[Bâtiment] La Taverne de la Gorgée d'Orge

[Mornagest]

Ils se regardèrent un instant, puis, l'air curieux, Enguerrand souffla : "C'est surprenant, mais c'est aussi la possibilité qu'on nous a laissé entrevoir. Un magicien un peu excentrique qui collectionne des œuvres d'art, sous toutes leurs formes...
- Nous devrions nous mettre en route... mais il est tard. Peut-être devrions-nous dormir avant cela ?", susurra timidement Aliénor. "Et puis, Gontrand est encore en train... ah, non, le voilà justement qui se lève."

Le musicien rejoignit ses amis et déclara tout de go : "Plusieurs pistes ! Mais toutes dans le quartier aisé. C'est déjà ça... j'ai deux noms de collectionneurs potentiels. On y va, ou on dort d'abord ? C'est que la soirée a été riche en émotions, et je fatigue..."

[Eléa]

A la pensée d’un lit chaud et moelleux, les yeux d’Eléa s’écarquillèrent et la rousse porta aussitôt la main à la bourse, comptant ses maigres revenus. Elle releva la tête vers les musiciens.

« Vous avez raison, et je suis aussi fourbue que vous. Je vous aurai bien proposé de dormir chez moi, mais l’Antre est loin d’ici. Prenons plutôt deux chambres ici. Une pour Aliénor et moi, et l’autre pour les hommes. Qu’en pensez-vous ? »

[Mornagest]

Le trio de musiciens acquiesça. Vue l'heure, de toute façon, ils ne pouvaient guère espérer être reçus par les gens qu'ils comptaient interroger quant à ces luths dérobés.

Le temps de louer les deux chambres, et ils se séparèrent chacun de leur côté. Aliénor se retrouva alors seule avec Éléa.

"Que d'émotions... cette cité est bien étrange. Je m'étonne que vous y paraissiez tant à votre aise... vous avez toujours vécu ici ?"

[Eléa]

En poussant la porte de la chambre, Eléa resta appuyée contre le chambranle, les yeux perdus dans le vague, ayant pour seule distraction les allées et venues d’Aliénor. Lui dire toute la vérité ? Lui cacher ce qui lui était arrivée, dans les ruelles ? Elle craignait qu’en rapportant sa petite aventure, Aliénor la prenne pour une folle. La vérité, c’était qu’elle mourrait d’envie de lui en parler. Aliénor était étrangère. Elle savait probablement des choses que la prostituée ne connaissait pas.
Elle alla jusqu’à son lit, où elle se laissa aller contre le matelas.

« Oui. Mes parents étaient des petits bourgeois qui tenaient une boutique dans ce quartier. Lorsque celle-ci a fait faillite, ils ont voulu lâcher du lest. Je suis restée là. »

Elle savoura intérieurement le pathétisme de ses propres mots. L’histoire était inventée bien sûr, mais elle n’en paraissait pas moins réelle.

« Melandis est très tranchée. La communication entre classes se fait très mal…et généralement illicitement » réfléchit-elle tout haut. « Je me demande comment votre ami s’est retrouvé embarqué dans cette affaire. Vous le connaissiez depuis longtemps ? »

[Mornagest]

La jeune femme rougit quelques instants, et resta silencieuse, puis elle finit par souffler :

"Nous... nous avons été amants. Je connais Kerias depuis des années. Jamais il n'aurait trempé dans une affaire pareille... c'est un rêveur, mais il n'est pas naïf. Je... je doute qu'il ait participé à ce vol, mais sa description correspond. Je ne sais que penser, à vrai dire."

Elle restait songeuse, tout en se déshabillant pour se mettre au lit. Ses traits étaient fatigués, et l'heure était bien avancée.

"Peut-être a-t-il été... ensorcelé ? Melandis abrite des magiciens, nous le savons... on l'aurait obligé à commettre des méfaits... cela vous semble-t-il possible ?"

[Eléa]

Eléa suivit du regard le va et vient des vêtements de sa voisine de chambrée. Elle-même ne fit aucun geste pour se changer.

« Vous n’avez pas tort. Les pistes que nous avons mènent aussi à l’université de magie. Je crois que c’est possible. Mais il faudrait être plutôt puissant pour manipuler autant d’esprits à la fois…aussi longtemps…»

Eléa n’avait bien sûr pas ce potentiel magique et l’imaginait encore moins bien. Mais en tant que barde, elle possédait quelques bribes de connaissance sur la manière de charmer les esprits.

