[Lieu] Mersant

[Taliesin]

-Vous savez, si je le pouvais, je viendrais travailler avec vous, ne serait-ce pour vous prouver que j'essaie de mettre moi-même en pratique ce que je vous conseille. Malheureusement, on a besoin de moi ailleurs...
Il soupira.
-Vous pouvez faire vos sac si vous voulez, oui. Prenez des habits chauds : près de la mer, il doit faire glacial. Vous emporterez de quoi boire et manger aussi, j'imagine. Quant aux outils et aux matériaux, Philibert est en train de faire l'inventaire. Bref : bouclez vos sacs si vous voulez, et si vous avez un trop plein d'énergie à dépenser, faites-le maintenant, vous serez plus concentrés ensuite.

[Galathée]

Les enfants obtempérèrent. Victor semblait grognon, mais l'enthousiasme un peu décalé de Jehan finit par le contaminer et Taliesin eut la sensation qu'ils se prenaient au jeu de la mission qui venait de leur être confiée. Construire un bateau. Voguer vers la liberté. Il devinait les bribes de leur conversation alors qu'ils s'affairaient à bourrer leurs sacs de menues affaires.
Victor revint cependant devant le barde et lui tendit le pipeau.
" Je pense qu'il vaut mieux que tu le gardes."

[Taliesin]

-Tu es sûr ? fit-il, hésitant. Bon, je comptais te l'emprunter ce soir, car je dois le tester en surface, mais en attendant... Tu pourrais en avoir besoin, si des pirates surgissent. D'accord, c'est peu probable...
Et si le Mélandien essayait de s'en emparer ?
C'était ridicule.
-Ecoute, je demanderai à Martin si la grotte lui paraît sûre, si elle est bien éloignée de l'endroit où sont mouillés leurs navires. S'il pense qu'il n'y a rien à craindre, je le garderai.

[Galathée]

Victor le dévisagea avec un sourire léger, un peu embarrassé... ou touché.
" Tu sais qu'il ne pourra pas répondre à cette question, n'est-ce pas ?" demanda-t-il à mi-voix. " Martin. Il n'en saura rien. Aucun de nous n'en sait rien. Tout est risqué, potentiellement. Il peut arriver n'importe quoi. On ne pourra pas prévoir. Il faudra décider."
Il sourit un peu plus.
" Je ne sais pas bien jouer. Et je pense que s'il devait se passer quelque chose, le stress me couperait encore plus mes moyens. On dit toujours que face au danger, on agit comme on en a l'habitude. Je ne pourrai rien en tirer."
Il hocha la tête.
" C'est mieux que tu le gardes."

[Taliesin]

-Soit... murmura-t-il en acceptant, à contrecoeur, l'instrument.
Puis il serra spontanément son épaule.
-Mais il ne se passera rien, de toute façon. On a des guetteurs qui surveillent les pirates. Les galeries sont tellement tarabiscotés qu'ils pourraient y errer des heures sans rien découvrir. Ils ne vous trouveront pas. Et si deux ou trois d'entre eux débarquent quand même...
Il sourit, amusé.
-Vous leur réglerez leur compte. Je crois même que tu pourrais leur réserver une sacrée surprise... Hum, et en parlant de surprise : pense, avant de partir, à mettre ton armure, d'accord ? Sous ta chemise.
Fluet comme était l'enfant, souple comme était la cotte de mail, elle ne le gênerait en rien alors qu'il se faufilerait dans les tunnels.

[Galathée]

" Je n'oublierai pas." dit Victor.
Puis en trois bonds, il retourna terminer son paquetage. Le Mélandien était en conversation avec Guéric, l'air concentré, mais il n'y avait pas eu d'éclats de voix de ce côté-là. Martin émergeait en maugréant et il se dirigea d'un pas incertain vers le bassin d'eau chaude. La tâche de Taliesin semblait terminée pour l'heure...

