[Quête : Le Poing Levé] Dernek

[Dhast]

Brus avait repris place à la table, il se distrayait en dessinant des cercles sur la fine pellicule de graisse qui couvrait le bois. Il s'arrêta lorsqu'une écharde vint lui pénétrer le doigt. Tout en essayant de l'extraire tant bien que mal, il répondit à son tour.

- Pour t't à l'heure j'peux bien rester 'vec vous s'i'l'souhaitez. M'entendrez pas, ce s'ra comme si j'tais pas là. Et pour les aut' qu'est-ce qu'on y fait? J'veux dire l'deux mages et ceux d'la grange, M'sieur Balder dit qu'il faut pas êt' pris d'cours.

[Lothringen]

Corwin toussota, gêné. A vrai dire, quelles pouvaient être les intentions de l'adversaire ? Les tuer, les suivre, les espionner ? Il n'en savait rien. Juste que ces gens ne semblaient pas là par hasard, et qu'ils devaient avoir leurs raisons pour ne pas être intervenus plus tôt.

"Je ne servirai pas à grand chose durant l'entrevue, mais je peux me cacher quelque part pour surveiller les accès, donner l'alarme ou éviter un encerclement. Oué, ça je peux. Un mage ça rigole moins quand on le prend au dépourvu..."

[Chandara]

Quête : le Poing levé

Mise en confiance par les hésitations de certains de ses compagnons, la paladine reprit la parole, soulevant un problème qui l’inquiétait. Elle n’aimait pas être dans la situation d’une cible incapable d’anticiper les mouvements et de comprendre les motivations des chasseurs. Pas du tout.

- Peut être que nous devrions donner le change en laissant certains d’entre nous à l’auberge. Je répugne à ce que l’on se sépare mais nos diversions auront peu de chance de marcher si ceux qui nous observent savent que nous ne sommes pas où nous devrions être. Peut être devrions-nous leur faire croire qu’Althéa est la seule à aller au rendez-vous…

[Lothringen]

La suggestion de Chandara rencontra, pour tout écho, un grand silence. Il fallait croire que ce groupe n'était pas porté à la stratégie. Corwin se sentit très balourd quand il répliqua :

"Mais il faudra bien quitter sa place à l'auberge pour rejoindre les autres en cas de grabuge, et ça nous fera loin pour intervenir... Et puis, je ne sais pas comment fonctionnent ces mages, mais, avec une clairaudience, ils peuvent avoir surpris une partie de nos projets. Je veux bien faire diversion, mais seulement dans un premier temps... Après, je veux en être..."

Et comme personne n'ajoutait rien et que l'heure avançait, ils commencèrent à s'organiser pour la soirée. Pour autant que le vieux prêtre avait compris ce que chacun avait l'intention de faire, Althéa se rendait au rendez-vous, Brus et Oriane la rejoindraient discrètement, et les deux prêtres et la paladine feraient un temps diversion, avant de les retrouver le cas échéant.

Les écuries étaient situées dans un bâtiment annexe de l'auberge, de l'autre côté de sa cour intérieure. Pour l'heure, derrière les grandes portes à doubles battants, trois chevaux y somnolaient avec ennui chacun dans sa stalle, la tête plongée dans un épais ballot de fourrage. La nuit tombait...

[Althéa]

En attendant le rendez-vous, Althéa faisait les cent pas et n'en menait pas large. Une nouvelle fois, elle s'était mise en danger, et cela volontairement. Et si tout ne se passait pas comme prévu ? Si on leur tendait bel et bien un piège ?

De plus - mais était-ce son imagination où le tas de fourrage non loin d'elle respirait ? Elle s'en approcha doucement, très discrètement, la main sur le pommeau son épée courte.

C'est alors que quelque chose, qu'elle prit d'abord pour un chat en sortit en hurlant, la faisant hurler à son tour. La fille de l'aubergiste, debout devant elle lui envoya un regard désolé. Pour la discrétion, c'était complètement raté. Quelques secondes plus tard, elle entendit des pas venant dans sa direction. Les pas de ses alliés alertés par ses cris ?

