[Lieu] Mersant

[Taliesin]

Taliesin manqua s'étrangler avec la fumée de sa pipe.
Deux pensées s'entrechoquaient sous son crâne.
D'abord : "Des pirates. Une armada de pirates". Constat lucide et terrifiant.
Ensuite : "Heureusement que nous ne sommes pas déjà partis en laissant les enfants derrière nous." Réconfort bien maigre, au regard de la première idée.
Il faillit se fendre d'un chapelet de questions : Qui sont-ils ? Quelle est leur réputation ? Que peut-on faire ?
Mais il ne dit rien. Les explications allaient venir, sans nul doute.

[Galathée]

Pour l’heure, le choc était la réaction dominante parmi les passagers de la Liberté. Tous dévisageaient Constance avec effarement.
« Nous devons rester ici, c’est notre meilleure chance. Organiser une résistance avec tous les gens qui sont sur Mersant. » dit-elle.
« Six bateaux ! Ils sont près de deux cents et nous ne sommes mêmes pas trente ! C’est ridicule ! » s’exclama Griselda.
« Si nous sortons, nous serons coulés, immanquablement. » ajouta le Capitaine.
« Je préfère me noyer que de me faire attraper sur terre et violer par une douzaine de marins avant d’être torturée à mort ! » glapit la jeune femme.
« Ils nous aborderont, ça ne changera rien. » fit Guéric.
Bérénice éclata brusquement en sanglots.
« Ça suffit. Je vous demande à tous de rester calmes pendant que nous réfléchissons à nos moyens de défense. Ceux d’entre vous qui ont des compétences militaires sont les bienvenus pour nous rejoindre. Pour autant que votre aide soit constructive. Nous sommes tous conscients de la gravité de la situation, croyez-le bien. A présent, il nous faut rester concentrés. Et confiants. »
« Confiants ! » cria Griselda en se levant.
Gauthier lui mit une gifle monumentale, qui la renvoya sur le banc.
« Ça suffit, a dit le Capitaine. » grogna-t-il sans aménité.
« Je suis désolée de la tournure que prennent les choses, mais c’est un aléa que nous ne pouvions pas prévoir. » dit encore Constance avant de pousser un bref soupir et de s’éloigner, son second sur ses traces.
Griselda se leva brusquement et partit vers les étages. Bérénice pleurait toujours sur l’épaule de Galeran. Fred et George se mirent à parler entre eux. Noéline et Loukian s’étreignirent, la peur visible sur leurs traits. Valaellyn chercha le regard de Taliesin.
La salle s’était remplie de nouveaux arrivants et un groupe se massait désormais devant l’entrée. Griselda avait raison : ils étaient trente tout au plus. Et un certain nombre étaient manifestement gagnés par la panique.

[Taliesin]

-Peux-tu aller réveiller les garçons ? demanda l'elfe à Valaellyn après avoir gardé un instant ses yeux rivés aux siens.
Paradoxalement, il se sentait décidé. Et calme, presque. Sans doute parce qu'il n'était pas question de tergiverser, parce que la seule option semblait le combat. Aurait-on évoqué la possibilité de se rendre qu'il se serait montré hésitant. Mais le Squale et ses hommes ne semblait pas du genre à faire de quartiers.
Puis, sans attendre la réponse de la jeune femme, il se lança aux trousses de Constance.
-Capitaine !
Il se fraya un passage jusqu'à elle.
-Avons-nous le temps de récupérer nos affaires, sur le bateau ? J'y ai mes armes. Sans doute faudrait-il conseiller aux Mélandiens de faire la même chose, et aux habitants d'aller quérir au plus vite tout ce qui pourrait servir, y compris de la nourriture. Ensuite... Quel est le bâtiment le plus solide de l'île ? Le plus propice à une résistance organisée ? Y a-t-il des lieux ou se cacher, éventuellement ?

