[Lieu] Mersant

[Taliesin]

-Il faudra en parler à Guéric, dit Taliesin en se relevant. Je n'aime pas l'idée que nous restions séparés longtemps en petits groupes... On verra si, une fois tout l'équipement transporté, nous n'avons pas la possibilité de travailler tous ensemble. Dans le cas contraire... Nous aviserons.
Il reprit son sac, le chargea sur son épaule.
-Bon courage, en tout cas ! Et à cette nuit !
Il songea à faire d'ultimes recommandations aux enfants, mais renonça : il leur avait déjà clairement exposé la situation, et, au vu de leur comportement, il avait tout lieu de croire qu'ils avaient bien compris et feraient de leur mieux.
Avec Elerinna dans les parages, de surcroît, il ne voyait aucune raison de s'inquiéter. Elle saurait parer aux incidents, s'il devait y en avoir.

[Galathée]

Victor vint cependant étreindre brièvement Taliesin avant que celui-ci ne puisse filer en douce. Le petit garçon ne dit cependant rien, se contentant d'un sourire un peu embarrassé, puis fila retrouver son compère Jehan, qui le regardait avec une grimace mi-incrédule mi-hilare.

Le chemin du retour se déroula sans réel problème. Il leur fallut progresser lentement, sur des terrains difficiles, mais Martin avait ralenti l'allure sans le dire, probablement pour ménager Goran, et ils prirent davantage de précautions lorsqu'ils eurent à négocier des passages dangereux. Ils parvinrent ainsi à la grotte, encore un peu plus fatigués, mais sans blessures supplémentaires. Ils y furent accueillis par Guéric qui les convia à une petite réunion improvisée, malgré les grands cris de Martin qui voulait dormir. Les revenants firent un rapide résumé de ce qui s'était produit et Goran obtint le droit d'aller se reposer, au grand dam du courtisan qui le regarda s'éloigner avec une expression envieuse. Mais le halfelin fut bref et leur exposa le programme des heures à venir : repos jusqu'à la nuit. Ensuite, Taliesin et lui-même iraient à la surface. Ruyven et George iraient relever Bellyra et Fred, et Martin irait chercher le groupe qui travaillait dans la grotte marine. Goran devait se retaper, s'il allait mieux, il servirait de garde-malade à Griselda. Il leur restait environ cinq heures avant qu'ils ne doivent se remettre en mouvement.

[Taliesin]

L'elfe acquiesça silencieusement puis, sans perdre de temps - sinon pour de brèves ablutions au bassin d'eau chaude -, il gagna son lit et se pelotonna, bienheureux, sous ses couvertures. Leur expédition, et surtout les émotions qui l'avaient émaillée, avaient prélevé leur écot ; la fatigue, longtemps repoussée, ignorée, revint ainsi au grand galop et ne tarda guère à l'emporter.
Pourtant, il émergea sans qu'il fût besoin de le réveiller : sans doute la perspective de la sortie prochaine avait-elle jouée, inconsciemment. A la lueur faiblissante émanant des parois, Taliesin put se faire une idée de l'heure tardive et, après quelques bâillements, quelques étirements, il alla s'enquérir du souper. Il aurait été dommage de repartir le ventre vide.

[Galathée]

En l'absence d'Elerinna, personne ne s'était improvisé cuistot, et lorsque Taliesin s'approcha des victuailles, il fut rejoint par George.
" Qu'est-ce qu'on va bien pouvoir bricoler avec tout ça ?" fit le jeune homme, dubitatif. " Il parait que tu cuisines bien, c'est Victor qui le dit... Moi, je peux exécuter des ordres... Couper des légumes, tout ça. Mais au-delà de ça, il ne faut pas m'en demander trop. Elerinna a dit qu'il y avait des bocaux, cela dit... avec des trucs en sauce... ou alors au vinaigre... Je sais pas trop. Je te laisse regarder peut-être ?"