[Dhast]

Brus avait suivi Althéa depuis les recoins sombres de la cour intérieure. Les ombres que déversait la nuit aidant, la progression avait été relativement aisée et il était certain que personne n'avait pu le remarquer ni l'entendre. Il avança jusqu'à une charrette située près des portes de l'écurie, derrière laquelle il s'accroupit, guettant les moindres bruits qui pouvaient venir de l'intérieur. Le silence était presque complet lorsque qu'il entendit les cris. Il sursauta et tomba sur les fesses. Il allait se précipiter vers les portes mais il resta finalement immobile. Il avait reconnu la voix d'Althéa mais l'autre cri paraissait moins être le cri sauvage d'un barbare des steppes chargeant sur son ennemi que celui d'une petite fille effrayée. Il se plaqua contre le mur de l'écurie, dague au poing et toujours dissimulé par la charrette. Il regarda du côté de l'auberge si des intrus ou leurs compagnons faisaient irruption puis il chercha Oriane du regard. Les cris avaient pu réveiller tous les locataires de l'auberge, à moins qu'ils n'aient le sommeil très lourd.

[Chandara]

Quête : le Poing levé

Chandara attendait dans la salle commune pour rester bien visible pour un éventuel espion. Lorsque les cris se firent entendre, la paladine bondit de sa chaise, signe qu'elle était extrêmement nerveuse de laisser les autres prendre tous les risques. Abandonnant son semblant de couverture, elle se dirigea vers la fenêtre pour observer dehors. Mais elle ne disposait pas d'un bon angle de vue aussi dut-elle aller ouvrir la porte pour tenter de savoir ce qui se passait.

[Lothringen]

Corwyn imita la paladine en faisant irruption dans la cour. Les exclamations d'Althéa et de la jeune fille avaient conduit quelques fenêtres à s'ouvrir, mais heureusement, il n'était pas encore assez tard pour que les gens dorment, et nul n'avait donc été réveillé, ce qui avait un peu cassé leurs effets glaçants de ces cris nocturnes. Quand le silence se fut prolongé quelques temps, les fenêtres se refermèrent en grommelant. De là où ils étaient, Corwin et Chandara ne voyaient rien de suspect. La cour restait déserte.

Dans les écuries, la fille de l'aubergiste - une grande bringue à tâches de son et aux cheveux de paille - retrouvait peu à peu ses moyens. ç'avait été idiot, cette réaction, mais brrr ! Elle avait vu venir le moment où cette aventurière allait l'embrocher sans même la voir.

"Euh, je suis désolée, c'était bête... commenta-t-elle en se grattant nerveusement la nuque. Et maman qui m'avait dit de pas me faire remarquer ! alors, je vais faire vite. On voulait vous dire que cet Eroeh, on devine où il est. Mais on voulait pas le dire en public, y'a des types louches qui sont venus poser des questions sur lui y'a queq' jours, et ils occupent une chambre depuis. M'man a l'air de les trouver dangereux, ça la rend très nerveuse... Ils ont obligé papa à porter des messages pour eux, c'est pour ça qu'il y a que nous. M'man dit qu'ils ont les moyens de surveiller ce qu'on fait quand ils sont pas là. Comme elle sait pas écrire, c'est moi qui a fait le mot... J'écris bien hein ?"

[Althéa]

Althéa s'était retenue de justesse de frapper la gamine à toute volée. Cette mise en scène idiote et cette sortie du tas de foin lui avaient fait frôler la syncope. La peur passant, elle entreprit d'enregistrer les informations que sa vis-à-vis débitait dans un ordre anarchique. Puis elle prit finalement la parole, d'une voix plus ou moins posée.

"Tu écris très bien ... Si tu ne sortais pas de nulle part en hurlant, tout serait parfait ... Hum ... Peux-tu me dire qui sont ces hommes, combien ils sont et où ils se cachent ? Et Eroeh, où est-il ? Comment va-t-il ? Y a t-il un moyen d'entrer en contact avec lui ?"

