[Quête : Le Poing Levé] Dernek

[Lothringen]

C'est à peine si l'elfe grogna. En revanche, à leur pied, un râle lamentable suivi d'un silence inaccoutumé leur apprit que la voleuse venait d'expirer dans l'indifférence générale. Cela eut un effet immédiat sur Corwin, qui se rappela qu'il était guérisseur, et que, même sans soins, il y avait des choses à faire. Hors de question qu'une seconde victime trépasse sous ses yeux !

"Tenez, nous allons l'installer un peu mieux histoire qu'il puisse se reposer..."

Il renversa de nouveau sur ses pieds le lit que le mage avait précédemment dressé sur sa tranche, en barricade.

"Brus, aidez-moi à le porter... Doouucement... L'a ptet moins de rides que moi mais l'a au moins six fois mon âge, mon garçon... Voilà."

Ils avaient installé le mage sur le lit, le plus confortablement possible. Corwin vérifia rapidement son état. Comme il l'avait soupçonné plus tôt, aucune plaie ouverte. Alduriel se remettrait avec le temps et un peu de repos. Le prêtre se tourna ver ses compagnons.

"Oh, et si vous pouviez m'aider un peu à... faire le ménage ? Il y a trois cadavres assez encombrants, ici..."

Bien sûr, il n'oubliait pas qu'ils avaient des questions à poser à Alduriel, mais ils avaient fait irruption chez lui, détruit la moitié de sa bibliothèque, versé le sang dans sa chambre, porté la main sur lui, et la moindre des choses était de réparer un minimum les dégâts.

Pendant que le prêtre s'activait, Alduriel, allongé sur le lit, reprenait son souffle et son calme. La mine sombre, il s'adressa à Chandara.

"Pourquoi pensiez-vous que j'étais en danger ? Peut-être connaissez-vous ce monsieur ?" Il désignait du menton Carbos, qui se tint coi.

[Chandara]

Quête : le Poing levé

Chandara se retint de froncer les sourcils à l'insinuation faite par le vieux mage. Elle répondit d'un ton qui ne souffrait aucun doute :

- Nous avons subi des embuches sur la route qui nous a menée à vous. Mais je dois dire que nous ne connaissons pas vraiment notre ennemi autant que nous le devrions. Il a toujours une longueur d'avance semble-t-il et dissimule son visage. C'est pourquoi nous craignions d'arriver trop tard. Quant à cet homme, je préfère considérer que c'est un bienfait que je ne le connaisse pas bien que ceux de son espèce ne sont malheureusement pas rares.

[Althéa]

Althéa se tenait dans l'embrasure de la porte, le plus hors de portée de sort possible du vieux mage. Elle n'était pas vraiment fière d'elle. * Mais au moins, étaient-ils arrivés à temps. Du moins pour l'achever si besoin avait été. Elle espéra que personne ici n'ébruite l'aventure sinon elle deviendrait la lamentable risée de tout féérune.

Elle alla se poster tout en haut des marches histoire de monter la garde au cas où un autre ennemi aurait dans l'idée de venir attaquer la maison.

*tu m'étonnes

[Dhast]

Brus avait aidé le prêtre à porter le mage sur le lit. Il était resté muet à la réplique de Crowin, essayant de concevoir qu'on puisse atteindre un tel âge et essayant également de calculer celui-ci. Mais il ignorait l'âge exacte du prêtre et était assez mauvais en calcul, ce qui entrava vite sa réflexion. Il s'adonna plus volontiers aux nouvelles directives du vieux: faire le ménage. Il ne savait par où commencer mais la vue de temps d'objets étranges attisa sa curiosité et tout en remettant sur pieds un meuble ou une chaise il fouillait des yeux et parfois des mains tout ce qui pouvait receler de l'intérêt, il ne se priva pas de fouiller également les corps avant de les empiler tant bien que mal dans un coin de la pièce à peu près dégagé.

[Lothringen]

Althéa ne décela pas de signe d'éventuels agresseurs. C'est à peine si elle crut entendre un peu de bruit de piétinement ou de grognement, mais lointain, peut-être cela venait-il de la cave... ou encore de l'écurie, dehors ? Rats, chevaux, humains ? Difficile à dire. En tout cas, personne ne gravissait les escaliers.

