[Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Astrée

[Taliesin]

Il secoua la tête avec virulence.
-Et vous me proposez quoi ? De continuer en me rendant coupable d'une nouvelle trahison ? D'ajouter au parjure la félonie ? Ah ! Voilà un excellent moyen de me racheter, pour sûr ! Et ben non, non et NON ! Je ne rallierai pas les servantes des mages, je ne passerai pas à l'ennemi, je ne vous suivrai pas sur la voie du déshonneur ! J'ai une occasion de montrer que je suis un digne Luménien qui ne trahit pas, contrairement aux mercenaires. J'ai l'occasion de montrer que je suis un homme qui ne trahit pas, contrairement aux femmes. Je le prouverai, et je me rachèterai !
Le discours n'avait pas varié. Mais la conviction et l'énergie manquaient de plus en plus.

[Voyageuse]

Astrée soupira.
- Léo, tu me fatigues à répéter toujours les mêmes accusations stupides. Je n'ai trahi personne, je reste fidèle aux engagements que j'ai pris envers luménis, et je tiens même ma promesse envers ton père en tentant de te sauver malgré toi. Et je suis certaine qu'aucune des autres personnes de l'équipe ne passera à l'ennemi. Que tu sois persuadé que nos hôtes sont alliées aux mages, soit, c'est ton opinion, il n'y a aucune preuve qu'elles le soient ni qu'elles ne le soient pas, et seul le temps permettra de savoir lequel d'entre nous a raison. Si tu meurs stupidement, tu n'en sauras jamais rien. Et qu'on accepte de jouer le jeu de ces elfes pour survivre et pouvoir mener à bien notre mission ne veut pas dire qu'on est de traîtres, simplement qu'on garde en tête notre objectif et qu'on fait ce qu'il faut pour l'atteindre. Bref, ça veut dire qu'on réfléchit avec notre cervelle et pas avec nos émotions ! Et tu ferais bien d'en faire autant...
Elle ajouta, subitement.
- Tu as déjà connu des femmes qui ont trahi ? Des mercenaires qui ont trahi ? Puisque c'est ce que tu sembles dire... Et toi, qui donc penses-tu avoir trahi ? Ton père ? Ton navire ? Ta ville ?

[Taliesin]

Le gamin éclata de rire, à nouveau.
-Des femmes qui ont trahi ? Oui ! Je vous connais, VOUS ! Et ces trainées qui ont rejoint les mages ! Des mercenaires qui ont trahi ? L'histoire en est pleine, et ceux de notre groupe qui feront comme vous les rejoindront dans leur infamie !
Il cracha par terre.
-Et vous me lâcherez pas tant que vous saurez pas tout, hein ? Vous me foutrez pas la paix tant que j'aurais pas craché le morceau, hein ? Saleté de fouine perverse que vous êtes ! Et bien tant pis, je vais vous dire ! J'assume mes fautes, moi ! Je ne me perds pas en mensonges ! Mon parjure, ma faute ? J'avais promis à ma mère de ramener mon père VIVANT ! VOILA ! Vous savez ! A présent, bordel de dieux, FOUTEZ MOI LA PAIX !
Et de fondre en larmes, tout en se débattant, plus hystérique que jamais.

[Voyageuse]

Astrée ne relâche pas sa prise.
- Léo... ce n'est pas ta faute, tu ne pouvais rien faire. Personne ne pouvait rien faire... Et mourir n'y changera rien. Et ton père avait lui aussi promis de te ramener vivant, c'est pour ça qu'il t'a confié à moi, et moi aussi j'ai promis de te ramener vivant... Et tout le monde fait toujours de son mieux pour tenir ses promesses, mais y'a des fois où on ne peut rien faire, où une tempête emporte le bateau et on ne peut pas commander au vent...
Elle soupira, et reprit :
- Léo... Que va devenir ta mère si tu meurs ? Ca va déjà être un déchirement pour elle que ton père soit mort, alors si en plus tu meurs, toi... et pire, si elle sait que tu meurs à cause de la promesse que tu lui as faite... jamais elle ne s'en remettra, jamais elle ne se pardonnera de t'avoir fait promettre ça. Léo.. Ta mère ne se remettra pas si elle te perd, toi aussi. Elle t'attend, là-bas, je suis certaine qu'elle prie tous les jours pour que tu reviennes en un seul morceau. Elle a envie de te serrer fort contre elle, doublement plus fort quand elle saura que vous avez perdu ton père.

