[Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Arthur

[Taliesin]

Quête : Tel est pris qui croyait prendre

La jeune elfe conduisit Arthur à l'écart de la cabane de sa chef. Le trajet ne fut cependant guère long : à peine quelques instants plus tard, ils s'engouffraient dans une petite cabane, construite entre les racines d'un arbre gigantesque.
Sitôt la porte franchie, elle se tourna vers lui :
-Quel est votre métier ? s'enquit-elle d'un ton neutre.

[Arthur de Faisanlys]

Le jeune homme pila, surpris de la question.
" Je suis paladin." dit-il. " Enfin, pas depuis longtemps."
Puis réalisant où ils se trouvaient, il comprit qu'elle ne savait probablement pas du tout de quoi il s'agissait.
" C'est une sorte de chevalier, si vous voulez. Peu importe."
Comme si les principes qui régissaient sa vie pouvaient avoir le moindre intérêt, et le moindre sens, pour une barbare des bois. Moins il en dirait et moins il se retrouverait en butte à des brimades dirigées contre la voie qu'il s'était choisie. Il se morigéna. Il aurait mieux fait de lui raconter n'importe quoi. C'était trop tard et il demeura, buté, en face d'elle.

[Taliesin]

-Je sais ce que sont des paladins, répliqua sèchement l'amazone. Ce n'est pas parce qu'on vit dans une forêt qu'on est complètement arriéré.
Elle le dévisagea un moment.
-Quel dieu servez vous ? Combien d'hommes compte votre ordre ? Et combien de femmes ?

[Arthur de Faisanlys]

" Je sers Lathandre." répondit Arthur, défiant.
Il plissa ensuite les yeux, tentant d'effectuer le calcul complexe du nombre de paladins restants à la commanderie. Très peu. Ils étaient partis d'une poignée aux lendemains de la révolution pour grimper à une trentaine, mais l'épisode du vallon obscur avait à nouveau réduit leurs effectifs. Mais soudain, la lumière se fit dans son esprit et il jeta un regard noir à sa geôlière.
" Quant au nombre de paladins qui font partie de mon ordre, il s'agit d'un secret militaire que je ne vais certainement pas révéler à une étrangère dans votre genre. Quant aux femmes, il y en a. Peu, peut-être, mais ça n'a pas grande importance. C'est une question dont ne s'encombrent pas les servants de la lumière : hommes, femmes, nous sommes avant tout paladins. Nos missions, nos voeux, nos valeurs sont les mêmes."
Il haussa les épaules et soupira. Pourquoi cherchait-il à se justifier devant cette mégère ? S'il en avait eu la latitude, il lui aurait dit qu'il y avait 98% de filles dans l'ordre, histoire de s'en débarrasser. Mais un paladin ne ment pas. Quel dommage.

[Taliesin]

-Vos mission, vos vœux, vos valeurs sont les mêmes, oui. Et vous êtes tous les mêmes, vous aussi, ou presque : des hommes. Et pourquoi vous poseriez-vous des questions sur ce point ? Ce qui est doit être, n'est-ce pas ? Si les choses sont ainsi, c'est qu'il y a une bonne raison sur laquelle, surtout, il ne faut pas s'interroger. Pour sûr...
Elle eut un sourire mauvais.
-Mais justement, nous sommes ici pour faire des choses sortant de l'ordinaire. Alors vous allez me faire le plaisir de vous la poser, cette fameuse question : pourquoi y a-t-il si peu de femmes, parmi vous ?

