[Lieu] Dansedunes

[Galathée]

L'ancien clerc ne se formalisa pas outre mesure. Apparemment, faire marcher autrui était un trait familial chez les des Rosières et il n'avait plus l'âge de se vexer parce qu'on se moquait de lui.
" Bon, et bien je pense que je vais aller tester votre baume de ce pas, sinon je pense que vos hardis pêcheurs se passeront de mes services."
Peut-être pourrait-il s'endormir par mégarde sur son lit, histoire de manquer la ruée vers les grenouilles...

[Taliesin]

-Donnez-moi un instant...
Aidan se leva, gagna la cuisine, revint avec un petit pot contenant une mixture à l'odeur, il fallait l'admettre, plutôt agréable.
-Voilà... dit-il en le lui mettant dans les mains. Il devrait vous retaper...
-Prenez tout votre temps pour vous préparer, Albérich, dit Elsbeth. Quitte à faire une petite sieste pour reprendre encore quelques forces. Nous ne partirons pas sans vous.

[Galathée]

L'ancien clerc redescendit moins d'une demi-heure plus tard. Le baume apaisant semblait avoir fait des merveilles dès l'application. Albérich espérait qu'il n'était pas seulement analgésique, car le bien-être pouvait être trompeur s'il ne s'associait pas à une véritable guérison. Il ne serait pas le premier à forcer sur une blessure en la pensant refermée alors qu'elle n'était qu'endormie. Il avait de plus l'impression de dégager une odeur qui, si elle n'était pas désagréable, n'en était pas moins relativement forte. Il ne s'en formalisait pas réellement : les effluves du marais la remplaceraient bien assez tôt.

[Taliesin]

La pièce était déserte, à l'exception de Thibault, assis à la même place que lors du repas. On aurait pu penser qu'il n'avait pas bouger, mais ce n'était pas le cas : il avait revêtu sa tenue de la veille, froissée et boueuse, noué ses cheveux en queue de cheval - coiffure sans doute plus pratique pour l'expédition à venir - et lorgnait, la mine sombre, une tasse aux trois quarts vide. Il releva brièvement la tête à l'approche d'Albérich, grimaça un sourire, puis se perdit à nouveau dans ses pensées.

[Galathée]

Réalisant que le Sunite avait remis sa tenue trempée de la vieille, Albérich réalisa qu'il aurait dû en faire de même. Il n'était pas pressé de renfiler ces vêtements raidis par la boue et la pluie, mais c'était la chose la plus logique à faire, compte-tenu de ce qui les attendait.
" Je vais retourner me changer..." fit-il sur le ton de la conversation. " Si vous devez y aller... Ne m'attendez pas, je vous rattraperai."

[Taliesin]

-C'est cela, oui... fit Thibault, faussement léger, tout à coup. Tu en profiterais pour te débiner, plutôt... Mais on ne te laissera pas faire.
Il le dévisagea, une brève seconde, puis se concentra à nouveau sur le fond de sa tasse.
-Albérich à la chasse aux grenouilles... murmura-t-il, d'une voix presque éteinte. Dire que j'en rêvais, autrefois. Je voulais t'inviter... vous inviter ici, tous, pour qu'on y participe ensemble. Mais évidemment, vos cultes n'auraient pas été d'accords...
Il soupira. Sourit vaguement.
-Enfin, trente ans après, la chose se réalise. Comme quoi... Il suffit parfois d'être patient.

[Galathée]

" Ne t'en fais pas, je serai aussi mauvais aujourd'hui que je l'aurais été autrefois." commenta l'ancien Lathandrite avant de retourner rapidement dans sa chambre.
Passer ses vêtements sales de la veille ne se fit pas sans quelques grimaces, mais il serra les dents et redescendit quelques minutes plus tard. L'odeur fruitée du baume d'Aidan avait déjà été ensevelie sous la délicieuse senteur de fange.

[Taliesin]

Thibault s'était levé. A l'extérieur, on entendait le murmure de voix nombreuses. Comme il l'avait prédit, le rassemblement aurait lieu bien plus tôt que prévu...
-Et bien, s'il doit y avoir un concours entre nous aujourd'hui, ce sera à qui récoltera le plus de moqueries, fit-il sombrement. J'ai probablement perdu la main, et le dernier marmot de Dansedunes sera mille fois plus efficace que moi...
Il soupira, fataliste.-Et en plus, contrairement à autrefois, je n'aurai même pas l'espoir de voir les filles contraintes de se déshabiller...

