[Ville] Erhedun

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Erhedun, surnommée la « ville aux mille temples », est une petite cité en bordure de la Sereine. Bien que de taille modeste, Erhedun a connu un développement spectaculaire grâce au grand œcuménisme de ses fondateurs. On y compte en effet de multiples temples et sanctuaires, dédiés à la plupart des divinités bonnes et neutres de Féérune, qu’elles soient louées par les humains, les elfes, les nains, les gnomes ou les petites-gens. Ces lieux de culte ont bien évidemment attiré un cortège de clercs, de novices et de pèlerins, d’autant que certains temples sont les seuls de leur genre dans l’entièreté des îles. La présence de nombreux religieux et croyants a permis l’essor des auberges, des pensions et des tavernes, ainsi que d’un commerce de proximité florissant. A côté de cette activité spirituelle remarquable, la ville constitue aussi l’un des points d’entrée privilégiés dans la vallée du Nirvana, notamment via la Sereine, et on y rencontre des marchands convoyant la production agricole de la vallée ainsi que des négociants elfes de la Lorien voisine.

Une rivière omniprésente
Erhedun se trouve en plaine, à peine quelques pieds au-dessus du niveau de la rivière, et une partie du quartier portuaire est sur pilotis tandis que des canaux s’enroulent dans les rues, permettant à des embarcations de petite taille de pénétrer assez loin dans la ville. Le premier bâtiment visible, lorsque l’on aborde la cité par l’Ouest est d’ailleurs un petit temple d’Eldath, la déesse des eaux vives, qui semble garantir les bonnes dispositions de la Sereine. Lors des crues du printemps, pendant quelques semaines, le sol de la ville basse est cependant couvert d’une fine pellicule d’eau, particularité erhedine qui fait sourire ses habitants : c’est le « Temps des Flaques ». Jamais la rivière n’a réellement endommagé la cité et les spécialités gastronomiques d’Erhedun reflètent cette proximité avec l’onde : on y consomme poissons, crustacés, mollusques et amphibiens avec félicité. Le plat traditionnel erhedin est le triton bouilli aux nénuphars rosés, à consommer de préférence avec un bon vin rouge dorrandin.

Lieux remarquables
Erhedun s’organise autour de sa zone portuaire et de ses nombreux temples.
Son espace vert principal s’appelle le Parc des Roseaux, lequel est perpétuellement humide et parsemé de mares et d’étangs fleuris.
Les temples, rivalisant de beauté et d’audace architecturale, sont disséminés au cœur de la ville, on en trouve dans pratiquement toutes les rues, côtoyant les troquets, les magasins et les habitations. Seuls les sanctuaires dédiés aux divinités liées au ciel (Lathandre, Séluné, Aerdrie Faenya, Sehanine Archelune, Sharindlar, Sheela Peryrol…) sont regroupés sur une petite colline que l’on appelle la Butte Céleste, aux allures d’observatoire.
L’établissement le plus réputé d’Erhedun s’appelle « Le Pieux Gardon » et c’est l’endroit rêvé pour écouter un barde de qualité ou déguster un bon repas. Les chambres sont chères mais confortables, avec vue sur la Sereine.

Personnes ressources
Erhedun est dirigée par un conseil composé des grands prêtres des dieux humains majeurs représentés en ville : Lathandre, Chauntéa, Mystra, Oghma, Sunie, Sylvanus, Tempus et Tyr. Autant dire qu’il ne prend jamais aucune décision. La vie pratique de la ville est donc régie par l’assemblée populaire qui se réunit une fois par semaine sur la place du marché, et dont le chef élu est Foldibert Marchedru, le petit-homme propriétaire du Pieux Gardon.