[Lothringen]

« Euuhhh... Moins vite, siou plé ! Pis j'sais pas tout. Pour les spions, ben dans l'auberge ils sont deux, et avec leurs robes, ressemblent à des mages. Emeline m'a dit qu'y z'avaient des amis au village et ptet ailleurs aussi, mais j'en sais pas plus. Sont pas très bavards. Tout le temps à chuchoter et j'ter des regards mauvais et se croire très importants et pas dire merci et... c'était quoi l'aut question ? Ah oui, le prêtre de Helm. C'est parce qu'on a vu d'autres prêtres avec vous qu'on a décidé de vous faire confiance. La dernière fois qu'il est venu, y'a des mois, l'a demandé comment on se rendait chez le vieux Alduriel. On dit qu'il est vieux pasque c'est un elfe et qu'il a les cheveux blond blanc des rides et presque de la moustache sous le nez, j'vous jure !... Enfin la dernière fois qu'il est venu, j'suçais encore mon pouce... Il sort plus de chez lui le vieux, mais il envoie régulièrement son serviteur faire les courses en ville et généralement il passe commande ici pour qu'on lui prépare tout et qu'il ait plus qu'à emporter... et, devinez quoi ? Depuis le passage du prêtre, il demande une portion de plus en nourriture... Alors on pense qu'il y est ptet encore. »

L'adolescente se tut, plutôt satisfaite de son petit discours. Elle fut fort déçue de l'air attentiste de la bretteuse, qui répéta ses questions à propos d'Eroeh.

« Ah oui. Ben le plus simple c'est d'aller là-bas, parce que la prochaine livraison, c'est dans plusieurs semaines... Alduriel il vit dans une tour fatiguée à quelques lieues dans la forêt du Bosquet, il paraît que c'est une vieille tour de garde des elfes de cuivre, mais abandonnée... Le vieux a pas l'air en bons termes avec les elfes de cuivre, en tout cas c'est ce que dit maman.»

« Et comment s'y rend-on ?"

« A pied ? Bon, z'avez pas envie de rire, je vois. Il y a une route en terre mais suffisamment bonne pour le passage d'une charrette, à l'est du village. Elle traverse trois champs, pas mal de friches, puis c'est la forêt, et on y est ! Y'en a pour une demi-journée de route, pas plus. Mais faut pas s'enfoncer au-delà, elle est dangereuse, cette forêt. Y'a des elfes plus méchants qu'Alduriel. Pis elle est magique, et tout.»

La gamine n'avait pas fini de parler qu'on entendit un bruit de heurt au niveau du portail de l'écurie, où le panneau trembla légèrement. Un grognement fusa, quelque chose frôla l'épaule de Brus et c'est désormais sans nulle discrétion qu'ils entendirent courir dans la cour. Pourtant, ils ne voyaient personne...

[Dhast]

Brus sursauta lorsqu'il sentit quelque chose passer à côté de lui. Il avait immédiatement sorti sa dague de son fourreau lorsque les grognements se firent entendre mais il se rendit rapidement compte qu'il ne voyait rien près de lui. Puis des bruits de courses retentirent dans la cour. Alors qu'il était concentré pour écouter l'échange entre Athéa et la petite fille il n'avait rien entendu d'autre, mais Oriane et lui n'étaient manifestement pas seuls dans la cour et le ou les autres étaient peut-être déjà en place avant qu'ils n'arrivent. Brus cria à l'attention de ceux qui étaient restés dans l'auberge:

- Bloquez la sortie, y a quelqu'un 'vec nous!

Puis il fit aussitôt quelques pas en arrière pour se dissimuler à nouveau. Pour Brus, le ou les intrus étaient invisibles, mais pas silencieux, et puis ils seraient obligés de se montrer pour sortir de la cour.

Brus-> se cacher dans l'ombre.

[Chandara]

Quête : le Poing levé

La paladine fut dehors en un clin d'œil, réagissant à l'appel de Brus sans hésiter une seconde. Par réflexe, elle regarda dans la direction de son compagnon avant de comprendre que les ennemis étaient invisibles. Prise par l'action et ne songeant plus à l'étrange sentiment d'absence qu'elle avait ressenti ces derniers jours, la jeune femme se concentra pour tenter de repérer la source des ennuis :

Chandara --> Détection du mal --> cour.

[Oriane]

Oriane avait entendu les intrus passer tout près de Brus. Elle se reprocha aussitôt de ne pas avoir été plus attentive à ce qui se passait autour d'eux, occupée qu'elle était à écouter les paroles de la fillette avec la plus grand attention. Elle vit Brus disparaître sous ses yeux, et recula d'un pas, espérant cacher sa présence jusqu'au moment où il lui faudrait intervenir.

