[Lieu] Mersant

[Taliesin]

-Oh non, nous ne te reprochons rien, Martin... dit-il d'une voix un peu trop rauque. Avoir réussi à t'enfuir, à lui échapper, c'est un exploit. Et que fais-tu là, en l'instant, sinon nous prévenir du danger qui nous guette ?
Il posa sa main sur le bras du courtisan, le serra un instant, puis se détourna.
-Ne tardons plus, Guéric. Je doute qu'il y ait encore quelqu'un à sauver, mais j'aimerais... en avoir le cœur net.
Machinalement, il frôla le pommeau de son épée.
La grotte n'était guère éloignée : il lui suffisait de tenir bond encore quelques minutes.
Ensuite...

[Galathée]

Guéric opina du chef et se releva.
" Si nous tardons trop, essayez de rejoindre Ruyven et George. Mais je doute que cela soit nécessaire. Il est seul et non entraîné. Nous... avons le bagage nécessaire."
Bellyra opina du chef, à la fois inquiète et confiante. Martin noya son visage entre ses paumes et soupira. Il parut sur le point d'ajouter quelque chose mais renonça.
" Prenez garde." souffla finalement la courtisane.
" Bien sûr." répondit le halfelin.
Puis il emboîta le pas de Taliesin et ils gagnèrent la base du conduit glacé où coulait le filet d'eau claire. Ils y étaient presque, en effet.

[Taliesin]

Ils convinrent de grimper l'un à la suite de l'autre, de ne pas s'embarrasser d'une corde : Taliesin était déjà monté et descendu le long du boyau à plusieurs reprises, il commençait à bien le connaître, et il le décrivit aussi précisément que possible au halfelin.
Sitôt qu'il en eut fini, il s'élança. Il était épuisé, certes, mais animé d'une implacable détermination. Il pensait ne plus avoir rien à espérer, espérait pourtant. Un peu. Mais, surtout, un chemin tout tracé s'étendait devant lui : plus de tergiversations, d'hésitations, de doutes. Avancer, voir, agir, s'écrouler, enfin. C'était aussi simple que ça.

[Galathée]

Ils gravirent le boyau bien plus aisément qu'ils ne l'avaient craint, sans doute poussés par cette énergie du désespoir que Taliesin sentait brûler dans ses veines. Ils continuèrent à cheminer ensuite, atteignirent rapidement le dernier conduit, dans lequel on devait progresser à quatre pattes, avant de déboucher dans la grotte.
" Il faut que nous déterminions un semblant de plan." souffla Guéric. " Je peux aller voir jusque là... me cacher dans l'ombre... revenir... Mais ensuite... Il faudra décider de quelque chose."

[Taliesin]

Il n'avait qu'une envie : foncer tête baissée, jeter un regard à la caverne, au sang répandu, aux corps, peut-être. Puis lever son épée, l'abattre une première fois; Puis recommencer encore et encore, sans trêve ni repos.
Mais Guéric avait raison : il fallait un plan. Sans quoi, même la vengeance lui serait refusée.
-Il vaut mieux que tu ailles discrètement repérer ce qu'il se passe, oui. Ensuite... Nous aviserons. Sois prudent, surtout.
Il avait parlé calmement, doucement. Au regard des circonstance, et le connaissant, c'était plutôt inquiétant.

[Galathée]

Le halfelin se faufila donc dans le couloir et disparut rapidement, aidé par sa taille réduite. Il reparut peu après et grimaça.
" Martin a dit vrai. Il y a du sang. Mais je n'ai vu aucun corps. Il n'est évidemment pas impossible qu'ils soient tombés à l'eau. Ou que du matériel les dissimule. Il y a un sacré bordel dans cette grotte."
Il se frotta le visage des mains.
" Philibert est debout près de l'eau. Il a une hache en main et il a l'air de parler tout seul. Le feu est mourant mais diffuse encore un peu de lumière, il n'est pas complètement aveugle."