De son côté, Brus ne fit pas fortune en fouillant les poches des trois morts. Outre une poignée de pièces d'argent, il trouva une dague tout à fait quelconque sur le corps du mage, une masse rouillée sur le prêtre, et une dague empoisonnée sur la voleuse. La même qui avait blessé Chandara.

Le poison commençait de faire effet, du reste, et la paladine sentit que tout son côté droit s'engourdissait, à la fois anesthésié et paralysé par la toxine.

L'elfe poursuivait la conversation. Un peu plus loquace cette fois.

"J'ai entendu ce qu'il vous a dit tout à l'heure. Le Zhentarim... Je ne serais pas surpris que ce soit vrai. Ils cherchaient un certain Eroeh : en voyant le symbole de Cyric sur le prêtre, je ne leur ai pas laissé le temps d'en dire plus. Compte tenu des rapports de cette divinité avec Helm en général et Manost en particulier, je me doute de leurs projets pour lui. Et vous-mêmes, qui êtes-vous, d'où venez-vous et que voulez-vous ? Peut-être serait-il temps de vous présenter..."

[Chandara]

Quête : le Poing levé

Chandara avait de plus en plus de peine à masquer la nausée qui la submergeait peu à peu. Elle avait rangé son arme pour libérer son bras de ce poids mais sans en ressentir d'amélioration notable. Le mal gagnant peu à peu du terrain, elle avait maintenant grand peine à se tenir debout sans s'appuyer contre le mur de la petite tour. Le teint blême, la paladine se refusait à avouer sa faiblesse, surtout devant un ennemi captif et un allié récalcitrant. Cependant, participer à la sinistre opération de nettoyage ou pire, à la conversation, était au-dessus de ses forces.

[Althéa]

Il semblait n'y avoir personne dehors. Althéa serait bien restée en bas à écouter les cafards piétiner et les mouches péter. C'était toujours mieux que de subir les foudres d'un mage tout rabougri et furieux.

Alors prit-elle le parti d'aller s'asseoir juste au milieu des marches. Ainsi, elle entendait à bonne distance les paroles du vieux et pouvait voir si un éventuel ennemi s'invitait à la fête.

[Lothringen]

Puisque tout le monde semblait se défiler, Corwin prit sur lui de répondre succinctement aux questions d'Alduriel.

"Nous sommes un groupe d'aventuriers venus de Manost... des helmites et des mercenaires. Ce sont les autorités de la ville qui nous envoient. Nous sommes à la recherche d'Eroeh, nous aussi, et c'est une divination qui nous a mis sur votre piste. Il faut que nous le retrouvions avant que le Zhentarim ou d'autres organisations malfaisantes ne réussissent à l'assassiner en profitant de ce qu'il est encore seul et mal défendu. A-t-il bien séjourné chez vous ? Savez-vous quoi que ce soit sur lui ? C'est urgent..."

Le vieil elfe se redressa à demi sur son oreiller, tentant tant bien que mal de regarder ses interlocuteurs.

"Pourquoi Manost s'intéresse-t-elle autant à lui ? Je l'ai connu autrefois... avant sa pétrification... c'était un prêtre quasi fanatique, il aurait tout donné pour sa cité et pour son dieu... Il l'a fait, du reste. Mais il a changé depuis lors. Il ne veut plus avoir affaire à vous - si toutefois vous êtes bien ce que vous prétendez être."

Cette réponse laissa le prêtre perplexe. Quel genre de preuve pouvaient-ils bien donner ? La douleur qu'il ressentait au poignet ne l'aidait pas à réfléchir.

[Eroeh]

[Ailleurs, au même moment]

***Il se réveilla en sursaut, agressé par le rayon de soleil malveillant qui s'était frayé un chemin jusque sur sa paillasse. Tout en plissant les paupières, il enregistra qu'il avait froid, et faim. Pourtant, tout cela avait moins d'importance que ce déchirement intérieur qu'il ressentait quotidiennement depuis que son dieu lui était apparu en rêve pour lui signifier qu'il était l'Élu. Eroeh avait eu beau protester, se révolter, se dérober, il avait toujours su qu'il ne pourrait résister longtemps à cet Appel. Helm s'emparerait de lui de gré ou de force, et cela n'avait rien à voir avec la brève aliénation du prêtre en prière, non, le lien était beaucoup plus intense, et constant, c'était un arrachement de tous les instants, semblable à une possession.