« Et puis, cambrioler des luths n’est pas une action simple. Ça peut être dangereux. »

Elle fit une pause pour réajuster son oreiller, s’amusant à glisser ses doigts dans ses boucles rousses.

« Je me demande bien comment nous allons approcher les mages et l’université. Ce ne sont plus de simples clients d’auberge. »

[Mornagest]

Aliénor resta sans répondre, tout en se glissant sous les draps. Elle s'agita un instant pour trouver une position qui lui convint, puis avoua qu'elle ignorait également comment ils allaient s'y prendre.

"Ils sont sans doute moins faciles à approcher que les gens que nous avons croisé ce soir. Mais... nous pouvons toujours trouver un prétexte fallacieux, et essayer d'amener la conversation sur les instruments de musique ? Ou... se rendre illégalement dans l'école, c'est sans doute trop dangereux, non ?"

Décidément, la naïveté qui habitait la jeune femme était presque touchante. À croire qu'elle avait grandi dans un village issu d'un conte de fées.

[Eléa]

Eléa commençait à comprendre le mode de fonctionnement de ses compagnons. Ce qu’elle en apprenait lui intimait de ne pas les côtoyer trop longtemps. Leur optimisme était touchant, mais aussi et surtout écœurant. Pour la énième fois de la soirée, la rousse se demanda comment cette bande de musiciens avait pu survivre jusque là, puis éluda la question d’Aliénor par un patient :

« Non, ce n’est pas une très bonne idée. »

Pense fort à la récompense. Pense fort à l’argent que tu pourras te faire en doublant ces types et en revendant les luths toi-même, se répéta mentalement la barde, de même qu’un fervent aurait répété une sainte litanie.

« Et puis, l’université est grande, et je n’y connais rien. Oh, et il y a ce grand musée. J’imagine qu’on pourrait commencer par là. »

[Mornagest]

La jeune femme opina du chef, et réprima un bâillement, et s'excusa.

"Je tombe vraiment de sommeil. La nuit porte conseil, dit-on... peut-être que les garçons auront une autre idée quant à la suite des événements... vous ne voulez pas dormir ? Les femmes mélandiennes sont peut-être des fêtardes, en fait ?"

Elle ignorait vraiment tout des mœurs de la cité, et sa question ne recelait pas la moindre trace d'ironie. Elle dévisageait Éléa d'un peu plus près, maintenant qu'elle en avait un peu l'occasion ; la soirée avait été remplie d'émotions, et l'obscurité de la rue ne lui avait pas permis de satisfaire sa curiosité.

La demi-elfe n'était pas très en chair, c'était le moins qu'on pût dire, mais elle possédait un charme indéniable, probablement dû à ses origines raciales. Ses cheveux roux se déversaient en cascade sur ses épaules fragiles, et Aliénor se demanda comment une femme en apparence si frêle avait bien pu se tailler une place dans la société des indigents mélandiens, qui paraissait si dure et cruelle... Elle se garda cependant de lui poser la question.

[Eléa]

Eléa ne manqua pas de noter l’attention soudaine que lui portait Aliénor. Elle sourit, lascive, sans pour autant commenter.

« Je ne sais pas pour les autres, mais j’aime bien faire la fête, c’est vrai. Il faut profiter, vous ne pensez pas ? »

Oui, elle faisait la fête, c'est sûr. En tête-à-tête avec une bouteille de tord-boyaux. Avec dans son lit de quoi la réchauffer les nuits les plus fraîches. Elle eût envie de pousser un peu la naiveté d'Aliénor, puis se résigna à admette qu'elle-même avait déjà trop sommeil pour désirer en apprendre plus sur la chanteuse.

« Mais si vous avez sommeil, je vous en prie, dormez. »

[Mornagest]

Aliénor remercia la demi-elfe, et sombra rapidement dans le sommeil, quelque peu perturbé par les événements qui s'étaient étalés sur cette soirée. De son côté, la barde ressassa un moment sa rencontre avec ces vampires. Que lui voulaient ces créatures ? Pourquoi l'avaient-ils lancée sur une piste ? Qu'est-ce qui prouvait qu'elle était véritable ? En même temps, s'ils avaient voulu disposer de son sang, ils n'auraient pas pris autant de précautions.