[Galathée]

Albérich ne put s'empêcher de rire.
" Allons, à notre âge, il est bien normal de laisser la main aux plus jeunes. Ça nous donnera une bonne excuse pour ne pas trop nous mouiller..."
Il sourit doucement.
" Quant aux filles... Ma foi, je crois que si tu fermes les yeux et que tu y mets un peu du tien, tu verras qu'elles ne sont pas très loin... La pêche à l'écrevisse sous le débarcadère du quai aux laines, ce n'était pas mon idée."

[Taliesin]

Thibault haussa les épaules.
-Il fallait bien trouver un moyen de substitution à la chasse aux grenouilles, hein. Même si celle-ci avait un potentiel beaucoup plus excitant : j'aurais pu leur proposer de les débarrasser des sangsues, d'apaiser la brûlure des crapauds tigres, si on en avait croisés. Ou simplement, de les réchauffer...
Il secoua la tête.
-Hum, si je reviens jamais ici dans les mois à venir, j'essaierai d'inviter quelques unes de mes connaissances. Non, parce que là, franchement, en matière de filles, il n'y aura que des cousines. Ce qui enlève tout de suite une grande partie de son charme à cette expédition. Ne reste que la boue et les grenouilles. Si j'arrive à en attraper.
Il ne put réprimer un sourire.
-Par contre, pour ce qui est de ne pas se mouiller... Hum, je ne vais rien dire pour l'instant, tu le verras bien assez tôt.

[Galathée]

Albérich lui décocha une grimace inquiète, un rien théâtrale, puis haussa les épaules.
" Je n'aurais pas pensé que le fait que ce soient tes cousines t'aurait vraiment refroidi. Cela dit, si c'est le cas, tu pourrais peut-être envisager de m'en présenter l'une ou l'autre." fit-il d'un ton badin. " En échange, je te promets que si j'attrape une grenouille, je te la donnerai discrètement. A la condition que la cousine soit plus jolie que la grenouille. Mais si les jolis minois sont de famille, je n'ai pas à m'inquiéter, je suppose."

[Taliesin]

-Tu ne devrais pas plaisanter, Alby... dit le Sunite, très sérieux. Car il y a fort à parier que je n'ai pas à jouer les entremetteurs. Certaines de mes cousines tu l'apprendras peut-être à tes dépens, partagent avec moi, outre une plastique superbe, de bien brûlants penchants...
Il se tut comme craquaient les marches de l'escalier. Elsbeth fit alors son apparition : elle avait troqué sa robe pour des chausses et une tunique d'homme passablement élimées.
-Parés ? demanda-t-elle.

[Galathée]

Si Elsbeth n'avait pas surgi à cet instant, Albérich aurait probablement demandé à Thibault de lui servir de garde du corps ou aurait rebondi légèrement sur sa dernière remarque. L'arrivée de sa mère l'en empêcha cependant et pendant les quelques secondes de silence qui suivirent sa question, le Luménien réalisa que la mise en garde de Thibault l'émoustillait plus qu'elle ne l'inquiétait. Il n'avait plus couché avec une femme depuis des mois, depuis Euryale en fait, et avant elle... avant elle, il ne parvenait même pas à se souvenir de la fois précédente. Si. C'était une prêtresse de Chauntéa, qu'il avait rencontrée à la campagne. Mais où... Et son nom ? Impossible de la replacer précisément. Ça avait été une aventure de passage, quelques nuits sans conséquences, au creux d'un petit temple tranquille. Peu importait. Cela dit, il n'avait pas l'intention de se compromettre avec une jeune femme de bonne famille, et à bien y réfléchir, certainement pas avec une cousine de Thibault : le Sunite avait déjà bien assez de raisons de lui en vouloir. Semer la zizanie était bien la dernière chose qu'il avait envie de faire. Cependant, pendant quelques secondes, la pensée avait été bien agréable...
" Aussi paré que possible. C'est à dire pas des masses." fit-il enfin.