[Taliesin]

Taliesin lui adressa un sourire amical... et reconnaissant. S'il avait dû tout préparer tout seul, il y en aurait eu pour un moment...
-C'est vraiment gentil de te proposer, George, et j'accepte volontiers ton coup de main. Je vais explorer nos réserves, puis on se mettra à l'œuvre...
Il opta rapidement pour les légumes : mieux valait réserver les bocaux, facilement transportables, susceptibles de se conserver longtemps, et utiliser tout de suite ce qui risquait de se gâter. L'elfe et l'adolescent furent bientôt occupés à éplucher et découper, le premier, ce faisant, imaginant un accommodement simple mais roboratif, propre à sustenter ceux qui avaient trimé de longues heures durant.
Une demi heure plus tard, la marmite était sur le feu.

[Galathée]

Les autres émergèrent petit à petit, à l'exception de Goran, qui semblait parti pour la nuit. Guéric mit la table en bâillant ostensiblement, puis ils s'installèrent tous les cinq devant la pitance qu'avait préparée Taliesin. C'était délicieux et des soupirs appréciatifs bourgeonnèrent sur les lèvres des uns et des autres.
" Bon, on va partir rapidement." dit Martin en sauçant son assiette." Je n'irai pas jusqu'au bout avec vous, mais vous retrouverez, n'est-ce pas ?"
" On pourrait y aller tout de suite seuls, tu sais." fit Ruyven.
" Je sais, mais je dois de toute façon aller chercher le groupe de la grotte." dit Martin. " Vous devrez attendre que je sois loin pour vous bécoter."
" Quoi ?!" fit George. " Haaaa... Mais non !"
" Martin, tu m'as cassé mon coup !" s'offusqua Ruyven.
Martin sourit, ravi.
" Je suis vraiment obligé d'y aller avec lui ?"
" Vous êtes infernaux." grommela Guéric.

[Taliesin]

Taliesin leva les yeux au ciel - pour la forme - puis sourit.
-De toute façon, vous devrez être silencieux et concentrés, ne jamais cesser de surveiller et d'écouter les pirates. Donc, je suis désolé, George, Ruyven, mais... point de joyeux amusements pendant votre guet.
Il semblait que Guéric et lui devraient faire seuls le trajet jusqu'à la surface. Mais il n'était pas aussi compliqué que cela, et ils avaient les cartes.

[Galathée]

" C'est pour ça que Ruyven comptait en profiter sur le chemin... D'autant qu'il voit dans le noir et qu'une lanterne est si vite éteinte..." fit Martin.
" Non mais c'est bon !" s'exclama Ruyven, outré.
" Grouille-toi, ma chatte, George et moi sommes sur le départ." répliqua son collègue en se levant.
Le jumeau luménien l'imita, l'air franchement peu rassuré, et ils allèrent passer bottes et manteaux en prévision de leur balade nocturne. Ruyven termina peu après, laissant Guéric et Taliesin en tête à tête.
" Il faut convenir de ce que nous ferons une fois dehors." fit le halfelin, dont l'humeur s'était sensiblement assombrie, sans doute gagnée par les nuages qu'ils ne tarderaient pas à apercevoir au dehors.

[Taliesin]

Taliesin ne se départit pas de son sourire : faire semblant d'avoir le moral, de ne pas s'inquiéter de ce qui les attendait, c'était une forme de défense comme une autre.
-Je me disais qu'une fois arrivés juste devant le passage menant à l'extérieur... Je pourrais t'attendre tandis qu'en te cachant dans les ombres, tu irais t'assurer que tout est tranquille aux environs, qu'il n'y a pas de guetteurs ennemis. Je pourrais sortir ensuite, tester le pipeau avec toi... puis aller examiner la plage avant de revenir me cacher dans les grottes, pendant que tu irais au village. Je rechigne à t'y laisser aller seul, mais vu le peu de temps que dure mon invisibilité...

