[Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Astrée

[Taliesin]

Le gamin se détourna ; pas assez vite, cependant, pour empêcher la rôdeuse de saisir la lueur de panique qui brillait dans son regard. Puis, avec toute la force qu'il lui restait, il essaya de lui échapper.
-Les crimes, ce sont les vôtres, votre trahison et ce que vous m'avez infligé ! Le reste, ça ne vous regarde pas ! Je ne vous dirai rien, alors inutile d'insister ! Tout à l'heure, vous vouliez que j'enlève ma chemise pour prouver que je suis un homme, c'est ça ? D'accord, je vais le faire ! Je vais vous le prouver ! Après, vous pourrez me couper ce que vous voudrez, me faire ce que vous voudrez, je m'en fiche ! Je supporterai tout comme un homme, comme un Luménien, et j'irai vers la mort la tête haute ! Plus jamais je ne faillirai à l'honneur !

[Voyageuse]

Astrée soupira. Elle avait saisi Léo par le bras pour l'empêcher de s'échapper, et le maintenait fermement.
- Et quand donc as-tu manqué à l'honneur, jeune mousse ? Je ne comprends pas. Je t'ai toujours considéré comme un garçon d'honneur... Et pourquoi veux-tu tellement mourir ?

[Taliesin]

Léo se détourna, pour ne pas avoir à la regarder en face, et redoubla ses efforts pour se libérer.
-Lâchez-moi, dit-t-il d'une voix qu'il tentait d'affermir. Lâchez-moi tout de suite ou il vous en cuira ! J'ai déjà répété à maintes reprises que je ne vous répondrai plus, je vous ai fait trop d'honneur en persistant malgré tout... A présent, je vais m'en tenir à ma parole et rester muet. Toute cette comédie n'a que trop duré, et je pense que votre amie la sorcière est lasse de ces vaines palabres.

[Voyageuse]

Astrée continuait de maintenir le garçon par le bras. Elle l'obligea, de son autre main, à lever les yeux vers elle, le saisissant sans trop de douceur par les cheveux.
- Malgré ton air bravache, ça m'étonnerait que tu oses ôter cette chemise et t'avancer crânement vers ton bourreau ! Et si vraiment tu avais voulu te taire, tu n'aurais pas lâché toutes ces bribes d'information. Alors maintenant, il est hors de question que tu te taises. Tu en as trop dit ou pas assez ! Donc je répète : qu'est-ce que c'est que cette histoire de manquement à l'honneur, de châtiment, de rédemption ? De crime qu'on aurait commis ? Vas-y, je t'écoute... Ca me permettra sans doute de comprendre les raisons de ton attitude et de ta haine. J'aimerais comprendre pourquoi tu m'en veux tant, aujoursd'hui, subitement... Et... Je pense que ça te soulagerait, d'en parler...

[Taliesin]

Le gamin se débattit de plus belle.
-Vous êtes sourde ou quoi ?! Je répondrai plus, j'ai dit ! Maintenant, lâchez-moi, bons dieux ! Vous allez voir si j'vais pas oser !
Et, ne se contentant plus de se contorsionner, il fit des gestes assez explicites pour qu'Astrée comprenne que, si elle n'obtempérait pas, cela finirait par tourner au pugilat.

[Voyageuse]

Astrée hésita. Le lâcher, pour le mettre en face de la stupidité de son entêtement ? Le maintenir prisonnier, laisser monter sa colère pour qu'il explose... ou fonde en larme ? Elle se souvenait de crises de nerfs de sa fille.... Mais peut-être fallait-il pousser encore le bouchon un peu plus loin...
Elle le lâcha subitement.
- Vas-y, alors! Déshabille-toi, et avance. Mais je sais que tu ne le feras pas. Aucun homme ne peut ainsi aller vers son bourreau de sang-froid. Tes jambes refuseront de te porter, tu vas te pisser dessus. A moins bien sûr que tu n'aies réellement envie d'être privé d'une partie si encombrante de ton anatomie. Ce que je comprendrais, vu comme tu as l'air d'en avoir honte...