[Taliesin]

-Oh, ça fera l'affaire. Mais ne tardons plus : j'ai l'impression que nous sommes attendus.
Attendus, ils l'étaient indéniablement. Devant l'auberge se massait une petite foule d'une trentaine de personnes, dont l'aspect aussi hétéroclite que sauvage aurait eu quelque chose d'inquiétant, si Albérich n'avait pas su quel était le but de leur expédition.
Il y avait là des hommes mûrs, cheveux longs et barbes drues, arborant cuissardes imposantes, vestes de cuir et mines concentrées ; de paisibles vieillards aux membres minces comme des baguettes mais souples comme du bois vert ; des adolescents bravaches se jetant des regards de défi tout en bombant des torses exhibés à dessein, étonnement semblables, dans leur posture, à ce qu'était Thibault à leur âge ; et enfin des gamins de tous âges, passablement débraillés, les pieds nus, qui peinaient à contenir leur enthousiasme. La gente masculine était largement majoritaire, même si des femmes, des adolescentes ou des fillettes se tenaient ça et là, tout aussi farouches et décidées que leurs parents du sexe opposé. Il y avait également des exceptions dans la blondeur ambiante : outre les cheveux blancs des aînés, l'on voyait quelques tignasses d'un brun profond.
Et tout ce beau monde arborait un impressionnant attirail : tridents aux pointes fines, minces javelots, longs bâtons d'où pendaient des morceaux de tissu rouge suspendus à une cordelette, cannes à pêche aux hameçons effilés, filets aux mailles étroites, petites boîtes d'osier dotées de bandoulières...
Thibault observait tout cela avec un soupçon d'incrédulité. Un soupçon seulement : car, déjà, il avait repris ses airs ouverts, avenants, joyeux, et souriait à tout un chacun.

[Galathée]

Albérich se coula dans l'ombre de Thibault, bien décidé à ne pas le lâcher tant qu'il ne se serait pas familiarisé avec l'un ou l'autre des pêcheurs de grenouilles. Après tout, il était là en tant qu'ami du Sunite, que celui-ci l'apprécie ou non, et il n'avait pas l'intention de subitement fanfaronner : ce n'était pas son genre. L'armada des pêcheurs était cependant impressionnante. On les aurait dit sur la piste d'un monstre marin plus que de malheureux batraciens. Ces derniers devaient d'ailleurs trembler dans leurs flaques.

[Taliesin]

Le groupe se mit en branle sans tarder, et quitta le minuscule village presqu'aussitôt parti, pour suivre la plage en direction de l'ouest.
Elsbeth s'était éloignée, avait retrouvé Aidan et discutait avec des parents du même âge. Quant à Thibault, il ne s'offusqua en rien de la proximité d'Albérich. Il n'en aurait d'ailleurs pas eu le temps, occupé comme il l'était à ébouriffer les cheveux des gamins, à embrasser ses cousines, à accepter l'étreinte de ses aînés. Les membres de sa famille n'ignoraient pas Albérich, le gratifiaient de saluts chaleureux, de quelques mots gentils, mais ne le pressaient pas de questions ou de regards curieux, comme s'il était naturel qu'il se trouve, ici, parmi eux. L'ancien aubemestre nota cependant les coups d'œil appuyés de quelques jeunes femmes fort accortes, il fallait l'admettre.
-Vous vous appelez Albérich, c'est ça ? fit soudain une voix, sur sa gauche.
C'était celle... d'une jeune femme. Mais assez différente des autres : mince, petite, ses cheveux bruns noués en une natte unique, elle l'observait, avec le plus grand sérieux, de ses yeux vert comme la mousse.

[Galathée]

Le Luménien sourit à l'inconnue et acquiesça.
" Oui, c'est bien ça. Et à qui ai-je l'honneur ?" répondit-il, affable.
Il espérait que la plaisanterie stupide qu'il avait échangée plus tôt avec Thibault ne l'empêcherait pas de se montrer naturel avec les demoiselles de la famille des Rosières. Il comptait aussi sur le Sunite pour le surveiller... un minimum.

[Taliesin]

-Je m'appelle Meera, répondit-elle. Je suis l'une des nombreuses cousines de Thibault. Et, accessoirement, la responsable des expéditions dans les marais. De ce fait, et comme c'est votre baptême aujourd'hui, je me dois de vous poser un certain nombre de questions.
Elle sourit, sans se départir tout à fait de son air sérieux.
-Je m'excuse d'avance si je vous donne l'impression de vous parler comme à un enfant, mais... Nous initions rarement des personnes aussi âgées. J'ai donc pris certaines habitudes... Mais bref : avez-vous déjà, par le passé, pénétré dans un marais ? Y avez vous... crapahuté ?

[Galathée]

Albérich la dévisagea avec une incrédulité tirant sur l'angoisse.
" Vous voulez dire que... ce n'était pas une boutade, cette histoire de baptême ?" murmura-t-il. " Je n'avais pas exactement l'intention... d'être initié à... Qu'est-ce que vous entendez par initié, d'ailleurs ? N'allons-nous pas... chasser la grenouille ?"