[Taliesin]

Il hocha la tête.
-Je n'ai plus de sort d'invisibilité. En revanche, je peux convoquer un élémentaire de feu pour nous seconder au combat. Et rendre aveugle le Mélandien, même. Alors, à toi de voir si tu préfères attendre que le feu soit éteint ou y aller tout de suite.. Auquel cas, il vaudrait sans doute mieux que tu te caches dans les ombres, que tu t'infiltres dans la salle en premier... Et fasse diversion en projetant des objets ou je ne sais quoi, histoire qu'il ne fasse pas attention à l'entrée. Ensuite, nous pourrions l'attaquer de concert, le désarmer, puis conclure par quelques questions et diverses autres amabilités.

[Galathée]

" Nous n'aurons pas besoin de l'élémentaire. Il ne sait pas se battre. C'est une grosse brute, rien d'autre." fit le halfelin. " Je voulais juste savoir si tu escomptais le massacrer tout de suite ou si tu voulais lui laisser le bénéfice du doute... ou la possibilité de nous donner des explications..."
Il sourit.
" J'ai une proposition plus risquée. J'entre le premier, dans l'ombre. Tu viens ensuite. Tu te montres. Vu l'endroit où il se trouve, il ne pourra pas t'atteindre avant que je ne sois derrière lui. Tu le distrais, je le désarme. On lui saute dessus ?"

[Taliesin]

C'était plus risqué, oui : s'il faisait du bruit, si le Mélandien le voyait, s'il fonçait dans sa direction sans perdre un instant, il y avait des chances pour que sa hache l'abatte avant que Guéric n'ait pu l'assaillir. D'autant qu'avec la fatigue, il ne serait pas aussi agile que d'ordinaire.
Mais... quelle importance, au fond, s'il finissait coupé en deux ? Cela lui éviterait bien des heures douloureuses...
-Très bien : appliquons ta proposition. J'essaierai de ne me signaler à lui qu'une fois relevé. S'il est trop menaçant, je l'aveuglerai. J'essaierai, en tout cas. Quant à ce que je veux faire de lui...
Il haussa les épaules.
-Comme je te le disais, j'aimerais autant qu'il soit encore en état de répondre à des questions, de s'expliquer. Mais, même si, quelque part, je veux comprendre... Je doute que les réponses qu'il pourra donner influent d'une quelconque manière sur la conclusion de toute cette histoire. S'il s'avère qu'il a... qu'il a fait ce dont nous le soupçonnons, il mourra. De ma main.

[Galathée]

Guéric acquiesça.
" Laisse-moi quelques instants... Il faut que je sois bien avancé avant que tu surgisses..." dit-il laconiquement.
Puis il regagna son trou. Taliesin lui laissa les minutes dont il avait besoin puis lui emboîta le pas, plié en deux dans le conduit. Le halfelin était hors de vue, probablement invisible.
Lorsqu'il parvint à l'extrémité du tunnel, il vit exactement ce que lui avait décrit son compagnon : la vaste grotte était dans un état de capharnaüm impressionnant, comme si on avait jeté chaque élément, vêtements, outils, planches, le plus loin possible les unes des autres. Aucun corps n'était apparent, mais cela ne voulait rien dire. Les taches sombres qui marbraient le sol étaient de mauvaise augure. Le Mélandien était à l'autre extrémité de la caverne et lorsque Taliesin parut, il releva la tête. Son visage et sa mise étaient marbrés de sang mais il semblait indemne. Il pivota vers l'elfe, la bouche entrouverte, les yeux fixes, la hache pendant dans sa main comme s'il n'avait pas réellement conscience de sa présence, et se mit en marche vers lui.