[Taliesin]

Léo se redressa, s'éloigna d'Astrée de quelques pas. Puis, l'ayant gratifiée d'un coup d'œil assassin, il s'épousseta, machinal, avant de faire, du regard, le tour de la pièce, s'arrêtant sur le braséro, l'elfe au couteau, l'échelle menant à l'étage supérieur, la porte... L'elfe au couteau, encore.
Il ferma les yeux, fut parcouru d'un violent tremblement.
-Je ne répondrai plus à vos mensonges. Je ne faillirai plus à l'honneur. Je ne trahirai pas. Je mourrai en homme, en Luménien. Et tout sera terminé. lâcha-t-il.
Puis, les mains tremblantes, il entreprit de déboutonner sa chemise.

[Voyageuse]

Pauvre gosse... Le laisser se torturer ainsi... Astrée se mordait les lèvres, hésitait à intervenir... Fallait-il encore le pousser à bout ?
Elle resta silencieuse tandis qu'il déboutonnait sa chemise, laissant monter la tension.
- Tu ne vas pas mourir, finit-elle par dire, rebondissant sur ses derniers mots. Tu vas souffrir. Et devoir vivre ensuite avec. Ou plutôt sans.

Elle se déplaça de façon à bien voir le zizi en question, sachant que cela le mettrait encore plus mal à l'aise.
- A peine trois poils et ça se croit un homme... Léo..., soupira-t-elle en secouant la tête.

Elle se déplaça encore un peu. Elle le laisserait faire un pas ou deux, s'il l'osait. Et elle l'intercepterait... De gré ou de force. Le contact physique, maintenant qu'il était nu, le déstabiliserait sans doute encore plus qu'avant...

[Taliesin]

Le son de la chemise tombant sur le plancher, aussi infime fût-il, résonna comme un glas.
-Je suis un homme, lâcha Léo pour toute réponse. Et je mourrai comme tel.
Il ferma à nouveau les yeux. Serra les dents. Réprima un frisson.
Peu à peu, la rougeur qui avait gagné ses joues diminua, et ses épaules se redressèrent. Il bomba le torse, comme s'il tentait, malgré la situation, d'arborer une attitude fière et déterminée. Il y parvenait presque.
Puis il fit un premier pas en avant. Un deuxième.

[Voyageuse]

Astrée, d'un mouvement rapide, se glissa entre lui et l'elfe, et posa les deux mains sur ses épaules, plantant ses yeux dans les siens.
- Bravo, fit-elle simplement. Je n'aurais jamais cru que tu en aurais le courage. Je t'ai sous-estimé... Alors, oui, par le courage, tu es un homme. En revanche, par la stupidité, tu es encore un gosse... et tu crois vraiment que je vais laisser un gosse se faire torturer sans intervenir ?

[Taliesin]

Il tressaillit... mais ne tarda guère à essayer de se libérer, à tenter de forcer le passage.
-Ne me touchez pas ! gronda-t-il. Et arrêtez vous mensonges ! Vous ne rêvez que de me voir torturé ! Et je ne suis pas un gosse ! PAS UN GOSSE, vous m'entendez ?

[Voyageuse]

Astrée tint bon, resserant la prise sur les épaules du jeune mousse, l'empêchant d'avancer. Et continua à parler d'un ton calme.

- Tu as quel âge, Léo ? Vu ton physique, je te donne guère plus de 11 ans, mais je peux me tromper... Tu es donc encore un gosse, que ça ta plaise ou non. Et tu es sous ma responsabilité. Il est hors de question que je te laisse te faire castrer simplement parce que tu es trop têtu pour savoir renoncer. Et je te laisserai encore moins te faire tuer ! C'est fini, Léo. Il est temps d'arrêter tout ça...

[Taliesin]

Il la foudroya du regard.
-Je suis bien d'accord ! Finissons-en ! Reconnaissez que je n'ai pas cédé, que j'ai refusé de m'allier à vous, et foutez-moi la paix jusqu'à mon exécution de demain soir ! De toute façon, vous n'avez aucun moyen de me faire obéir, aucun ! Vous n'avez aucune autorité sur moi, et j'ai résisté à tout ! Et je résisterai à tout !
Une nouvelle fois, il essaya de lui échapper.

[Voyageuse]

Encore une fois, elle resserra sa prise, et le fit pivoter pour qu'il se retrouve plaqué contre elle, le dos contre son torse, totalement immobilisé. Et souffla à son oreille.
- On est alliés, que ça te plaise ou non. On est dans le même bateau. Et, pour ton père, en mémoire de son sacrifice, je te ramènerai à Luménis. C'est non négociable.
Elle demanda brusquement.
- Pourquoi tiens-tu tant à mourir ? Et quel est cet orgueil stupide qui te fait proférer de telles stupidités, juste pour ne pas reconnaître tes torts ?