[Taliesin]

Taliesin demeura assis sur le lit de Jehan, songeant déjà à ce qu'il ferait lorsque les constructeurs de navires seraient partis. Il aurait aimé pouvoir les accompagner : non pas vraiment qu'il craigne des incidents ou une attaque de pirates, mais juste pour s'occuper. Car comment s'occuperait-il, sinon ? Il ne pourrait même pas dormir : sa nuit avait été longue, complète, profonde, et il se sentait en pleine forme, débordant d'une énergie qui le minait plus qu'autre chose, faute de pouvoir être canalisée.
Il aurait dû guider le trio de guetteurs. Crapahuter dans les tunnels lui aurait fait du bien. L'aurait aussi épuisé, peut-être, mais... Au moins, il aurait pu dormir en rentrant. Et la journée se serait vite écoulée, ainsi.

[Galathée]

Guéric ne le laissa cependant pas longtemps dans l'oisiveté et lui fit signe dès qu'il parvint à accrocher son regard.
" Bon. Tu vas aller avec eux pour transporter du matériel." fit-il. " Ça ne m'enchante guère, j'aurais préféré que tu sois vraiment frais pour ce soir, mais il n'y a pas mille possibilités. Je vais rester veiller sur les endormis et préparer la soirée. Goran ira avec vous. Ruyven et George ont besoin de repos, d'autant qu'ils relaieront probablement Bellyra et Fred."
Il soupira.
" Mais ne vous attardez pas une fois sur place, d'accord ?"

[Taliesin]

-Bien sûr, dit l'elfe, soulagé. Et ne t'inquiète pas : m'activer un peu me fera du bien. J'ai beaucoup dormi, je me sens parfaitement reposé, et pour tout dire, je trépigne... En rentrant, si je suis vraiment épuisé, je ferai une sieste. Mais je ne suis même pas certain que j'en aurai besoin. D'autant que ce soir... Je jouerai juste du pipeau, j'irai juste jeter un coup d'œil à la plage. Rien de très fatiguant.

[Galathée]

" Il faut toujours anticiper que les choses ne se déroulent pas exactement comme prévu." murmura le halfelin, songeur. " Mais très bien. Dégourdis-toi les jambes. Ça te permettra aussi de voir comment les gamins se comportent avec Philibert. Il m'a eu l'air compréhensif mais il est... comment dire... sanguin. On n'a pas dû lui refuser grand chose jusqu'ici et... il me fait un peu l'effet d'un nobliau dont on aurait tout juste brûlé le château. Il n'a jamais... été dans ce genre de situations, forcé à fréquenter des inconnus, à accorder sa confiance ou simplement un peu d'amabilité... à des étrangers. Et ça reste un Mélandien. On n'en fera pas un enfant de choeur en deux jours."
Il sourit.
" Pas d'imprudences, de toute façon."
Puis il laissa Taliesin à ses préparatifs. Martin semblait en passe de terminer les siens.

[Taliesin]

En matière de préparatifs, il n'avait pas grand chose à faire. Juste à tenir son manteau à portée de main.
Il était désolé pour le courtisan : à peine quelques heures de repos, et voilà qu'il devait déjà repartir dans les tunnels. Il fallait espérer que d'autres, bientôt, les connaitraient aussi bien que lui. Ou, au moins, auraient suffisamment repéré les principaux itinéraires pour les suivre sans lui. C'était donc plutôt une bonne chose qu'il accompagne le petit groupe vers la grotte marine : il serait à même de la retrouver plus tard, en cas de besoin.

[Galathée]

