[Lieu] La ferme Desmoulins

[Galathée]

" Excellente idée !" s'exclama Mathieu, peut-être plus par désir de bouger que par réelle conviction.
Valaellyn, cependant, semblait soulagée à l'idée de les accompagner et elle décocha un sourire radieux à l'ancien elfe, avant de s'empourprer et de détourner le regard.
Le rôdeur avait préparé la jument et il invita la Chauntéenne à l'enfourcher avant de les guider vers la route. Une fois à proximité, il les quitta quelques instants pour aller scruter la piste, puis revint et ils débouchèrent à l'air libre. La pluie s'était tue mais une brume grise flottait dans le sous-bois. Mathieu prit Tempérance par la bride et se porta à la hauteur de Taliesin.
" Bon, c'est toi qui parles... Moi je ferai le rôdeur taciturne." annonça-t-il.

[Taliesin]

Taliesin acquiesça.
-Très bien... Déjà, pour ma nouvelle identité, je m'appelle Etienne de Fontbrune. C'était le nom de mon père adoptif, qui était forestier... En m'inspirant de lui, j'éviterai donc de dire trop de bêtises. Par contre, j'aurais besoin de ton aide pour inventer une cause crédible à notre venue... Qu'est-ce qui aurait pu, sans que cela paraisse d'emblée incroyable, nous pousser sur les routes ? Quel est le mal sur lequel nous enquêtons ?

[Galathée]

Mathieu se pinça les lèvres tout en cheminant, signe qu'il réfléchissait.
" Et bien... J'imagine que... nous pourrions simplement... avoir des problèmes d'approvisionnement... en fer ? Qu'est-ce qui nous pousserait à gagner la ville... Ou la disparition de l'un des nôtres ? Un jeune gars qui se serait fait la malle ?"
Il se fendit d'un sourire.
" C'est toi l'inventeur de bobards ! Je ne suis qu'un honnête rôdeur ! Comment pourrais-je savoir ce que sont susceptibles de gober les gens de Fernell !?"

[Taliesin]

Taliesin grimaça.
-Je ne suis plus barde moi ! Mais forestier ! fit-il en manière de boutade. Bon, plus sérieusement... Inventer un mensonge crédible, ça nécessite souvent de bien connaître ceux à qui on désire le faire avaler. Or, je n'ai jamais rencontré aucun habitant de Fernell, et... Je ne me suis jamais arrêté assez longtemps dans un village pour en connaître vraiment la vie. Quand j'étais petit, nous vivions à l'écart... Alors, je peux toujours inventer une histoire, mais de là à savoir si elle paraitra d'emblée recevable, si elle n'éveillera pas les soupçons...
Il se tourna vers Valaellyn.
-Tu as vécu longtemps à Hautépine... A ton avis, qu'est ce qui pourrait pousser un rôdeur, un forestier et une prêtresse à courir la campagne en quête d'informations ? La disparition d'un jeune homme trop aventureux ? La recherche de ressources faisant défaut ? Un monstre démoniaque sévissant dans les bois ?

[Galathée]

" On pourrait sans doute imaginer qu'un jeune homme de votre village a volé un artefact de mon peuple ?" murmura Valaellyn.
" On cause, on cause, si ça se trouve, personne nous demandera ce qu'on vient faire là." grommela Mathieu.
La route avait quitté le bois et traversait désormais des champs boueux. Des poules vagabondes arpentaient les talus, s'écartant sur leur passage. Tempérance hennit à mi-voix et bientôt, à travers la brume, ils aperçurent l'objectif de leur petite randonnée : quelques toits gris, quelques toits jaunes, la flèche d'un temple crevant la grisaille.
" Fernell les bains..." fit Mathieu.

[Taliesin]

Taliesin sourit.
-Allez, vendu ! Le jeune Bonniface Dutrèfle, apprenti éleveur las de s'occuper des animaux, a subtilisé dans un temple elfe une babiole qui, l'espérait-il, faciliterait sa nouvelle carrière, celle d'aventurier. Or, l'artefact en question était cher au coeur des clercs, et potentiellement dangereux pour l'emprunteur... N'écoutant que notre courage, désireux de sauver le jeune imprudent et de préserver nos bonnes relations avec la gente elfique, nous sommes partis sur les routes, lesquelles nous ont menés, ô, miracle ! vers ce charmant petit bourg que nous voyons là-bas... Cela vous convient-il ?