[Taliesin]

-Elle a mes frères et mes sœurs ! parvint-il à protester malgré ses sanglots convulsifs. Et elle préférera me savoir mort dans l'honneur que vivant dans le déshonneur ! Jamais les Longuehune n'ont trahi ! Jamais ! Pas dans le passé, pas sous la dictature... Je ne serai pas le premier à salir notre nom ! Et puis, les femmes et les mères de marins savent ce qu'il en est, elles connaissent et acceptent les risques !

[Voyageuse]

Astrée continuait à le serrer dans ses bras avec douceur.
- Comme tu dis, elle sait ce qu'il en est, elle connaît les risques, et donc elle sait très bien que tu ne pouvais rien faire pour empêcher le naufrage. Tu n'as pas trahi ta promesse, tu as fait tout ce que tu pouvais, tu n'es pas déshonoré, Léo. Et ta mère ne pourra jamais compenser ta perte, même si elle a tes frères et soeurs. Tu es irremplaçable... Pour une mère, chacun de ses enfants est irremplaçable. Elle devait avoir vraiment très peur pour toi quand elle t'a laissé partir, mais elle savait que tu avais grandi, qu'elle ne pouvait pas te garder éternellement près d'elle, alors elle t'a laissé partir par amour... Si tu ne reviens pas, elle ne se pardonnera jamais de t'avoir laissé aller avec ton père. Léo... Tu n'es pas responsable de ce qui s'est passé. Tu n'as rien à te reprocher... Ton honneur est sauf.

[Taliesin]

-Vous y connaissez rien, à l'honneur ! s'emporta-t-il faiblement. Vous le bafouez sans en éprouver le moindre remord, et vous vous permettez d'estimer si le mien est sauf ou non ? Foutaises ! J'ai manqué à ma parole, et c'est une souillure telle que je n'en veux pas d'autres semblables dans mon existence ! Alors je résisterai, je ne cèderai pas, ni à vous, ni à vos nouvelles amies, ni aux mages qui les gouvernent ! Je ne reparaîtrai pas devant ma mère, j'en serai de toute façon incapable. et elle aura la satisfaction de savoir que je suis mort fidèle à ma mission !
Il prit une profonde inspiration, comme s'il s'apprêtait à jeter ses dernières forces dans la bataille. Ce qu'il fit.
-Si vous m'empêchez de mourir, si votre copine la sorcière ne me tue pas, je ferai tout pour vous nuire ! Je ferai tout pour vous livrer aux hommes justement révoltés ! Et je dirai aux autres ce que vous m'avez fait ce soir ! Ils verront quelle genre de femme vous êtes !

[Voyageuse]

Astrée haussa les épaules. Et ne resserra pas sa prise. Elle ne se faisait guère de souci concernant ses menaces en l'air, donc la plus risible était celle de la livrer aux hommes du clan...
- Tu ne feras rien de tout ça. Parce que, pour le coup, là, tu manquerais à l'honneur. Et justement, mon honneur à moi, c'est de te garder en vie et de te ramener chez toi comme je l'ai promis. Alors arrête donc de m'accuser de tout et de n'importe quoi, ça ne tient pas debout. Et je te le répète, ton honneur est sauf. Une promesse qui est impossible à tenir n'a aucune valeur, et exiger de quelqu'un qu'il la tienne serait de la torture, contraire au bon sens et aux valeurs humaines. Surtout dans les conditions où tu te trouvais. A moins que tu n'aies le pouvoir de commander à l'océan, tu ne pouvais rien faire, et tu le sais bien... Arrête donc de te mettre martel en tête pour ça. Et ta mère, si tu meurs soi-disant pour tenir une promesse que tui lui aurais faite, elle ne se le pardonnera jamais, ce serait comme si elle t'avait elle-même tué, tu imagines ? Comment pourrait-elle accepter ça ? Donc, arrête tes bêtises une bonne fois pour toutes ! Tu te doutes bien que ta mère t'a demandé de veiller sur ton père pour te prouver qu'elle te considérais comme un grand... pas pour que tu le prennes au pied de la lettre au point de vouloir en mourir !