[Taliesin]

Le barde dut faire un effort gigantesque pour nier le macabre décor, pour ne se concentrer que sur l'homme qui s'approchait. S'il s'attardait sur le désordre, sur les flaques de sang, il perdrait tous ses moyens. Ou le peu qu'il lui restait, plutôt.
Il parvint de justesse à river son attention sur le visage du Mélandien. Sur l'arme qu'il tenait. Il sentait son cœur battre à tout rompre, sa respiration siffler dans sa gorge nouée, asséchée. Il hésita à tirer son épée, préféra lever les mains, prêt à incanter.
-Bonjour, Philibert, lâcha-t-il d'une voix rauque mais presque bienveillante.
Si l'autre ne réagissait pas, ne s'immobilisait pas... Il l'aveuglerait.

[Galathée]

Le Mélandien ne répondit rien, le regardant comme s'il ne le reconnaissait pas, sa hache toujours baissée, son pas un peu traînant. Guéric était invisible. Philibert n'était pas à proprement parler menaçant, mais il ne semblait pas non plus avoir l'intention de s'arrêter. La tête de sa hache heurta une concrétion comme il avançait, et il lui jeta un coup d'oeil surpris avant de la relever.

[Taliesin]

Il ne perdit pas un instant de plus, et prononça l'incantation :

Taliesin --> Cécité --> Philibert

Sitôt celle-ci terminée, il se déplaça de côté, tira son épée. Et reprit la parole.
-Et bien, Philibert, que s'est-il passé ici ? Je ne m'attendais pas à trouver un tel capharnaüm...
Il se tenait prêt à esquiver, à parer l'assaut que le Mélandien pouvait lui porter à tout moment. Mais il voulait aussi, paradoxalement, attirer son attention. Ou réveiller la conscience qui semblait avoir déserté ce corps.
Philibert lui faisait la désagréable impression d'être devenu un pantin.

[Galathée]

Le Mélandien ne répondit rien, semblant à peine déstabilisé par son subit aveuglement. Il demeura planté sur ses jambes, la hache brandie devant lui, et secoua la tête avant de suivre la voix de Taliesin d'un mouvement lent. C'est le moment que choisit Guéric pour intervenir. Le halfelin s'arracha brusquement à l'ombre et sans la moindre hésitation, planta une dague dans la main qui tenait la hache. Le Mélandien poussa un cri de douleur, lâcha son arme qui alla valdinguer sur le sol et fit volte-face. Aveugle, il dérapa sur un caillou humide, et se retrouva assis par terre. Guéric lança un sourire ironique à Taliesin, puis décocha un violent coup de pied dans la mâchoire du Mélandien, lequel tomba sur le dos dans un cri étouffé.

[Taliesin]

Rengainant son arme, Taliesin s'empara de son sac, en tira une corde et fondit sur le Mélandien. Il voulait profiter de sa chute, de son choc, pour le ligoter proprement. Toutefois, il ne baissa pas sa garde, se tint prêt à éviter les coups, les ruades dont il ne manquerait pas de les gratifier.

[Galathée]

Le Mélandien se défendit comme un animal que l'on accule, ruant et griffant, mais Guéric, malgré son poids plume, s'assit sur ses jambes, permettant à Taliesin de lui lier les mains. La blessure qui trouait sa paume était douloureuse, aussi l'elfe put-il en profiter pour détourner son attention. Il ne put cependant éviter l'un ou l'autre coup, mais s'en tira finalement avec une pommette un peu meurtrie, tandis que le Mélandien se retrouva rapidement proprement saucissonné, poignets et chevilles liées. Il demeura haletant, sur le dos, les yeux toujours perdus dans le vide.
" Et bien, c'était encore plus facile que prévu." fit Guéric en se relevant.