[Taliesin]

Meera parut amusée.
-Désolée : j'oublie parfois que notre vocable un peu... pompeux est susceptible d'inquiéter les visiteurs. Oui, nous allons simplement chasser les grenouilles. Mais comme nous avons longtemps tiré notre subsistance des marais, la première fois qu'un enfant y pénètre est un moment un peu particulier. Nous essayons donc... d'y mettre les formes. Par extension, et sans vraiment y prendre garde, nous le faisons aussi pour les étrangers. J'imagine que c'est la même chose pour la première chasse, dans une communauté forestière, ou la première ascension, pour de jeunes montagnards... Enfin voilà, ne vous inquiétez pas.
Son sourire se fit encourageant.
-Les questions, à présent. Commençons par les côtés désagréables. Vos bottes vous tiennent bien au pieds ? Je veux dire, vraiment bien ? Vous savez enlever une sangsue ? Apaiser la brûlure d'un crapaud tigre ?

[Galathée]

Albérich décida d'être rassuré. Dans un premier temps, du moins.
" Les bottes, ça va. Elles ont beaucoup souffert ces derniers temps et je devrai sans doute m'en racheter de nouvelles, mais pour l'instant, elles tiennent encore le coup. Pour le reste... J'ai pas mal voyagé dans les environs d'Erhedun, dans ma prime jeunesse, donc j'imagine que je dois disposer des bases en matière de marécages. Cela dit, j'étais plutôt du genre à rester sur les sentiers. Et je sais retirer une sangsue. Par contre, pour les crapauds tigres... J'imagine que j'aurais tendance à recourir aux mêmes remèdes que pour les morsures de serpent, de la racine d'oreille-de-géant ? Ou alors simplement de l'ail ? Au hasard."
Il sourit un peu trop stupidement à son goût.

[Taliesin]

La jeune femme secoua la tête.
-Il n'y a pas vraiment de sentier, dans ces marais. On les connaît par cœur, on ne voit pas vraiment l'utilité d'en ménager... Pour la brûlure de crapaud, l'oreille-de-géant est totalement inefficace, et de toute façon, si vous vous faites avoir, vous auriez trop mal pour en chercher dans ce fouillis. Pissez dessus, ou demandez qu'on le fasse pour vous, si vous n'avez pas envie. Et pas de chichis : si je ne suis pas dans les parages, c'est le meilleur remède, car aussi douloureux soit-il, ce poison ne supporte pas la chaleur. Enfin, vous pouvez aussi préférer souffrir.
Elle jeta un regard critique aux bottes de l'ancien aubemestre.
-Je vous fais confiance si vous pensez qu'elles vous tiendront aux pieds. Mais les marais sont voraces, et adorent les bottes. Si vous avez un doute, laissez-les avant d'y entrer : vous ne seriez pas le seul a abandonner temporairement certaines de vos affaires.
Elle sourit à nouveau.
-Bon, c'est fait pour les bottes, pour les crapauds et pour les sangsues. De toute façon, il y aura toujours quelqu'un dans les environs, pour vous filer un coup de main. Vous pouvez demander à n'importe qui : tout le monde, ici, sait se repérer, sait ce qu'il faut faire pour à peu près n'importe quoi. Même les mômes. D'ailleurs, préférez demander de l'aide à ceux-là plutôt qu'aux ados : eux, ils sont taquins. Pas méchants, mais taquins, prompts à vouloir se mesurer aux autres, aussi. Mais à présent, venons-en au côtés amusants : savez-vous comment on attrape les grenouilles ?

[Galathée]

Albérich écouta sagement les directives de la dénommée Meera, avec la vague impression d'être un enfant qu'on instruit des consignes basiques de sécurité avant la traversée d'un marché. Il espérait cependant que les choses en resteraient là : dans les paroles de la jeune femme et pas sous forme de crapauds et sangsues belliqueux.
" Je n'avais pas vraiment l'intention de pêcher la grenouille. Vous regarder à l'oeuvre et profiter de la promenade me suffisent amplement..."

[Taliesin]

-Vous pêcherez la grenouille, pourtant, dit Meera, catégorique. Cela fait partie de la tradition. Et ce qui fait aussi partie de la tradition, c'est que vous n'aurez pas le droit de quitter les marais avant d'en avoir pêché dix.
Elle le dévisagea un instant.
-Et non, il ne vous est plus possible de reculer. Quant on rejoint la cohorte des chasseurs de grenouilles, on ne la quitte plus. La tradition, vous comprenez...