[Arthur de Faisanlys]

Arthur se sentait terriblement mal à l'aise, il avait les épaules ankylosées, ses bras fourmillaient, il sentait à peine ses mains. Il avait envie de dormir et certainement pas de philosopher avec une harpie sylvestre. Comme s'il avait la moindre idée de pourquoi il n'y avait pas beaucoup de femmes chez les paladins ! C'était probablement un hasard, rien d'autre.
" Les femmes sont généralement peu nombreuses dans les professions martiales. Les rythmes de vie... sont peu compatibles avec... quoi que ce soit d'autre, en réalité. Peut-être sont-elles davantage que les hommes tentées par des existences aux multiples facettes, tandis que nous nous obsédons pour des absolus auxquels nous sommes prêts à tout sacrifier. Mais il y en a. Elles ne déméritent pas dans nos rangs. Elles sont nos soeurs, nous ne les traitons ni mieux ni moins bien que nos frères."
Il la dévisagea sans aménité.
" De toute façon, quoi que je dise, ça ne vous satisfera pas. Ne pouvez-vous pas me faire récurer vos casseroles, plutôt ?"

[Taliesin]

Elle le regarda sans ciller.
-J'essaie de vous ouvrir les yeux. Et vous faire récurer mes casseroles, à mon sens, ne servira à rien d'autre qu'à vous braquer davantage encore. Vous avez l'air d'un gentil garçon : si en plus vous deveniez lucide sur certaines choses... Mais peut-être suis-je trop optimiste.
Elle le contourna, détacha ses mains.
-Pour en revenir à nôtre sujet... Ces choses que vous avez avancées sur les femmes, leur possible désir de vies aux facettes diverses... D'où les tenez-vous ? Avez-vous pu les observer par vous-même, ou bien les avez-vous lues, entendues ?
Son ton, sans être franchement amical, ne recelait pas d'agressivité.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur releva les mains et replia les doigts plusieurs fois, pour tenter de récupérer un peu de sensations. L'effet était plutôt désagréable et c'était une chance qu'elle ne le mette pas à la vaisselle : il aurait probablement été incapable de manier quoi que ce soit avec la moindre dextérité. Même une éponge ou une assiette sale.
" Ecoutez." fit-il finalement. " Vous avez quoi... Cent ans ? Cent quinze ? J'en ai 19. Pensez-vous que j'ai vraiment eu le temps de faire l'expérience de grand chose ? Je ne me suis jamais posé de grandes questions sur les hommes et les femmes, j'ai tout juste essayé de mener ma propre barque, ce qui n'a pas été une mince affaire, vu les géniteurs dont le destin m'a gratifié. Homme et femme. J'ai dit ça parce que... parce que je n'en sais rien ! Mon père est un soldat qui ne vit que pour son épée. Ma mère une dame qui ne vit que pour son miroir. Est-ce que ça ne me donne pas des circonstances atténuantes ?"

[Taliesin]

L'elfe grimaça.
-Effectivement, dans le genre famille caricaturale et stéréotypée, vous avez décroché le pompon... Mais de ce que vous avez laissé paraître, de ce qu'ont laissé paraître les autres, il semble que ce soit assez généralisé, dans vos contrées.
Elle secoua la tête.
-Dites-moi... Votre mère, toute accrochée qu'elle était à son miroir... N'avait-elle aucun autre centre d'intérêt, aucune autre passion ? Et si elle en avait, lui a-t-on laissé la possibilité de s'y adonner ?

[Arthur de Faisanlys]

Arthur croisa les bras. Il ne manquait plus que ça, qu'on parle de sa mère...
" La passion de ma mère... C'était les bals donnés à droite à gauche dans la bonne société. Les couleurs à la mode à chaque nouvelle saison... Les pièces qu'il ne fallait pas manquer à l'Amphithéâtre... Les personnes à connaître, les boutiques à fréquenter, les mets à servir... Personne ne l'a jamais empêchée de s'y adonner, non. Mon père n'était jamais à la maison, et il y avait des serviteurs pour s'occuper de moi. Elle a été... et est toujours comblée, à ce niveau."
Il eut un sourire mauvais.
" La seule ombre au tableau est que son unique rejeton ait embrassé une carrière risquée plutôt que persévéré dans ses études d'homme de loi et épousé une gentille jeune fille. Mais on ne peut pas tout avoir non plus."
Il relâcha sa respiration.
" Pourrait-on s'asseoir, si c'est pour bavarder toute la nuit ? Je suis recru."