Elle en était à ce stade dans ses pensées lorsqu'elle s'endormit, partant vers un sommeil sans rêves.

L'aube passa, sans les réveiller. Ils avaient, tous les quatre, veillé jusque tard dans la soirée, et les neuf heures étaient passées lorsqu'Aliénor s'éveilla en sursaut, puis se leva, pâteuse de la nuit étrange qu'elle venait de passer, à dormir avec une presque parfaite inconnue. Elle venait de terminer d'enfiler sa tunique lorsqu'on frappa à la porte. Une voix étouffée lui parvint :

"Les filles ? On vous attend... allez, debout, feignantes !" C'était Gontrand, évidemment.

[Eléa]

Le son des pas d’Aliénor, d’abord, puis la voix de Gontrand éveillèrent lentement la demi-elfe, qui, habituée aux gueules-de-bois, se surprit à se découvrir l’esprit léger et l’éveil facile. Elle sourit à l’insulte taquine de Gontrand, comme oubliant qu’elle ne faisait pas partie du groupe, et se redressa, encore toute habillée. Elle lissa pensivement les plis de sa tunique grossière, et glissa sa main sous l’oreiller, là où elle avait déposée sa dague la veille même. Le reste de son équipement commençait à lui manquer. Elle avait déjà pu constater à quel point une vraie arme et une protection digne de ce nom étaient plus efficaces lorsqu’il s’agissait d’intimider un peu les gens.
Elle jeta un regard à Aliénor, constatant que la jeune femme avait fini ses préparatifs.

« Prête ? » demanda-t-elle, sourire au coin. « J’ai l’impression que vos amis vous réclament. »

[Mornagest]

Les filles sortirent donc, et le petit groupe put descendre déjeuner dans la salle de l'auberge. Du pain frais, de la confiture et diverses boissons les attendaient. Les musiciens se jetèrent sur la nourriture, affamés qu'ils étaient ; la soirée n'avait pas été très riche en repas.

Pendant qu'ils mangeaient, Enguerrand déclara :

"Nous avons essayé de réfléchir à un plan pour nous informer auprès des magiciens... plusieurs pistes, mais chacune demande de l'audace. J'ai d'abord pensé à nous présenter en tant qu'élèves... ça pourrait fonctionner. Je n'ai aucune connaissance en magie, mais Gontrand a déjà consulté quelques ouvrages sur la question, et il pourra donner le change, le temps d'en savoir un peu plus... qu'est-ce que vous en dites ?"

[Eléa]

La suggestion était bonne. Elle comportait sa part de risques, mais était-ce vraiment un souci pour l’audacieux petit groupe et sa quête désespérée ? Elle entreprit de dévorer son repas, ne rechignant pas devant ce qui représentait plusieurs heures de travail pour son humble personne. Des couleurs revinrent sur ses pomettes pâles lorsqu'elle sourit.

« Je suis d’accord. C’est un moyen rapide d’entrer à l’intérieur du bâtiment, et les étudiants de longue date savent peut être quelque chose. Aliénor et moi avons pensé à visiter le musée.»

Ils avaient parlé d’autres pistes, aussi Eléa supposa-t-elle qu’ils allaient continuer l’exposé de leurs idées. En les attendant, elle demanda la confiture prise en otage chez un de ses voisins de tablée, ne désirant perdre aucune miette des projets à venir.

[Mornagest]

Le jeune homme acquiesça face à la proposition d'"Honorine", et exposa sa seconde idée.

"J'ai aussi pensé à quelque chose de plus saugrenu, mais, qui sait... nous présenter comme... curieux. Hum. Disons, j'ai ouï dire que les mages ont quelquefois la visite de notables de la cité qui s'intéressent vaguement à leurs travaux. D'après ce que j'ai compris, certains d'entre eux prétendent refaire des expériences chez eux, dans des laboratoires qu'ils se font construire dans leurs demeures. Des excentriques. D'où l'idée de nous faire passer pour l'un d'entre eux. Comme ils sont... de doux dingues, nous n'aurions pas l'air plus décalé qu'eux... Qu'est-ce que vous en dites ? Une des deux options vous tente, ou vous préférez aller toutes les deux au musée ?"