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Plan de la ville

Les Temples
1. Temple d’Eldath
2. Temple de Lathandre
3. Temple de Séluné
4. Temple de Sunie
5. Temple de Milil
6. Temple de Tymora
7. Temple de Chauntéa
8. Temple de Waukyne
9. Temple de Tyr
10. Temple de Helm
11. Temple d’Oghma et Chapelle de Gond
12. Temple d’Ilmater
13. Temple de Lliira
14. Temple de Mystra

Les Tavernes et Auberges principales
15. Le Pieux Gardon
16. La Berceuse de Lune
17. Le Poulpe Médusé
18. Le Saule Rieur
19. L’Auberge Rouge
20. Le Silure Affamé

Divers
21. Esplanade commerciale et marché aux poissons
22. Relais de poste d’Eredhun
23. Théâtre d’Eredhun
24. Le Parc des Roseaux
25. Quartiers commerçants
26. Conseil Eredhun
27. Bibliothèque d’Eredhun

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Quête : Brumes.

Venant d'ici.

Approchant des portes de la cité, longeant les flots bouillonnants de la Sereine, Albérich réalisa qu'il arrivait à Erhedun juste pour le Temps des Flaques, ce moment de l'année où toute la ville était sous eaux. Lorgnant ses bottes, il se félicita de leur bonne qualité : elles seraient immanquablement mises à rude épreuve. Aux abords des remparts, il fut surpris de l'absence de foule, habitué qu'il était à la densité luménienne. Les portes étaient ouvertes, le soir tombait, il aurait tout le loisir de se trouver une auberge convenable parmi les dizaines que comptait Erhedun.

[Taliesin]

Les gardes en poste à la porte parurent relativement heureux de le voir. En cette saison où le commerce reprenait à peine, où les voyageurs étaient encore rares, leur service devait être des plus ennuyeux... Nul doute, cependant, qu'ils préféraient cela aux journées interminables qui arriveraient bientôt, durant lesquels ils ne seraient plus où donner de la tête parmi le flot des arrivants, certes sans commune mesure avec celui qui se déversiat quotidiennement sur Luménis, mais tout de même important.
-Bienvenu à Erhedun, messire ! fit l'un d'eux. Puis-je m'enquérir de votre identité et des raisons de votre venue en notre belle cité ?

[Galathée]

Albérich immobilisa la jument et mit pied à terre. Le sol spongieux lui renvoya un son chuintant qui le fit sourire.
" Je me nomme Albérich Ferwyn." annonça-t-il.
Le nom des Megrall ne lui semblait pas opportun, et il n'avait jamais osé demander le sien à César... Ce dernier semblait désireux de ne pas s'appesantir sur qui il avait été. Mais Albérich s'était fait, petit à petit, à son nouveau patronyme.
" Je... reviens sur les lieux de ma jeunesse. Voir d'anciens amis. Rendre hommage à ceux qui ne sont plus."

[Taliesin]

-Oh, j'espère que leur décès n'est pas trop récent... Si c'est le cas, je vous présente mes condoléances, fit le soldat, avant d'écrire quelques mots sur un parchemin. Voilà, c'est noté, vous pouvez entrer. Je vous conseillerais bien l'une ou l'autre auberge pour passer la nuit, mais si vous êtes d'ici, vous connaissez sans doute les lieux aussi bien que moi. Sinon mieux !
En temps ordinaire, l'homme se serait sans doute contenté de retranscrire les mots d'Albérich puis de lui dire de passer. Mais les visiteurs se faisant encore rares, il devait aimer à échanger quelques paroles avec ceux qui se présentaient.

[Galathée]

" En fait..." commença Albérich. " Quand je vivais ici, je n'avais nul besoin d'aller à l'auberge... Je connais le Pieux Gardon, bien sûr, mais c'est un peu au-dessus de mes moyens..."
Sans compter que c'était le genre d'endroits où on tombait sur 36 notables fichus de le reconnaître.
" Donc si vous avez un conseil... Je suis preneur. Une auberge plutôt calme, de préférence. Et pas trop sale."