[Taliesin]

Ne s'avouant pas vaincu malgré ses bras immobilisés, Léo continua a se débattre avec l'énergie du désespoir, n'hésitant pas à gratifier la rôdeuse de coups de pieds, de coups de tête... Mais il était presque à bout de force et ne risquait guère de lui faire vraiment mal. Le seul danger était qu'il parvienne à lui échapper en se tortillant comme une anguille. Or, il le faisait avec la dernière des déterminations.
-Nous ne sommes pas alliés ! Vous êtes avec les mages, vous voulez nous trahir et faire échouer la mission ! Je suis loyal à Luménis, à la marine, à mon nom ! Et je ne vous dirai rien ! Et je ne faillirai pas : mieux vaut mourir dans l'honneur que vivre dans le déshonneur ! Alors maintenant vous allez me lâcher ! Vous n'avez pas le droit de me toucher, traîtresse !
Il parlait toujours fort, mais sa voix, à force d'être malmenée, commençait sérieusement à s'enrouer.

[Voyageuse]

Astrée serrait sa prise le plus fermement possible.
- Tu es complètement fou, Léo. J'espère juste qu'ils ne vont pas décider, à Luménis, de t'enfermer à l'asile si tu rentres dans cet état. Et non, tu ne vas pas mourir. Même si je suppose que c'est ça que tu veux, mourir pour rejoindre ton père, te sacrifier pour compenser le fait de n'avoir pas pu donner ta vie l'autre jour... Mais un sacrifice stupide n'est pas un acte héroïque, c'est de la bêtise. On a une mission à remplir, alors si tu veux donner ta vie fais-le en combattant les mages, pas en t'obstinant à dire des âneries ! Parce que là, ta mort, elle servira à rien, à part à priver nos ennemis d'un adversaire. Alors cesse d'être ridicule, secoue-toi, et comporte-toi en jeune homme responsable et pas en gosse têtu !

[Taliesin]

Ses mots n'eurent d'autre effet que de le faire se débattre encore davantage.
-Lâchez-moi ! hurla-t-il. Vous comprenez rien à rien et vous essayezencore de m'embobiner ! Vous nous avez trahis ! Ces femmes sont des démones au service des mages ! Les aider, c'est aider nos ennemis ! Et je n'aiderai pas nos ennemis ! Et je rentrerai pas ! Jamais ! JA-MAIS ! Je devrais vous tuer pour empêcher cette infamie ! Ce serait honorable, ça ! Et je vous laisserai pas faire ce que vous avez en tête !

[Voyageuse]

Astrée soupira.
- Face à une telle crise de nerfs, je me demande si je ne ferais pas mieux de te plonger dans un bain glacé pour calmer ton hystérie... Ca marche, paraît-il... Et enlève-toi tout de suite de la tête l'idée de me tuer, tu ne ferais pas le poids. Mais quand même, j'aimerais comprendre... Qu'est-ce que tu t'imagines que j'ai en tête ?

[Taliesin]

Il commençait à se fatiguer. Il en était conscient, ce qui le poussait d'autant plus à jeter ses dernières forces dans la bataille. Et par conséquent, Astrée avait bien du mal à le contenir.
-Oh, vous le savez très bien ! TRES BIEN ! Et puis, en plus de ça, tout ce que je dirai, vous vous en servirez contre moi pour me torturer encore plus ! Alors je dirai rien ! Et vous pouvez essayer de me noyer, j'en ai rien a foutre ! Rien à foutre de ça et du reste ! Je tiendrai bon ! Et je peux vous tuer, si je veux ! Vous êtes rien qu'une femme incapable, inapte et stupide ! Vous êtes juste bonne pour la trahison !

[Voyageuse]

Astrée serra les dents. il était épuisant, elle peinait à le contenir... et s'il y avait eu un baquet d'eau froide à proximité, elle aurait sans doute cédé à la tentation de lui rafraîchir brutalement les idées.
- Mets-toi dans le crâne que non, tu ne pourras pas me tuer ; que deuxièmement, non, je ne suis ni inapte, ni stupide, quoiqu'on pourrait se le demander vu mon obstination à te sortir de là ; et que troisièmement, je n'ai pas l'intention de te torturer. Alors quitte à perdre mon temps, j'aimerais au moins savoir ce qui me vaut une telle haine, puisque, franchement, je ne vois pas du tout ce que tu imagines que je veux te faire ! C'est à croire... je ne sais pas... Est-ce qu'un jour une femme t'a fait des choses... qu'elle n'aurait pas dû ?
Voilà, la question était posée. Sans doute refuserait-il de répondre, mais peut-être sa réaction lui donnerait-elle un indice...

