[Lieu] La place des marchands

[Zyl]

Il avait un sérieux besoin de se décrisper, le bonhomme, songea Sheaxie tout en ruminant sur sa haine des foules.
La formulation qu'il pouvait donner à ses questions était singulière. Vous rendez-vous souvent ici ? Qu'y achetez-vous ? Il posait des questions d'un ordre plus personnel que général ; cela ne voulait peut-être rien dire, et Olron l'oublia, mais Sheaxie le nota dans un coin de son cerveau. Même problème que lorsqu'il avait sous-entendu une recherche d'activités plus ou moins licites. L'humain était quelqu'un d'étrange.

«Je viens r'garder de temps en temps, mais pour quelqu'un d'ma condition, les marchés de la ville basse sont suffisants. Je n'ai pas besoin d'esclaves ou de bibelots, je ne suis qu'un travailleur. Ça veut pas dire que je n'connais pas la réputation des marchands d'la place, cela dit. Ca dépend c'que vous cherchez, j'imagine ? Ah, tenez, là-bas, vous avez les meilleurs lézards épicés de Melandis. Mais j'imagine que vous v'nez de manger. Oh, et le bouquiniste là-bas... Un peu à droite, sous le pavillon gris, est assez réputé. Il a une échoppe en ville, mais il vend beaucoup plus ici. Si on sait lire, pas une mauvaise affaire, à ce qu'il paraît. Si vous voulez des artistes, on marche dessus, parfois littéralement s'ils font des caricatures un peu trop osées, mais bon... Les animaux exotiques, à mon souvenir il y en a toujours à l'autre bout de la place, et pour tout ce qui est armement, vous avez des forgerons un peu partout mais je ne sais pas qui est le meilleur. Alors dites-moi c'que vous cherchez, parce que je vais avoir du mal à tout vous dire.»

Tout en marchant, Sheaxie écartait parfois un passant doucement du pommeau de sa canne. Elle devait hausser la voix pour se faire entendre d'Asmodeus et trouvait cela plutôt désagréable. Elle préférait se faire discrète en général, et n'étant déjà pas aidée par son apparence, elle n'aimait guère parler fort.

[Asmodeus]

Asmodeus n’était guère enclin à révéler les vraies raisons de sa visite ni même ses centres d’intérêt. Toute information avait sa valeur et apportait un avantage. Il n’aimait donc guère en concéder sans rien obtenir en retour à un ennemi potentiel. Cependant, ne pas jouer le jeu pouvait s’avérer suspect et il aimait encore moins attirer une mauvaise attention sur ses activités tant qu’il n’était pas en mesure de parer à toute éventualité. Il répondit donc en partie sincèrement :

- L’armement est superflu, tout comme les esclaves ou les nourritures exotiques. En revanche, rencontrer un artiste célèbre pourrait s’avérer des plus intéressants. Est-ce possible ?

Après tout, il n’était pas rare que ces derniers côtoient les puissants et cela pouvait constituer une bonne source d’information à défaut de véritable porte d’entrée vers les cercles huppés de la cité.

[Zyl]

«Je... Suppose ? Mais j'peux pas dire que j'sois capable de vous introduire auprès d'un, j'suis pas assez huppé, vous voyez ? Même si j'mettais mes plus belles fringues, peu de chance que l'un d'entre eux décide soudainement que j'suis une jolie muse, hein ? Mais vous en avez quelques-uns qui viennent ici, quoique pas si souvent en personne. Pouvez trouver des représentants. La Dame Ferrica était notre plus illustre sculptrice, mais comme je vous ai dit tout à l'heure, elle a été frappée d'un méchant cas de lynchage. Paraît que Sire Sarles, un étranger, un sculpteur aussi, est en ville. A part ça, j'en sais trop rien, donc j'vous invite à aller regarder les éventaires autour de nous. J'ai peur d'ne pas être l'plus grand spécialiste d'art qu'on puisse trouver dans le coin, mon bon sire.»