[Taliesin]

-Et bien...fit le garde en se grattant le menton. Il y a le "Poulpe médusé", sur les quais. Bonne maison, tarifs abordables, mais la contrepartie, c'est que la salle commune est parfois animée. Sinon, vous pouvez aller à la "Berceuse de Lune". C'est sur le flanc ouest de la Butte céleste. Très tranquille, sauf si vous avez quelque chose contre les hymnes qui émanent des temples. Beaucoup les trouvent apaisants, cependant.

[Galathée]

La peste ou le choléra. Il trouverait autre chose, immanquablement.
" Merci pour ces renseignements." fit-il avec le sourire. " Je vous souhaite une bonne soirée."
Rassemblant les rênes, il remit Douce au pas et l'invita à pénétrer dans la petite ville. La jument était fatiguée, il ne fallait pas qu'il traîne avant de se poser. Il espérait cependant parvenir à trouver une auberge qui ne soit ni animée, ni au pied au Temple de Lathandre.

[Taliesin]

Des auberges éloignées du temple, il en trouverait à foison. Des pas trop sales également : il n'aurait qu'à juger à leur apparence. Mais il lui serait difficile de dire, de prime abord, si elles seraient animées ou non : ce n'était pas encore tout à fait l'heure de la grande affluence, la plupart des salles communes seraient donc moyennement occupées... Il lui faudrait s'en tenir à son instinct, et à l'apparence des établissements.
Au final, après un bon quart d'exploration, deux enseignes semblaient correspondre à ses attentes : "l'Auberge Rouge", dont la pimpante façade écarlate tranchait quelque peu dans le décor tranquille d'une ruelle, et "Le silure affamé" dont le monstrueux symbole n'avait guère de rapport avec le décor plutôt propret et anodin.

[Galathée]

Albérich avait toujours eu horreur de la couleur rouge, symbolisant pourtant les prêtres de haut rang dans la hiérarchie lathandrite. On avait essayé de le convaincre de porter une aube écarlate pendant des années, sans qu'il ne daigne jamais obtempérer. C'est pour cette raison frivole qu'il opta pour le Silure Affamé. Abandonnant Douce devant la façade anodine, il pénétra dans la salle commune déjà assombrie et se présenta au comptoir.

[Taliesin]

Comme l'avait laissé supposer la devanture, le décor de la salle commune était relativement discret mais, il fallait le noter, d'une propreté irréprochable, ce qui était relativement rare dans les petits établissements de ce genre. Le sol avait été fraîchement balayé, les tables récemment cirées, et les couverts que manipulaient une demi douzaine de convives rutilaient. L'ancien aubemestre put remarquer au passage que les plats servis étaient d'un copieux peu commun.
Quant à l'aubergiste debout derrière son comptoir, ce qu'il avait de peu commun, c'était sa corpulence. Grand, gras, ses yeux attentifs brillaient au milieu d'une face lunaire et imberbe, dotée de volumineuses bajoues et d'un triple menton ostentatoire.
-Bienvenue au "Silure affamé", messire ! dit-il d'une voix étrangement fluette. Que puis-je faire pour vous être agréable ?

[Galathée]

A la mine de l'aubergiste et des plats qui circulaient, Albérich se fit la note mentale de surveiller ce qu'il mangerait au Silure. Il avait repris du poids ces dernières veilles, retrouvant sa silhouette d'avant les Sharites, et peut-être même un peu plus de tonus, et n'avait pas l'intention de continuer sur la pente ascendante. Il sourit cependant à son interlocuteur.
" Et bien... Si c'est possible, je voudrais vous louer une chambre pour quelques jours, ainsi qu'une place à l'écurie pour mon cheval." annonça-t-il simplement.

[Taliesin]

L'aubergiste haussa les sourcils.
-Tiens, vous ne venez pas pour les repas ? Vous devez être nouveau en ville... dit-il, souriant. Très bien, une chambre et une place à l'écurie. Si vous voulez bien me donner un instant...
D'un pas rapide et alerte, qui détonnait quelque peu avec son obésité, Il disparut par une porte entrouverte, derrière le comptoir. Il revint moins de cinq minutes plus tard.
-Voilà, on s'occupe de votre cheval.
Il se détourna, s'empara d'une clef accrochée à un tableau.
-Et voici pour votre chambre. La numéro 7, premier étage, quatrième porte sur la droite. J'espère qu'elle sera à votre goût... Hum, j'imagine que même si vous ne venez pas spécialement pour eux, vous prendrez vos repas ici ?