Et au moment-même où il avait commencé à accepter l'inéluctable, à se soumettre, à envisager de retourner de lui-même à la cité sainte pour y assumer son rôle de grand-prêtre, il y avait eu ce déchirement nouveau qui l'avait presque terrassé. Qui l'avait presque rendu fou. Le lien avait failli être rompu... Ce n'était malheureusement pas le cas.***

[Dhast]

Brus avait continué son rangement en prêtant une oreille distraite à la conversation, comme à son habitude. Les "vieux" avaient toujours des choses à se dire, et vu l'âge des deux, ils devaient en avoir quantité, généralement ceux-ci l'ignoraient et il le leur rendait bien. Il laissa retomber la masse rouillée et poursuivit son investigation, sa bourse pesait déjà plus lourd de quelques pièces et une seconde dague était venue ceindre son côté. Il rencontra le corps de la voleuse à demi éventrée par la paladine, une mare de sang s'était formée sur le sol. Brus récupéra la dague et en examina minutieusement la lame. Le sang de la paladine mêlé aux résidus de poison rendait toute identification de ce dernier difficile, il renifla un peu bruyamment pour tenter de déceler une odeur familière. Un regard pour la paladine lui apprit que le poison avait commencé son œuvre, Althéa boudait au sommet des marches et Corwin tentait de leur donner une certaine crédibilité aux yeux du vieux magicien. Il s'immisça dans la conversation, sentant que par ailleurs, il était assez inutile.

- On r'cherche l'Eroeh parc'que m'sieur Balder a dit qu'c'était quelqu'un d'très important, et les zhents font pareils, même si m'sieur Balder leur a rien dit à eux... Y a des fuites si vous v'lez mon avis.

Il repassa la lame sous son nez d'un air professionnel pour se donner une contenance, bien qu'il eût perdu presque tout espoir de reconnaître le poison en question. Les poisons qu'utilisaient en général les voleurs de l'ombre étaient moins mortels que paralysants, il restait à espérer que cela soit le cas ici. Il releva la tête.

- Moi c'est Brus, et j'suis pas helmite, ça non. Mais m'dame Chandara, m'sieur Mical et m'sieur Balder connaissent leur affaire, pour sûr, pourront vous l'prouvez eux-mêmes. Sinon paraît que m'dame Althéa et m'sieur Balder ont d'jà vu l'bonhomme, donc s'il est chez vous ou pas loin... possible qu'il les reconnaisse.

[Lothringen]

Alduriel parut un peu perplexe en entendant les explications pour le moins confuses du garçon. Il avait vraiment fait tout ce chemin depuis Manost sans même savoir pourquoi ils recherchaient cet homme ? Corwin essaya de rattraper le coup.

"Hum, ce jeune homme n'était pas censé être du voyage, c'est pourquoi il y a certaines choses qu'il ignore... Nous recherchons Eroeh parce qu'il a été désigné comme nouveau grand-prêtre de Helm et qu'il faut de toute urgence qu'il rejoigne Manost. "

Il espéra que sa franchise paierait auprès du vieux mage. Si Eroeh était si hostile que cela au clergé helmite, cela dit, ce n'était pas gagné...

"Et je suis effectivement un prêtre de Helm. Si vous le souhaitez, je peux vous réciter toutes les prières helmites existantes en long, en large et en travers..."

En réalité, il priait surtout pour qu'Alduriel ne lui demande pas d'incanter...

"La prière des mourants, par exemple ?" grinça le mage. "C'est de circonstance..."

Corwin aurait applaudi, s'il avait pu. Demander la prière des mourants à un guérisseur, c'était comme de demander l'alphabet à un copiste... Et il s'exécuta en une longue litanie de couplets invitant le blessé à se mettre en paix avec ses devoirs et ses fautes. Alduriel l'interrompit après quelques temps.