[Taliesin]

Elle lui désigna l'un des deux tabourets près de la table.
-Allez-y.
Elle-même resta debout, parut sur le point de poser de nouvelles questions, puis le fixa, à nouveau.
-Avant que nous n'allions plus loin... Avez-vous faim, soif ?

[Arthur de Faisanlys]

Il la dévisagea, inquiet. Il devait y avoir un piège là-dessous. Etait-il sensé se lever pour proposer d'aller chercher de quoi manger et boire lui-même ? Mais il n'était pas chez lui, n'avait aucune idée d'où trouver les victuailles, et ça aurait été, de toute façon, inconvenant. Il ferait la vaisselle, voilà tout, s'il avait récupéré suffisamment de précision dans le geste d'ici là. Ses poignets étaient meurtris et lui faisaient un mal de chien, il aurait bien incanté pour se soulager, mais les risques étaient grands que l'on méprenne ses paroles curatives pour un méchant sortilège de mort et qu'il termine hérissé de flèches avant d'avoir terminé la première strophe de l'incantation. De surcroît, vu les propriétés étranges de l'île, son petit sort de soins s'avérerait peut-être catastrophique. Non, il souffrirait stoïquement.
" Je veux bien, oui." murmura-t-il, une fois les fesses posées sur le tabouret. " Merci."

[Taliesin]

-Je vous préviens, ce ne sera pas un festin. Mais il est tard, et la cuisine n'a jamais été mon fort.
La jeune elfe se leva, gagna une pièce attenante dont elle revint quelques instants plus tard, porteuse d'un pichet de terre cuite rempli d'eau claire et de deux gobelets en bois. Elle fit plusieurs allers-retours et, quand elle s'assit à nouveau, il y avait devant le paladin du pain, du fromage, de la viande séchée, deux couteaux et des fruits en bonne quantité.
Sans attendre, elle entreprit de se confectionner un en-cas.
-Je vous avais prévenu que ce n'était pas la gloire... fit-elle en voyant qu'il hésitait.

[Arthur de Faisanlys]

Le jeune paladin s'empressa de l'imiter, embarrassé qu'elle ait pu prendre son hésitation pour une critique. Il avait simplement estimé qu'il était plus poli, et conforme à sa situation de prisonnier en sursis, de la laisser se servir la première.
" C'est très bien, je n'en attendais pas autant." murmura-t-il.
Il n'était pas certain qu'il avait le droit de se servir d'un couteau, aussi prit-il un fruit, quelque chose de vaguement ovoïde, vert et orangé, qu'il n'avait jamais vu. Il espéra que la peau était comestible et mordit dedans. C'était étrange mais pas désagréable et le goût sucré mena un léger sourire de soulagement sur ses lèvres. Il réalisait seulement combien il avait faim.

[Taliesin]

-Les fruits, c'est bon, mais ça nourrit pas vraiment...commenta l'amazone, Et, d'habitude, chez nous, on les mange plutôt à la fin du repas. D'abord le salé, puis le sucré, si vous voulez. C'est pus... des friandises, le sucré, les fruits...
Elle se découpa une généreuse lanière de viande séchée.
-Enfin, je dis ça, vous faites comme vous voulez, hein. Mais manger seulement des fruits... C'est léger, quoi. Et il arrive que ça provoque certains... désagréments, si vous voyez ce que je veux dire.

[Arthur de Faisanlys]

La mention des risques encourus à consommer des fruits exotiques mena le rouge aux joues du jeune paladin et il reposa précipitamment ce qu'il mangeait. Il se servit un verre d'eau claire, puis finit par se saisir d'un couteau. Il guetta la réaction de l'amazone mais elle parut vaguement étonnée de sa réticence, et il persévéra donc, découpant pain puis fromage puis, tant qu'il y était, un morceau de viande. Il empila le tout et mordit à pleines dents dans son casse-croûte improvisé. L'amazone avait l'air de profiter de ces quelques instants de pause, ce n'était pas lui qui allait relancer la conversation, aucune chance !