[Lothringen]

Ainsi, d'invisibles espions avaient surpris leur trop intéressante conversation. Tout en s'efforçant comme l'avait demandé Brus de bloquer avec la paladine l'entrée de l'auberge, Corwin ne pouvait se prévenir de lorgner avec une curiosité malsaine l'effet de l'incantation de Chandara. Mais, point de miracle ce soir-là : les mots de pouvoir heurtaient le vide et la magie divine continua de se refuser.

Les pas de course s'étaient poursuivis bien que les intrus aient été découverts, ces derniers tentant manifestement de prendre les manostiens de court avant que le piège ne se referme. Corwin crut déceler deux séries de pas. Quelqu'un rentra lourdement dans Chandara, qui, encore concentrée sur son sort, vacilla. L'agresseur involontaire redevint alors visible ; c'était un mage vêtu d'une robe brune, plutôt jeune et apparemment paniqué. Il tentait de se dépêtrer de la paladine pour poursuivre sa course ; le prêtre dut se ruer sur lui pour l'empêcher de fuir, et c'est alors que la deuxième série de pas passa à tout vitesse près de lui, profitant de l'ouverture. Chandara et Corwin luttèrent quelques instants contre le mage découvert, mais ils n'eurent pas beaucoup de peine à le maîtriser : ce n'était pas avec sa minuscule dague que l'homme allait leur faire peur.

Corwin regarda d'un air inquiet en direction des deux roublards qui s'étaient fondus dans les ombres. Althéa, quant à elle, était demeurée près de l'adolescente.

[Chandara]

Quête : le Poing levé

Chandara mit plusieurs secondes à se remettre de l'étrange sensation qui l'avait envahie suite à son échec. Ce n'était pas du tout comme la fois où elle avait lancée ce même sort en plein temple de Talos à Mélandis et qui l'avaient laissée sonnée et nauséeuse. Cette fois, la nausée était bien présente mais aussi un sentiment de honte et de chagrin qu'elle eut du mal à repousser. Dans l'intervalle, le second mage avait pu passer sa garde et elle n'avait plus que l'infortuné qui s'était heurtée à elle pour passer son accès de colère. Au terme d'une brève lutte, la paladine lui asséna un coup de poing entre les deux yeux dans le but de l'assommer. Un mage était toujours dangereux tant qu'il pouvait lancer ses sorts mais il serait très instructif de l'interroger une fois quelques précautions prises.

[Dhast]

Brus avait délaissé le camouflage pour la course lorsqu'il était devenu évident que leurs adversaires prendraient la fuite par tous les moyens, et donc qu'ils éviteraient toute confrontation. Celle, involontaire, qui avait opposé l'un des agresseurs ainsi que le prêtre et la paladine avait tourné court pour le mage, immobilisé au sol. Cependant Brus avait lui aussi perçu deux courses, il ne s'arrêta donc pas au niveau de Chandara et de Corwin mais il franchit à son tour l'embrasure de la porte. S'il ne pouvait déterminer ensuite dans quelle direction le second mage avait fui, peut-être que la tavernière avait entendu l'individu passé. Il fit donc irruption dans la salle commune de l'auberge, se concentrant pour détecter les bruits, tout en cherchant rapidement la tenancière du regard.

[Althéa]

La situation était on ne peut plus confuse. Chacun fuyait de tous les cotés. Aucune cohésion dans les deux camps. Un peu plus et l'on risquait de poursuivre l'un de ses alliés. Althéa était restée près de l'adolescente afin de la protéger d'éventuels dommages collatéraux.

Puis elle avait vu Chandara et Corwin maîtriser le mage, soudain rendu visible après avoir heurté la paladine. Elle tira doucement sur la manche de la gamine et l'emmenant à coté de l'intrus lui demanda :

"C'est un de ceux dont tu nous parlais tout à l'heure ?"

[Lothringen]

La gamine eut une grimace de dégout mêlé de crainte en apercevant l'homme inanimé devant lequel on l'avait conduite. Elle ne se rasséréna qu'après avoir tâté du pied pour vérifier qu'il avait bien perdu connaissance à la suite de la délicate intervention de la paladine. Elle se mit alors à regarder alternativement Corwin, Alhéa et Chandara, avec un regard empli d'un espoir incertain.