"C'est bon je vous crois... J'ai déjà entendu Eroeh la prononcer... Écoutez, je peux vous indiquer comment le rejoindre, mais autant vous prévenir, il ne vous accueillera pas à bras ouverts. Il a été très perturbé ces derniers temps, et je crois que je commence à comprendre pourquoi... Promettez-moi que vous respecterez sa décision, s'il refuse de vous écouter."

Corwin demeura silencieux. Jusque là, il n'avait pas réellement voulu envisager le fait que cet homme puisse refuser de les suivre. Est-ce qu'ils pouvaient l'y forcer ? Il ne s'agissait pas que de lui... L'avenir de Manost et du culte étaient en jeu... Le prêtre préféra se taire, se tournant vers ses compagnons.

[Chandara]

Quête : le Poing levé

Chandara avait trouvé à s'asseoir contre l'un des murs de la tour et luttait contre les sensations désagréables du poison. elle ne pouvait qu'espérer qu'ils étaient transitoires et n'iraient pas en s'aggravant. Elle avait du mal à suivre la conversation mais elle crut bon d'intervenir avant que Corwin ne trouve une nouvelle occasion de prêche. Pour elle, la foi et le devoir n'avaient de valeur que s'ils étaient librement consentis. Elle n'avait jamais envisager de tenter de les imposer à Eroeh contre sa volonté.

- Nous tenterons de le convaincre. Notre besoin est grand et nous ne pouvons qu'espérer qu'il le comprendra.

Mais la hiérarchie helmite ne sera peut être pas de cet avis si nous échouons, se dit-elle en se gardant bien d'en faire part à haute voix.

[Lothringen]

Alduriel laissa s'écouler un silence, comme s'il tentait de peser la valeur de cette réponse. Puis il soupira.

« Soit, je suppose que je devrai me contenter de cela. Eroeh se trouve dans le souterrain de cette tour. Vous n'auriez pas tardé à le trouver tout seuls, de toute manière... J'ai dû l'enfermer il y a quelques jours, il avait fait une crise de folie et tenté d'égorger mon serviteur... La clef se trouve sur un clou, au milieu de l'escalier. A vos risques et périls... Je ne sais s'il s'est calmé... Hier, ce n'était pas le cas.»

Et, comme s'il avait épuisé ses dernières forces, le vieux mage se renversa la tête sur l'oreiller, fermant les yeux. Il ne dormait probablement pas mais ne semblait guère tenir à prolonger les adieux.

[Chandara]

Quête : le Poing levé

Chandara ne se priva pas d'exprimer son soulagement par un soupir. Malgré sa fatigue physique et la langueur consécutive à sa blessure, la paladine pouvait enfin se permettre de positiver un peu. Après des tours et détours, leur quête semblait enfin toucher à son terme. Pourtant, la jubilation n'était pas de mise au regard des dernières révélations du vieux mage. Que se passerait-il si Eroeh refusait de les suivre ou même de les écouter. Il se pouvait même qu'il se montre hostile apparemment. Bien que consciente qu'il aurait mieux valu préparer un plan avant cette rencontre, l'instinct de la jeune femme la poussait à en finir au plus vite avec cette affaire :

- Dans ce cas, je pense qu'il n'y a plus une minute à perdre. Voyons si Eroeh accepte de nous entendre.

[Dhast]

Brus avait finalement rangé la dague, se l'appropriant tout en se souhaitant une meilleure réussite qu'à son ex-propriétaire. Il médita l'instant de la récitation du prêtre et se demanda si lui-même suivait ses devoirs ou s'il commettait des fautes. Il buta sur une question rédhibitoire : quels étaient ses devoirs? Mais ayant obtenu de l'elfe la réponse à leur question il mit un terme à la quête de l'autre, concluant qu'il était encore trop tôt pour la chercher, et pour la trouver. Il hocha la tête à la propre conclusion de la paladine.

- Z'en faites pas pour nous m'sieur Alduriel, on a d'jà combattu des gnolls, des ogres, et même des zhents, alors un illuminé qu'a perdu la boule, c'dans nos cordes, 'narrêtables les helmites. 'core d'solé pour l'résiné.