[Galathée]

" Ça me semble un bon plan. Encore quelques bouchées de ta préparation, et nous nous mettrons en route." dit le halfelin, sans épiloguer sur les craintes de l'elfe.
Il termina rapidement puis se prépara, enfilant une courte veste et vérifiant qu'il avait ses armes à disposition. Les trois autres étaient sur le point de partir et ils les saluèrent avant de quitter la grotte.
" Il faudra aussi convenir d'un moment où tu te replies, même si je ne suis pas revenu." dit Guéric, sur le ton de la conversation.

[Taliesin]

Il dut réprimer une grimace. Mais Guéric avait raison. Et lui même n'avait-il pas exactement demandé la même chose à Goran et Philibert ?
-Que dirais-tu si j'attendais... Une heure ? Cela te laisserait largement, très largement le temps d'aller jeter un coup d'œil au village puis de revenir. Si passé une bonne heure, tu n'es pas là... Je rentre, je préviens les autres, et on déménage ailleurs, au cas où.
Il n'aimait pas ce qu'il disait, détestait la froideur de son raisonnement. Il devait pourtant se montrer pragmatique... et c'est ce qu'il essayait de faire, quoi que cela lui coûte.

[Galathée]

" Ça me semble raisonnable. Mais ne crains rien pour la grotte. On ne me prendra pas vivant. Et même si on me prend vivant... On n'apprend pas à un assassin à tirer sa révérence."
Il eut un sourire mauvais, puis s'engagea à son tour dans les conduits obscurs de Mersant. Il faisait extrêmement sombre dans les tunnels, leur vision, bien que largement supérieure à celle des humains, était sollicitée à l'extrême, et ils devaient demeurer concentrés, guetter le moindre éclat de lumière, la plus petite ombre, pour se guider. Le toucher était en réalité le sens le plus utile dans ce dédale et Guéric semblait avoir mémorisé le parcours car il ne s'arrêtait que rarement.
Leur cheminement sembla interminable, mais Taliesin finit par reconnaître les derniers tournants, une crevasse, un couloir, et ils parvinrent dans la petite grotte qui se trouvait juste au bout du premier conduit. Une lumière argentée leur parvenait de biais. Quelques mètres les séparaient de la surface.

[Taliesin]

Le barde s'immobilisa. Prit une profonde inspiration, chercha ses mots puis secoua la tête.
-Bonne chance, dit-il simplement. Et à tout de suite : il me tarde de voir ce que nous offriront les "Demoiselles"...
Il n'avait pas réellement d'inquiétude pour cette première partie de leur expédition : il était peu probable que des pirates se trouvent juste là, à guetter la sortie du boyau qui, de l'extérieur, ressemblait à un simple terrier...
Pourtant, aussi infime fût-il, le risque existait toujours.
Dans tous les cas, ils seraient bientôt fixés.

[Galathée]

Guéric fila à l'extérieur sans plus un mot. Son absence sembla durer une éternité que Taliesin passa dans les ténèbres et le silence. Puis il y eut un frottement à peine perceptible, et le halfelin fut à nouveau là.
" La voie est libre." fit-il. " Mais je pense qu'il y a des guetteurs qui surveillent la mer. Il va falloir que tu sois prudent... Pour le pipeau... Je ne suis pas certain que ce soit prudent. Ils pourraient l'entendre... Peut-être serait-il préférable que nous repérions d'abord l'endroit où ils se trouvent, puis d'aviser..."

[Taliesin]

-Tu as raison.
Il se mordit la lèvre inférieur.
-Mais dans ce cas... Je ferai deux sorties. Et, au milieu, je reviendrai ici avant que mon invisibilité ne se dissipe... et je lancerai un nouveau sort. A moins, évidemment, que nous ne soyons certains qu'il n'y a absolument personne dans les parages. Auquel cas, je pourrai incanter dehors et tester l'instrument. En jouant tout doucement.