[Taliesin]

Cette fois, il s'immobilisa, et leva sur elle un regard incrédule.
Puis il éclata de rire. Un rire sans joie, vaguement hystérique. Mais l'idée semblait l'amuser, indéniablement.
-Vous êtes folle où quoi ? Qui aurait osé ? Ah ça, je lui aurais appris à vivre, à la tarée assez ravagée pour m'approcher contre mon gré ! Après, peut-être qu'il y en a qui y ont pensé, vu mon charme naturel ! Et je dois bien admettre que certaines des putes que j'ai connu étaient tellement heureuses qu'elles ont voulu me payer, après coup ! Et pas l'inverse !
Il se remit à se débattre.
-Mais je vous ai dit de me lâcher, non ? Alors lâchez-moi, bordel ! Après, vous vous demandez pourquoi je vous hais ! Je vous hais parce que vous faites tout pour me pousser à trahir ! Parce que vous me torturez, vous m'humiliez ! Je vous hais parce que vous me refusez la mort honorable à laquelle j'ai droit !

[Voyageuse]

- Ma parole, tu es vraiment complètement ravagé... Dommage qu'il n'y ait pas un prêtre par ici, il y a peut-être un soin à donner contre la folie... Ou peut-être que ces femmes ont raison et que tu es sous influence maléfique des mages... Non, franchement, je ne vois pas comment expliquer autrement ton comportement irrationnel. Soit tu veux mourir juste pour faire comme ton père, sauf que toi ce sera sans gloire ni honneur donc tu te goures complètement ; soit tu as subi un traumatisme par le passé qui expliquerait ton attitude actuelle ; soit tu n'es pas toi-même, et là je ne vois pas comment faire, à part t'attacher dans un coin et attendre que tu redeviennes toi-même...
Elle continua à l'enserrer de plus en plus fort.
- Ah, et arrête avec tes fantasmes à propos des putes. T'es trop jeune pour pouvoir leur faire le moindre truc, à ces pauvres femmes. Oh, je sais, c'était frustrant pour toi de savoir que les marins y allaient pendant que ton père te trouvait une autre occupation, alors tu as souvent dû imaginer n'importe quoi à ce sujet. Moi je plains ceux dont la seule expérience du sexe se limite à ça. Mais là n'est pas la question. De toute façon, les putes ne font pas ça à des gosses, donc arrête d'inventer n'importe quoi. Et non, je ne te lâcherai pas. Je ne te laisserai pas tomber. D'ailleurs, c'est peut-être parce que tu le sais que tu fais autant le bravache...

[Taliesin]

Il poussa un grognement furieux.
-Vous me retenez pour me torturer, espèce de chienne galeuse ! C'est la seule et unique raison à votre comportement qui paraîtrait dément si on ne savait pas que les femmes sont folles et méchantes par nature ! Je suis sûr que ces elfes, aussi dégénérées et traîtresses soient-elles, m'auraient moins fait de mal ! Ne m'auraient pas privé d'une mort digne ! Pourquoi vous vous obstinez, bon sang, sinon pour m'humilier, me faire craquer, souffrir ? Je vais mourir que ça vous plaise ou non ! Je ne trahirai pas ! Je me montrerai digne, pour une fois ! Je mourrai en HOMME. Parce que JE NE SUIS PAS UN GOSSE !!!

[Voyageuse]

Elle commençait à en avoir marre... et se demandait vraiment si elle avait la moindre chance d'en venir à bout !

Elle ignora volontairement son énième affirmation qu'il était un homme, et rebondit sur la phrase précédente.

- Pourquoi dis-tu "pour une fois" ? Tu t'es déjà montré indigne ? Tu as déjà trahi ?