[Galathée]

Mathieu leva les yeux au ciel tandis que Valaellyn riait de bon coeur. Tempérance dressa les oreilles, sans doute désireuse de goûter elle aussi à la plaisanterie. Quelques mètres plus loin, cependant, les trois compères durent entrer dans leurs rôles : deux fermiers convoyant un troupeau de vaches laitières les saluèrent tout en les repoussant, avec mille excuses, sur le bas côté. Une première maison se dressa sur leur gauche, puis une seconde, petites chaumières ventrues, encore calfeutrées pour l'hiver. Le chemin de boue devint plus pierreux, un vieux chien vint renifler les jarrets de Tempérance qui ne put s'empêcher de botter avec mauvaise humeur. Quelques villageois à pied, une femme portant panier, deux enfants en maraude, un vieillard voûté, croisèrent leur chemin et leur jetèrent un coup d'oeil distrait. Puis ils entrèrent dans Fernell, dépassant une grande plaque sur laquelle il était crânement inscrit " Bienvenue à Fernell, Capitale du Foulcrouxe au Mouton."
" Mais c'est quoi, du Foulcrouxe ?" demanda Valaellyn en se penchant vers les deux hommes.
Mathieu haussa les épaules.

[Taliesin]

Taliesin l'imita.
-Je n'en ai aucune idée, madame... dit-il à Valaellyn, déférent. A en croire la mention de "mouton", il doit s'agir d'une spécialité culinaire locale. Je serais malheureusement incapable de vous en dire davantage.
Il reporta son attention sur le village.
-Je serais d'avis, si vous en êtes d'accord, de trouver une auberge. Nous pourrons nous y reposer et... goûter ce fameux foulcrouxe.

[Galathée]

Ils ne durent pas chercher bien loin. L'unique auberge de Fernell, La Brebis Folâtre, trônait en son centre, sur une placette boueuse au sol défoncé. Un arbre gigantesque, couvert de bourgeons encore fermés, ombrait l'esplanade et sous celui-ci se trouvait le coche qu'avait vu Mathieu plus tôt dans la matinée. Quatre chevaux passablement endormis y étaient attelés mais le cocher était invisible. Difficile aussi de savoir où se trouvaient ses occupants : il semblait y avoir un comptoir en face de l'auberge et au moins deux boutiques, sans compter un grand corps de ferme dont la porte était ouverte.

[Taliesin]

-Et bien, allons voir s'ils ont trois chambres de libres ! lança-t-il joyeusement.
Mais, avant de s'engager plus avant sur la place, il glissa à ses compagnons :
-Regardez si des gens se dirigent vers le coche. Et, si c'est le cas, essayez de voir de quel bâtiment ils sont sortis.
Il serait bien resté quelques instants à observer les lieux, mais cela aurait pu paraître étrange. Il était plus logique que des voyageurs, même s'ils étaient sur les routes dans un but bien précis, s'installent d'abord à l'auberge avant de commencer leurs recherches.
Et, de fait, il se dirigea d'un bon pas vers l'établissement.

[Galathée]

Valaellyn entra dans l'auberge sur les pas de Taliesin, tandis que Mathieu restait au dehors avec Tempérance, espérant sans doute retarder son entrée sur la scène de leur subterfuge. A cette heure encore matinale, il n'y avait pas grand monde dans la salle de l'établissement : au plus une douzaine de personnes. Cependant, lorsqu'ils entrèrent, les regards se tournèrent vers eux.
Assis un peu sur la droite, face à la porte, un homme en livrée sombre, plongé dans sa bière, croisa une seconde le regard de Taliesin et sauta brusquement sur ses pieds, la bouche entrouverte et le teint cramoisi.
Au comptoir, une femme fit volte-face et son visage sévère se fronça encore davantage. Elle posa les poings sur les hanches et marcha droit sur les nouveaux arrivés. Un sourire finit cependant par adoucir ses traits.
" Gabriel ! C'est gentil de nous rendre une petite visite. Mais j'espère que tu n'avais pas sincèrement l'intention de descendre dans cet endroit..." gronda-t-elle affectueusement.
Valaellyn réprima un hoquet.