[Taliesin]

Il releva la tête, les yeux écarquillés. Il paraissait presque horrifié par ses derniers mots.
-Vous mentez ! C'était un vrai engagement ! On plaisante pas avec ces choses là, chez nous ! Et pour le reste... Si, je le ferai ! Ce n'est pas manquer à l'honneur que nuire par tous les moyens à des traîtres ! A des tourne-casaques ! Je trouverai le moyen de vous tuer, ou de vous livrer, ou de vous mettre des bâtons dans les roues : j'en suis capable ! Et je raconterai aux autres ce que vous m'avez infligés ! Ah ça, ça va les surprendre, je crois... Beaucoup les surprendre...
Sa voix tremblait de plus en plus, et la colère dont il la parait, la force qu'il tentait d'y mettre étaient plus pathétiques qu'autre chose.

[Voyageuse]

Astrée haussa les épaules. Elle avait relâché sa prise sur le jeune mousse, se tenant toutefois prête à réagir s'il lui prenait envie de faire n'importe quoi.
- Tu sais très bien que j'ai simplement cherché à te sauver la vie... et si possible à te garder en un seul morceau. Mais si tu veux raconter n'importe quoi... Moi, j'ai ma conscience pour moi, je n'ai rien à me reprocher. Et j'ai tenu ma promesse de te protéger. Et je ne suis pas une traitre, contrairement à cer que tu persistes à croire. Mais si ça t'amuse de m'insulter... Il y a quand même un point positif dans tout ce que tu dis : tu considères que l'honneur est important pour ta mère, donc tu ne peux plus dire que les femmes n'ont pas d'honneur...

[Taliesin]

-Elle, s'est pas pareil ! s'exclama-t-il. C'est... C'est pas une femme, c'est ma mère ! Rien à voir !
Ses épaules s'affaissèrent comme il poussait un soupire tremblant.
-Et puisque vous voulez pousser la torture jusqu'au bout, puisque malgré mon courage vous êtes trop mauvaise pour m'accorder une mort digne...
Il secoua la tête, la mine abattue.
-Je m'en occuperai moi-même !
L'instant suivant, avec une vivacité qui prit Astrée au dépourvu, il lui échappait et courait droit sur la porte. Droit vers la plateforme sur laquelle elle ouvrait. Droit vers le vide vertigineux qui la bordait...

[Voyageuse]

Astrée réagit un quart de seconde trop tard... et fila à son tour, bien décidée à l'attraper avant qu'il soit trop tard.

Elle n'aurait jamais dû relâcher sa prise, même si peu... Après tout, le gosse voulait mourir, c'était clair depuis le début, depuis le naufrage. Elle avait simplement oublié qu'il existait des moyens plus simples et plus rapides que de se faire torturer par une vieille elfe.
Tous ces sentiments mêlés ne furent qu'une vague d'angoisse indistincte, elle n'avait pas le temps de penser, et seul son instinct la fit réagir aussi rapidement. Elle plongea à son tour en direction de la porte.

