Quête : Le bénéfice du doute

[Oriane]

Quête : le bénéfice du doute

Abigail hésita un instant, plus gênée par l'idée de prendre une chambre à moitié prix que par celle d'hériter de la chambre d'une disparue. Que son fantôme puisse venir lui tirer les pieds au milieu de la nuit lui semblait suffisamment absurde pour ne pas l'inquiéter.

"ça devrait aller. Je la prends."

[Althéa]

Quête : le bénéfice du doute

"Hé bien suivez-moi, on va pas y passer la nuit."

Elle la conduisit à l'étage, vers une chambre un peu à l'écart des autre. L'endroit sentait bon les fleurs sauvages. La pièce, assez petite possédait un lit, un bureau et une chaise comme tout mobilier. Sur le bureau, bien en évidence était posé un carnet noir grand ouvert.

Dryade ne sembla pas le voir et continua à pérorer.

"C'est la chambre de l'amie de la propriétaire. Elle vivait dangereusement, vous savez. Mais bon, elle ne reviendra pas. On l'a trouvée refroidie dans une ruelle à ce qu'on raconte. Ce matin ..."

[Oriane]

Quête : le bénéfice du doute

Abigail fronça légèrement les sourcils à la mention de l'ancienne propriétaire. La disparition était donc très récente. Moins d'une journée s'était écoulée depuis l'arrivée de la jeune mage à Manost, et son chemin avait déjà croisé celui de deux cadavres. En quelque sorte.

"C'est...navrant."

A croire que Manost était nettement plus dangereuse qu'elle ne le paraissait. Ou était-ce une simple coïncidence ? ça n'avait sans doute que peu d'importance.

"Je vous remercie pour la chambre, elle conviendra."

Ce disant, la jeune mage jeta un nouveau coup d'oeil autour d'elle. Son regard s'arrêta sur un carnet noir ouvert sur le bureau. Elle s'en approcha.

"Hum...J'imagine que ce carnet appartenait à l'ancienne propriétaire ?"

[Althéa]

Quête : le bénéfice du doute

Abigail avait à peine tendu le cahier vers Dryade qu'on lui arracha les mains avec une violence qui la surprit.

"Donnez-moi ça."

Les yeux d'Althéa brillaient d'une rage difficilement contenue. Un peu plus et elle se serait jetée sur Dryade et l'aurait frappée.

"Ce n'est pas à vous. Vous ne pouvez pas regarder. D'ailleurs, vous ne devriez pas être ici. Pas dans cette chambre."

Sa voix tremblait, à présent. Elle regarda les deux femmes. Leurs yeux exprimaient la peur. Elle se rendit compte qu'elle était allée trop loin.

"Je suis désolée."

[Oriane]

Quête : le bénéfice du doute

Déstabilisée par cette brusque apparition, Abigail s'était reculée. Elle n'avait pas osé interrompre Althéa. La souffrance de la bretteuse trouvait un écho dans la sienne, qu'elle tentait tant bien que mal de refouler. Elle aurait voulu apaiser cette douleur par quelques paroles, et ainsi apaiser la sienne, mais elle savait que ce ne serait pas si facile. Maladroitement, elle bredouilla quelques mots d'excuses.

"Je n'avais pas...l'intention de lire. Je peux prendre une...autre chambre. Si vous préférez. Désolée pour...votre perte."

[Althéa]

Quête : le bénéfice du doute

Althéa secoua la tête, l'air soudain fatigué. Après tout, à quoi servait de lutter. Elle n'allait pas passer tout le temps qui lui resterait à vivre devant une chambre close comme un sanctuaire en mémoire de celle qui l'avait invité. Et avec elle, les questions, la culpabilité. Elle ne l'aurait pas supporté.

"Vous pouvez rester. Quant au carnet ... Elle prenait quelques notes."

Sans pouvoir en dire d'avantage, elle partit aussi vite qu'elle était venue, histoire que l'inconnue ne la voie pas pleurer.

[Oriane]

Quête : le bénéfice du doute

Abigail resta un instant sans rien dire après le départ de la bretteuse. Aurait-elle accepté, elle, que quelqu'un vienne vivre chez elle, chez ses parents juste après ce qui leur été arrivé ? En quelque sorte, elle l'avait fait en quittant Mélandis. Mais si elle avait eu le choix ? La jeune mage soupira. Quelle importance ? C'était terminé, la meilleure chose à faire était de tirer un trait sur cette histoire. Avec un haussement d'épaule, elle se tourna vers Dryade.

"Vous avez une idée, vous, de ce qui a pu lui arriver ?"