[Galathée]

" Merci. Et bien... J'imagine qu'en tout cas je dînerai ce soir, oui... et probablement d'autres. Je ne sais pas combien de temps je vais rester, ni exactement de quoi seront faites mes journées..."
Il grimaça légèrement.
" Disons donc que oui... Mais je ne serai jamais capable de faire honneur à votre cuisine si je dois vraiment manger tout ce qui se trouve dans ces plats..."

[Taliesin]

-Oh, on ne sait jamais, vous pourriez tomber sous le charme de notre cuisine...répondit l'autre. Sachez en tout cas que si vous terminez un repas sans être rassasié, celui-ci vous est offert. Et si vous finissez dans les mêmes conditions les menus "maison", un tantinet plus fourni que ces parts classiques, c'est la chambre qui vous est offerte en sus. Nous nous faisons un point d'honneur à ne jamais laisser sortir quelqu'un de table avec encore un petit creux. Si cela advient tout de même, c'est la moindre des choses, pour la réputation de notre maison, que nous nous fassions pardonner.

[Galathée]

" Je pense que je serai un client payant." fit Albérich avec le sourire. " Je ne doute pas de la qualité de votre cuisine, mais je ne suis pas un grand mangeur."
Il s'écarta d'un pas du comptoir.
" Je vais aller m'installer... Pensez-vous qu'il me soit possible de prendre un bain ? Je suis depuis plusieurs jours sur la route et je m'en voudrais de troubler le fumet de vos créations."
Quelle que soit la réponse de l'aubergiste, Albérich avait ensuite l'intention de monter, d'enlever ses bottes et de souffler.

[Taliesin]

-Un bain ? Mais très certainement, messire. Le nécessaire vous sera apporté d'ici quelques minutes. Un quart d'heure grand maximum.
Albérich n'eut aucun mal à trouver sa chambre, laquelle était à l'image du reste de l'établissement : d'une propreté irréprochable, relativement confortable, dotée d'un mobilier qui, sans être ostentatoire, n'était pas non pus purement et uniquement utilitaire, sa fenêtre donnait sur une petite cour intérieure. Manifestement, l'ancien clerc bénéficierait de la tranquillité qu'il recherchait.
Il avait à peine eu le temps de retirer ses bottes que, déjà, l'on toquait à la porte. A son invite, deux hommes entrèrent, portant un grand baquet, des seaux d'eau fumante, et tout ce qu'il fallait pour se laver des injures du voyage.

[Galathée]

Albérich attendit que les serviteurs se soient retirés pour se déshabiller, avec difficulté. Il était moulu. Monter les marches de l'escalier avait été un supplice. Il n'imaginait même pas parvenir à tenir une heure sur une chaise. Il avait l'impression que chacun de ses muscles avait été battu, tordu, tendu à l'extrême. Il se sentait vieux et rouillé, ce qui lui arracha un soupir mélancolique tandis qu'il s'approchait du bain fumant. La bienfaisante sensation de l'eau chaude s'apparenta à une extase imprévue, le libérant instantanément d'une partie de sa fatigue. Il eut envie de rester là jusqu'à la fin de sa vie, à mijoter tranquillement, sans bouger, sans penser. Mais bien sûr, l'eau commença peu à peu à refroidir, insidieusement, et bientôt il dut s'extirper de son baquet à contre-coeur. Il constata avec soulagement que son anatomie conservait une partie de l'énergie gagnée à ce bain de jouvence et se rhabilla prestement, sans se soucier des élancements piteux qui lui grippaient encore les jambes.
Enfin, il regagna la salle commune et les plats plantureux du Silure Affamé. Il aurait fort à faire pour ne pas s'endormir dans son assiette.