[Taliesin]

Ga... Gabriel ???
Taliesin demeura pétrifié un instant.
Se pouvait-il que... ?
Réagir, et vite. Ne pas laisser voir son trouble. Contrôler sa respiration, les battement accélérés de son cœur. Paraître détendu, dans son élément.
Et tenter d'en apprendre davantage, surtout, de dissiper ce qui ne pouvait être qu'un malentendu...
-Et pourquoi non ? répondit-il en souriant. Il y a bien pire auberge que la Brebis, de par le vaste monde !
Il espérait à toute force que Gabriel Kanter souriait, lui aussi. Qu'il était parfois d'humeur légère...

[Galathée]

La femme, grande brune au regard sombre, probablement la quarantaine, vêtue de couleurs ternes mais de tissus de prix, secoua la tête, peu convaincue.
" Vas-tu m'insulter en préférant cet endroit à mon hospitalité ? Tu sais bien que ta chambre est éternellement prête, petit frère. La gastronomie d'Irma vaut bien le ragoût qu'on sert ici." lança-t-elle, acide.
Ses yeux filèrent au-dessus de l'épaule de Taliesin et se posèrent sur Valaellyn.
" Où alors est-ce à cause de cette énième conquête ? Tu peux l'installer ici. Si tu ne veux pas que le vieux pose les pattes dessus, c'est peut-être plus prudent."

[Taliesin]

Lui qui avait pris la femme pour la tenancière, bêtement... Il était bien détrompé.
Mais, au moins, il avait désormais confirmation d'un fait plus qu'important : c'était bien les traits de Gabriel Kanter qu'il arborait désormais.
Restait... à bien jouer la comédie. Pour profiter de la situation...
Restait a espérer qu'il ne ferait pas trop de faux pas.
-Oh, elle est assez grande pour se défendre toute seule... répondit-il. Et pour le reste... Je te faisais marcher. J'ai vu le coche passer en me dirigeant vers la maison, je me suis dit... que j'allais te faire une petite surprise.

[Galathée]

Son visage se fendit d'une grimace.
" Tu sais que j'abhorre ce genre de choses. Essaie de te montrer conciliant, pour une fois. Le vieux ne supportera pas les grands cris de la dernière fois."
Elle leva les yeux au ciel.
" Bon, mais puisque tu es là..."
Elle jeta un nouveau regard à Valaellyn.
" Combien la paies-tu, celle-ci ? Je savais que tu avais ds goûts bizarres, mais à ce point..."

[Taliesin]

Taliesin croisa les bras.
-Décidément, je crois que c'est pour toi le jour des surprises, chère sœur... Saches-donc que je n'ai pas touchée cette dame : je me la suis adjointe pour d'autres services que ceux que tu imagines, et pas simplement parce que son compagnon nous accompagne aussi... Mais je t'expliquerai cela en un autre lieu.

[Galathée]

La soeur de Kanter dévisagea son frère, puis Valaellyn, qui n'avait toujours rien dit.
" Ah oui ? Quels genres de services ? Je ne te savais pas dépensier, Gabriel. Dans quel genre d'affaires tortueuses es-tu allé te fourrer, cette fois ? J'espère que tu n'as pas l'intention de réclamer de l'argent à Agravain. Il attend toujours les dividendes de ta superbe dernière initiative... Il risque de te le ressortir, d'ailleurs."
Elle se tourna vers l'elfe.
" J'espère qu'il n'a pas convenu de vous payer sur le tard. Fauché comme il est..."
" Heu... Enfin..." balbutia la prêtresse.

[Taliesin]

Taliesin s'empressa de venir en aide à la jeune elfe.
-Ecoute, sans entrer dans les détails, je peux te dire que cette dame et son compagnons on... une dette à mon égard, disons. Qu'ils remboursent en m'aidant dans ce qui m'occupe actuellement. Ce qui m'évite de devoir dépenser la moindre pièce d'or... Quant à Agravain, ses dividendes finiront par venir. Mais je n'ai en tout cas pas l'intention de lui réclamer quoi que ce soit. Il sera ravi, j'imagine...