[Galathée]

Constance sourit à l'elfe.
" Je crois que l'auberge sera le bâtiment le plus propice à être défendu, mais nous n'en sommes pas là. Je pense que nous allons d'abord essayer de les empêcher de mettre pied à terre." dit-elle. " Mais venez avec moi, des décisions urgentes doivent être prises. Gauthier va organiser le transport de nos affaires à terre avec ceux qui..."
Son regard vola vers la table où se trouvaient encore la plupart des passagers de son navire.
"... tiennent le coup."
Autour d'eux, il y avait des cris et des pleurs. Un bébé vagissait. Elle attrapa la main de Taliesin et le tira vers une porte gardée par un homme inquiet. Ils la franchirent et se retrouvèrent dans une petite pièce. Quatre autres personnes s'y trouvaient déjà. Taliesin les avait tous déjà vues : il y avait là Rutger, le plus âgé des Mélandiens, une des prostituées -une grande femme mince aux longs cheveux noirs tressés- et un homme dans la fleur de l'âge, brun et nerveux, qui devait tenir l'un des hangars de Mersant. Au moment où Constance allait refermer la porte, Noéline se glissa dans la pièce, ainsi que Guéric.
Une fois la porte fermée, le brouhaha de la salle commune sembla nettement plus distant. On avait déployé une carte sur la table, représentant l'îlot accidenté. Taliesin s'y repéra assez rapidement : le port s'ouvrait à l'est et l'auberge était aisément reconnaissable. On y voyait aussi la ferme, les entrepôts, et les rives rocailleuses de Mersant.
" Nous devrions envoyer quelqu'un pour des pourparlers." disait le Mélandien.
" Ça ne servirait à rien." répondit la prostituée. " Le Squale le torturerait pour savoir combien nous sommes, quelles sont nos défenses, et nous le renverrait en petits morceaux."

[Taliesin]

-Je n'avais jamais entendu parler de ce Squale, mais il semble être fort peu commode... dit le barde. Enfin, il apprendra vite que nous non plus, nous ne sommes pas commodes.
Afficher un bel optimisme ne faisait jamais de mal, même quand on était moins serein qu'on ne voulait bien le montrer.
-Constance me disait à l'instant que le mieux serait d'empêcher son débarquement. La chose est-elle possible ?

[Galathée]

Rutger hocha la tête lentement.
" Il y a deux moyens principaux de mettre pied à terre sur Mersant... Soit par le port, soit par la plage de l'Ouest." dit-il.
" Avec six bateaux, il est fort probable qu'ils tenteront d'aborder des deux côtés à la fois." ajouta l'homme brun.
" Ils peuvent passer à deux de front pour entrer au port. Ensuite, les possibilités de mouillage sont innombrables et ils commenceront par couler les bateaux pour nous piéger." ajouta la prostituée.
" Par la plage, ils sont forcés de descendre en chaloupes." dit l'aubergiste.

[Taliesin]

Le barde se gratta la tête, pensif.
-N'y a-t-il pas moyen de bloquer l'accès au port ? Quitte à saborder nos propres navires, puisqu'il y a fort à parier qu'ils s'en prendront de toute façon à eux ? Ce n'est pas une perspective très réjouissante, je sais, mais au point ou on en est...
Il se pencha à nouveau sur la carte.
-Quant à la plage, on pourrit y poster du monde pour tirer sur les chaloupes, leur balancer des rochers, les incendier...

[Galathée]

" Attendez, saborder nos navires..." fit alors le Mélandien.
" Nous pourrions abattre le phare." dit alors la prostituée. " Il est en ruine... Si nous contrôlons son écroulement, il pourrait juste bloquer la sortie du port."
Rutger haussa les sourcils.
" Ce n'est pas un arbre, il ne va pas tomber d'une pichenette."
" Je suis certaine qu'on peut penser à quelque chose... en fragilisant la structure interne... en utilisant des bovins de la ferme..."
" Si le phare est écroulé en travers du port, nous ne sortirons plus jamais."
" Nous déblaierons plus tard."
" Déblayer de tels blocs ?"
" C'était une idée." fit-elle en haussant les épaules.
" Même si nous défendons la plage... Nous ne tiendrons pas longtemps contre deux cents hommes." fit Guéric, pensif.
" Nous devons prévenir quelqu'un quelque part." dit Constance.