La réponse ne l'intéressait pas. Pas vraiment. Mais Abigail espérait tout de même que la semi-orque pourrait lui raconter quelque chose, n'importe quoi. Elle avait besoin de s'occuper l'esprit.

[Althéa]

Quête : le bénéfice du doute

"Oh, vous savez, elle était mercenaire , murmura Dryade en regardant autour d'elle pour s'assurer qu'on ne l'entendait pas,peut-être une mission qui a mal tourné. Bien sûr, ça a été un mauvais coup pour celle-là, elles s'entendaient comme larrons en foire."

Althéa, dans un brouillard de larmes lisait avec peine un mot qu'Oriane lui avait écrit.

Althéa,
si tu lis cette lettre, c'est que ce carnet est entre tes mains et qu'il m'est donc arrivé malheur.
Je t'écris pour te méfier d'eux. Un groupe de mages notamment. Je pense qu'ils se livrent à des activités étranges. La dernière fois, j'en ai vu un entrer dans une des maisons du centre ville et en revenir seul. Je ne sais pas pourquoi mais il me semble que cette affaire est importante.

Mais fais attention, s'il-te plaît.

Amitiés

Oriane.

[Oriane]

Quête : le bénéfice du doute

Pendant que Dryade parlait, Abigail se rapprocha du lit et s'y assit. Avec un intérêt qui n'était plus tout à fait feint, elle leva les yeux vers son interlocutrice.

"On m'a dit que la situation était particulièrement tendue en ville ces derniers temps."
*Au point que des cadavres exsangues se mettent à tomber des toits.*
"Peut-être cette...personne en a-t-elle simplement été victime."

La jeune mage haussa les épaules.

"Difficile de savoir je suppose. Et ce n'est pas moi qui irait interroger cette Althéa pour en apprendre plus."

Elle jeta un coup d'oeil rapide en direction de la porte, s'attendant presque à voir la bretteuse surgir, puis elle se tourna une nouvelle fois vers la semi-orque.

"Elle aussi, c'est une mercenaire ?"

[Althéa]

Quête : le bénéfice du doute.

Dryade hocha la tête et ferma la porte restée ouverte.

"Il ne vaut mieux ne pas en parler. Mais je crois que oui. Parfois, elle reste de longs moments absente, elle revient crottée et en sang. Remarquez, c'est peut-être un bandit."

Elle haussa les épaules.

"Au fait, si vous voulez prendre un bain, dites le moi. Mais dépéchez-vous, j'ai pas toute ma journée."

[Oriane]

Quête : le bénéfice du doute

Abigail accueillit la proposition avec plaisir, reléguant en un éclair ces histoires de guerre civile et de mercenaires au second plan. Elle n'avait pas pris le temps de se débarbouiller depuis son arrivée et la perspective d'un bon bain bien chaud n'était certainement pas pour lui déplaire.

"Un bain ? Volontiers oui, j'apprécierais."

[Althéa]

Dryade lui fit signe de la tête et la conduisit à la salle des bains.

"Installez vous dans un baquet. Je reviens avec l'eau chaude. Au fait, si vous voulez me donner vos vêtements propres, je suis sur le point de faire une lessive. Profitez-vous, c'est mon jour de bonté."

Et elle laissa la jeune femme se déshabiller. Celle-ci se sentit soudain mal à l'aise, comme si quelqu'un l'observait.

[Oriane]

Quête : le bénéfice du doute

Partiellement dévêtue, Abigail jeta plusieurs coups d'oeil furtifs autour d'elle, en proie à un malaise croissant. Et parfaitement infondé. Elle était seule. Pourquoi alors avait-elle l'impression que quelqu'un l'observait ? Osait l'observer alors qu'elle était en train de se changer ? Elle attrapa sa robe, posée sur une chaise à côté d'elle, et la serra contre elle.

"Il y a quelqu'un ?"

[Althéa]

Quête : le bénéfice du doute

Elle eut beau regarder, elle ne vit personne. Mais toujours, elle ressentait cette présence angoissante, oppressante mais indéfinissable.

C'est alors que dans la rue, des bruits étranges se firent entendre. Des coups de fouets suivis de gémissements. Les sons s'amplifiaient. Et les lanières de cuir avaient l'air nombreuses. Des esclaves ? L'esclavage était interdite à Manost, non ?

[Oriane]

Quête : le bénéfice du doute

La jeune mage fronça les sourcils en entendant ces bruits à l'extérieur. Lorsqu'elle songea qu'il pouvait peut-être s'agir d'esclaves, son coeur rata un battement. Elle revit son père, chutant, le dos transpercé par un carreau d'arbalète, au milieu de ces esclavagistes. Ils lui avaient assurée qu'il avait été mortellement blessé. Mais elle ne l'avait pas vu. Et s'il avait survécu...
D'un geste fébrile, elle remit sa robe puis elle chercha des yeux une fenêtre donnant sur la rue et s'en approcha.