[Galathée]

Faustine, car tel était le prénom de la dame, ne paraissait pas prête à se satisfaire des propos vagues de Taliesin. Elle le dévisageait avec une suspicion de plus en plus apparente. Elle l'attrapa finalement par le creux du coude et l'attira au dehors, s'immobilisant ensuite sous le porche. L'homme qui s'était levé à l'entrée de Taliesin se glissa derrière eux et traversa la petite place pour retourner à son coche : c'était apparemment le conducteur.
" Gabriel, je ne suis plus prête à supporter tes petites cachoteries." grommela Faustine. " Chaque fois que tu te pointes par ici avec l'une de tes nouvelles affaires, les choses dégénèrent. Je ne peux pas croire que tu aies fait tout le voyage depuis Ithilion juste pour une visite de courtoisie... Ce n'est pas du tout ton style, et épargne-moi tes balivernes. Alors joue franc jeu tout de suite, si tu veux mon appui."

[Taliesin]

Le faux Gabriel soupira. Il ne savait pas trop quoi dire, sinon... la vérité. Toujours plus crédible qu'un mensonge, elle lui permettrait surtout, peut-être, d'en apprendre un peu plus sur le destin de Galathée.
-Bon, d'accord... grommela-t-il, l'air chagrin. J'ai des ennuies avec notre "ami" Taliesin.

[Galathée]

Faustine le dévisagea avec une grimace, replaçant d'un geste vif une mèche de cheveux derrière son oreille.
" Taliesin ? Mon ami ? Tu m'en apprendras tous les jours. Tes amis n'ont jamais été mes amis. Tu as toujours fréquenté des nobliaux dissolus très peu dans mon genre, je te signale. Et ne prends pas cette mine, tu le sais très bien ! Si tu as encore des ennuis avec l'un d'entre eux, tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même. A force de contracter des dettes à tord et à travers, ce n'est pas étonnant que ça te retombe sur le paletot. Et ne compte pas sur moi pour te donner asile si tes créanciers te poursuivent. Ils seraient fichus de s'en prendre à mon patrimoine ! Non merci !"
Elle croisa les bras et secoua la tête, puis avisa à nouveau Valaellyn.
" Et cette biche va te protéger ? J'ai du mal à le croire. Je te pensais plus à cheval sur les principes."
Ce qui la fit rire.

[Taliesin]

Bon, elle ne connaissait pas son nom.
Semblable chose était-elle possible ? Il avait été séquestré dans sa cave. Gabriel avait discuté avec elle du sort de Galathée, avant de la laisser en décider...
Et il avait massacré sa famille !
-Il ne s'agit en aucun cas de dettes d'argent, ou de mes relation avec quelques nobles... fit-il, soupirant à nouveau. Mais... De quelqu'un qui a déjà causé beaucoup de mal... et beaucoup de morts dans notre parentèle.

[Galathée]

" Tu veux dire cet elfe ?" fit-elle avec un soupir théâtral. " Bon sang, si tu l'avais zigouillé rapidement plutôt que de te réfugier derrière de grands principes très nobles, certes, mais très peu pragmatiques, tu n'en serais pas là. Que se passe-t-il ? Je parie qu'il s'est évadé de ce soi-disant pénitencier modèle... Gabriel, franchement... "
Elle secoua la tête.
" Raconte-moi."

[Taliesin]

Ainsi, Kanter ne l'avait pas prévenue...
Taliesin jeta un regard autour de lui, comme s'il craignait d'être entendu, puis haussa les épaules.
-Si tu veux... Il s'est enfui du pénitencier, oui. Et pourtant, ça n'a pas dû être de la tarte, mais ces crétins ont dû le sous-estimer... Il a reçu de l'aide d'un autre prisonnier. aussi, et de son gamin, lui-même enfui du temple où j'espérais qu'il retrouverait le droit chemin. Bref, le trio s'est fait la malle. Si le gars qui les accompagnait s'est a été tué, les deux autres ont gagné les montagnes... Et j'ai tout lieu de croire qu'ils ont survécu.
Il planta le regard dans celui de sa "soeur".
-Tu comprends ce que cela peut signifier ?