[Galathée]

Le halfelin acquiesça, silencieux, puis poussa un bref soupir.
" Bon. Allons-y dans ce cas. Incante."
Il retourna vers la sortie.
" Je te préviens quand même que... l'odeur et la vue ne sont pas particulièrement agréables." dit-il soudain. " Mais rien de spectaculaire pour quelqu'un qui a connu Mélandis et la dictature morféenne..."

[Taliesin]

Il hocha la tête. Il ne voyait que répondre. Et, de fait, les seuls mots qu'il prononça furent ceux nécessaires à son incantation. Une fois invisible, sans vraiment songer à ce qui l'attendait - se préparer était chose impossible, n'aurait servi qu'à mener à son esprit des images douloureuses, des souvenirs pénibles -, il s'engagea à la suite de Guéric dans l'étroit conduit.

[Galathée]

Ils furent au dehors en quelques secondes à peine. Le ciel était chargé mais il ne pleuvait pas et la voûte étoilée apparaissait par moments au travers des nuages. Le vent soufflait fort, courbant les herbes hautes et les petits arbres. La lande était métamorphosée : la végétation avait poussé de manière tout à fait surnaturelle pendant leur absence. Les graminées arrivaient à la poitrine de Taliesin et Guéric avait dû se jucher sur un rocher pour y voir quelque chose. Le phénomène semblait englober une large portion de l'île, mais s'arrêtait abruptement à proximité des bâtiments.
La brise froide ne parvenait pourtant pas à chasser l'odeur âcre des brasiers. Taliesin reconnut les effluves répugnantes de la chair qui se consume. Le feu se trouvait loin vers la droite, près d'une des annexes de la ferme. Entre le village et l'endroit où ils se trouvaient, on avait dressé des potences. Trois corps y étaient pendus, balancés, eux aussi, par le vent. Impossible à cette distance de les identifier. A mieux y regarder, la structure de bois semblait hérissée d'étranges excroissances aux formes diverses. L'une d'elles s'envola. C'étaient des oiseaux.
Deux lueurs plus réduites brillaient sur leur gauche, dans les rochers qui surplombaient la plage. Sans doute les guetteurs dont avait parlé Guéric.

[Taliesin]

Refusant de s'attarder sur l'identité des suppliciés, se rassurant en songeant que les corps consumés ne pouvaient être, majoritairement, que ceux des assaillants qu'ils avaient terrassés en nombre, Taliesin scruta les alentours avec concentration pour déceler d'éventuels ennemis embusqués. Comme l'avait dit Guéric, toutefois, il n'y en avait pas dans les parages immédiats. Alors, pour profiter au mieux du court temps d'invisibilité qui lui était imparti, il se dirigea vers la plage, surveillant autant les feu que le sol à ses pieds : la luxuriance de la végétation, pour surprenante qu'elle fût, s'avérait surtout gênante. Car bien des pièges pouvaient se dissimuler parmi les herbes hautes : brindilles épaisses, branches mortes, et toutes autres sortes de choses susceptibles, par de secs craquements, de trahir leur présence auprès des oreilles attentives.

[Galathée]

Mais le vent couvrait d'éventuels craquements et il put progresser vers la plage sans difficultés. Il ne semblait pas y avoir d'autres torches que les deux qu'ils avaient aperçues depuis leur sortie. Les premiers guetteurs, ils étaient trois, tournés vers le large, se trouvaient en contrehaut de la plage, côté sud, là où de nombreus pirates avaient tenté l'escalade. Le second groupe était du côté nord, en haut de la falaise. Leur souci était manifestement ce qui pouvait arriver de la mer, pas ce qui était susceptible de survenir de la lande. Mais ils étaient concentrés.

