisait peur...

Il se réveilla alors, et constata qu'il faisait jour, à en juger par le rai de lumière qui s'infiltrait entre le volet et le mur. Lothringen n'avait pas bougé ; il devait être exténué d'avoir veillé sur lui pendant si longtemps...

Sentant son estomac se tordre, il décida de se lever et de partir en quête d'un peu de nourriture.

[Lothringen]

En quittant la chambre, il découvrit un palier assez exigu. Une pièce adjacente à la porte entrebaîllée semblait faire office de salle d'eau, , et une seconde, plutôt encombrée, de remise. La cotte de maille démaillée et rouillée y voisinait avec la caisse éventrée pleine de vaisselle jamais déballée et de bouts de ficelle collectés avec amour puis noués bout à bout. Corwin Balder avait beau être helmite, son goût pour l'ordre paraissait accepter certaines limites.

Mornagest descendit l'escalier, assez abrupt, qui descendait au rez-de-chaussée. Ce dernier avait une apparence bien différente. Derrière l'entrée sur laquelle débouchait la dernière marche, on voyait trôner dans une pièce large, aux lourds murs de pierre de taille, un socle de statue sur lequel ne reposait rien. La voûte, au-dessus, avait la forme d'une carène renversée, et les rares fenêtres étaient ornées de vitraux qui lui firent comprendre que la pièce avait jadis appartenu à un temple. Meublée d'une table et de quelques chaises, elle semblait désormais servir d'oratoire ou de musée - ou bien encore, de salle d'attente. Une deuxième pièce devait être celle où le prêtre recevait ses patients. Moins ostentatoire, elle comprenait quelques sièges, une table, un lit sommaire et une armoire complète de linge propre, de bandages, d'alcool et de baumes. Le guerrier y découvrit même quelques potions à l'usage indéterminé. Le tout baignait dans la pénombre de fenêtres aux volets systématiquement clos.

Ce qu'il cherchait se trouvait, comme souvent, dans la dernière pièce qu'il visita, une cuisine de dimensions modestes dotée d'un fourneau, d'un garde-manger et d'une table. Cette dernière était recouverte de denrées à peine sorties de leur emballage, ce qui semblait indiquer que Lothringen avait profité d'une des longues périodes d'inconscience du mélandien pour partir en expédition au marché. Il en avait rapporté divers légumes dont il avait déjà utilisé une partie pour préparer la soupe, ainsi qu'un gros saucisson, un jambon fumé, un quart de meule de fromage et une livre de pommes.

[Mornagest]

Sans trop se faire prier, il attaqua une partie des victuailles, après avoir déniché un bon couteau pour se découper quelques solides tranches de charcuterie et de fromage, qu'il grignota telles quelles. Un véritable festin, lui qui était resté plusieurs journées sans manger. L'inconscience ne permettait pas de jeûner, et il avait payé un lourd tribut lors de son premier réveil. Cette fois, il se sentait mieux, et n'avait plus de vertiges. Seul son estomac émettait encore quelques protestations, qui furent cependant bien vite calmées. Il avala ensuite deux pommes bien juteuses pour conclure son petit repas.

Pendant qu'il mangeait avec délectation, son esprit ressassait les souvenirs qu'il avait eus en rêvant, cette nuit. D'aucuns agréables, d'autres plus sinistres. Sa vie n'avait pas été qu'une partie de plaisir, il s'en rendait compte progressivement. La vision de ce paysage de glace infinie le laissait perplexe. Il était à peu près certain qu'il n'existait pas de région très froide sur le continent. À moins, évidemment, que sa mémoire fût trop lacunaire...

Il sentait qu'il aurait beaucoup besoin de l'aide de Lothringen pour faire remonter à la surface ces souvenirs enfouis, presque effacés. En espérant qu'il pouvait lui faire entière confiance. Après tout, il était obligé de le croire... et rien n'indiquait que ses rêves étaient d'origine naturelle.

Il chassa bien vite ces pensées suspicieuses. Le semi-drow semblait sincère.

[Lothringen]

Lothringen se réveilla une bonne demi-heure après lui. Depuis la veille, le semi-drow dormait par cycles brefs au terme desquels il ouvrait l'œil juste le temps de constater en quel état se trouvait Mornagest dans son lit – en règle générale, ce dernier dormait. Il ne semblait plus agité de ces cauchemars sinistres qui le terrifiaient autrefois.