[Taliesin]

Aussi rapide fût-il, le gamin dut s'arrêter pour ouvrir la porte, ce qui permit à Astrée de presque le rattraper. Mais il ne fit qu'entrebâiller le battant et, s'étant faufilé à l'extérieur, il le claqua derrière lui, ce qui contraignit Astrée à s'immobiliser un instant, elle aussi.
Lorsqu'elle surgit sur la plateforme, il la devançait de quelques foulées. Encore quelques-unes, une poignée, et il pourrait sauter vers une mort certaine.
La rôdeuse pouvait peut-être encore agir. Elle devrait cependant le faire vite, très vite.

[Voyageuse]

Astrée ne poussa qu'un cri, impérieux, du ton qu'on emploie quand un enfant se met en danger et qu'il faut qu'il stoppe à tout prix.
- Arrête Léo !
Et, simultanément, elle plongea les bras en avant, pour lui saisir les jambes et le plaquer au sol.

[Taliesin]

Le gamin ne l'écoutait pas. Et s'il n'y avait eu que le cri, il aurait déjà été en train de tomber dans le vide.
Mais il n'y eut pas que le cri. Astrée l'atteignit au moment même où il s'apprêtait à bondir. Complètement déséquilibré, Léo s'effondra violemment sur le bois de la plateforme. Le haut de son buste et sa tête dépassaient du rebord, dominaient le sol si lointain. Mais il ne tomberait pas.
Plus.
Il ne se débattit pas : à dire vrai, le choc paraissait l'avoir sonné.

[Voyageuse]

Le premier réflexe d'Astrée fut de vérifier qu'elle maintenait fermement le jeune garçon au sol, sans guère se soucier du fait qu'elle lui écrasait sans doute un peu trop les jambes. L'essentiel était qu'il ne tombe pas.
Mais le gosse avait l'air sonné : peut-être s'était-il assommé ?
- Léo ? Ca va ? questionna-t-elle, angoissée. Elle se redressa, tenant toujours fermement le garçon par les pieds, pour tenter de l'examiner.

[Taliesin]

Elle put sans mal le tirer entièrement sur la plateforme, puis le retourner avec douceur. Le gamin ne se défendit pas, n'esquissa pas le moindre mouvement, ne répondit pas davantage à son appel. Il était conscient, pourtant, du moins vaguement. Sa respiration difficile témoignait qu'il s'était coupé le souffle en tombant. Mais, en dehors de quelques éraflures, d'une ou deux ecchymoses supplémentaires, il n'avait guère pâtit de sa chute.

[Voyageuse]

Astrée souleva le corps du jeune garçon dans ses bras pour le ramener à l'intérieur. Léo était en état de choc, sans qu'elle sache si c'était simplement du fait de sa chute, ou de la lutte acharnée qu'il venait de mener piour la convaincre - et sans doute se convaincre- qu'il voulait mourir. Sans doute un peu des deux.
Elle l'installa assis, le dos contre le mur de rondins, et le couvrit de sa chemise en loques.
- Léo ? Comment tu te sens ?

[Taliesin]

Le garçon leva sur elle un regard vitreux autant qu'absent.
-Trop vivant, grogna-t-il. A cause de vous.
Ses épaules s'agitèrent d'un violent tremblement.
-Je vous hais, conclut-il simplement.
Si les forces semblaient lui manquer, si l'heure n'était plus à la vaillante résistance, son état d'esprit ne paraissait malheureusement pas avoir évolué le moins du monde.

[Voyageuse]

Astrée réprima un soupir. Evidemment, il voulait toujours mourir. Cela passerait, avec le temps... s'il ne parvenait pas à ses fins avant.
- Grand bien te fasse, répliqua-t-elle simplement. Mais tu verras, un jour, tu seras heureux que je t'ai empêché de commettre l'irréparable. Même si en ce moment ça te paraît bien loin, voire impossible.