[Taliesin]

Sitôt qu'il se fut assis, un serviteur vint déposer un assortiment de couverts devant lui. Puis l'aubergiste se déplaça en personne pour lui énumérer la liste des mets disponibles. La longueur de celle-ci n'avait d'égal que le nom des plats, fort évocateur quant à leur ampleur : "Banc de harengs salés", "Phalange de crabes en soupe", "Couvent de Bernards pas si hermites que ça", "Colonie d'oursins aux algues marinées". Pour les réfractaires aux fruits de mer, quelques autres recettes venaient parachever le vaste choix, dont la "Harde de biches rôties" et le "Vol d'oies sauvages à la broche". Le choix des vins était également important, et il semblait qu'ils soient servis... en quantité.

[Galathée]

Albérich commença à se demander s'il n'aurait pas mieux fait de se rabattre sur l'Auberge Rouge ou même sur le Pieux Gardon. Après tout, avec ses frusques anonymes et sa barbe fournie, il était probablement méconnaissable. Il était à présent piégé dans un repaire de goinfres qu'il ne manquerait pas d'insulter en faisant la fine bouche. Il renonça aux crustacés, en souvenir de sa dernière expérience en la matière : crevettes-tigres au conseil luménien, il avait fini avec une intoxication alimentaire, à soulager ses intestins sur le plancher de l'assemblée pendant que Lathiriel criait à la tentative de meurtre et que Longuehune pleurait de rire. L'oie serait plus légère que la biche, mais il espérait que la portion ne serait pas trop conséquente. Il n'osa cependant pas en faire la suggestion au ventripotent aubergiste.

[Taliesin]

Au regard des dimensions gargantuesque du plat qu'on lui servit, Albérich préféra ne pas imaginer ce que devaient donner les quantités "maison". Il put cependant le découvrir lorsqu'un trio de jeunes gens à la mine fanfaronne débarqua dans l'auberge. Le plus grand d'entre eux, aux dimensions colossales, il fallait l'admettre, était visiblement décidé à relever un défi lancé par ses compagnons. Et, tandis que ceux si se contentaient de portions "normales" de crustacés, lui commanda le plus copieux, le plus énorme, le plus gigantesque met que la maison pouvait lui fournir. On lui l'apporta bientôt et... il y avait de quoi avoir le tournis. Il l'attaqua cependant avec entrain, avalant bouchée sur bouchée...
De son côté, l'ancien clerc put constater que, pour relativement simple qu'elle fût, la cuisine du "Silure affamé" n'en était pas moins excellente.

[Galathée]

De cela, Albérich n'avait pas douté une seconde. Si la pitance avait été infecte, la salle de l'auberge n'aurait pas été pleine. S'enfiler un plat médiocre, pourquoi pas, mais en telles quantités, c'était impossible.
Il fit de son mieux pour faire honneur au repas, mais il était épuisé et il ne tarda pas à piquer du nez. Il usa d'un maximum de superlatifs pour remercier l'aubergiste et vanter sa nourriture, puis battit en retraite vers les étages.
Dans la salle, il avait trompé ses pensées inquiètes en observant les convives, il n'eut pas à chercher bien loin pour les repousser une fois dans sa chambre : il s'écroula dans son lit dès qu'il eut revêtu sa tunique de nuit et s'enfonça dans un sommeil profond et, il l'espérait, réparateur.

[Taliesin]

Il le fut, une fois n'est pas coutume. Rien ne vint troubler son repos, ni bruits retentissant depuis la salle ou l'extérieur, ni cauchemars malvenus. Lorsqu'il s'éveilla, le lendemain matin, la lumière du jour filtrait déjà à travers les rideaux tirés, signe que l'heure de l'aube était passée depuis longtemps. Aucun son particulier ne lui parvenait, en dehors, parfois, du murmure d'une conversation venant du dessous.