Ils se mirent en route peu après, sur la piste que Taliesin avait empruntée la veille. Il dut cependant déchanter assez rapidement : avoir fait le trajet une fois ne lui permettait pas vraiment d'anticiper les directions à emprunter. Rien ne ressemblait davantage à un rocher qu'un autre, à un conduit qu'un autre, à une stalactite qu'une autre. Ils progressèrent en silence, Martin devant, suivi par Taliesin puis les enfants, puis Goran et Philibert, pour économiser leur souffle et ne pas faire de bruit. Le Mélandien les avait chargés d'outils et de bois, mais il était manifeste qu'il faudrait faire plusieurs aller-retour avant d'avoir tout à disposition. Martin avait regardé les planches avec une grimace : tout ne passerait pas jusqu'au bout, il faudrait scier quitte à reclouer plus tard. Ils avançaient donc tels des baudets dans le noir, au rythme de leurs pas. Plusieurs fois, Victor et Jehan échangèrent des plaisanteries, mais la difficulté du terrain les ramena rapidement dans le rang. Il faisait toujours aussi sombre et humide, terriblement froid, et un sentiment général d'oppression régnait dans le ventre de la terre. De la lave bienveillante qui réchauffait leur repaire, nulle trace. Les ruisselets qu'ils croisaient étaient glacés, la pierre gelée sous les doigts, glissante, souvent ronde, parfois coupante ou grumeleuse, et les ténèbres étaient à peine levées par le halo de leurs lampes. Une nuit éternelle. Pas un animal, ni chauve-souris, ni rats, ni araignées grouillantes. Des sons hantés, parfois, répercutés sur les parois, venus de nulle part. La vastitude d'une salle. L'étroitesse d'un boyau. Ce qu'ils transportaient pesait et se révéla souvent encombrant. Mais ils progressèrent tant bien que mal, inlassablement.

[Taliesin]

Malgré la difficulté de la tâche - sans parler de celle de leur progression - Taliesin s'efforçait de graver l'itinéraire dans sa mémoire. Il essayait, constamment, de garder une idée de la direction qu'ils suivaient. Il tentait, grâce à la carte qu'il avait emportée, de repérer sur le parchemin les embranchements qui s'offraient à eux, les tunnels qu'ils suivaient. Et, surtout, il se mettait en quête de points de repère, de stalactites, de stalagmites, de rochers, de parois aux formes particulières, évocatrices, auxquelles, parfois, il donnait un nom.
Un voyage ne suffirait pas pour mener à bien ce dur labeur. Mais heureusement, il y aurait le retour... Et d'autres trajets, sans doute. Il ne serait probablement pas non plus le seul à essayer de mémoriser ce parcours : certains de ceux qui transporteraient le matériel nécessaire à la construction de l'embarcation en feraient probablement autant. Ainsi, ils seraient quelques uns à pouvoir se guider, guider les autres vers la grotte marine.
C'était impératif.

[Galathée]

La tâche était extrême car le chemin semblait interminable. Ils tournèrent, tournèrent encore dans des conduits exigus, grimpèrent le long de paroi abruptes et redescendirent dans des couloirs mouillés où une aspérité traître saillait de temps en temps, prête à déchirer un bas de chausse ou une manche. Cela arriva d'ailleurs à Goran qui lâcha un juron formidable en queue de peloton. Une lampe se perdit lors d'une ascension, allant se briser beaucoup plus bas. A mi-chemin, Martin improvisa une pause et ils mangèrent des biscuits secs encaqués dans une petite caverne étroite mais dépourvue, pour une fois, de stalagmites revanchardes.
Ils repartirent. Les enfants avaient perdu leur enthousiasme et, si c'était encore possible, l'atmosphère semblait s'être refroidie.
" Il y a quelque chose de surnaturel, dans ces grottes..." murmura le Mélandien, soudain. " Comme une présence..."
" Allons, c'est ton imagination." répartit Goran, toujours dans ses traces.
" Quelque chose, je vous dis..."
Sa nervosité commença à contaminer les gamins et Taliesin sentit que Victor et Jehan se pressaient désormais dans ses pas.

[Taliesin]

Il devait tenter de remonter le moral des troupes. Il se souvenait l'état du Mélandien lorsqu'ils l'avaient découvert, perdu dans une caverne, après leur retraite. Il ne fallait pas qu'il se laisse gagner à nouveau par ces sentiments, et qu'il entraîne les autres avec lui.
-Je comprends ce que tu veux dire... fit-il doucement. Mais je ne crois pas qu'il y ait une présence, ou quoi que ce soit de surnaturel. Simplement, certains lieux... ont une atmosphère si particulière qu'ils stimulent l'imagination, s'imposent à nos sens. Surtout quand ce sont des endroits où on n'a pas l'habitude d'évoluer. Nous ressentirions la même chose dans une forêt profonde, dans l'une de ces steppes désolées du grand nord... Et puis, s'il y avait quelque chose ici, cela serait un fait connu. Des enfants jouaient autrefois dans les grottes : il ne leur est jamais rien arrivé.