[Taliesin]

Léo serra les dents. Serra les poings.
-Oui ! hurla-t-il. Oui, oui, OUI ! Ça y est, je l'ai dit ! Vous êtes contente, hein ? Vous êtes heureuse ? Et bien pour vous faire plaisir, je vais le redire encore ! Oui, j'ai TRAHI ! J'ai manqué à ma parole, j'ai failli à l'honneur ! J'ai été indigne de mon nom, de mon uniforme, de ma cité ! Ça vous rend heureuse de le savoir, n'est-ce pas ? Oh oui, ça doit vous rendre heureuse... Mais voilà, il y a quand même une différence entre nous : moi, ça me rend malade. Moi, j'ai envie de me racheter. ET JE ME RACHETERAI ! Alors que vous, vous vous vautrez dans votre trahison qui ne vous fait ni chaud ni froid ! Ou si : elle vous fait plaisir, en réalité ! Vous aimez ça, trahir, tromper ! Mais comptez pas sur moi pour trahir à nouveau ! Plus jamais ! PLUS JAMAIS ! Je vais me racheter ! Je vais mourir dignement ! Et vous ne pourrez pas m'en empêcher !
Il tremblait comme une feuille morte, à présent. Mais la rage qui l'habitait paraissait sans mesure.

[Voyageuse]

Astrée fut si surprise par la hargne que le mousse semblait éprouver envers lui-même qu'elle faillit relâcher sa prise. Elle la resserra à nouveau, mais presque avec douceur, pour apaiser les tremblements.
- Je ne vois pas ce dont tu parles, souffla-t-elle. Léo... je ne te connais que depuis moins de dix jours, mais j'ai bien du mal à t'imaginer trahir ou manquer à ton honneur. Et même si cela devait arriver, tu n'as certainement pas voulu mal faire. Et il est bien certain que tout le monde a droit à l'erreur, surtout à ton âge. Ne sois donc pas si dur avec toi-même. Et surtout.. sache que tu n'as pas besoin de mourir pour racheter une faute, quelle qu'elle soit.

[Taliesin]

-Vous ne comprenez rien à rien ! poursuivit-il, sur le même ton hystérique, en recommençant à se débattre. Et c'est normal : vous êtes une foutue gonzesse, ces choses-là vous passent au dessus de la tête ! Mais la mort ne se rachète que par la mort ! Et je ne faillirai pas à mon deuxième engagement ! Je ne trahirai pas, je ne m'allierai pas à l'ennemi, je mourrai dans l'honneur ! Nul ne pourra jamais dire que j'ai trahi deux fois ! Et mon âge n'a rien à faire là-dedans : je suis un homme depuis bien longtemps ! Vous refusez juste de le reconnaître pour m'humilier ! Mais j'en suis un !

[Voyageuse]

Astrée conservait son calme, même si elle commençait à fatiguer un peu de serrer aussi fort le gosse dans ses bras. Elle continua son questionnement, se demandant si elle avait la moindre chance d'aboutir ainsi à un résultat. Mais que pouvait-elle tenter d'autre ?
- La mort ne se rachète que par la mort... D'abord, ça se discute, je ne suis pas d'accord avec ça, personne ne mérite de mourir, quelle que soit la raison, tout le monde peut se racheter. Mais la question n'est pas là. Pourquoi dis-tu une telle chose ? Tu te sens responsable de la mort de quelqu'un ?

[Taliesin]

Léo se débattait toujours, mais plus mollement, tandis que ses tremblements s'accentuaient de manière inquiétante.
-J'avais promis...
Il se mordit violemment les lèvres, comme pour s'empêcher de parler davantage.
-J'ai rien à vous dire : ça vous regarde pas. Et de toute façon, vous utiliseriez tout contre moi. Je dirai plus rien. Faites ce que vous voulez, je dirai plus rien.

[Voyageuse]

Astrée le serra un peu plus fort contre elle. Mais il y avait plus de tendresse que de violence dans ses gestes.
- Tu n'es pas obligé de parler, fit-elle d'une voix hésitante. Du moins, de me parler à moi, si tu n'as pas confiance en moi. Mais tu sais, des fois, parler, ça fait du bien. Alors, peut-être que tu préfèrerais dire tout ça à quelqu'un d'autre, puisque d'après toi je ne peux pas comprendre... Mais ça te ferait du bien d'en parler.
Elle soupira.
- Et quoi que tu aies promis, et même si tu as manqué à ta promesse... je t'assure que tu ne mérites pas la mort. Tout le monde peut faire des erreurs. Et seul un vivant peut se racheter une conduite.