[Galathée]

L'ancien clerc demeura de longues minutes dans son lit, lorgnant le plafond de poutres sombres en réfléchissant à son programme de la journée. En réalité, il n'en avait pas vraiment. Les Sélunites étaient des êtres principalement nocturnes, il ne pouvait pas se présenter chez eux dans la matinée. Or, c'était sa seule étape tangible du voyage. Pour le reste... Les choses lui apparaissaient beaucoup moins clairement, maintenant qu'il était arrivé à Erhedun. La destination avait semblé obligatoire et elle lui semblait désormais... étrange. Ou maladive. Il avait envie de se rendre au sanctuaire de Lathandre, mais il ne pouvait décemment pas le faire. Les risques d'être reconnu étaient énormes, et l'accueil qu'on lui réserverait des plus douteux. Il n'avait aucune raison valable d'aller voir Thibault chez les Sunites, sans rien de spécial à lui raconter, sinon qu'il était désolé pour Euryale. Bien sûr, son flamboyant camarade n'avait plus 16 ans, il en avait eu vingt pour s'assagir, mais à quoi bon ? Qu'espérait-il trouver qu'il ne puisse récolter en se promenant dans les rues ? Rien du tout.
Il finit par se lever, un peu désorienté. Il se sentait lourd, vestige de la nourriture de la veille, ou simple reflet du poids des souvenirs qui s'amoncelaient petit à petit à la lisière de sa conscience. Il fallait qu'il aille petit-déjeuner. Ensuite, il irait simplement marcher. C'était le Temps des Flaques, si pittoresque. Le Parc aux Roseaux devait être un gigantesque étang... Il serait temps d'improviser au fil de la promenade.

[Taliesin]

Lorsqu'il l'atteignit, la salle commune était complètement déserte. L'aubergiste fut donc prompt à se manifester, s'enquérant de sa nuit et lui apportant son petit déjeuner. C'était sans doute le seul service de la journée où des fruits de mer n'étaient pas au menu : mais la prodigalité de la maison en matière culinaire, elle, était la même. Albérich se vit bientôt attablé devant une impressionnante variété de confitures et de miels divers, plusieurs miches de pain de sortes différentes, un énorme bol de gruau, des cruches de lait, de jus de fruits, une théière pleine à ras bords...

[Galathée]

Albérich commençait à se dire qu'il avait vraiment intérêt à changer d'auberge au plus vite, mais la nuit avait été douce et tranquille, la chambre était propre, il ne pouvait pas se plaindre. Il déjeuna donc le mieux qu'il put, mais la quantité inquiétante de victuailles l'écoeurait plus qu'autre chose.
Dehors, le ciel était gris sombre, mais il ne pleuvait pas, et une fois qu'il fut rassasié (il se promit de ne pas manger à la mi-journée), il salua son hôte, s'encapuchonna dans son manteau et sortit, sans objectif particulier sinon celui d'arpenter à nouveau les rues de sa jeunesse.
Même s'il avait passé la majeure partie de son temps au Temple, puis hors d'Erhedun pendant la période où il avait été clerc itinérant, il connaissait encore relativement bien la petite bourgade. Il se laissa porter par ses impulsions vagabondes, par une curiosité un peu nostalgique, décidant de ne plus repousser les images de ce qui avait été une période heureuse, riche en découvertes, en émotions, en amitiés. A bien y réfléchir, Lathandre n'avait été qu'une des multiples facettes de cette existence, même s'il avait présidé à pratiquement toutes les expériences et les rencontres. Il y avait aussi beaucoup d'êtres humains dans les fragments qui lui revenaient.