[Galathée]

" Se sont-ils jamais aventuré aussi loin... Sans doute pas..." reprit cependant le Mélandien.
" Ça suffit." grogna Martin. " Economisez votre salive, vous en aurez besoin."
Cela mit fin à toute contestation. La nervosité demeurait cependant. Ils se retrouvèrent devant un nouveau conduit, duquel dégringolait un fin filet d'eau.
" Bon, c'est très glissant... On devrait probablement faire ça encordés." dit Martin.
" Il n'y a pas d'autre chemin ?"
" Non, malheureusement."

[Taliesin]

Taliesin examina le boyau.
-Hum, le mieux serait qu'une personne monte en premier, puis attache la corde en haut. Ainsi, nous pourrions hisser le matériel... Puis grimper à notre tour, débarrassés de tout ce fatras.
Quant à savoir qui serait le grimpeur ouvrant la marche...

[Galathée]

" Ok, je monte." fit Martin. " Ça ne devrait pas prendre trop longtemps..."
Il sourit, déposa son paquetage sur le sol et prit la corde. Victor et Jehan se laissèrent tomber sur leurs sacs avec des soupirs démesurés.
" Vous devriez prendre exemple sur la jeunesse." dit le courtisan avant d'entamer son ascension. " Je lâcherai un premier morceau de corde à mi-hauteur parce qu'il y a un coude... ne tirez pas dessus, il ne sera pas encore arrimé."
Puis, leur adressant un signe de la main, il s'engagea dans le boyau, la lanterne éteinte fixée au bout de son paquetage : pas besoin de lumière pour se guider.

[Taliesin]

Taliesin s'assit à son tour : le voyage avait été plus fatiguant qu'il ne l'aurait cru. Mais, le concernant, ce n'était pas un mal : il dormirait au retour, comme prévu. En revanche, il s'interrogeait sur la pertinence, pour les enfants, Philibert et Elerinna, de suivre chaque jour cet itinéraire. Bien sûr, au bout d'un moment, il n'y aurait plus de matériel a emporter, mais ils n'en arriveraient pas moins épuisés sur place, ce qui réduirait d'autant leur efficacité. Et il leur faudrait rentrer le soir venu, de surcroît...
Dans l'idéal, il aurait fallu installer un camp dans la grotte marine., y demeurer tant que l'embarcation ne serait pas terminée. Malheureusement, ils ne pouvaient se le permettre : se séparer multipliait les risques d'être surpris, repérés, capturés. Et en cas d'attaque, les petits groupes nés de leur scission ne pourraient opposer quasiment aucune résistance.
Il faudrait donc s'accommoder des trajets, quoi qu'il en coûte.

[Galathée]

Comme Martin l'avait annoncé, la corde reparut peu après, sans doute avait-il atteint son premier coude. Elle fut cependant animée de tressautements, signe qu'il continuait à gravir le boyau. Le Mélandien semblait toujours nerveux et se retournait parfois brusquement pour lorgner les ténèbres autour d'eux. Le couloir continuait vers la gauche, vers l'endroit où devaient se trouver les trois guetteurs, encore bien éloignés d'eux. La corde s'immobilisa et remonta que quelques pouces.
" C'est bon, envoyez !" lança une voix distante.
Il fallut quelques essais avant de trouver le poids adapté à la force de traction de Martin et plusieurs transports avant que tout soit hissé plus haut. Certains objets se coincèrent sur le tracé, mais le courtisan redescendait alors sur le parcours pour aller débloquer l'équipement récalcitrant.
Quand le dernier tas de planches eut disparu, ce fut au tour des cinq arpenteurs des ténèbres de se mettre en mouvement.