Sur ces mots, il prit la direction de l'escalier.

[Althéa]

Brus commençait à descendre. L'entretien prenait donc fin. D'ici peu, ils partiraient donc en quête d'Eroeh. Au moins, elle le reconnaîtrait, celui-ci et ne risquerait pas de l'attaquer. Fallait-il qu'elle aille se rappeler au souvenir du vieil elfe pour lui dire au revoir ? Elle décida que non. Peut-être avait-il retrouvé assez d'énergie pour lui envoyer une flèche acide ou autre joyeuseté de se genre.

Elle se retourna vers Brus qui arrivait en bas des marches et d'un regard lui signifia qu'elle ne voulait pas parler de l'incident.

[Lothringen]

Ils reprirent en sens inverse l'escalier dénué de rampe et encore encombré de débris de bibliothèque, traversèrent le premier étage ravagé dont la moitié des étagères s'étaient effondrées, et retournèrent au rez-de-chaussée miraculeusement intact en dépit de leur récent passage, où le cercueil - aquarium continuait d'abriter son macabre trésor. On entendait distinctement des murmures dans l'escalier qui descendait à la cave - ou au cellier, ou au souterrain, bref, sous terre. Quelqu'un dont la voix soufflait des paroles incohérentes :

"Précieux, cacher... tous des voleurs !
où donc, où donc encore ?
La nuit, oui... le silence et la nuit
scelleront bien notre trésor.
...Youpi !"

Corwin fit quelques pas dans l'escalier, et remarqua sur le mur, à gauche, une sorte de panneau de contrôle doté de quelques clous qui avait dû servir à accrocher la clef dont avait parlé Alduriel. Mais de clef, point... Il étouffa un juron.

"Non seulement la clef n'est plus sur le panneau, mais il fait noir comme dans une tombe, ici !"

Mon dieu ne répond plus, et y'a un débile profond qui monologue en bas, ajouta-t-il intérieurement.

[Chandara]

Quête : le Poing levé

Chandara avait suivi péniblement ses compagnons en se tenant le côté. Elle faillit même trébucher dans l’escalier tant la nausée et le tournis l’incommodait. Finalement, elle avait réussi à atteindre sans mal le niveau inférieur. Sa patience mise à rude épreuve par les combats et les blessures et l’idée que leur quête touchait presque à sa fin lui donnaient envie d’une approche pragmatique :

- Au point où nous en sommes, forcer une serrure n’abimera pas plus la tour d’Alduriel que nous ne l’avons déjà fait. Et je me vois mal le déranger pour lui demander où se trouve la clé.

[Dhast]

Brus prêta l'oreille aux murmures et s'interrogea sur l'identité de leur émetteur. Eroeh était enfermé en bas, et il ne paraissait pas seul, quelqu'un avait dû les suivre jusqu'ici, et cette même personne devait posséder la clé de la cellule. Alduriel n'avait pas évoqué la présence d'autres personnes et les zhents devaient tous se trouver à l'étage au moment de la confrontation.

- Feriez mieux d'demander au type en bas, dirait qu'on n'est pas les premiers sur place, m'enfin c'pas nouveau, ça non. Bon, qu'est-ce vous avez fait des torches?

[Lothringen]

Après une rapide séance "recherche de torche - où est le briquet - z'avez vu l'amadou ?", les aventuriers dotés d'une torche toute flambante entamèrent leur descente à la cave. L'escalier n'était pas très long, mais bien raide. Il débouchait sur un couloir assez étroit qui faisait un coude sur la droite, à dix pas. Et là, dans l'angle, affalé par terre, ils découvrirent le type qui monologuait ses insanités. La lumière de la torche l'éblouit, l'obligeant à se ratatiner et transformant ses propos en borborygmes indéchiffrables.

L'individu avait beau se recroqueviller par terre, ses vêtements encore relativement frais prouvaient qu'il ne se trouvait pas là depuis longtemps. Corwin poussa un soupir de soulagement en apercevant le visage derrière ses mains : ce n'était pas celui de l'homme qu'ils cherchaient.