[Althéa]

Quête : le bénéfice du doute

Ce qu'elle vit ne la rassura pas pour autant. A la lumière des torches, une troupe d'hommes et de femmes, vêtus de bure se fouettaient en rythme. Déjà, la marque des coups s'imprimait sur leurs corps à demi nus. Autour d'eux, les badauds les regardaient médusés, presque pétrifiés par une terreur sourde.

Accoudée à une fenêtre non loin de celle des bains, Althéa contemplait aussi ce spectacle macabre. Le carnet d'Oriane dans les mains.

Certains se complaisent dans la douleur ..., avait écrit son amie.

[Oriane]

Quête : le bénéfice du doute

Abigail détourna le regard avec une grimace de dégoût. Comment pouvait-on se livrer à de pareils horreurs ? Ces...rituels infâmes étaient-ils monnaie courante à Manost ? La jeune mage secoua la tête et recula d'un pas, sans se départir de son air écoeuré. Pendant quelques secondes, elle avait eu l'espoir, fou, de retrouver son père. Une telle irrationalité lui semblait soudain tellement stupide...
Avec un soupir, elle fit demi-tour et retourna à pas lent vers les bains.

[Althéa]

Quête : le bénéfice du doute

Abigail finit de se laver et se mit au lit. L'heure tourna. Arriva la mi-nuit. La jeune mage dormait. Soudain, une impression de malaise indéfinissable, l'impression d'être épiée. Elle s'éveilla. La pièce était entièrement plongée dans les ombres.

Cependant, à la lumière de la lune, elle remarqua un mouvement sur le toit.

[Oriane]

Quête : le bénéfice du doute

L'esprit encore embrumé par le sommeil, Abigail se demanda un instant quelle était la part de réel et quelle était la part de rêve dans l'impression de malaise qui la taraudait. Elle hésitait à quitter la sécurité relative des couvertures, jusqu'à ce qu'elle aperçoive un mouvement sur le toit. De plus en plus mal à l'aise, elle attrapa son bâton et quitta son lit pour se rapprocher de la fenêtre.

[Althéa]

Quête : le bénéfice du doute

Sur le toit, il y avait quelqu'un. Mais la personne ne regardait pas dans la direction d'Abigail. Penchée sur la gouttière, elle regardait la rue avec une certaine attention. La silhouette portait un manteau gris et un tricorne sur la tête. Drôle d'accoutrement.

Néanmoins, la personne ne semblait pas vouloir s'infiltrer chez la jeune mage.

[Oriane]

Quête : le bénéfice du doute

La jeune mage pesta intérieurement contre l'importun. Quel besoin avait-il de se promener sur les toits au milieu de la nuit et de réveiller ainsi les honnêtes gens ? Néanmoins, elle était soulagée. Celui qui avait fait du bruit ne semblait pas se soucier outre mesure de son existence, et le malaise...était probablement du à un mauvais rêve. Elle jeta un dernier coup d'oeil dans la rue et retourna s'enfouir sous les couvertures.

[Althéa]

Quête : le bénéfice du doute

Le lendemain matin vit Abigail reposée et affamée. Cela tombait bien car Dryade lui offrit une bonne plâtrée de gruau qui eut le mérite de lui caler l'estomac et cela pour une bonne partie de la journée.

Althéa descendit à son tour. Les cernes sous ses yeux attestaient d'une mauvaise nuit. Elle posa son tricorne sur la table et posa son manteau sur le dossier d'une chaise.

[Oriane]

Quête : le bénéfice du doute

Abigail repoussa son assiette vide. Elle avait connu de meilleurs petits déjeuners, mais celui-là n'était pas trop mauvais. Et c'était toujours mieux que rien. Décidant que rien ne la pressait ce matin là, elle commença à regarder autour d'elle. L'endroit était animé et fréquenté par toutes sortes de gens. Ses yeux finirent par se poser sur le tricorne. Fronçant les sourcils, elle regarda à qui appartenait le couvre-chef et, surprise, reconnut la jeune femme de la veille. Althéa, ou quelque nom approchant. Etait-ce elle qu'elle avait vue cette nuit là ? Ou n'était-ce qu'une coïncidence...

[Althéa]

Quête : le bénéfice du doute

La nuit avait été mauvaise. Les pénitents y étaient pour beaucoup. Elle les avait suivis depuis les toits. Ils s'étaient séparés, rassasiés de souffrance. La plupart s'était rendue à la Taie Dorée et y étaient restés. Elle n'avait pas trouvé le sommeil.