[Taliesin]

Une tentation imprévue et pourtant logique s'imposa à lui : celle d'en découdre. De fondre sur ces guetteurs et de les éliminer. S'ils s'y prenaient bien, si Guéric se chargeait d'un groupe et lui d'un autre, ils pourraient probablement occir sans mal ces six hommes.
Six. Une goutte d'eau dans l'armée du Squale.
Il serra les dents, tourna ailleurs ses pensées. Faire une telle chose aurait été ridicule, aurait entrainé, à plus où moins long terme, leur perte à tous. Il n'était pas sorti pour tuer, mais pour observer. Et il devait s'y tenir.
Alors, à son tour, il contempla le large, pour voir si la flotte ennemie y mouillait toujours, si elle s'était séparée, repliée ailleurs...

[Galathée]

Il ne restait aucun navire de ce côté de l'île : pas l'ombre d'un mât ou d'une barque. La mer était noire, déserte, et haute, à cette heure. Impossible de savoir, en revanche, si les bateaux mouillaient tous au port, si certains étaient repartis ou s'ils effectuaient une ronde silencieuse autour de l'îlot.
Taliesin entendit un léger frottement sur sa gauche.
" Peut-être qu'en utilisant le sens du vent, on pourrait quand même jouer du pipeau sans risquer d'être entendus..." murmura Guéric, sans reparaître pour autant.

[Taliesin]

-Ce n'est pas impossible... souffla-t-il. Je peux jouer tout doucement... Il faudrait trouver un lieu relativement abrité, néanmoins : je crains un peu l'éclair de lumière qui précède toujours les dons dont il nous gratifie...
Il hésita.
-Je rentre me mettre à l'abri. Peux-tu chercher le lieu adéquat et revenir me trouver ensuite ? J'ai peut-être encore pas mal de temps devant moi, mais je préfère être plus prudent que pas assez.

[Galathée]

" Pas de soucis." fit Guéric.
A nouveau, Taliesin perçut le son furtif de pas dans la broussaille, les herbes s'écartèrent sur sa droite, et il se retrouva seul.
Il put regagner la grotte sans encombres et y demeura de longues minutes. Son invisibilité se dissipa avant le retour du halfelin. A nouveau, dans la solitude et les ténèbres, le temps sembla s'étaler, comme si quelques instants devenaient des jours entiers. Puis Guéric surgit.
" Bon, j'ai trouvé un endroit qui me semble acceptable... Mais il n'y a pas d'arbres, sur ce fichu caillou... On va descendre au sud et profiter de l'ombre que fait une des étables... J'espère que cet éclair va se faire discret..."
Ensuite il invita l'elfe à le suivre.
Une fois invisible, et dehors, Taliesin n'eut aucun mal à rester dans les pas de Guéric qui resta hors de l'ombre. Vu les hauteurs des plantes autour d'eux, il était de toute façon impossible de le voir. Il le conduisit jusqu'à l'extrémité de la lande herbue puis se glissa dans l'ombre comme ils gagnaient une zone où l'herbe n'avait pas poussé. Ils parvinrent rapidement derrière l'étable qui offrait, effectivement, un couvert acceptable. La direction du vent emporterait les notes vers la mer...

[Taliesin]

Taliesin ravala ses craintes. Ce test, ils devraient le faire tôt ou tard, et il n'y aurait sans doute pas de meilleur moment, alors que le vent était favorable, que les pirates semblaient ne pas soupçonner la présence de survivants.
De plus, les minutes étaient comptées : il ne pouvait se permettre de tergiverser. Il agit donc rapidement, se plaqua contre le mur de la grange, empoigna le pipeau, joua l'air le plus doucement possible.
Et advienne que pourra.

[Galathée]

La mélodie s'égrena, note à note, dans la nuit froide, emportée vers le large. Se termina. Et il ne se passa rien. Il n'y eut pas d'éclat de lumière. Pas de miracle. Juste le silence de la nuit, le roulement des vagues, le vent chargé de son odeur immonde, toujours.
Guéric relâcha sa respiration.
" Il y a manifestement quelque chose qui nous échappe." murmura-t-il.