[Taliesin]

Albérich ne put s'empêcher de trouver la ville particulièrement animée. C'était évidemment sans rapport avec l'effervescence qui faisait continuellement bouillonner Luménis, mais comparé au calme de Combeloup... le changement avait de quoi donner le tournis, entre le flux des passants, les cris des camelots espérant bien vendre leur marchandise aux pèlerins qui fréquentaient sans trêve Erhedun, le galop d'un cheval, parfois... Il était en tout cas facile de faire le tri entre les autochtones et les nouveaux venus : les seconds pestaient contre la boue, les flaques inhérentes au temps éponyme, tandis que les premiers, habitués au phénomène depuis leur plus jeune âge, semblaient ne plus s'en rendre compte, ou, au contraire, s'en amuser.
Les errances sans but de l'ancien clerc le menèrent finalement, comme il en avait eu la vague intention, dans le Parc aux Roseaux, particulièrement humide en cette saison. Des promeneurs s'y attardaient en nombre conséquent, profitant sans doute du répit avant la pluie que semblaient annoncer la couverture nuageuse.

[Galathée]

Le parc était un véritable marécage et seuls les caillebotis permettaient aux curieux d'échapper à la boue profonde et aux multiples ruisseaux. Les poissons croisaient sur ce qui était en d'autres temps des pelouses et les algues étaient couvertes de grappes d'oeufs de grenouille. Des tritons croisaient entre les nénuphars roses et blancs, sous l'oeil vigilant d'un héron cendré qui les lorgnait avec gourmandise. Des roseaux pointaient leur tige hors de l'eau, quelques esplanades rocheuses ou herbues demeuraient émergées, comme des îlots disséminés dans le marais. Albérich sourit en apercevant les saules centenaires sous lesquels il s'était installé mille fois avec des compagnons de maraude. Cela lui serra doucement le coeur, sans réelle douleur, et les souvenirs affluèrent, colorés, contrastés, disputes orageuses, confidences inquiètes, délires et désordres, le jour où Reynald leur avait présenté sa première (mauvaise) composition et que Thibault s'était montré, comme de coutume, très peu diplomate, celui où Artémise leur avait montré les danses de Liira, qu'ils avaient ensuite imitées avec l'aide du vin capiteux qu'elle avait apporté, la fierté d'Euryale, intronisée la première d'entre eux, et mille autres épisodes du même acabit, à la fois triviaux et fondamentaux dans leur existence adolescente. Jeunes adultes, ils étaient revenus de temps en temps mais, clercs à part entière, leurs devoirs les avaient séparés aussi sûrement que la distance.
Il demeura là, les bottes sur un chemin de planches disjointes et vermoulues, à contempler ce théâtre naturel, sans vraiment penser au temps qui filait.

[Taliesin]

Deux choses tirèrent Albérich de ses réflexions.
En premier lieu, les premières goutte d'une averse qui s'accélérait déjà, promettant d'être diluvienne.
Ensuite, des appels.
Des appels qui lui étaient destinés.
Relevant les yeux, il découvrit, à une vingtaine de mètres, une femme élégante, parée de bijoux précieux, qui gesticulait dans sa direction, l'air paniquée. Elle ne cessait de lui parler, mais le problème, c'est qu'il ne comprenait pas un traître mot de ce qu'elle disait. Manifestement étrangère, la femme s'époumonait une langue qu'il n'avait pour ainsi dire jamais entendue.

[Galathée]

Albérich mit un moment à sortir de sa rêverie, malgré l'averse. Il dévisagea la femme qui criait, interdit, ne put s'empêcher de jeter un oeil derrière son épaule pour voir s'il n'y avait pas un autre interlocuteur auquel elle s'adressait, puis, de dépit, franchit la courte distance qui les séparait. Il n'avait aucune idée de ce qu'elle baragouinait, mais il supposa que c'était la pluie qui la mettait dans tous ces états. Après tout, en étrangère naïve, elle s'était habillée de manière complètement inappropriée pour la saison et le déluge. Arrivé en face d'elle, il essaya d'avoir l'air le plus inoffensif possible, espérant que sa barbe noire ne lui donnait pas l'aspect d'un coupe-jarret, puis lui désigna une direction entre deux arbres, là où se trouvait le petit temple de Mielikki qui pourrait les abriter le temps de l'ondée. Pourvu qu'elle ne dure pas.