Le repas était terminé, ils allaient bientôt se mettre en route. Mais il fallait se décider sur la suite des opérations.

[Eléa]

Eléa hocha la tête. Au bout du compte, ils avaient en tout trois pistes à suivre ; chacune demandait son lot de talent.

« Gontrand, si j’ai compris, tu te chargerais d’infiltrer l’université de l’intérieur en te faisant passer pour un étudiant ? Ce qui fait qu’il nous reste le musée et la piste d’Enguerrand. Je peux me charger de la dernière, mais peut-être qu’Aliénor ou Enguerrand souhaite m’accompagner ? »

[Mornagest]

Le jeune homme sourit, trop heureux que la demi-elfe lui fît cette proposition, et acquiesça d'un mouvement de tête avant d'ajouter :

"Ce serait avec plaisir. Je me fais fort de...
- Oui, ta grande gueule te permettra de baratiner les magiciens sans trop de soucis, on te fait confiance, va", lança, narquois, Gontrand en lui tapant sur l'épaule. Enguerrand se renfrogna un peu, et marmonna dans sa barbe.

"Ne fais pas attention à eux, ils se chamaillent sans cesse. Mais c'est vrai, Enguerrand a l'habitude de charmer... il pourra bien t'aider", lui souffla Aliénor, tout bas, avant de reprendre de vive voix : "Il est temps d'y aller, alors. Souhaitons-nous bonne chance et mettons-nous à l'œuvre."

Ils se levèrent de table et quittèrent l'auberge, prenant la direction du Havre Bourgeois.

HRP : tu peux poster directement à l'école de magie, pour vous trois : Aliénor vous quitte en chemin pour aller au musée.

[Zyl]

Sheaxie entra en se fendant d'un sourire franc, du moins aussi franc et amical qu'elle pouvait le rendre sans qu'il ne passe dans le domaine du «*dangereusement psychopathe*» ; rapport aux embryons de défenses aux coins de sa bouche, pas aux intentions. Pour une fois. Sheaxie était d'une humeur à ne pas secrètement préparer la mort de toute le monde. «*Ayez un plan pour tuer toutes les personnes que vous rencontrez.*» était son motto, mais elle se sentait suffisamment heureuse, ce jour là, pour ne même pas penser au moindre complot, et aller se prendre une bière.
Une fois de plus, elle aurait préféré un jus de pomme. Elle ne comprenait pas vraiment ce que les gens avaient avec l'alcool, et ne l'appréciait guère que quand il déliait les langues des autres suffisamment pour leur tirer des informations intéressantes, ou quand il leur faisait relâcher leur vigilance quant à leur bourse...
Mais commander un jus de pomme à Melandis ne se faisait pas, du moins, pas quand on était une adulte qui voulait se donner des airs vaguement sérieux.
Assise au comptoir, Sheaxie sirotait donc une bière claire, un chat ronronnant sur les genoux. Et quoi maintenant ? Elle avait fini son dernier job il y avait peu et gardait encore de l'argent de sa paie de côté, mais il allait bien lui falloir retrouver quelque chose à faire.
Mais pour le moment, elle allait discuter avec le tavernier. Elle aimait bien discuter avec les taverniers. Derrière leur comptoir, à servir à boire et à nettoyer des verres toutes la journée, ils s'ennuyaient assez facilement, et conséquemment discutaient tout aussi aisément avec leurs clients.
«*Moins de clients en ce moment, hein ?*» Fit-elle en jetant un coin d'œil autour d'elle. « Je viens de rentrer de voyage, et ça fait bizarre de retrouver Melandis aussi... Calme. Est-ce qu'il y a des nouvelles en ville ?*»

[Mornagest]

Le tavernier n'avait effectivement pas beaucoup de travail. La salle était peu remplie, les gens étaient calmes, et les commandes n'affluaient pas de toutes parts comme dans un bouge minable des bas-quartiers, où les ouvriers dépensaient leur paie du jour à boire jusqu'à plus soif pour oublier leur misérable condition.