[Taliesin]

Il hocha la tête, sans la moindre once de satisfaction dans le regard.
-Quelque chose cloche... murmura-t-il. Tu l'as vu ? Il a l'air complètement absent, complètement... différent. Soit il a succombé à la folie, soit... quelque chose à pris son contrôle.
Sous une inspiration subite, il toucha le médaillon suspendu à son cou.
-Peut-être ces objets ont-ils un sens... Nous devons explorer la caverne pour nous assurer que nous sommes seuls. Ensuite, j'irai chercher les autres pendentifs : c'est Bellyra qui les a empochés. Qui sait s'il ne reviendra pas à lui si on lui en met un ?
Il ferma les yeux.
-Peux-tu aussi vérifier... si tu trouves les corps ? Je suis désolé, mais si je le fais moi, je crains... de ne plus être bon à grand chose ensuite.

[Galathée]

" Très bien. Reste-là alors, je vais faire le tour." dit Guéric. " Tire-le près du feu. Il y a des planches un peu partout... Je gage que la barque attendra."
Le halfelin, épées tirées, se mit ensuite à circuler dans le vaste espace, retournant les vêtements qu'il trouvait, grimpant sur les rochers plus élevés, se penchant sur les flaques. Il revint quelques minutes plus tard.
" Il n'y a personne. Du sang, oui. Rien d'autre." murmura-t-il, aux aguets. " Je pense qu'on fait mieux de ramener Bellyra et Martin ici... Ensuite nous aviserons."
Il jeta un oeil au Mélandien dont le visage était inexpressif, absent.

[Taliesin]

-Tu veux que je m'en charge ? demanda-t-il. Tu préfères y aller ?
Il aimait autant ne pas devoir rester ici, seul, au milieu du désastre. Il ne tirait aucune conclusion de l'absence de cadavres : Guéric n'avait pas regardé au fond de l'eau, au-delà du quai naturel qui bordait la mer...
-Nous pouvons aussi y aller tous les deux, conclut-il. Quitte à ce que l'un d'entre nous reste en haut du boyau pour faire le guet tandis que les autres grimpent. On peut même l'amener avec nous histoire que... qu'il ne soit pas libéré à notre insu.

[Galathée]

" Je vais rester." dit Guéric. " Attacher un peu mieux notre ami... Voir s'il sort de sa torpeur... et ranger ce capharnaüm. Nous y trouverons peut-être des indices sur ce qu'il s'est produit... Je crains..."
Il soupira.
" Je crains qu'il ne soit pas d'un très grand secours. Il a l'air complètement hors du monde."
Il secoua la tête, revint au barde.
" Mais va. Ne tardez pas."

[Taliesin]

-Compte sur nous.
Déjà, il se faufilait par l'étroit tunnel, se retrouvait en haut du périlleux boyau. Il prit cependant le temps d'installer une corde pour faciliter l'ascension future de ses compagnons. Il en attacha même une autre sur le palier intermédiaire. Il s'étonnait de se trouver si efficace, si pragmatique, d'arriver à penser, à agir de manière concrète. En revanche, l'eau glacée, les aspérités du roc, il les percevait à peine.
Quelques instants plus tard, à ce qu'il lui parut, il avait rejoint les autres.
-Nous l'avons capturé, dit-il simplement. Et nous n'avons trouvé aucun corps, pour le moment. Mais Guéric pense qu'il vaudrait mieux que vous montiez... On ne sait pas ce qui s'est passé.
Il s'agenouilla.
-A ce propos, Bellyra... Peux-tu me donner l'une des amulettes, s'il-te-plait ?
Avec douceur, il la passa au cou de Martin.
-Si des puissances occultes sont à l'œuvre, peut-être nous en préserveront-elles, fit le barde en manière d'explication.
Il ne les brusqua pas, ne les pressa pas. Au pied du passage, il laissa la jeune femme grimper à son rythme, ne s'élança à son tour qu'une fois qu'elle annonça être parvenue au sommet. Il escalada avec Martin, le soutenant, le guidant de son mieux. Cela prit du temps, mais ils triomphèrent de l'obstacle.
Il avait l'impression d'évoluer en plein rêve.
En plein cauchemar, plutôt.
-Tu crois... que tu pourras affronter la caverne ? demanda-t-il au courtisan. Si tu préfères, on peut t'installer juste avant le tunnel, tu sais, celui où il faut aller à quatre pattes...