Un examen plus attentif lui fit remarquer un collier enroulé sur l'avant-bras de l'inconnu. Il se rappela les six piquets qu'ils avaient vus dressés sur le chemin, non loin de la tour. L'un d'entre eux était vide, justement...

"Helm soit loué, ce n'est pas Eroeh."

Carbos, leur prisonnier, voulut bien confirmer en haussant les épaules.

"Ben non, c'est not' roublard. A peine il avait pris le collier qu'il s'est enfui comme sous un sort de terreur. Pensais pas le revoir, cet imbécile. On lui avait bien dit que ce serait sûrement maudit..."

Corwin n'écoutait plus. Il venait de remarquer, dans la bouche du Zhent, une tétine en fer forgé que le type suçotait avec ardeur... La fameuse clef manquante.

[Chandara]

Quête : le Poing levé

Chandara s'avança pour évaluer la menace que représentait le roublard et évaluer son état. Elle réprima une grimace de dégoût en le voyant sucer la clé sans aucun doute rouillée. Elle ne put s'empêcher une petite pique à l'adresse de Carbos.

- Vous êtes sûre que cela vient du collier ? M'est avis que ce voleur souffrait déjà de démence pour avoir l'idée de piller un totem devant une tour de mage. Sans compter ses fréquentations déplorables bien sûr !

Sans attendre de réponse, la paladine s'avança prudemment jusqu'à l'angle du couloir. Ses mésaventures récentes l'avaient échaudé mais elle était impatiente de découvrir Eroeh.

[Lothringen]

Le couloir bifurquait sur la droite. La torche éclaira une ouverture dans le mur, par laquelle on apercevait un entassement de tonneaux et de caisses : ce devrait être le cellier où le serviteur d'Alduriel entreposait les marchandises qu'il commandait tous les mois à l'auberge de Dernek. Au bout du couloir, pas bien loin, on pouvait voir une porte de chêne dotée d'une robuste serrure. Un très mince filet de lumière filtrait sous le pas de la porte. Le silence qui y régnait ne faisait que faire ressortir davantage les insanités du roublard avachi par terre.

"Hé hé hé... ça en fait du monde pour un si petit trou !"

Chandara reporta son attention sur lui. Le Zhent portait toujours une dague à la ceinture, mais en raison de sa folie sa rapidité de réaction n'était pas optimale. Lui arracher le collier serait donc une fausse bonne idée. Corwin s'approcha pour l'aider. En lui tenant un bras chacun, ils n'eurent pas beaucoup de peine à immobiliser le dément le temps de lui ravir sa clef baveuse, que la paladine prit en main avec un dégout certain. Avec un peu de chance, cette clef ouvrirait la porte au bout du couloir.

Et la clef obéit ; la porte voulut bien s'ouvrir sans autre contestation qu'un grincement de chêne. La pièce presque aveugle qui se trouvait derrière était illuminée par un sort de lumière éternelle. Sommairement aménagée, elle contenait un lit, une table, un coffre, de quoi écrire. Vue du seuil, elle semblait vide.

[Althéa]

... Vide et peut être piégée, on ne savait jamais. Althéa qui avait suivi le groupe à distance pour éviter d'avoir à expliquer sa bavure de tout à l'heure et éviter quelques sarcasmes.

Elle avait regardé le zhent dément et sa clé baveuse avec un frisson de dégoût et avait volontiers laissé la paladine ouvrir. Par contre, au moment d'enter, elle passa discrètement devant et commença à essayer de repérer les éventuels pièges. Qu'est-ce qu'un vieux mage caractériel et gâteux pouvait bien avoir inventé pour se protéger ?