[Taliesin]

Taliesin, qui en était resté à cette histoire de bateaux coulés ou de phare écroulé, redressa la tête.
-Valaellyn est clerc : elle peut, j'imagine, envoyer des oiseaux porter des messages sur Dorrandin, si c'est le plus proche. Nul doute que les autorités locales en ont aussi après ces pirates, qu'elles n'hésiteront donc pas à nous envoyer des renforts.
C'était probable, de son point de vue. En revanche, beaucoup plus incertain était le délai de cet envoi...

[Galathée]

" Antelucas est la cité la plus proche."
" Non, des villes mélandiennes le sont davantage."
" Soyons sérieux, nous ne pouvons pas faire appel à la marine mélandienne. D'abord, rien ne permet de penser qu'ils auront particulièrement envie de venir nous aider..."
" L'elfe a raison, le Squale dérange tout le monde. Les Mélandiens viendront."
" Ensuite, nous ne pouvons pas savoir comment ils nous feront payer ce sauvetage."
Un silence suivit cette déclaration.
" Nous devons faire appel à la marine luménienne."
" Luménis est à une veille de voile. Et ce n'est pas exactement comme si les Luméniens avaient beaucoup de navires à disposition."
" Ils viendront."
" Si personne n'a encore arrêté le Squale, il y a peut-être une bonne raison."
" Nous pourrions appeler les deux..."
" Pourqu'ils se livrent à une bataille navale juste sous notre nez. Brillante idée."

[Taliesin]

Taliesin leva les yeux au ciel.
-Je ne suis pas très au fait de la géopolitique actuelle... commença-t-il. Mais, pour autant que je sache, les cités ne sont pas en guerre. Et je n'ose imaginer que leurs dirigeants soient assez bêtes pour se taper dessus alors qu'ils ont la possibilité d'éradiquer une menace commune; Ou qu'ils songent à prendre possession d'une île dont la neutralité sert leurs intérêts. Après, répondront, répondront pas, on ne peut présumer. Nous avons besoin d'aide, d'où qu'elle vienne. Pour cette démarche comme pour notre résistance, le pragmatisme est sans doute notre meilleure chance de survie.

[Galathée]

" Le problème est que Mersant... n'est pas vraiment sur les cartes officielles, en ce moment..." fit Rutger avec une légère grimace.
" Si un bateau d'une nation voisine vient jusqu'ici, il sera un peu... comment dire... forcé de revendiquer l'îlot."
" Donc il serait sans doute préférable, pragmatiquement, qu'on n'envoie pas de messages à tout le monde."
Guéric croisa les bras.
" Nous n'irons nulle part à ce train. Nous perdons un temps précieux en palabres et pour autant que nous le sachions, leurs navires voguent droit sur nous. Nous devrions élire un chef et nous en tenir à ses décisions."

[Taliesin]

Il acquiesça.
-Je suis d'accord avec toi. Nous n'avons pas une seconde à perdre si nous voulons nous organiser au mieux. Je suis prêt à obéir aux consignes de celui que vous choisirez : je pense que nous avons tous autant à cœur de nous tirer de ce mauvais pas, et que nous agirons tous dans ce sens, sans autres considérations. Le tout est de le faire... vite. Très vite.

[Galathée]