Mais cette fois-ci, le lit était vide. Alors qu'il aurait dû se réjouir de voir que le guerrier avait à nouveau assez de force pour se déplacer, Lothringen en fut aussitôt inquiet. Et si Mornagest était sorti tel quel dans les rues de Manost, au risque de croiser une des trop nombreuses personnes susceptibles de le reconnaître ? Un bruit de chaise qui grince, au rez-de-chaussée, dissipa cependant cette crainte. Le guerrier devait simplement tenter d'apaiser son insatiable appétit... Un gargouillis stomacal rappela du reste à Lothringen qu'il en ferait volontiers autant.

Quand le semi-drow pénétra dans la cuisine, il découvrit un Mornagest en caleçon qui croquait dans une pomme avec une mine relativement satisfaite. Lothringen se laissa tomber sur une chaise et saisit une pomme à son tour.

"On dirait que nous voyons venir la fin de cette convalescence. Tu as bien dormi ?"

Lothringen l'interrogea du regard. Ce qui l'inquiétait le plus, c'était de savoir si les souvenirs de Mornagest lui revenaient...

[Mornagest]

Il termina sa bouchée, hochant la tête, puis, ayant avalé le morceau de pomme qu'il avait en bouche, poursuivit :

"Oui. Mais j'ai fait des rêves. Des rêves étranges, toujours. Quelquefois inquiétants, sombres... j'ai eu l'impression de me voir moi-même, comme si j'étais quelqu'un d'autre qui m'observait. J'étais dans une contrée de glace... je n'en ai pas vraiment souvenir. Enfin, disons... que je ne sais plus qui sont mes rêves et qui sont mes souvenirs, plutôt."

Il sourit maladroitement. "C'est très confus... excuse-moi. C'est un peu le reflet de ce qui me passe par la tête." Il soupira. Que tirer de cela ? Recouvrerait-il un jour la mémoire ? Il n'était même pas certain que quelqu'un connût la réponse. Il supposait qu'il avait déjà énormément de chance d'être revenu indemne de la mort.

[Lothringen]

Lothringen fronça les sourcils. Mornagest lui avait raconté certains épisodes de son existence et ils en avaient vécu d'autres côte à côte, mais le semi-drow était loin de pouvoir combler tous les trous de sa mémoire.

"Tu as passé ta jeunesse dans le grand nord de Féérune, non loin du Val de Bise. Ça pourrait expliquer les grandes contrées gelées..."

Tout en disant ces mots, il songeait à autre chose. Il n'aimait pas l'idée que Mornagest se voyait lui-même de l'extérieur. Qu'est-ce que cela signifiait ? Qu'il revoyait sa vie à la façon d'un mort, comme celle d'un autre ?

"Est-ce que... est-ce que tu te souviens seulement de ton nom ? Ou... de nous ?"

Il agita la main en signe d'impuissance.

"Je suis désolé, je sais bien que tu n'y peux rien. C'est juste que je ne sais comment me comporter avec toi."

Allait-il lui falloir à nouveau gagner sa confiance... le redécouvrir... le séduire ? Cela ne lui faisait pas vraiment peur, mais il éprouvait une sorte de nostalgie pour tout leur passé commun, qui ne méritait pas de sombrer si tôt dans l'oubli. D'autant qu'il y avait quelque chose à en apprendre.

[Mornagest]

Il s'approcha du semi-drow et posa la main sur son épaule. Il semblait si triste... il n'imaginait pas vraiment ce que cela pouvait faire, mais il se doutait que voir ainsi l'être qu'il aimait devenu amnésique, ou du moins en partie, était une rude épreuve.

"Mornagest... je m'en souviens très bien. Je me souviens de certaines choses... de toi, de ton visage, de situations que nous avons vécues ensemble. Mais... j'ai aussi l'impression qu'il me manque un fil conducteur entre elles. Je... je suppose que ça viendra avec le temps. J'espère vraiment."

Le Val de Bise... le nom évoquait quelque chose pour lui. Le lien avec ses souvenirs de cette nuit était évident, en effet.

"Comment te comporter avec moi ? Je ne sais pas vraiment... j'ignore comment mes souvenirs vont revenir. J'aurais bien proposé de retourner aux endroits que nous avions fréquentés, mais au vu de la situation... cela semble impossible."

[Lothringen]

Un peu rassuré par ce qu'il venait d'entendre, Lothringen fit non de la tête.

"Pas pour le moment en tout cas. Ce serait extrêmement risqué, et en outre... Je n'ai pas vraiment la possibilité de quitter Manost ces temps-ci. La cité est un peu troublée par le problème de la succession du grand-prêtre, et il semblerait que les choses ne doivent aller qu'en empirant."