[Eroeh]

Dissimulé derrière la porte entrebâillée, Eroeh retenait son souffle. Il avait très vaguement distingué la rumeur des combats, quelques temps plus tôt, et pesté de ne pouvoir porter secours à Alduriel. Le vieux mage elfe avait beau l'avoir enfermé dans cette pièce peu agréable, c'était un ami fidèle... Le seul, peut-être, qu'il eût gardé de sa vie d'autrefois. Et quelque chose - quelque chose au plus profond de ses tripes lui assurait que ces agresseurs venaient pour lui. Quand le vacarme avait pris fin, Eroeh, certain de la mort de son ami, s'était effondré de chagrin. Sans compter la perspective de mourir de faim dans cette cave... Mais le bruit très peu discret des nombreux visiteurs descendant l'escalier l'avait remis sur le qui-vive. Il était fait comme un rat dans sa prison, mais il leur vendrait chèrement sa peau.

A peine Althéa s'était-elle aventurée au-delà du seuil que le clerc bondit - la rapidité était sa seule alliée - pour tenter de lui arracher sa dague et de la prendre en otage. Si ses agresseurs s'en moquaient, au moins, le corps de la bretteuse le protégerait un temps. Ce plan sommaire ne réussit qu'à moitié. Il put passer un bras sous la gorge de l'intruse, mais il ne parvint pas à lui prendre son arme, sur laquelle elle crispait les doigts tout en se débattant.

"Restez en arrière !" cria un vieil homme à ses compagnons, comme s'il voulait éviter que la situation ne dégénère. Puis, se tournant vers Eroeh stupéfait, il ajouta : "Je suis Corwin Blader, prêtre de Helm. Vous me connaissez."

Il y eut un long silence. Surpris de cette réaction, Eroeh regarda tour à tour le vieil homme et la bretteuse, qu'il finit par lâcher en balbutiant des excuses.

"Excusez-moi. Oui, je vous reconnais. Vous étiez là quand on m'a arraché à la pierre... Que voulez-vous... Silence ! Je sais. Oui... Mais vous arrivez trop tard..." A présent les nombreux membres du groupe s'avançaient prudemment dans la chambre exiguë, et Eroeh les détailla un à un. Une deuxième bretteuse menue, un deuxième prêtre de Helm, un gamin, un prisonnier qui observait la scène avec curiosité et suintait le mal, une paladine... Son attention s'arrêta sur Chandara. "Vous êtes blessée ?"

[Chandara]

Quête : le Poing levé

Soulagée que la situation se détende subitement, la paladine en avait presque oublié la blessure qui l'handicapait. Son esprit était perdu dans ses pensées quand Eroeh s'adressa directement à elle. Elle dut mettre plusieurs secondes pour trouver quoi dire et lança finalement d'une voix incertaine :

- Ce n'est pas grand chose, une simple égratignure de dague. Mais la lame devait être enduite de poison...

Soudain, elle prit conscience de qui l'avait troublée dans les paroles d'Eroeh et ajouta précipitamment, impatiente de révélation mais craignant tout de même sa réponse :

- Pourquoi arrivons-nous trop tard ? Alduriel tout comme vous semblaient saufs.

[Eroeh]

"Alduriel est vivant ?! Voilà une bonne nouvelle à laquelle je ne croyais plus. Laissez-moi voir cela... "ajouta-t-il en regardant de plus près la blessure de Chandara. Celle-ci avait pris une vilaine teinte violacée et une substance blanchâtre s'était formée là où le poison s'était mêlé au sang. Tandis qu'il examinait l'entaille, Eroeh poursuivit :

"Vous me demandiez... pourquoi trop tard... je ne pensais pas à nous, mais à l'objectif de votre mission... Vous veniez de la part de Helm, n'est-ce pas ?"

Sans attendre la réponse, il se mit à incanter.

Eroeh ==> ralentissement du poison ==> Chandara

Et le sort... fonctionna. Les lèvres de la blessure se refermèrent, et la paladine sentit les toxines disparaître de son flux sanguin. Ce ne serait pas la grande forme avant quelques temps, mais le poison ne faisait plus effet.

HRP : non, je n'ai pas fumé

[Dhast]

Brus suivait le groupe sans piper mot depuis quelques bonnes minutes déjà mais l'intervention magique d'Eroeh lui arracha immanquablement un commentaire dans lequel on devinait une fascination non feinte, quelque chose du style:

- Bah ça, c't'une sacré surprise ça non?

Le gamin enfonça ses mains dans ses poches et, adossé au mur, attendit la réaction des helmites face à cet exploit et aussi un peu, il l'espérait secrètement, par rapport à son excellent jeu de mots.