[Taliesin]

Elle ne tarda guère à le faire elle-même, cependant.
-Dites, je me suis toujours posé une question sur ces mâles organisations où les hommes ne vivaient qu'entre eux... commença-t-elle, sur un ton dégagé. Comment faites vous, sans femmes ? Je veux dire, en ce qui concerne les plaisirs du de la chair ? Est-ce juste votre poignet que vous fatiguez, ou bien les rumeurs selon lesquelles vous vous donnez joyeusement du plaisir entre vous sont-elles fondées ?

[Arthur de Faisanlys]

La question prit Arthur au dépourvu, lequel s'était attendu à une nouvelle salve sur ces méchants paladins machos qui ne sont pas foutus de faire des aménagements convenables pour accueillir les femmes parmi eux. Il s'empourpra brusquement et manqua avaler de travers. Il lui fallut donc quelques secondes pour se reprendre, avant de pouvoir formuler une réponse.
" D'abord, contrairement à ce que vous pensez, tous les hommes n'ont pas besoin de... d'assouvir ces penchants à longueur de journée. Certains se contentent très bien de rester chastes et de puiser réconfort et amour dans des idéaux élevés détachés de... de la chair. Ensuite, d'autres ont une femme ou un... un compagnon, oui. Cela n'est pas interdit par l'ordre, même si nos voeux exigent que nous placions notre devoir avant tout autre chose et qu'il nous est donc difficile de trouver un ou une partenaire qui comprenne cela. Enfin... Est-ce que vous pensez vraiment que j'ai mené une enquête ?! Ce ne sont pas mes oignons et donc, fatalement, pas les vôtres !"

[Taliesin]

Elle lui sourit, pleine d'assurance.
-Mais si, ce sont mes oignons, et j'entends bien que vous répondiez à mes questions. Vous vous y êtes engagé, comme vous vous êtes engagé à m'obéir.
Elle se fit plus sérieuse.
-Même si certains mâles se fendent de grands discours sur la chasteté, sur la foi qui emplit toute leur vie, sur les plaisirs d'en haut qui rendent superflus ceux d'en bas, ils restent des hommes, des êtres matériels de chair et de sang... et, de fait, soumis à certaine nécessités, sensibles à certaines tentations. Sauf évidemment ceux qu'on a séparé de l'objet qui vaut aux autres tant de fierté. Vous aurait-on castré ?
Elle ne lui laissa pas le temps de répondre.
-Je ne pense pas. Et si ce n'est pas le cas, vous avez forcément... des pulsions. Alors, comment les satisfaisiez-vous ?

[Arthur de Faisanlys]

Le jeune paladin croisa les bras, furieux.
" Qu'espérez-vous, au juste, en me posant ce genre de questions ? Etes-vous dotée d'une sorte de... de curiosité perverse ? A quoi cela va-t-il vous avancer ? Si vous me faisiez peler vos patates, je comprendrais l'intérêt, minime cela dit, de forcer vos prisonniers dans le rôle servile d'esclaves, mais allez-vous écrire un livre ? Qu'est-ce que ça peut vous faire, bon sang ?"
Il secoua la tête, les yeux au ciel.
" Mais je vais décevoir vos appétits pervers. Je n'ai pas de pulsions. Elles viendront peut-être, vous en avez l'air persuadée, mais pour l'instant, je m'en passe parfaitement. Ma vie me convient telle qu'elle est. Je ne fais pas de rêves qui trempent mes draps, je n'ai pas recours à ma main droite, et je ne lorgne pas les prostituées qui passent avec intérêt. Je ne désire pas mon voisin de chambrée, ni mon supérieur, ni l'écuyer qui s'occupe de mon cheval. D'ailleurs je n'en ai pas. D'écuyer, je veux dire. J'ai quand même un cheval. Enfin, on me le prête."
Il poussa un bref soupir.
" Et je suis par ailleurs intimement persuadé que ces pulsions ne viendront pas avant que je rencontre une femme que j'aimerai et qui m'aimera en retour. Vous allez trouver ça vieux jeu et stupide, mais je m'en fiche. Votre avis est vraiment la dernière chose qui m'importe."