Le Mélandien se renfrogna mais finit par hocher la tête.
" Je pense que Sullyan devrait nous diriger." dit Constance en croisant les bras.
" Moi aussi." ajouta Rutger.
Le propriétaire du hangar acquiesça, tout comme Guéric.
" Très bien." fit la prostituée, le regard soudain plus acéré.
" Quoi ?!" lâcha le Mélandien. " Une catin ?"
" Sullyan n'a pas toujours été... une courtisane." dit Rutger.
Durgold leva les yeux au ciel.
" Et peut-on savoir quelles sont vos qualifications ?"
" J'étais commandant dans l'armée manostienne." répondit la prostituée avec aplomb et un sourire mauvais.
Le Mélandien semblait incrédule mais il haussa les épaules.
" Bien. Plusieurs choses me semblent urgentes. Sécuriser le port. Nous allons faire tomber le phare. Procéder à un inventaire de tout ce dont nous disposons d'utile à terre. Organiser la défense de la plage. Je veux voir Harold pour qu'il me décrive ce qu'il a vu exactement. Envoyer un message... à Antelucas, je veux voir la prêtresse. Il va falloir que tout le monde ait quelque chose à faire, les oisifs vont paniquer."
Elle leva les yeux vers Taliesin.
" Ça vaut aussi pour les gosses."
Elle se tourna ensuite vers le Mélandien.
" Combien de personnes sont à bord de la Furibarde ?"
" Trois membres d'équipage et douze esclaves."
" Tous des demi-orques d'élevage ?"
Le Mélandien parut surpris.
" Heu... Oui... Comment savez-vous..."
" Il faut les liquider tout de suite."
Durgold changea de couleur.
" Quoi ? Il n'en est pas question ! Vous savez ce que ça vaut, douze..."
" Est-ce que votre vie vaut davantage ? Ou non ?"
" Je ne..."
" On les liquide."

[Taliesin]

-Excusez-moi...
Taliesin avala sa salive.
-Je me doute que la réponse à ma question sera "non", mais je préfère la poser : n'y-a-t-il aucune chance qu'ils acceptent de se battre de notre côté, si on leur promet la liberté ?
Sans attendre, il se tourna vers le Mélandien.
-Et au cas où la seule solution soit de les tuer... Dites-vous que si nous triomphons des pirates, il y aura largement de quoi compenser, sur leurs dépouilles, dans leurs bateaux, nos pertes respectives.

[Galathée]

" Aucune chance. Ils sont élevés pour être forts, bêtes et surtout, dépourvus de la moindre émotion. Ils sont exactement le type de recrues qui pourrait intéresser le Squale. Si on les libère... S'ils se libèrent... La première chose qu'ils feront est de nous massacrer." dit Guéric, les bras croisés.
Sullyan se tourna vers le Mélandien.
" En commençant par vous, plus que probablement."
Durgold ne répliqua pas, résigné, et manifestement parfaitement capable d'imaginer ce que lui feraient ses esclaves.
" Guéric ?"
" Je m'en occupe." répliqua le halfelin.
Elle se tourna ensuite vers Taliesin.
" Alors, où pensez-vous vous rendre utile ?"

[Taliesin]

L'elfe parut embarrassé.
-Je pensais que vous alliez me le dire... expliqua-t-il l'instant suivant. Mais... Je suis barde. Je pourrai donc, le moment venu, me fendre de quelques chants de guerre pour remonter le moral des troupes. J'ai aussi une certaine expérience des combats, sinon des résistances désespérées. Ce n'est pas encore pour tout de suite, cependant. Donc, dans l'immédiat...
Son front se plissa comme il réfléchissait à toute allure.
-Je ne vous servirai à rien au phare : pas assez costaud. Valaellyn pourrait en revanche vous donner un coup de main : elle est prêtresse de Chauntéa, elle pourrait sans doute faire quelque chose avec les poutres... Moi, et bien... Je m'acquitterai de ce que vous estimerez la tâche la plus appropriée. Je peux aider à transporter vivres et matériel à l'auberge, ou servir de guetteur. Ou organiser la défense de la plage, peu-être... Dans tous les cas, si vous en êtes d'accord, je prendrai les garçons avec moi : Victor est un vétéran, en quelque sorte. Les autres sauront aussi se rendre utiles, pour peu qu'on les aide à ne pas trop se laisser gagner par le désarroi.