[Galathée]

" Ça ira, ne t'en fais pas." fit le courtisan avec un maigre sourire. " J'en ai vu d'autres. Ce ne sera pas la première fois que je me retrouve face à face avec un homme qui m'a violé, crois-moi. Et ici, pour la première fois, c'est considéré comme un acte répréhensible."
Son sourire s'élargit.
" Il n'y aura pas de problèmes."
Puis, sur un clin d'oeil, il passa le premier dans le boyau. Quand Taliesin déboucha à son tour dans la grotte, Bellyra avait pris le relai auprès du courtisan et l'aidait à rejoindre le feu. Guéric et le Mélandien n'avaient pas bougé et le halfelin les salua, manifestement soulagé de les voir approcher. Toujours aveugle, Philibert fixait le vide, comme sonné et s'il perçut l'arrivée des nouveaux venus, il n'en montra rien. Martin s'assit à une distance respectable. Bellyra contempla la caverne, les mains sur les hanches. Son angoisse semblait, pour l'heure, avoir disparu.

[Taliesin]

-Passons lui un pendentif... dit-il en s'approchant du feu. Si son état se modifie, nous seront fixés quant à leur utilité.
Il tira la petite pierre de sa poche, la déposa près du feu, bien en évidence.
-Quant à ça... A moins qu'un phénomène particulier ne se produise, je crains que son pouvoir ne reste longtemps mystérieux.
Il resta un instant à la contempler. S'il ne remarquait rien, il irait fouiller la caverne, en quête d'indices. Notamment les vêtements que portaient les garçons lorsqu'il était parti. Ou l'armure de Victor, peut-être. S'il les trouvait... Il n'y aurait plus de doute, même en l'absence de cadavres.

[Galathée]

Le caillou luisait toujours, mais moins fort qu'auparavant. Hormis cette lueur tranquille qui s'en échappait, il était inerte et froid. Guéric s'était levé et il passa le pendentif autour du cou du Mélandien. Ce dernier demeura immobile, puis secoua la tête.
" Il fait diablement noir." dit-il alors. " Pourtant je sens le feu. Comment se fait-il que je n'y vois rien ?"
Guéric grimaça. Martin referma la couverture autour de lui, sans quitter Philibert des yeux.

[Taliesin]

L'elfe dévisagea le Mélandien avec attention, essayant de voir si, jusqu'ici, il avait joué la comédie, ou si le changement paraissait réel. Si c'était le cas, les indices ne manqueraient pas : l'expression qu'arborait l'homme quelques secondes plus tôt était marquante...
-Pardonne-moi pour ce que je vais te demander, Martin, commença-t-il. Mais... Examine-le bien. Tu m'as dit pouvoir déceler le mensonge, lire dans les gens. Essaie-t-il de nous tromper ? Le médaillon semble-t-il l'avoir réellement libéré d'un envoûtement ?
S'il avait remarqué le changement d'intensité dans la lueur qui habitait le caillou, il ne s'y attarda pas dans l'instant. Il devait d'abord être fixé sur le cas Philibert.

[Galathée]

Martin demeura silencieux tandis que Philibert éprouvait ses liens.
" Belenn ?" demanda-t-il.
Il se mit à frissonner, l'air soudainement perdu.
" Que s'est-il passé ? Pourquoi m'avez-vous..."
L'angoisse se dessina sur son visage.
" Que s'est-il passé ?"
Martin poussa un profond soupir.
" Je pense que quelque chose a changé, oui."