"Ma foi, ma bonne dame, ça dépend depuis quand vous êtes partie... vous êtes au courant que Talos n'est plus maître ici, j'imagine ?" lui répondit-il sur le ton de la confidence. Parler des dieux, mêmes chassés, n'était pas bien vu. "Le chancelier Mornagest est mort. Enfin, il a disparu, on ne sait pas exactement. Le fils de l'impératrice Venuma règne maintenant. Il y a une pénurie de pommes de terre qui s'annonce, avec la sécheresse qu'on connaît. Sinon, le sabotier de la rue des Quatre Fers a fermé boutique, manque de demande... avec cette guerre, c'est pas étonnant : tout le monde demande des armes, pas des outils de jardinage... ah, et le bétail d'un fermier que je connais, le père Mathieu, est soudain devenu fou, la semaine passée. Tout son troupeau a foncé vers la Houleuse et s'est jeté dedans ! Toutes noyées, ses vaches. À rien n'y comprendre. Enfin... tout ça, ce ne serait rien, si le pouvoir n'avait pas émis l'idée de faire payer les... hum, les clients des filles faciles. Tout Melandis est en émoi depuis ce jour-là, vous comprenez. Enfin, surtout les hommes."

[Zyl]

«*Hm ouais, quand même, pour Talos, je savais. Merci, en tout cas. Concernant l'chancelier, j'ai déjà entendu des rumeurs, mais il est mort, non ? Enfin, ces temps-ci, on ne peut se fier à rien. Même des dieux peuvent mourir.*»
Il marqua une pause le temps de prendre une nouvelle gorgée de bière.
«*C'est bizarre cette histoire de vaches, mais cette histoire de prostitution c'est encore plus... Heu... Etrange ? J'vois pas pourquoi le gouvernement voudrait priver Melandis de cette partie de ses revenus touristiques. Monde de fous.*»
Elle grinça un peu des dents.
«*Enfin, j'imagine que les touristes des territoires de Manost ne vont plus vraiment affluer, de toute manière. La guerre va nous faire mal. J'espère que l'empereur sait ce qu'il fait, enfin c'est pour ça qu'il est là, après tout. La guerre et tout ce qui s'ensuit. J'ai entendu dire qu'il était avec les troupes en ce moment, qui dirige Melandis ?*»
Pour la forme, elle secoua deux ou trois fois la tête en marmonnant «*Saleté de guerre*».

[Mornagest]

"Oh, vous savez ce que c'est... la guerre, ça nous concerne pas trop tant qu'elle n'a pas lieu ici. Mais c'est vrai que c'est sûrement pour ça qu'il fait plus calme. Ça et le manque d'argent. On avait beaucoup de clients assez aisés, et ils ont perdu des sous avec les réquisitions pour l'armée, et puis la chute de Talos... ben, pas mal de prêtres avaient de l'or, pour sûr", souffla-t-il encore un ton plus bas. Il jeta un coup d’œil avant de poursuivre : "On ne sait pas qui gouverne à la place de l'empereur. On sait qu'il a des conseillers, mais personne ne les voit jamais."

[Ravestha]

Les rues étaient peu fréquentées, et il flottait un air un peu glauque. Pas de bruit de rixe, pas de cris, la ville était calme et pourtant Ravestha était tendu comme une corde sur un arc. Après avoir demandé son chemin à une vieille assise sur le pas de sa porte qui ne manqua pas de le dévisager de manière intriguée, il arriva devant la taverne de la Gorgée d'Orge. Une fois devant le bâtiment, le Manostien accrocha sa monture après lui avoir passé la main sur la tête. Si on voulait la lui voler, il faudrait d'abord éviter les sabots. IL décrocha les lames et les glissa à sa ceinture, dissimulée sous son manteau.

Il poussa la porte et pénétra dans les lieux, envahi par l'odeur de renfermé. Il prit le temps de regarder les gens présents, et ne relevant à priori pas de grande menace, il s'avança vers le tavernier en discussion avec une demi orque. Restant debout légèrement à l'écart, il sortit quelques pièces et les fit tinter sur le comptoir, ne doutant pas que cela suffirait à faire venir l'homme.