"Oué, c'est ben l'un des deux affreux de la chambre trois... L'aut' mage s'est enfui ? Il va donner l'alarme alors... Je crois que je devrais aller chercher maman pour qu'on se mette à l'abri. Et vous, vous allez pas le laisser s'en tirer, hein ? Lui ou les autres ? J'aimerais pas apprendre que le vieil Alduriel ou cet Eroeh ils ont eu des problèmes à cause de nous. Vous allez régler tout ça, hein ?"

---

Pendant ce temps, Brus, toujours sur les talons invisibles du fuyard, était parvenu dans la salle commune de l'auberge. La tenancière n'était pas derrière son comptoir, mais il n'en avait pas besoin pour déterminer quelle direction le mage avait prise ; la porte d'entrée battait encore à toute volée. Au-delà, il entendit un bruit de course s'éloignant en direction de la ferme qu'il avait longée avec Corwin, un peu plus tôt dans la journée.

[Chandara]

Quête : le poing levé

Chandara qui n'avait pas assisté au début de la conversation était un peu perdue et jeta un regard à Althéa dans l'espoir qu'elle leur en apprenne davantage. Ce coup d'œil lui fit réaliser qu'il manquait un de leurs compagnons. Dans l'action, elle n'avait pas remarqué que leur petit compagnon était parti à la poursuite du second mage. Craignant soudain qu'il se retrouve en danger alors qu'il taillaient tranquillement une bavette, la paladine s'écria :

- Quelqu'un a vu par où Brus est parti ? Il faut vite l'aider avant qu'il ne se retrouve en difficulté.

[Dhast]

Brus arrêta sa course sur le pas de la porte. Poursuivre le mage plus loin relevait d'une témérité certainement étrangère au jeune voleur, qui put déterminer cependant dans quelle direction l'homme avait poursuivi son invisible course. Son regard glissa un instant sur la façade rassie de la grange qui se distinguait indifféremment des autres par sa sombre sobriété. Il avait toujours en tête les paroles du clerc rencontré dans l'après-midi, l'espion connaissait donc les occupants de la grange qui étaient sans doute ses complices. Il interrompit là sa réflexion, jugeant qu'il devait prévenir les autres sans plus tarder et qu'eux sans doute, plus expérimentés des choses du combat comme le vieux Corwin, anticiperaient plus sûrement leur prochain mouvement. Brus revint donc sur ses pas en courant pour trouver dans la cour de l'auberge ses compagnons ainsi que l'un des espions, pour le moment inanimé, et leur jeune moucharde. Un sourire incertain, par une émotion singulière, angoissante et touchante à la fois, étira subrepticement ses lèvres. Elle avait les traits de son enfance dans ses yeux miroitant mais, au delà de cette rencontre fortuite, portait lourdement sur ses épaules menues la pesanteur poisseuse d'un danger aigu. Dans le foyer d'une autre nuit, d'un autre lieu il avait déjà éprouvé cette solitude perçante. S'arrachant à cette vision curieuse, Brus tourna son regard délié vers ses compagnons:

- L'mage est parti pour la grange, savez m'sieur Balder, celle dont vot' collègue n'a parlé, celle 'qu'est occupée.

[Lothringen]

Corwin grogna. Non qu'il soit particulièrement surpris ; si les deux mages avaient choisi la fuite, c'était qu'ils avaient des informations à transmettre et des alliés à rallier.

« Bien joué. La grange abritait donc leurs complices. Alors, si on se résume de tout ce méli-mélo : pressions sur les aubergistes, espionnage, agents en faction jusque dans les villages, tentatives d'infiltration jusque dans Manost... Quelle qu'elle soit, par Helm, nous avons affaire à une organisation qui ne manque pas d'audace ni de moyens. Maintenant qu'ils savent ce qu'ils voulaient savoir... c'est-à-dire comment retrouver la trace d'Eroeh... leur prochaine action sera sans doute de se précipiter là-bas pour l'atteindre avant nous. Ils pourraient préférer attendre des renforts mais j'en doute : ils sont déjà en un nombre suffisant pour ne pas nous craindre. Je suis d'avis de partir pour la tour d'Alduriel. Maintenant. »

Son regard tomba sur l'homme inanimé.