[Galathée]

Albérich pensa protester. Après tout, ils n'étaient pas encore dans le marais, à proprement parler. Il n'avait jamais prétendu qu'il attraperait la moindre grenouille. Alors dix ! Quoi qu'en dise Thibault, il en était au moins un d'entre eux dont on rirait. Et il espérait être capable de le prendre légèrement... sans certitude.
" Et dites-moi... Il y a beaucoup de grenouilles ? Ou bien est-ce déjà la fin de la saison ?"

[Taliesin]

-Il y en a des tas. Et ici, c'est presque toujours la saison des grenouilles. Alors, vraiment, vous n'avez pas à vous inquiéter pour leur nombre. Quant à les attraper... Bah, il suffit d'avoir l'œil, un peu d'agilité et un peu de dextérité. L'œil pour les repérer parmi la végétation ; l'agilité pour s'en approcher sans faire trop de raffut ; la dextérité... pour vous en emparer. Le mieux, je crois, c'est que je vous donne une canne. Vous savez, celle avec le morceau de tissus rouge, comme celle-là - elle désigna l'instrument que portait fièrement une fillette voisine -. Vous agitez le tissus au dessus de la grenouille, elle le mord, et il ne vous reste plus qu'à la remonter, la saisir et la mettre dans la boîte que je vous fournirai également. Bon, si vous pensez être plus habile au trident où au javelot, ça peut se faire aussi.

[Galathée]

" Hum... Donnez-moi ce qui requiert le moins d'agilité et de dextérité possible. J'aimerais autant ne blesser personne, en ce compris moi-même, et attraper mes grenouilles avant la nuit. Sinon, je serai obligé d'aller demander l'aumône aux bons pêcheurs ou de les chaparder dans la besace des distraits, ce qui ternirait quelque peu ma réputation de brave camarade inoffensif." fit le Luménien.
Le ciel était superbe, les vestiges de la tempête à peine visibles. A ses côtés, Thibault devisait avec quelques uns de ses cousins, sans lui prêter la moindre attention. C'était une belle journée. S'il n'y avait pas eu ces maudites grenouilles.

[Taliesin]

-Qui vous dit que vous avez une réputation de brave camarade inoffensif ? fit-elle, arborant une mine étonnée. Vous avez la réputation d'ami de Thibault. Ce que cela signifie... Et bien...
Elle eut un geste volontairement évasif, et changea de sujet.
-Je me demande aussi pourquoi vous pensez que chaparder des grenouilles ternirait votre blason... C'est un procédé courant, du moins, quand tout le village, marmaille comprise, se rend aux marais. C'est alors plus un jeu qu'autre chose... Le tout est de ne pas se faire prendre et de ne pas piller totalement vos victimes. Je ne saurais donc trop vous conseiller de surveiller votre panier, et de vous méfier des autres chasseurs, mêmes s'ils arborent des airs innocents.

[Galathée]

" Je vois... Et le fait que je doive m'acquitter de mes dix grenouilles risque de faire de moi une victime toute désignée, je suppose." lâcha-t-il, songeur. " C'est gentil à vous de m'avoir prévenu, en tout cas."
Il jeta un regard circulaire sur l'assemblée bruyante qui continuait à progresser vers le terrain de chasse.

[Taliesin]

-Oh, ça n'est pas impossible, dit Meera. Mais il n'est pas impossible non plus qu'on vienne spontanément vous proposer des grenouilles. Quitte à demander une faveur en échange...
Elle sourit.
-Mais je vais vous laisser pour l'instant : j'ai un ou deux marmots à mettre en garde. Je vous donne le matériel dès que nous sommes arrivés.
Et de se fondre dans la masse mouvante des chasseurs.
Celle-ci était de plus en plus animée : Albérich pouvait entendre, non loin de lui, trois adolescents prendre les paris sur lequel d'entre eux ramènerait le plus de prises. Les enchères étaient montées à cinquante, pour l'heure. Encore plus près, un gamin minuscule expliquait à une fillette plus âgée qu'il voulait ramener un couple de grenouilles vivantes pour qu'elles se multiplient dans le jardin derrière sa maison. Quant à Thibault, il était toujours aussi afféré, murmurant en l'instant à l'oreille de l'une de ses cousines.