[Galathée]

Faustine soutint son regard puis lui flanqua une gifle monumentale, dont le claquement résonna dans l'air glacé.
" Cela signifie, comme de coutume, que tu es un crétin doublé d'un incapable. Je savais que jamais je n'aurais dû te faire confiance dans cette affaire. Il a fallu te botter le séant dès le premier jour, mais à part geindre, Gabriel Kanter, qu'es-tu réellement fichu de faire ? J'aurais dû tout de suite mettre mes relations sur le cas de ce misérable, plutôt que de te laisser jouer les grands seigneurs vengeurs de l'honneur familial. Tu n'as jamais compris le sens de ce mot ! Et maintenant, tu te rappliques, la queue entre les jambes, pour me faire part de tes angoisses. Evidemment qu'il va vouloir se venger, qu'espérais-tu ? Pourquoi ne m'as-tu pas prévenue tout de suite ? Un oiseau, un messager, auraient été bien plus rapides ! Mais tu as encore voulu te prouver que tu étais capable de régler les choses seuls. Tu as ta preuve : tu es aussi lamentable que d'habitude."

[Taliesin]

Un éclair de colère fusa dans le regard du barde métamorphosé sans qu'il pût la dissimuler. Faire face à celle qui avait eu en charge la "punition" réservée à Galathée n'était pas chose évidente, mais que celle le frappe, de surcroît...
-Tout doux, sœurette... dit-il d'un ton très calme en se massant la joue et en glissant un regard en direction de Valaellyn, comme si se faire gifler en sa présence était, plus que la douleur, la cause de son courroux. J'ai préféré venir moi-même car je me méfie des courriers : on ne sait jamais qui peut les intercpeter. Et, surtout, j'ai mon plan... J'ai juste besoin de remettre la main sur la compagne de ce monstre... Ensuite, tu n'entendras plus jamais parler de toute cette histoire.

[Galathée]

Faustine rit sans joie et l'entraîna vers le coche, dont elle ouvrit la porte.
" Tu permettras que je ne te fasse pas confiance, petit frère. Tu n'en as jamais été digne, je prendrai mes propres dispositions."
Puis, d'un mouvement du menton, elle l'invita à monter. Elle toisa ensuite Valaellyn.
" Vous pouvez nous suivre, si vous devez vraiment vous joindre à nous. J'imagine que vous avez un cheval quelque part." fit-elle sans aménité.
Valaellyn esquissa une révérence contrite.

[Taliesin]

Taliesin adressa un signe de tête à Valaellyn, pour l'encourager à obtempérer, puis fit, à son tour, ce qu'on attendait de lui, grimpant dans le coche de Faustine Kanter.
Les choses allaient trop vite à son goût : ils étaient embarqués sur un chemin qu'ils n'avaient en rien pu prévoir, en rien préparé, et il ne pouvait qu'espérer que cette situation incroyable - et périlleuse - leur soit profitable.
Mais, si les choses devaient mal tourner... Ils seraient dans les lieux. Tirer une dague, la mettre sous une gorge... Cela manquait certes de finesse, mais il se tenait prêt, au cas où.
Au cas où, notamment, la potion cesserait tout à coup de faire effet.

[Galathée]

Faustine referma la portière puis le coche s'ébranla.
" Tu mériterais déjà le fouet pour avoir exposé ce problème devant des inconnus et pire, une elfe ! Tu sais bien que ces êtres sont la duplicité même et que leur loyauté ira d'abord à leurs semblables. Cette biche ne t'aidera jamais à coincer ton meurtrier. Tu aurais mieux fait de t'adjoindre les services d'un arbalétrier qui vise juste et sans états d'âme. Mais comme de coutume, tu as pensé avec ce qui te ballote entre les cuisses. Tu n'évolues plus beaucoup, Gabriel."

[Taliesin]

Il lui adressa un sourire glacial.
-Toi non plus chère sœur, tu n'évolues plus beaucoup, je le crains. Droite dans tes idées comme dans tes bottes, et pas prête à en changer d'un iota...
Il se pencha en avant.
-Mais pour ta gouverne, apprends que j'en avais recruté un, d'arbalétrier. Et même plusieurs. Tout un groupe de mercenaires entrainés, habitués à ce genre... d'interception. Je n'avais pas choisi au hasard. Aujourd'hui, de ces gens, il ne reste que des cadavres.
Il se redressa.
-Alors j'ai décidé d'utiliser d'autres moyens, et ceux qui m'accompagnent en font partie. Ils me seront utiles, que tu le croies ou non. Je me suis renseigné sur ce Taliesin, j'en ai appris beaucoup... Et avoir une elfe de mon côté m'a éclairé sur certains points. Est-ce un hasard, à ton avis, si son compagnon est... humain ? Ne vois-tu là aucune similitude ?