[Zyl]

Sheaxie jeta un coup d'œil au nouveau venu, d'abord alertée (non, pas attirée !) par le tintement des pièces sur le comptoir. Puis elle ne put s'empêcher de le dévisager, avec tout l'art des coups d'œil imperceptibles qui était le sien. Le nouvel arrivant était en effet d'une apparence singulière, particulièrement pour Melandis, où les elfes ne couraient pas des rues. La demi-orque n'avait pas une très grande expérience de la race elfique, avec laquelle elle n'avait jamais traité durant ses années d'émissaires. Elle la considérait donc avec méfiance, d'autant plus qu'elle ne parlait pas la langue.
L'individu, cela dit, ressemblait plus à un sang-mêlé qu'à un elfe pur. Les humains frayent décidément avec n'importe quoi, songea la demi-orque avec une bonne part de moquerie envers elle-même. J'ai hâte de voir à quoi ressemblent les demi-otyughs.
L'homme, enfin le demi-elfe, avait l'air nerveux. C'était toujours intéressant.
«*Tiens, les clients, il suffit d'en parler pour que ça vienne. Je vous porte peut-être chance, qui sait, tavernier ?*»
Elle laissa échapper un gloussement léger avant de lever sa bière à l'adresse de l'arrivant.
«*Bonjour, l'ami.*»
Peu probable qu'il lui réponde amicalement. Tant pis, aujourd'hui, elle était une femme agréable, dotée d'un optimisme à peine blasé par son habitude de l'orcophobie.

[Mornagest]

L'aubergiste prit la commande du nouveau venu, puis s'en alla vaquer à ses occupations, désireux de laisser les deux clients s'entretenir à leur aise sans être écoutés. Même si le travail n'était pas abondant, il avait toujours quelque chose à faire qui pouvait le tenir suffisamment éloigné du comptoir. C'était aussi une chose appréciée dans cette taverne, outre le cadre et la relative aisance des lieux.

[Ravestha]

Il avait prévu d'attirer l'attention du tavernier, pas particulièrement celle de celui qui se trouvait du même côté que lui du comptoir. Lorsque la voix retentit, Ravestha cessa de jouer avec les pièces et les plaça dans son poing. Il tourna les yeux vers l'inconnue tout en priant son dieu mort que la personne se soit adressée en réalité à un autre que ses yeux auraient manqué, n'étant pas spécialement disposé à se lancer dans une discussion avec le premier venu, qui plus est semi-orque. Lorsque le regard du Manostien croisa celui de sa voisine, il n'eut plus aucun doute que l'ami en question, c'était lui. Il réprima un soupire mais ne put s'empêcher de dévisager un sang-mêlé qu'il voyait pour la première fois. Tandis que son regard parcourait les traits de son interlocuteur, il ne manqua pas de remarquer que l'autre en faisait de même. Il imagina aisément qu'une telle abomination n'avait survécu dans le monde des humains que parce qu'elle devait savoir se défendre et donc, qu'il valait mieux éviter de la contrarier s'il ne voulait pas attirer l'attention. Il commanda un verre de vin au tavernier avant donc de tourner la tête vers le semi-orque. Il répondit sobrement, de manière à être poli mais sans chercher à encourager la conversation.

« Salutations »

[Zyl]

Oh génial, c'est mignon, il pense que je vais le manger. Ça ou il n'a juste pas envie de causer.
Sheaxie jeta un regard au tavernier qui s'éloignait.
Et bien tant pis pour lui. Moi, je n'ai pas franchement envie de passer mon après-midi à me tourner les pouces.

«Vous êtes nouveau en ville, non ?» Fit-elle en jetant un nouveau coup d'œil, plus ostentatoire, aux oreilles de son interlocuteur. Ça n'était pas raciste si elle-même avait les oreilles pointues, après tout.
«Il n'y a pas beaucoup d'elfes à Melandis.»
Elle tenta de lancer une conversation banale. Elle n'avait pas une tête à disserter philosophie avec les clients d'un bar, et conséquemment s'en abstenait. Même si l'expérience pouvait être intéressante.

Machinalement, la demi-orque remua les doigts qui lui restaient dans le gant raide qui couvrait sa main droite. Le demi-elfe se trouvait sur sa gauche, et l'infirmité n'était pas visible à travers le cuir, de toute manière, mais c'était tout de même un embarras social pour elle. Un des seuls, en fait, parce qu'on pouvait s'accommoder d'un faciès d'orque en se mettant à jouer des rôles de brute, mais des doigts manquants étaient durs à justifier quand beaucoup de villes coupaient les mains des voleurs.