[Taliesin]

Il soupira à son tour.
Si le Mélandien n'était même pas responsable de ce qu'il avait commis... Il se verrait priver de sa vengeance. De cet ultime semblant de réparation.
-C'est Guéric et moi qui vous avons attaché, expliqua-t-il. Et c'est l'un de mes sorts qui vous aveugle. Lorsque je suis entré dans la caverne, vous avez essayé de m'attaquer, avec une hache. Autour de nous, il règne un désordre indescriptible, et le sol est maculé de sang. Ni Elerinna, ni les enfants ne sont en vue. Quant à Martin, ici présent, je pense qu'il aura des choses à dire sur le traitement innommable que vous lui avez infligé.
Il avait parlé d'un ton froid, mais sans dureté excessive : s'il commençait à laisser libre cours à sa colère, les choses risquaient d'aller loin, très loin.
-Il semblerait que vous veniez de revenir à vous, après que nous vous ayons passé un artefact autour du cou. Tout paraît donc indiquer que. vous avez été victime d'un accès de folie, ou soumis... à une volonté extérieure. Nous n'écartons toutefois pas la possibilité que vous ayez agi de votre plein gré. Quoi qu'il en soit... De quoi vous souvenez-vous ?

[Galathée]

Le récit de Taliesin laissa le Mélandien éberlué et sans voix. Il demeura livide, la bouche entrouverte et toute force sembla l'abandonner.
" C'est un mensonge..." murmura-t-il, misérable. " Je n'ai rien fait... Vous voulez... Vous voulez insinuer que... Je ne me souviens de rien... Nous étions ici... Elerinna avait commencé à faire le souper... Les gosses, ils... ils étaient vannés... Le petit blond aidait à la cuisine... L'autre avait trouvé des coquillages, c'est ça... Il y avait des coquillages sur les rochers..."
Il y eut un cri aigu sur leur gauche et ils eurent tout juste le temps de se retourner pour voir Bellyra, qui avait continué à arpenter la grotte, se retourner pour vomir entre ses doigts. Il ne fallut pas beaucoup de temps aux yeux acérés des non-humains pour repérer ce qui l'avait fait réagir de la sorte : un corps avait fait surface, nu et blafard, à quelques mètres de la terre ferme. C'était un corps adulte, qui regardait le fond de l'eau. Ses longs cheveux blonds flottaient sur les vagues et il semblait que sa peau ait été arrachée en de nombreux endroits.

[Taliesin]

L'elfe avait bondi sur ses pieds.
-Il semble que cette île abrite d'autres horreurs que les pirates... constata-t-il froidement. Tenez-vous sur vos gardes : les médaillons ne nous protégeront pas de tout.
Il se pencha, récupéra le caillou : si sa lueur était un guide, elle augmenterait lorsqu'il s'approcherait d'Elerinna... ou des autres cadavres. A moins qu'elle n'indique que les vivants. Alors... il songerait à d'autres explorations.
En quelques enjambées, il avait rejoint Bellyra.
-Tu devrais retourner près des autres... souffla-t-il en lui serrant le bras.
Si nécessaire, il la conduirait. Puis il explorerait les bords de l'onde, fouillerait ses replis de son regard trop sec. Plongerait, peut-être.
Il savait déjà ce qu'il y trouverait.

[Galathée]

Martin s'était levé, la bouche entrouverte, mais il ne décolla pas du feu. Quelques secondes plus tard, Bellyra s'était jetée dans ses bras où elle se mit à sangloter avec douleur. Le Mélandien semblait complètement paniqué, mais attaché comme il l'était, il ne pouvait pas bouger.
" Que se passe-t-il ?" glapit-il.
Guéric était arrivé à côté de Taliesin, les épées dégainées, et il jura.
" Ne vas pas dans l'eau." souffla-t-il. " Nous pouvons la récupérer avec une planche, de la corde, je ne sais quoi. Le jeu n'en vaut pas la chandelle, ce n'est qu'un cadavre."
Mais la pierre, que Taliesin lorgnait depuis peu, ne brillait pas davantage.