Elle lui posa la main sur l'épaule, avec douceur.
- On va rentrer chez nous. Tu vas retrouve ta mère, ta famille. Je viendrai avec toi, je te le promets. J'expliquerai à ta mère... Et elle te serrera fort dans ses bras pour te montrer à quel point elle a eu peur de te perdre. Aucune mère ne veut voir son enfant mourir. Même pour une question d'honneur, et surtout si cette question d'honneur n'en vaut pas la peine.'il s'agissait de tenir une promesse impossible. Elle t'attend, elle doit se ronger les sangs...

[Taliesin]

Il se tendit brutalement à son contact.
-Ben malheureusement pour elle, elle pourra attendre longtemps... murmura-t-il. Parce que je ne rentrerai pas. Jamais. Et de toute façon, j'ai plus l'âge qu'on me serre dans ses bras : quand est-ce que vous arrêterez de me considérer comme un bébé ?
Cependant, la faiblesse de sa voix, sa mine misérable le faisaient paraître encore plus jeune qu'il ne l'était réellement. Ce dont il devait avoir une douloureuse conscience, à en croire le désarroi révolté dont se paraient un peu plus à chaque instant ses traits tirés.

[Voyageuse]

Astrée le sentit se tendre, mais ne retira pas la main de son épaule.
-Mon pauvre Léo... soupira-t-elle. C'est bien trop de souffrance à la fois, tout ça....
Elle ne détailla pas ce à quoi elle pensait, pèle-mêle, la perte de son père, ce fichu sens se l'honneur qui lui faisait appréhender son retour avec angoisse, la peur de ne pas revenir et la peur de revenir, la peur des amazones....
- Tout ça sera bientôt fini, et on va rentrer chez nous, répéta-t-elle. Sans paraître accorder la moindre importane à ses dénégations précédentes.
Elle s'assit à côté de lui, passant son bras autour de ses épaules, prête à l'attirer contre elle, mais n'osant pas insister s'il montrait la moindre résistance.

[Taliesin]

Et il en montra.
Il était plus tendu que jamais, et tenta de s'écarter d'elle autant que faire se peut. Toutefois, soit que ce contact lui ôta ses moyens, soit qu'il y trouva, tout en refusant de l'admettre, un certain réconfort, soit enfin que ses récentes épreuves l'aient privé de toute énergie, ses efforts furent rien moins que probants et, à dire vrai, plutôt pitoyables.
Il portait alternativement ses regard, mi-hostiles, mi-hantés, sur la rôdeuse et sur l'elfe qui avait mis de l'eau à chauffer sur son brasero et rassemblait désormais des herbes diverses. Il tremblait toujours et paraissait désormais incapable de prononcer le moindre mot, quoi qu'il sembla évident à Astrée qu'il aurait aimé lui répondre par une réplique aussi cinglante que les précédentes.

[Voyageuse]

Astrée n'ajouta rien. Tout avait été dit. Seuls restaient les gestes... Elle se contenta donc de maintenir son bras autour de lui, espérant le réconforter un peu. Elle ne pouvait pas lui imposer plus, même si elle sentait que ça lui aurait fait du bien. Elle attendrait qu'il se détende, qu'il accepte de se laisser aller.

Elle jeta un regard curieux à l'elfe, essayant de reconnaître les plantes qu'elle jetait dans la marmite, d'identifier le mélange.

[Taliesin]

La majeure partie des herbes lui étaient par trop étrangères pour qu'Astrée pût deviner quel était leur usage. Cependant, celles qu'elle crut reconnaître paraissaient destinées à calmer les nerfs mis à rude épreuve, semblaient propres à accorder un sommeil réparateur et bien mérité. Pas de poison, donc. Pas de baume désinfectant capable de soigner des plaies, non plus.
Léo, de son côté, tenta à nouveau de se dégager, avant de finalement renoncer.
-Faites pas semblant d'être gentille, murmura-t-il. Vous me trompez pas. Et j'ai déjà dit que j'avais plus l'âge qu'on me serre dans ses bras. Enfin, je sais bien que vous le savez, même si vous me traitez comme un gosse...
Il grimaça, releva un regard trouble sur la jeune femme.
-Si je vous donne ce que vous voulez... Vous me tuerez, après ?