Elle attendit une réponse de son interlocuteur avec une expression patiente (aussi patiente que lui permettait son visage de demi-orque). A vrai dire, elle était curieuse. Le demi-elfe semblait capable de cacher, en partie, son état de malaise, mais elle le devinait néanmoins tracassé de manière plus intéressante que si son souci n'avait été qu'un de ceux qui agitent les bouseux Mélandiens.

[Ravestha]

Ainsi elle voulait parler. Ravestha grogna intérieurement en faisant tourner le vin dans son verre avant d'en prendre une gorgée et de s'assoir sur un des hauts tabourets rangés le long du comptoir. Ce n'était pas du grand vin, spécialement quand on est un habitué des excellentes cuvées des vignes manostiennes. Mais cette petite lampée lui fit le plus grand bien et la boisson ne pouvait être pire que l'eau qui avait chauffé dans sa gourde toute la journée. Le Grand Emissaire était trop fatigué pour discuter, mais encore davantage pour se disputer. Aussi, même si son visage avait les traits tirés, il se força à afficher une mine moins sombre. Et même s'il avait toujours appris à se méfier des apparences, comme son conseiller à la peau couleur ébène le lui avait appris, il se dit qu'au mieux il avait affaire à un gros benêt fidèle à la réputation de sa race et parviendrait probablement à glaner quelques informations utiles. Au pire... eh bien la discussion pourrait attiser sa curiosité. Il commençait à avoir chaud dans son manteau, et l'alcool n'aiderait pas, aussi enleva-t-il son grand vêtement, le posant sur ses genoux. Ses lames pendaient à sa taille, touchant presque le sol dans leur fourreau de cuir.

« Je ne connais pas très bien la ville, mais je ne crois pas que les orques courent les rues à Melandis non plus. D'ailleurs j'aurais imaginé que ceux qui y vivaient seraient déjà en train de marcher sur Manost sur ordre de l'empereur. »

[Zyl]

«Bah, c'est vrai, y'a pas beaucoup d'orques, et encore moins des sangs-purs, z'aiment pas les villes, et c'est vrai aussi que la plupart sont à la guerre, en c'moment.» Elle tapa du poing sur le comptoir. «Pas moi... Tombé malade au mauvais moment. Je ne vais pas aller courir la campagne pour essayer de les rattraper, maintenant, hein ?»
Elle eut un mouvement de recul très léger en voyant les lames de l'elfe. Sheaxie n'aimait pas franchement les armes, parce qu'elles avaient tendance à trop souvent se retrouver pointées contre sa gorge.
«Et puis, faut bien qu'y'en aient qui restent pour faire tourner la ville... C'est toujours utile, un orque, surtout à Melandis. Les humains ont parfois du mal à porter leurs paquets lourds, pauvres petites créatures.» Elle renifla. «Ou à assurer leur... Sécurité. Tout ça.»
Elle aurait bien ri. Les rares jobs de garde du corps qu'elle avait acceptés avaient fini avec son employeur naïf proprement poignardé dans le dos.
Elle acheva sa bière. Pas trop tôt, songea t-elle. Elle n'arrivait décidément pas à comprendre ce que tout le monde pouvait bien trouver à un produit qui non seulement était amer et désagréable au goût, mais qui en plus gênait les capacités mentales. Les gens aimaient s'infliger des handicaps, semblait-il.
Elle loucha de nouveau sur les deux épées. Pas un marchand, définitivement pas un marchand, songea t-elle, et probablement pas un mercenaire miteux non plus, avec ce type d'équipement. Peut-être un aventurier de luxe.
«Vous, vous êtes mercenaire, non ?» Fit-elle avec ce qui s'apparentait vaguement à un sourire complice. «Ou plus probablement garde de caravane, en ce moment, sinon, seriez au front. Vous venez d'où ? Dites-moi si je vous pose trop de questions, hein.»
Vous êtes qui ? Vous venez d'où ? Sheaxie se sentait comme une petite fille agaçante en train de harceler un adulte de questions, et elle adorait la sensation. Il était parfois plaisant de jouer des idiots.