[Chandara]

Quête : le Poing levé

Chandara était la première abasourdie. Elle ne s'était pas attendu à ce qu'Eroeh réussisse là où les prêtres avaient échoués ces derniers temps. Immédiatement, elle envisagea la possibilité que l'homme se soit tourné vers une autre divinité. Cela s'accorderait bien avec ses paroles sur l'échec de leur mission. Rougissant, elle se morigéna pour ses soupçons infondés. L'homme l'avait délivré du poison et ne méritait pas d'être accusé à tort par un jugement hâtif et ingrat. Il se pouvait très bien qu'il soit l'élu de Helm, le dernier à pouvoir accéder à son pouvoir. Ses pensées étaient infamantes, à la limite du blasphème. Elle était soulagée que ses soupçons n'aient pas franchis ses lèvres mais tout de même honteuse. Une partie de ce sentiment trouva un exutoire dans le pauvre Brus qui subit un de ses regards noirs.

- Merci, je me sens déjà mieux. Il semblerait que les choses reviennent à la normale.

Elle n'avait nullement l'intention de s'étendre sur leur faiblesse et leur disgrâce devant le prisonnier Zhent, d'autant que le mal ne semblait pas toucher tout le monde. Peut être étaient-ils d'ailleurs les seuls atteints par le châtiment divin. Où avaient-ils faillis ?

[Eroeh]

Corwin n'avait pas les mêmes scrupules que Chandara ; il se moquait de ce que pouvait penser leur prisonnier, dont il avait du reste oublié la présence. Et il ne pouvait supporter tous ces mystères. Après un regard interloqué à Mical, il balbutia :

« Comment se fait-il que vous... » il déglutit. « Sommes-nous réprouvés ? »

Eroeh le fixa quelques instants. Son regard mettait le vieux prêtre mal à l'aise. Il n'avait pas le souvenir que l'Eroeh qu'il avait connu à la chapelle du Souvenir avait le regard aussi insistant, ni aussi pénétrant.

« Au début, j'ai eu des rêves », souffla le jeune homme. « Des rêves de plus en plus précis, de plus en plus pressants, que je refoulais comme les traces d'un passé révolu. Jusqu'à ce que l'appel devienne une évidence impossible à ignorer. J'ai voulu résister. Je vous l'avais dit, je ne voulais plus me sacrifier pour Lui... C'est là que j'ai commencé à laisser la démence s'insinuer en moi, et qu'Alduriel a dû m'enfermer. Et j'ai commencé à me résigner. Mais je ne savais pas... Je ne savais pas qu'il pouvait y avoir pire que de vouloir résister à la volonté d'un dieu : j'ai senti le coup qu'il a reçu... J'ai senti la vie qui refluait... » Eroeh reprit difficilement son inspiration. « Il est tombé. Mais tant qu'il aura des fidèles, son esprit subsiste - il dérive dans le plan astral, sans doute... Je... J'ai encore ce lien. » Il regarda ses mains. « Je reçois encore ses pouvoirs. Affaiblis, l'écho du passé, la dernière goutte... »

[Chandara]

Quête : le Poing levé

Chandara en resta abasourdie comme si son esprit refusait de saisir les implications des paroles d'Eroeh. Et pourtant, au fond d'elle, elle sentait qu'elle faisaient l'écho d'une vérité qui s'était faite peu à peu familière. Chaque signe avait conduit à cette conclusion inévitable, tragique et pourtant inconcevable. Malgré le tact d'Eroeh, chacun de ses mots étaient comme un coup sourd ébranlant les fondements de sa vie, chaque son comme un fragment de rêve brisé écorchant son âme. La paladine en oublia de respirer, en oublia la présence de ses compagnons, en oublia le lieu où son corps privé de conscience avait échoué. Un hoquet de stupeur tardif fut sa seule réaction visible. Elle était incapable de prononcer la moindre parole cohérente. Le moindre mot brisant le silence de tombe qui s'était abattu sur elle pourrait la rendre folle. Mais cela n'avait plus d'importance désormais.