Elle bailla en regardant les clients. Tiens, toujours la jeune mage. Seule. Et elle la regardait. Elle lui fit signe de se joindre à elle. Ce matin, elle avait besoin de compagnie.

[Oriane]

Quête : le bénéfice du doute

Surprise, Abigail se retourna, supposant d'abord que la jeune femme s'adressait à quelqu'un installé derrière elle. Mais elle se souvint rapidement qu'elle avait décidé de s'assoir au fond de la salle et que, derrière elle, il n'y avait rien d'autre qu'un mur. Elle hésita tout de même quelques instants puis, attrapant son bâton, se leva et se fraya un chemin jusqu'à la bretteuse, qu'elle salua brièvement avant de prendre place face à elle.

Avisant une nouvelle fois le tricorne, la jeune mage leva les yeux vers Althéa avec l'intention de l'interroger. Mais elle se ravisa. La bretteuse semblait épuisée, il était peut-être un peu tôt pour l'accabler de reproches...

"Alors...vous travaillez dans cet établissement ?"

L'entrée en matière était maladroite, le ton pouvait passer pour légèrement condescendant mais la jeune mage n'en avait pas vraiment conscience. Et elle pouvait difficilement faire mieux. Elle ne s'était que rarement retrouvée seule à discuter avec une inconnue qui n'était pas sous ses ordres.

[Althéa]

Althéa hocha pensivement la tête. Cela faisait longtemps qu'on ne lui avait pas demandé si elle travaillait dans l'établissement. Pour les manostiens, c'était de notoriété publique.

"Oui, je travaille ici. Je suis même propriétaire de l'endroit. J'en suis moi-même étonnée."

Elle eût un petit sourire triste.

"Et vous, que venez vous faire à Manost ?"

[Oriane]

Quête : le bénéfice du doute

Abigail détourna le regard, l'espace d'une seconde. Un instant, elle fut tentée de raconter son histoire à la bretteuse. Mais il lui semblait évident que si elle avouait venir de Mélandis, cela ne pouvait que lui porter préjudice. Finalement, elle haussa les épaules, comme si la question n'avait guère d'importance.

"Et bien...j'avoue que je ne sais pas encore. Je devais partir de chez moi, Manost nous...me paraissait être une bonne destination."

La jeune mage s'éclaircit la voix. Espérant qu'Althéa n'avait pas entendu son stupide lapsus, elle se força à sourire.

"Ainsi vous êtes propriétaire. Plutôt impressionnant..."

[Althéa]

Quête : le bénéfice du doute

Elle avait dit "nous". Et le fait ne lui avait pas échappé. Un nous qui devenait brutalement "je". Ce je inéluctable signifiant la solitude. Même au milieu d'une foule si un être vous manquait. Elle se revit à son arrivée à Manost, à la recherche d'Angelo. Seule aussi. Mais plus maintenant. Elle voulut apporter du réconfort à la jeune femme.

"Manost est une très bonne idée, en effet. Si vous voulez, je vous ferai visiter la ville."

Plus loin dans la salle une autre femme seule mangeait. Puis, l'homme qui avait importuné Abigail la veille entra dans la taverne. Il parla brièvement à l'étrangère et s'assit à sa table.

[Oriane]

Quête : le bénéfice du doute

Abigail hocha la tête avec un sourire sur lequel on pouvait deviner de la reconnaissance. La bretteuse devait l'avoir entendue, évidemment. Mais elle n'avait fait aucun commentaire, n'avait pas cherché à connaître l'identité de ce 'nous'. La jeune mage appréciait cette discrétion. Elle ne parlerait de son père que lorsqu'elle le déciderait.

"J'apprécierais oui, c'est très aimable à vous. Cela m'éviterait de me perdre à nouveau dans ce dédale de rues..."

Alors qu'elle repensait à l'incident de la veille, elle aperçut du coin de l'oeil le mage qui lui avait, audacieusement, proposé de s'installer chez lui. Il s'était, semblait-il, invité à la table d'une jeune femme. Un instant, Abigail se demanda s'ils se connaissaient ou si le mage jouait à cette femme le même numéro qu'il lui avait joué la veille. Se tournant vers Althéa, elle ajouta en le désignant :

"Et je pourrai plus facilement semer ce genre de personnage."

[Althéa]

Quête : le bénéfice du doute

Althéa avait regardé en direction du doigt tendu de la jeune mage puis froncé les sourcils.

"Je ne sais pas pourquoi, mais cet homme ne m'inspire pas confiance. Et pourtant, j'ai l'impression que son charme fait effet."

Devant elles, la femme riait aux éclats et ne semblait pas offusquée par la galanterie de son vis-à-vis.