Tout en commençant de manger à son tour – il avait dormi longtemps, il avait faim lui aussi - il raconta brièvement à Mornagest son entrevue avec le grand-prêtre de Tymora : comment ce dernier lui avait annoncé des bouleversements politiques à venir, et quel marché il avait accepté.

"Nous avions le projet de partir, expliqua-t-il. De quitter nos charges, reprendre nos libertés... Tu as été assassiné à la veille de la réalisation de notre plan. J'ai toujours l'intention de partir, bien sûr, mais je vais devoir ronger mon frein un moment. Toi... tu es libre, en revanche. Mais je crois que tu ferais bien de changer d'identité."

[Mornagest]

Il était pensif. Il ne se souvenait pas des plans initiaux, mais savoir qu'ils avaient été contrecarrés à cause de lui le mettait dans l'embarras.

"Tu vas devoir prendre des risques pour moi ?" Le prix à payer pour sa résurrection. Des tensions politiques, cela lui remémorait confusément quelque chose qui semblait ancré en lui, comme s'il avait toujours vécu avec. Mais pas à Manost.

"Prendre une autre identité ne me paraît pas évident. Je ne suis pas très difficile à repérer, vue ma taille... à moins que tu n'aies connaissance de sortilèges pour ce faire ? Tu parlais d'une protection contre la divination, hier, si je ne m'abuse."

[Lothringen]

Son cœur se serra à nouveau. Mornagest prétendait se souvenir de lui, mais s'il ne se rappelait pas qu'il était mage, quel genre de souvenirs était-ce ?

"Je suis mage, expliqua-t-il. Et plus précisément, devin. Je pensais effectivement à une métamorphose. Je détiens le parchemin de permanence qui rendrait ton apparence définitive. "

Il réfléchit quelques instants, le temps de trouver par quel bout reprendre ses explications.

"Si tu veux avoir la paix durablement, il n'y a pas vraiment le choix. Tes ennemis sont loin et ne se doutent pas de ta résurrection, mais il y a dans cette cité des personnes susceptibles de te reconnaître, d'autant que tu y es déjà venu, quand tu étais ambassadeur."

Un regard perplexe du guerrier lui fit monter le sang aux joues.

"Oh. J'aurais peut-être dû commencer par là... Tu étais chancelier de Mélandis."

[Mornagest]

Tout était embrouillé... il se rappelait très bien avoir combattu aux côtés de Lothringen, mais jamais il ne l'avait vu jeter un sortilège... Il commençait à craindre d'avoir perdu une bonne partie de sa mémoire. Reviendrait-elle ? Le plus important dans l'immédiat était de masquer son identité. Et pour cause. Chancelier de Melandis... lui ? Il en resta bouche bée. Qu'avait-il fait à ce poste ? Il se souvenait bien de la cité du Chaos, pour y avoir passé un bon moment, mais il n'avait guère rêvé de son poste à sa tête... pourquoi avait-il des souvenirs si sélectifs ? Voulait-il, inconsciemment, oublier des choses désagréables de son passé ? Pour son ancienne fonction, c'était possible, vu qu'elle était indirectement responsable de sa mort. Mais pourquoi avoir oublié nombre détails sur son compagnon ? Mystère.

"Chance... pourquoi aurais-je occupé ce poste ? Ça devait être monstrueux ! Le conseil a la réputation d'être très dur envers la population..."

Il en oublia qu'il venait d'entendre qu'il devrait changer définitivement d'identité - ce qui ne lui serait pas difficile en l'état actuel des choses - mais aussi d'apparence.

[Lothringen]

Le semi-drow se mordit les lèvres. Bon sang, comme il aurait aimé entendre une réaction aussi ingénue, lorsqu'il en était encore temps ! Qu'ils se seraient épargné de peine s'il avait autrefois réussi à convaincre Mornagest de ne pas demeurer à ce poste ! Mais peu importe, c'était le passé. Et il avait désormais la preuve que son compagnon avait réellement évolué : n'était-ce pas ce qu'il avait toujours souhaité ?

"Tu n'as pas toujours réagi ainsi", commenta-t-il laconiquement. Il sourit d'un air mystérieux."Et je t'envie de l'avoir oublié."

A moins que Mornagest n'insiste, Lothringen n'avait pas l'intention d'en dire davantage. Inutile de l'accabler avec la responsabilité d'actes où il ne se reconnaissait plus... Le guerrier avait droit à une vraie seconde chance, après tout. Il l'avait payée de sa vie.

"Hum, pour ce qui est de ton aspect... tu as des préférences ?"

Détourner la conversation.