[Taliesin]

Le sourire de l'amazone s'élargit.
-Oh, mais je ne vais pas vous donner mon avis ! Je vais vous prouver par a+b que les pulsions que vous déniez sont là et bien là, dors et déjà. Les mâles sont gouvernés par ce qu'ils ont entre les jambes. C'est une loi objective connue et reconnue de tous... et de toutes.
Elle se pencha à nouveau sur son repas.
-Quand vous aurez terminé, nous passerons dans la pièce à côté.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur passa du pivoine à la couleur de la neige au coeur de l'hiver et se promit de ne jamais terminer son casse-croûte improvisé. Il décida de manger le plus lentement possible. Tellement lentement qu'il serait centenaire et édenté avant d'avoir terminé le petit morceau de fromage qui se trouvait devant lui. Mâcher la bouche vide n'était pas si difficile, si on s'appliquait.
Cette femme était folle. A l'idée de se retrouver coincé dans la même pièce qu'elle, il se sentait encore plus flasque que d'habitude. Il avait l'impression que ce qu'elle se targuait de réveiller entre ses jambes venait de disparaître à tout jamais dans un autre plan. Il avait toujours eu l'espoir que sa première fois serait auréolée de lumière et d'amour, de quelque chose de profond, de partagé, d'indéfinissable et de merveilleux. Et voilà à quoi il était confronté. A une furie obsédée qui voulait tirer un coup.
" Je vois que vos préjugés ont la vie dure." finit-il par murmurer en regardant son pain interminable.
Il sentit les larmes lui monter aux yeux et réprima un frisson. Elle se trompait. Il ne se passerait rien. Et sans doute ne se passerait-il rien pendant les vingt ans à venir, ensuite.

[Taliesin]

-Je ne demande qu'à être détrompée... souffla-t-elle. C'est la raison pour laquelle on vous a placé sous ma garde.
Elle avait terminé de manger, se frottait les mains pour en chasser les miettes de pain.
-Si vous ne vous pressez pas un tantinet, je serai obligée de vous interrompre, musa-t-elle en fin de compte. Ne me prenez pas pour plus bête que je ne suis : votre manœuvre crève les yeux.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur déposa son quignon de pain, mortifié.
" Pourquoi faites-vous cela ?" demanda-t-il, sans lever les yeux. " Voulez-vous vraiment instiller en moi la haine de votre sexe ? M'obligerez-vous à me défier désormais de vos soeurs, craignant qu'elles se montrent aussi impitoyables et cruelles que vous ? Que croyez-vous que ces basses oeuvres nous récolteront, à vous et à moi, sinon le mépris et la honte ? Je pensais que vous aviez dans l'idée que nous collaborions ensuite. Mais c'était un mensonge, n'est-ce pas ? De la poudre aux yeux pour nous rendre moins réticents."

[Taliesin]

-Nous avons bel et bien l'intention de collaborer avec vous, répondit-elle calmement. Pour peu que vous soyez fiables, ce que vous ne pourrez prouver qu'en surmontant ces épreuves. Pour peu, aussi, que nous ayons réussi à vous ouvrir les yeux quant à votre nature profonde. Nous avons pu constater ce qu'étaient les mâles, derrière leur vernis de civilisation. Si vous le constatez aussi, peut-être serez-vous plus à mêmes de... contrôler, de modifier, d'influer sur ces choses que vous avez assimilées, fait vôtres, inconsciemment, tandis qu'on vous les inculquait. Si vous vous rendez compte que ces questions que vous ne vous posez pas, que ces situations que vous jugez comme normales ne le sont en rien, qu'elles nous font souffrir... Il n'est pas impossible que, par vos interrogations nouvelles, par vos actes, qui sait, vous contribuiez un jour à les changer.