[Taliesin]

L'elfe ne perdit pas de temps. Il proposa que les deux garçons passent en premier : ils grimperaient autant que Martin les hisserait. Ils auraient sans doute pu - et certainement voulu - escalader sans assistance, mais il refusait de prendre le moindre risque. Il monterait après eux, et aiderait le courtisan à assurer Philibert : le malheureux devait être épuisé après avoir monté leur équipement...
Il attacha donc solidement l'extrémité de la corde à la ceinture de Victor. Martin ferait en sorte qu'il n'y ait pas de mou : le petit garçon ne risquerait donc rien au cas où il glisserait...

[Galathée]

Victor passa le premier et perdit son appui à l'une ou l'autre occasion, ce qui se manifesta par des jurons bien sentis et une fois, une seule, un cri de douleur. Jehan avait l'air semi-motivé quand vint son tour, mais il se laissa harnacher bien gentiment avant de s'élancer dans l'escalade. L'eau glacée le fit grimacer, il lança un sourire bravache aux adultes, et disparut. Tout sembla se passer convenablement pendant les premières minutes puis il y eut un cri de surprise, qui vira à l'angoisse, des paroles tendues s'échangèrent, un gémissement suivit, puis la voix de Martin leur parvint.
" On gère, pas de panique." lança-t-il.
Silence. La corde fit sa réapparition quelques minutes plus tard.

[Taliesin]

-J'y vais... souffla-t-il à Philibert. Je ferai aussi vite que possible, et je t'enverrai la corde.
Il était inquiet : il se demandait ce qui s'était produit, ce qui avait cloché dans l'ascension de Jehan. Il devait savoir.
Le pire, c'était ce silence... Se pouvait-il que...
Il s'immobilisa.
-Martin ? Les garçons ? Tout va bien ? Je peux monter ? lança-t-il.
Et de tendre l'oreille pour percevoir les voix. Leur intonation. En espérant que les battements accélérés de son cœur ne se feraient pas trop assourdissants...

[Galathée]

" Tout va bien !" répondit la voix distante de Martin, après un bref silence. " Ne t'émeus pas du sang au premier pallier... C'est une blague ! On t'attend. Juste... tiens bien la corde !"
Difficile d'en savoir plus pour l'instant.

[Taliesin]

Du sang sur le premier palier ?
Une blague ?
Il sentit sa gorge s'assécher.
Il déglutit péniblement, puis lança, d'un ton à la joie forcée mais, le croyait-il, convaincante.
-C'est pas vraiment l'endroit pour faire des farces, Martin. Tu ne changeras donc jamais... Mais soit, j'arrive ! Laissez-moi juste le temps de m'attacher...
Sans perdre un instant, il saisit Goran par l'épaule, le fit reculer de quelques pas, souffla à son oreille tout en faisant signe au Mélandien de s'approcher :
-Je me trompe peut-être, mais je crois que nous ne sommes pas seuls... Que Martin et les enfants ont été pris.
Il lui fourra la carte dans la main.
-Je vais quand même monter : ils savent que je suis en bas. En revanche, ils ignorent votre présence, à toi et Philibert. Alors, si tu penses que ça tourne mal, si je dois être pris à mon tour... Retournez au camp et prévienez les autres. Il faudra changer de cachette... Tu devrais pouvoir retrouver l'itinéraire...
A la lueur de la lampe, il lui l'indiqua sur le parchemin.
-Prends ton temps, repère toi bien : eux ne connaissent pas les tunnels, ils ne pourront pas vous rattraper. Vous serez notre seule chance de... de tenir les autres au courant. Et s'il s'avère qu'ils vont vous capturer... Détruisez la carte.
Il soupira.
-Je suis désolé d'être si péremptoire, si... directif. Je n'ai pas d'ordres à vous donner, évidemment, je le sais bien... Mais il faut agir vite, on n'a pas le choix, je crois...

[Galathée]

Les deux hommes regardèrent Taliesin, éberlués.
" Tu es certain que tu ne t'emballes pas un peu vite ?" lui demanda Goran.
" J'étais sûr que quelque chose allait mal tourner, j'en étais sûr ! Je le sentais !" glapit le Mélandien terrorisé.
Il n'osa cependant pas détaler seul car il ne leur restait plus qu'une lanterne.
" Ne devrions-nous pas plutôt essayer de les faire descendre ?"