[Ravestha]

Son interlocutrice était sacrément bavarde, ce qui lui donnait le temps de profiter de son vin bien que ce dernier ne méritait pas autant d'attention. Ravestha ne pouvait s'empêcher de détailler la semi-orque tandis qu'elle parlait et une pensée fugace sur la façon dont ce genre de sang mêlé avait dû être conçu suffit presque à lui soutirer une grimace. Heureusement il se garda bien de remuer ne serait-ce qu'un coin de lèvre, il ne tenait pas à la vexer. Le Manostien ne savait que penser : elle avait l'air d'une enfant dont les questions brûlent les lèvres à chaque instant et ne semblait pas spécialement futée mais pour autant c'était apparemment en femme libre qu'elle était venue se payer une bière. A Melandis, il fallait savoir survivre, et quand on était trop stupide pour comprendre les rouages, on finissait souvent dans la servitude. Ne pas juger trop vite, ni dans un sens, ni dans l'autre. Elle pouvait avoir aussi bien de la chance ou il pouvait aussi bien se tromper. Ce n'est pas comme si lui-même avait une bonne maîtrise des mécanismes de la cité du Chaos.

« Poser les questions est votre droit. Distiller les réponses est le mien. Si vos questions me dérangent, je n'aurai qu'à ne pas répondre. »

D'où venait-il ? Après tout, il pouvait répondre sans trop mentir.

« Je viens d'Armonis et effectivement je suis mercenaire. Je propose mes services là où ils sont utiles. Et comme je suis une très mauvaise pièce de boucherie, trop peu de chair, j'ai donc évité de participer à la guerre. Alors je me dis qu'en l'absence de tant d'hommes en ville, il doit y avoir du travail pour moi. »

Il devenait temps de commencer à glaner des infos.

« Cela fait longtemps que je ne suis pas venu ici. Maintenant qu'il y a un nouvel empereur sur le trône, la ville a dû changer j'imagine ? »

[Zyl]

C'était presque trop facile. Un mercenaire ? Sûrement autant que Sheaxie était bonne sœur, quelque chose ne collait pas. Le demi-elfe ne faisait guère que confirmer le soupçon. Maintenant, son interlocuteur devenait réellement intéressant. Un mercenaire étranger n'avait rien à faire en ville de Melandis en période de guerre. Trop riche pour suppléer aux gardes de la cité, et trop facile à soupçonner d'espionnage. Tiens, un espion, oui. C'était une possibilité. Mais si c'était le cas, il était relativement peu discret. Sheaxie ne savait trop que penser. Peut-être était-il réellement un mercenaire, au final, cela ressemblait pas mal à l'espèce de venir parader en ville avec ses épées, mais il n'aurait eu aucune raison de venir chercher du travail dans une ville rendue à demi-comateuse par la guerre que sa force vive menait à des lieues et des lieues d'ici.
«Ouais, si on veut, mais d'un je suis de retour en ville depuis peu, et de deux, pour les petites gens, y'a pas franchement de différence. A part la guerre.»
Elle haussa les épaules.
«Le p'tit Swaren se montre peut-être un peu plus en public que sa maman ne l'a fait ces dernières années, mais personnellement... Ça ne m'affecte pas plus que ça. Les dirigeants, ça va, ça vient, mais pour les roturiers, les changements du prix du pain sont plus intéressantes. J'suis pas une politicarde.»
Elle se mit à rire. Oh, elle aurait adoré faire de la politique, en un certain sens, elle en avait déjà fait, elle avait été émissaire bon sang de bonsoir. Mais s'imaginer dans une tenue de magistrat, les oreilles vertes dépassant à peine du haut col, était tellement décalé vis-à-vis de la quasi-misère dans laquelle elle avait vécu depuis son arrivée ici...
Garder l'attention du demi-elfe.
«Cela dit, à quand remonte votre dernière visite ? Y'a eu quelques changements au niveau dieux, ici... Enfin, à Armonis, vous ne pouvez pas ne pas en avoir entendu parler.»
Une demi-orque ne disait pas «théologique», peu importait l'envie qu'elle avait de caser le mot dans une phrase. D'abord parce que c'était un coup à postillonner violemment, et ensuite parce qu'elle devait être trop bête pour connaître des mots de plus de trois syllabes. Contrepartie au plaisir de faire se méprendre les gens, jouer une idiote était parfois très handicapant pour s'exprimer.
Sheaxie avait l'impression de repasser la conversation qu'elle venait juste d'avoir avec le barman.