[Arthur de Faisanlys]

Il secoua la tête.
" Vous ne savez rien de moi. Rien de la manière dont les femmes sont traitées par mon peuple. Vous vous targuez de connaître des choses qui... Peu importe."
C'était inutile d'essayer de raisonner avec une personne aussi butée. Imbue de sa compréhension infaillible des choses, elle ânonnait son discours avec l'aplomb des fanatiques. Sans réaliser que c'était du charabia. S'il se pliait à ses ordres, il lui prouverait qu'il n'était pas ce qu'elle pensait, et toute cette humiliation perdrait alors son sens, mais pas sa réalité. S'il se montrait incapable de se soumettre, il serait exécuté. Il ne voyait pas ce qu'elle voulait lui prouver.
Il soupira et haussa les épaules. Il ne pouvait de toute façon rien faire, sinon obéir.

[Taliesin]

-Venez, à présent.
Elle se leva, l'entraîna dans la pièce voisine. Elle était petite, et un lit occupait la majeure partie de l'espace. Quoi qu'en matière de lit, il aurait plutôt fallu parler d'une paillasse dotée de couverture. Elle paraissait néanmoins confortable. Rustique mais confortable.
-Déshabillez-vous, intima l'amazone en allumant une chandelle.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur obéit, mort de peur et de honte. Il se tourna vers la paroi de la pièce pour se défaire de ses vêtements et ses doigts tremblaient tellement qu'il crut un moment qu'il devrait déchirer sa chemise pour s'en débarrasser. Lorsqu'il baissa ses chausses, il fut presque surpris, et déçu, de découvrir que son appendice ratatiné ne l'avait pas réellement déserté. Il réalisa qu'il était au bord des larmes et renifla pour essayer de retrouver un peu de contenance. Il aurait aimé se trouver à mille lieues de cet endroit maudit. Il se sentit incapable de bouger, incapable de faire face à celle qui entendait le violenter. Non, il n'avait pas envie d'elle. Il n'aurait jamais envie d'elle. Involontairement, il maudit Astrée. Tout était de sa faute : si elle n'avait pas débarqué à Respelm avec ses mauvaises nouvelles, la compagnie dont il faisait partie n'aurait jamais été détournée vers le vallon obscur. Lui-même ne se serait pas trouvé séparé de ses pairs. Ils auraient survécu. Et au jour du départ vers l'île, un autre paladin, plus méritant, plus expérimenté, aurait été chargé de la mission. Quelqu'un qui aurait su quoi faire. Qui aurait pu terrasser le mal plutôt que se retrouver ridiculement à sa merci.

[Taliesin]

-Retournez-vous, dit la jeune elfe.
Elle lui posa la main sur l'épaule, le contraignit, doucement mais fermement, à pivoter.
-Retournez-vous et regardez-moi. De haut en bas.
Elle était entièrement nue. La douce lueur de la bougie caressait sa peau soyeuse et hâlée, soulignait sa silhouette élancée. Elle avait la poitrine gironde, la taille fine, les hanches larges...

[Arthur de Faisanlys]

Mais cette vision, aussi enchanteresse soit-elle, n'eut aucun effet positif sur le paladin. Il eut d'ailleurs du mal à faire ce qu'elle voulait, les mains crispées devant son sexe, les yeux revenant sans cesse vers ses pieds. Pensait-elle réellement que la notion de viol s'évanouissait parce que l'agresseur était séduisant ? Son esprit était-il à ce point dévoyé ? Ou bien était-elle à ce point imbue d'elle-même qu'elle croyait que de jolis seins allaient faire tomber raide le premier venu ? Si elle avait cru s'embarquer dans une folle nuit d'amour, elle se montrait bien piètre juge de caractère. Damant aurait été un candidat bien plus indiqué, et Arthur devinait qu'il aurait sans doute satisfait avec enthousiasme les trois-quarts du village. Quant à lui, il n'avait qu'un espoir : que la mégère renonce.