« Après avoir mis celui-là au frais, bien entendu. »

[Chandara]

Quête : le Poing levé

La paladine fut soulagée par le retour de Brus et fut ravie d'apprendre qu'il avait pu récolter quelques informations utiles. Elle partageait néanmoins le sentiment d'urgence du vieux prêtre. Si on les avait espionné, cela signifiait que leurs adversaires en savaient autant sinon plus qu'eux-mêmes.

- Je ne suis pas du genre à reculer devant le danger et ceux que nous cherchons en courent un grand pendant que nous tergiversons.

[Althéa]

Althéa avait regardé le mage que soutenait Corwin. Au frais, il ne servirait pas à grand chose. Alors que si ...


"Attendez, proposa-t-elle, mais pourquoi ne pas l'emmener avec nous ? Nous pourrions nous servir de lui comme monnaie d'échange qui sait. Et peut-être nous donnera-t-il quelques informations sur ses complices. Avec un peu d'aide, il ne devrait pas tarder à se réveiller ..."

[Lothringen]

Corwin hocha la tête, ennuyé ; ces propositions ne lui disaient rien qui vaille.

"L'interroger prendra du temps et le traîner derrière nous plus encore. Quant à sa valeur comme monnaie d'échange... faudrait que nos ennemis se soucient un tant soit peu de lui. Or je ne les vois pas revenir pour le sauver... Non, je pense qu'on peut le déposer chez le prêtre helmite local, et y aller. On s'occupera de lui plus tard."

Il leva les yeux, semblant chercher un soutien auprès des autres aventuriers. Il lui semblait évident qu'ils perdaient là un temps précieux.

[Chandara]

Quête : le Poing levé

Chandara acquiesça aussitôt aux paroles du vieux prêtre. Elle ne se sentait pas du tout d'humeur à mener un interrogatoire et répugnait à garder un prisonnier qui pourrait se révéler bien plus dangereux qu'utile. Si celui-ci parvenait à se libérer de ses entraves, il pourrait facilement prendre le dessus sur leur groupe diminué et privé de magie. Ce n'était pas tant la peur de se retrouver confronté à une situation difficile que la crainte de ne pas pouvoir le contrôler sans recourir à des méthodes extrêmes.

- Pour le moment, nous savons où aller et ce que nous avons à faire. Nous pourrons toujours interroger le mage plus tard si nous perdons la piste.

[Dhast]

Brus acquiesçait aussi malgré tout. Il eut préféré interroger le mage pour obtenir plus d'informations sur leurs poursuivants mais le temps leur manquait cruellement. Il allait falloir être extrêmement vigilant sur le chemin jusqu'à Eroeh, leurs deux groupes se suivraient sans doute à la trace, à moins que leurs adversaires ne disposassent de moyens de déplacement magiques dont Brus ignorait tout à fait les modalités d'utilisation, auquel cas la poursuite s'avérerait vaine. Brus se pencha sur le corps inanimé pour fouiller les plis de la robe et dénicher une éventuelle bourse ou tout autre objet d'intérêt ou pouvant leur donner une quelconque information. Tout en procédant il dit à l'attention de ses compagnons:

- 'fonce sur la grange 'bien on part de suite pour la forêt et l'vieux Alduriel? Moi j'vous suis!

[Lothringen]

Sur leur prisonnier que Corwin se hâtait de ligoter, Brus ne trouva qu'une vingtaine de pièces d'or, un canif émoussé, et une lettre chiffonnée qui disait :

« Ordre de mission : prendre position à Dernek, d'où vous contacterez Thumbar et ses hommes actuellement en faction à Aghoralis, afin qu'ils viennent vous rejoindre en renfort. Nos cibles ont en effet été vues contourner la forêt du Bosquet sur sa lisière occidentale, ce qui confirme les informations beaucoup trop lacunaires fournies par nos devins.
Vos ordres sont clairs : s'ils passent par votre village, ne les éliminez pas avant d'avoir appris où se cache Eroeh. Et quand ce sera fait, supprimez les uns et les autres. Priorité au grand-prêtre, bien entendu.»