[Voyageuse]

Astrée poussa un soupir et seocua la tête, vaguement désemparée.
- Arrête donc de raconter n'importe quoi... Et j'espère pour toi que tu dis ça pour plaisanter, parce que sinon je vais vraiment me faire du souci pour ton état mental ! Tu te rends compte de ce que tu insinues ?
Il n'était pourtant certainement pas en état de plaisanter. Et c'était donc inquiétant concernant la vision qu'il avait des femmes....
- Et pour finir, non, je ne te tuerai pas, quoi que tu fasses, quoi que tu dises ! Je te ramènerai chez toi, chez ta mère, qui saura mieux que moi te réconforter pour tous ces malheurs. On va rentrer, Léo. C'est tout ce qui compte. Et on pourra peut-être même accomplir la mission qu'on nous avait confiée... Mais pour ça il faut que tu retrouves ton état normal. Tu es complètement démoli, mon pauvre...

[Taliesin]

Il eut un rire terriblement faible et affreusement amer.
-Vous avez tout fait pour. Et vous continuerez. Et arrêtez de parler de la mission : vous avez peut-être envie qu'on rentre, oui. Mais qu'on rentre avec les mages, histoire qu'ils ravagent Luménis...
Il serra les dents, fit un effort pour se dégager du bras que la rôdeuse gardait autour de ses épaules, et alla se recroqueviller à quelques pas, les genoux ramenés contre la poitrine.
-Mais je vous en empêcherai, ajouta-t-il dans un murmure. Et si je peux pas... Au moins, je vous aiderai pas et je rentrerai pas avec vous.

[Voyageuse]

Astrée ne se démonta pas pour autant. Elle le suivit pour s'accroupir face à lui, posant ses deux mains sur ses épaules et le regardant dans les yeux.
- Tu rentreras avec moi, que tu le veuilles ou non, et en un seul morceau qui plus est. Je te l'ai déjà dit, c'est non négociable. Et ta mère saura sans doute mieux que moi comment t'aider à remonter la pente. En revanche... j'aurai certainement deux ou trois mots à lui dire concernant la bien piètre opinion que tu sembles avoir des femmes. Je doute qu'elle apprécie le manque de respect total dont tu fais preuve envers nous. Je sens que tu n'as pas fini d'en entendre parler.... Mais bon, elle sera tellement contente de te revoir en un seul morceau qu'elle sera certainement trop indulgente.

[Taliesin]

Une lueur vacillante passa dans le regard éteint du gamin.
-Et moi, si je rentre, je lui dirai ce que vous m'avez fait. Je lui parlerai des coups, des humiliations et de ce que vous aviez en tête, de comment vous m'avez arraché mon pantalon pour voir ce que vous vouliez voir, et tout le reste. Peut-être même que j'en rajouterai un peu. Quoi que ce ne sera pas vraiment nécessaire... Et si je sors de cette maison, je raconterai ça aussi à tous les autres. De quoi leur faire partager ma vision vraie de ce que sont réellement les femmes.
Ses lèvres décolorées s'étirèrent en une ombre de sourire.
-Vous voyez ? Il vaudrait mieux pour vous... Que je ne survive pas.

[Voyageuse]

Un instant, un éclair de colère passa dans les yeux d'Astrée, et elle fut tentée de gifler l'enfant. Mais elle se contint et haussa les épaules.

- Pauvre idiot, fit-elle en soupirant. Imagine donc ce que tu veux, raconte ce que tu veux... J'ai ma conscience pour moi, et tu sais très bien au fond de toi que ce que tu insinues est complètement faux. Mais si ça te soulage d'inventer n'importe quoi.... c'est pas mon problème. J'ai fait ce que j'avais à faire.
Et elle s'assit dos au mur à côté de lui, sans rien ajouter. Elle en avait par-dessus la tête de ces discussions stériles.