[Galathée]

" Vous pouvez garder les gamins avec vous pour l'instant. Si on en vient à un affrontement, cependant, je les enverrai avec les personnes incapables de se battre à l'endroit le plus sûr que nous puissions trouver."
Elle plissa les yeux et dévisagea ses vis à vis.
" Constance, vous irez avec Durgold et la Chauntéenne, prenez ses hommes, Saõ et Rémiel. Le phare doit tomber."
" Rutger et Goran, vous êtes responsable de l'approvisionnement, de l'organisation sur terre. Katja vous donnera un coup de main. Embauchez tous ceux dont vous avez besoin."
" Quant à vous deux..." fit-elle en regardant Taliesin et Noéline. " Descendez sur la plage avec un petit groupe. Harold vous accompagnera, ainsi que Martin et Elerinna. Et voyez ce qu'il y a moyen de faire, pour l'heure. La plage ne servira à rien si nous ne fermons pas le port, mais autant avoir une idée des possibilités."
Elle les dévisagea tous.
" Allez-y. Nous n'avons pas de temps à perdre. Amenez moi la Chauntéenne. Et vous vous restez ici encore une minute." dit-elle au Mélandien.

[Taliesin]

L'elfe acquiesça puis gagna la porte.
-Bon, je vais rameuter mes troupes... glissa-t-il à Noéline. On se retrouve devant l'auberge !
Il avait à nouveau prit un ton optimiste. Celui, sans doute, qu'il devrait garder jusqu'à la conclusion de cette affaire. Le moral était une chose primordiale, dans les situation difficile. Remonter celui de ses compagnons serait probablement la tâche où il pourrait être le plus utile.
De retour dans la salle commune, il se mit en quête de Valaellyn et des trois garçons.

[Galathée]

Toutes les personnes amassées dans la salle de l'auberge avaient guetté le retour des conspirateurs, aussi Taliesin fut-il pris d'assaut par Valaellyn et les trois garçons dès qu'il pointa le nez hors de la pièce, comme tous ses compagnons stratèges.
" Que se passe-t-il ?" demanda Valaellyn, sans dissimuler son anxiété.
" Il parait qu'on est attaqués par des pirates ? Des vrais pirates ?" s'exclama Victor.
Jehan fendit l'air de son sabre imaginaire.
" En garde ! Pas de quartiers !" fit-il avec entrain.
Benoît, par contre, se contenta de cacher son visage dans les chausses de la prêtresse.

[Taliesin]

-Oui, nous sommes attaqués par de vrais pirates, et on va leur organiser une réception digne de ce nom, vous pouvez me croire.
Il sourit à la prêtresse.
-Sullyan a été élue chef, ne reste plus qu'à appliquer ses consignes. Elle voudrait te voir, d'abord pour que tu envoies des oiseaux demander des renforts, ensuite... pour discuter de l'effondrement du phare. De mon côté, j'embarque les garçons pour une virée à la plage.
Il se pencha vers Victor.
-Si d'aventure tu as amené dans tes bagages la... chemise particulière que je t'ai offerte, ta fronde, ta dague ou je ne sais quelle autre arme, file t'équiper, tu veux bien ?
Enfin, il posa une main sur l'épaule de Benoît, espérant permettre à Valaellyn de se libérer.

[Galathée]

Victor fila en courant vers les étages, accompagné par Jehan qui vociférait des cris de guerre endiablés. Benoît resta dans les jupes de Valaellyn et la prêtresse sourit courageusement au barde, tentant de voir au-delà de son attitude confiante. Elle posa une main sur l'épaule du petit garçon.
" Je vais garder Benoît avec moi. Tu auras déjà les mains pleines avec ces deux-là." fit-elle finalement.
Elle fit un pas en arrière.
" Bonne chance, alors."
Puis elle s'esquiva vers la salle où était restée Sullyan.
Quelques minutes plus tard, Victor et Jehan réapparaissaient. Le petit Desmoulins n'avait pas été complètement sot : il avait effectivement embarqué la chemise de mailles confectionnée par la forgeronne elfe. Armé comme un petit corsaire, il dénotait dans l'ambiance pour l'heure pacifique et morose de l'auberge.