[Taliesin]

Taliesin soupira.
-Oui... Soit il ne marche pas pour nous éviter de nous faire surprendre, soit il n'a effectivement que des pouvoirs réconfortants et défensifs, soit il s'est produit quelque chose que nous ne pouvons encore voir. Mais, à cela, je ne crois guère.
Il rangea l'instrument.
-Il manque vraiment le mode d'emploi... Quoi qu'il en soit, ne nous attardons pas là-dessus : il faut que je regagne les grottes...
Il avait le douloureux sentiment d'abandonner Guéric, sentiment encore aggravé par l'échec retentissant auxquels ils venaient d'assister. Malheureusement, il n'avait pas le choix.

[Galathée]

" Je ferai vite. Je ne suis pas certain de pouvoir me contenir si je m'attarde trop longtemps." fit le halfelin, avant de lui fausser compagnie en regagnant les hautes herbes, cette fois vers le village.
Taliesin n'eut à nouveau pas de difficultés à regagner la grotte, bien que son invisibilité l'abandonna avant qu'il ne soit à couvert. La hauteur des herbes lui permit de rester hors de vue et il se glissa dans le petit trou noir, puis dans la caverne où il devait attendre Guéric.
Cette fois, l'attente serait réellement longue.

[Taliesin]

D'autant plus longue qu'il n'avait rien pour s'occuper, sinon ses sinistres pensées. Et qu'il serait bien en peine de mesurer l'exact écoulement du temps : ses précédentes attentes avaient paru durer des heures. Celle-ci lui laisserait probablement l'impression d'une journée entière.
Il faudrait, malgré tout, faire avec.
Il se positionna dans une partie du tunnel qui, sans être trop éloignée, le dissimulerait aux premiers regards d'un éventuel visiteur, lui éviterait de devoir se replier en catastrophe en cas de bruits suspects, s'exposant à dévoiler sa présence dans la précipitation. En revanche, de sa position, lui-même pouvait entendre... et voir le possible intrus avant qu'il ne le voie.
Restait à se concentrer sur les sons provenant de l'extérieur. Et à ne pas trop songer aux risques que courrait Guéric. Il fallait qu'il lui fasse confiance, qu'il se convainque qu'il ne se montrerait pas imprudent, qu'il parviendrait à se contrôler malgré ses macabres découvertes.
Mais le halfelin avait plus d'une fois prouvé qu'il savait garder la tête froide. Tout devrait donc bien se passer...

[Galathée]

L'attente fut interminable. Taliesin eut froid. Il sentit des fourmis lui grimper dans les jambes et la tension lui nouer les épaules. Mais Guéric revint. Il apparut à nouveau dans les ténèbres, s'arrachant aux ombres, et poussa un profond soupir.
" Rentrons." souffla-t-il.
Il avait la mine sombre, les traits tirés, mais il décocha néanmoins un semblant de sourire à l'elfe.
" Rien de pire que ce que nous aurions pu imaginer. Nous parlerons plus loin."
Le halfelin attendit qu'ils aient mis une bonne distance entre eux et la sortie pour commencer le récit de ce qu'il avait vu, qu'il relata d'une voix sourde mais égale. Le brasier était effectivement dévolu au corps des pirates morts qu'on brûlait, curieusement, un par un, ou presque. Il lui avait cependant semblé que les cadavres étaient étrangement mutilés, comme s'ils avaient été tués avec une sauvagerie qui ne lui semblait pas compatible avec les défenseurs de Mersant. Les trois pendus, à moitié dévorés par les mouettes, étaient Bertram, Rutger et l'un des gardes mélandiens. Il n'avait vu nulle trace des autres. Le comptoir était gardé mais pas pris d'assaut, il était donc possible qu'ils soient toujours terrés à l'intérieur. Ils pouvaient aussi avoir été fait prisonniers. L'auberge et la ferme étaient occupées. Et trois navires mouillaient au port, qu'ils avaient dégagé. Il ne s'était pas approché davantage car il y avait vraiment de nombreux pirates un peu partout, engeance apparemment nocturne.