[Taliesin]

L'elfe jeta un regard noir à Philibert, mais s'abstint de le tancer. Son exclamation était des plus malvenues : si les pirates l'avaient entendue...
Mais il y avait peu de chance, se raisonna-t-il.
-Je m'emballe peut-être, oui. Je préfère pourtant parer à toute éventualité, quitte à paraître ridicule quand nous saurons ce qu'il en est. Mais les cris... Et cette histoire de blague, de sang...
Il secoua la tête.
-Sous quel motif leur demanderais-je de descendre ? Si l'un des gosses est blessé, ils ne le pourront pas, de toute façon. S'il y a des pirates, ils refuseront. Je dois monter.
Il prit une profonde inspiration.
-Et vous partir si mon absence s'éternise. Ou si je vous enjoins joyeusement de monter. Si tout va bien, je redescendrai simplement vous prévenir. Si tout ne va pas bien... j'essaierai d'intervenir, de faire mon possible : j'y vois dans le noir, je peux lancer des sorts, j'ai le pipeau... Et même si je suis capturé, tant pis. Vous, ils ne doivent pas vous avoir.

[Galathée]

Goran semblait toujours incrédule, mais Philibert acquiesça avec précipitation.
" C'est stupide. Je ferais mieux de monter moi, dans ce cas." dit le Mersantais.
" Laisse-le y aller. Il a plus de chances de s'en tirer que nous. Il a raison. Il voit dans le noir, il peut lancer des sorts..." l'interrompit le Mélandien.
" Très bien." fit Goran. " Mais nous attendrons."
Philibert acquiesça.
" Il y a un problème ? " lança Martin, depuis le sommet du conduit.

[Taliesin]

-Oui, mes doigts gelés qui peinent à nouer la corde. Mais c'est terminé ! répondit-il.
Il jeta un dernier regard à ses deux compagnons.
-Si c'est une fausse alerte, je vous présenterai toutes mes excuses. Mais, encore une fois, je préfère jouer les paranoïaques : cela évite souvent des catastrophe, et dans notre situation, nous n'en avons pas besoin, de catastrophes. Dans tous les cas, ne montez pas si je ne viens pas vous chercher. Et ne vous attardez pas si cela dégénère : les autres doivent être prévenus.
Sans plus tarder, il glissa le pipeau dans une poche immédiatement accessible de son manteau. Puis, saisissant la corde - en évitant soigneusement de l'attacher à sa ceinture - il se lança dans l'ascension. Il se pensait assez agile pour la mener à bien sans aide : mais si un piège était tendu, il fallait que les autres croient qu'il s'y jetait tête baissée.
Il scruterait les ténèbres. Garderait l'oreille tendue. Se tiendrait prêt à dégringoler, s'il découvrait un ennemi. Ou a incanter, jouer du pipeau, selon les cas : il trouverait bien un moyen de se caler dans le boyau le temps de parvenir à ses fins...

[Galathée]

L'escalade se déroula sans difficultés majeures, bien que la corde ne soit pas un luxe : le conduit était terriblement glissant, les prises acceptables rares, et l'elfe, malgré son adresse, dérapa plus d'une fois dans son ascension. Le flot d'eau glacée était particulièrement désagréable et il fut forcé de s'en tremper largement à plus d'une occasion. Il parvint au premier palier, où Martin avait noué la première extrémité de la corde, puis se trouva face à un boyau presque vertical et dut se hisser en se bloquant pratiquement en travers du passage. Si le courtisan avait réussi à grimper là haut sans aide, c'est qu'il était diablement leste.
Il parvint enfin dans un angle où il put apercevoir ce qui l'attendait à la sortie. Rien de bien inquiétant. Victor et Jehan étaient assis sur des rochers, manifestement fatigués. Ils étaient emmitouflés dans des couvertures épaisses et le petit Desmoulins se frottait le crâne avec une grimace. Martin l'attendait dans l'embrasure, la lanterne allumée près de lui.
" Ça va, tu t'en tires ? Tu y es presque."