[Taliesin]

Si l'elfe aurait aimé que le gamin dissimule l'armure sous sa chemise, s'il aurait aimé mettre la main sur la sienne - ainsi que sur ses armes -, il n'était pas temps d'attendre ou de tergiverser.
-On y va... dit-il.
Il marqua cependant une pause.
-Ah, et... Je compte sur vous pour obéir à mes ordres, n'est-ce pas ? En temps de guerre, l'indiscipline est cruellement châtiée. Et puisqu'il est question de pirates... Savez-vous ce qu'est un chat à neuf queues ?
Il leur sourit largement, puis se dirigea vers la porte, espérant que le reste du groupe attendait déjà au-dehors.

[Galathée]

Les deux gamins étaient surexcités et ils se glissèrent dehors en pouffant. Taliesin ne put cependant les rejoindre tout de suite : il fut arrêté par une des prostituées qui lui expliqua que Sullyan voulait le voir rapidement avant son départ.
Il fut donc réintroduit dans la petite pièce où l'ancienne Manostienne se trouvait désormais seule. Elle leva les yeux sur lui et le prit de vitesse.
" Je vous confie l'elfe. Il est désormais sous votre responsabilité. Si vous avez des doutes sur sa fiabilité, supprimez-le. Si vous n'avez pas envie de le faire, avertissez-en Guéric et il s'en chargera." déclara-t-elle de but en blanc.

[Taliesin]

Le barde hocha la tête. Il se serait bien passé d'une telle responsabilité, mais pour ceci comme pour le reste, l'heure n'était plus à la discussion.
-Où est-il ? Nous étions sur le point de partir... Ah, et... Puis-je éventuellement commencer des choses, sur la plage ? Préférez-vous que je vous fasse envoyer un rapport auparavant, afin que vous puissiez juger de mes propositions ?
Evidemment, si le phare ne s'écoulait pas, ou s'écroulait mal, tout ce qu'il pourrait faire ne servirait à rien. Pourtant, il rechignait à perdre la moindre seconde.

[Galathée]

" Je vous fais confiance... mais tenez-moi informée de vos initiatives. Dès que le phare sera en bonne voie de tomber, je viendrai voir où vous en êtes." dit-elle. " L'elfe devrait se trouver à l'entrée de l'auberge, Durgold allait l'y envoyer."
Elle se repencha sur la carte, lui signifiant par là qu'il était congédié.

[Taliesin]

L'elfe s'esquiva sans rien ajouter. La perspective de pouvoir agir, même sans savoir si ses préparatifs auraient une quelconque utilité, l'encourageait, l'aidait à afficher son allant un peu forcé.
Il traversa la salle commune en se frayant lestement un passage parmi la petite foule assemblée là. Enfin, il put entrouvrir la porte, se glisser à l'extérieur.

[Galathée]

Le groupe qui attendait à l'extérieur était composé de Victor et Jehan, Noéline et les deux jumeaux, Elerinna, le courtisan qui avait bavardé avec Valaellyn la veille et le messager maudit. L'esclave elfe se trouvait à proximité, immobile mais manifestement nerveux.
Lorsque Taliesin parut, le visage de Noéline s'éclaira.
" Allons-y." dit-elle.
Le messager prit la tête du petit groupe, Victor et Jehan caracolant autour de lui, et ils prirent la direction de la ferme.

[Taliesin]

Taliesin hésita. Il ne savait pas s'il fallait laisser l'elfe tranquille ou aller immédiatement lui parler. La deuxième option était d'autant plus risquée qu'il avait refusé de traduire ses propos, lorsqu'il était malade. L'elfe pouvait donc éprouver une certaine rancune à son égard...
Tant pis, mieux valait dors et déjà tenter d'aplanir les choses.
-Accepteriez-vous de me dire votre nom ? fit le barde, une fois aux côtés de l'esclave.

[Galathée]

L'elfe parut surpris qu'on lui adresse la parole et s'il éprouvait de la rancune envers Taliesin, il n'en montra rien. Il s'inclina et garda les yeux baissés.
" Mes maîtres m'appellent dix-sept, messire. Je n'ai pas d'autre nom." murmura-t-il poliment.
Le reste du petit groupe était déjà en mouvement.
" Dois-je vous suivre ?"