La signature était difficilement lisible, mais c'était un nom propre. Reignor, ou quelque chose du genre. La lettre ne leur apprenait pas grand chose mais confirmait leurs craintes quant aux intentions de leurs adversaires. Après avoir pris congé de l'adolescente qui partit mettre sa mère à l'abri, ils trainèrent laborieusement leur prisonnier jusqu'à la chapelle helmite, où le prêtre accepta de le garder, bien qu'un peu dépassé par les événements. Il leur dit d'ailleurs qu'il avait entendu du remue-ménage, à la grange, puis que le petit monde était parti. Un coup d'œil à la grange leur confirma du reste qu'il n'y avait là plus personne.

Ils suivirent donc l'indication globale assez sommaire que leur avait donnée la fille de l'auberge : plein est, une piste de terre au milieu des jachères. Ils la trouvèrent du reste sans problèmes. En revanche, aucune trace pour l'instant d'éventuels prédécesseurs, mais cela pouvait ne pas vouloir dire grand chose, sinon qu'ils avaient perdu du temps après la fuite du second mage.

Il faisait tout à fait nuit désormais, et Séluné, là-haut, leur faisait des avances. L'air s'était un peu rafraîchi, et la promenade aurait été tout fait agréable s'ils n'avaient dû hâter le pas constamment. Après quelques heures de marche, ils atteignirent la lisière de la grande forêt centrale de Dorrandin, communément appelée la forêt du Bosquet - par métonymie, certainement, qu'ils contournaient depuis de nombreux jours. Une forêt célèbre pour la magie primitive qu'elle était censé abriter encore, pour ses elfes de cuivre peu hospitaliers et pour une certaine sorcière qui était censée régner sur une partie de tout cela. Mais avec un peu de chance, ils n'auraient pas à s'enfoncer assez pour devoir affronter tout ce folklore.

Quand ils pénétrèrent sous la ramure des arbres de la forêt, ils durent perdre soudain de vue le ciel, Séluné et toutes les étoiles. La sensation nouvelle était assez oppressante.

« Et évidemment, y'en a pas un seul de nous pour avoir l'infravision, il me semble ? » grommela Corwin, qui devenait nerveux. Il fallait souhaiter qu'on ne leur ait pas préparé d'embuscade.

[Chandara]

Quête : le Poing levé

Sans pouvoir compter sur les renforts magiques des clercs, la paladine prit aussitôt l'initiative de fouiller dans son sac à la recherche de quoi allumer une torche. Elle chercha à se justifier pour éviter toute contestation :

- Nous n'y voyons rien dans le noir mais rien ne dit que ce n'est pas le cas de nos adversaires. avec des mages dans leur rang, rien n'est moins sûr. Avec un peu de lumière, nous rééquilibrerons peut être les chances même si nous serons aussi plus visibles...

[Althéa]

Quête : le poing levé

Althéa se sentait nerveuse. La lune opaline, dispensant juste assez de lumière leur permettre de poser un pied devant l'autre laissait bien des dangers dans son ombre. Il est vrai que l'infravision ne leur aurait pas été de trop.

"Et si l'un de nous se cachait dans les ombres pour aller reconnaître un peu le périmètre. Cela nous permettrait de palier aux mauvaises surprises."

[Dhast]

Brus se sentit visé par les mots de la bretteuse. Bien qu'il fussent plein de prudence et de bon sens, le jeune voleur se sentait peu à l'aise à l'idée d'endosser le rôle d'éclaireur, lui non plus n'y voyait presque rien et il avait du mal à s'habituer à cet environnement végétal dense, si différent de celui des villes qu'il avait toujours fréquentées. Cependant il était rompu aux promenades nocturnes et si ses yeux lui faisaient défaut il conservait une ouïe assez exercée. La tâche promettait d'être périlleuse.

- J'n'y vois goutte non plus! dit-il en chuchotant, m'enfin j'dois pouvoir faire que'qu'chose, 'ttendez.

Brus-> se cacher dans l'ombre

Il fit quelques déplacements à l'orée du bois afin de vérifier si ses sensations étaient les mêmes malgré la différence du terrain. Il sourrit dans l'ombre. Pour en avoir le coeur net il s'approcha donc du dos du vieux prêtre en silence et, le saisissant brusquement par les épaules, lui souffla un "Ah!" destiné à le faire sursauter.