Ce faisant, elle se mit à loucher sur un kiosque proposant divers rôtis et brochettes. L'odeur était bien plus alléchante que celle de la foule, qui mélangeait sueur et parfums lourds, en ce qui concernait les clientèles aisées. Et puis, elle ne savait vraiment pas tant de choses sur l'art, l'ayant toujours vu comme une frivolité surévaluée. L'argent et sa propre vie étaient les deux seules choses ayant pour elle la moindre valeur, et la première seulement parce qu'elle permettait de prolonger la seconde.

[Asmodeus]

Asmodeus n’avait pas choisi le guide le plus approprié qui soit pour nouer un premier contact avec les cercles artistiques de la ville mais il devait tirer le meilleur parti de cette première visite. Il s’approcha donc d’un des plus beaux éventaires présentant des objets d’art pour s’adresser au commerçant :

- Bonjour, ces objets sont intéressants mais serait-il possible d’accéder à une sélection plus personnalisée ? Dans une boutique en ville peut être ?

Il doutait que les nobles ou leurs représentants s’abaissent à chiner sur le marché mais ces objets semblaient suffisament chers pour les intéresser. Sa meilleure chance d’entrer en contact avec eux se ferait dans une boutique. Ce Sire Sarles était une autre piste intéressante. L’étranger devait être célèbre ou rechercher un mécène. Ces objectifs étaient proches de ceux de l’élu divin en quête d’un mentor qui l’aiderait à installer ses rets en ville.

[Mornagest]

Tandis qu'il conversait avec le marchand d'objets d'art bigarrés et pour tout dire, assez moches, Asmodeus entendit derrière lui un homme proposer à Sheaxie :

"Un pain à la saucisse ? Deux pièces d'argent, et j'me tranche la gorge !"

Suivi ce qui ressemblait fortement à un refus catégorique, ou en tout cas, ce qui s'approchait le plus d'une claque retentissante sans pour autant qu'il y ait contact physique entre l'homme et la demi-orque. Sa voix suffisait à éloigner les intrus, apparemment.

Le marchand marmonna quelques mots dans sa barbe puis haussa la voix :

"Humm... dans le coin, vous pourrez trouver pas mal de boutiques. Ça dépend de ce que vous cherchez, à vrai dire. Mais les boutiques d'art, c'est tout par ici. Et un peu dans le quartier bourgeois, mais là, vous pouvez doubler la taille de votre bourse."

[Asmodeus]

Asmodeus regarda avec suspicion l'homme qui venait de l'interpeler. Ses saucisses lui inspirait un sentiment encore moins favorable. L'élu divin avait toujours du s'astreindre à une hygiène alimentaire stricte étant donné sa faible constitution et la sensibilité de son estomac. S'autoriser pareils aliments - qui n'avaient du reste rien d'appétissant - équivalait à un suicide par empoisonnement dans le meilleur des cas. Cependant, le marchand ambulant pouvait s'avérer d'une autre utilité. Asmodeus prit donc un ton poli pour répondre à sa question :

- Celui-ci souhaite rencontrer un artiste influent en ville. Un atelier serait peut être plus approprié qu'une simple boutique. Pourriez-vous l'aider à en trouver un ?

[Mornagest]

La manière de s'exprimer de l'inconnu laissa le marchand perplexe, mais il n'en laissa rien voir, se contentant de lui répondre.

"Ma foi... il y a des sculpteurs pas très loin d'ici. Je connais aussi des peintres. Ah, et un type assez étrange qui manipule de la pâte argileuse, c'est plutôt... particulier. Si ça vous dit, je peux vous indiquer le chemin pour aller chez tout ce petit monde."

Il leva vers l'homme un air plein d'espoir, comme s'il souhaitait qu'il lui achetât un article quelconque. Son étalage comprenait des bibelots vieux et souvent inutiles, mais d'une apparence élégante, des toiles défraîchies mais joliment réalisées, des livres anciens aux titres évocateurs : "Necronomicon", "Ancien Testament" et même l'obscur "Oui-Oui à la ferme". De quoi régaler les amateurs, pour sûr.

[Asmodeus]

L'information méritait bien une récompense même si un élan de générosité pouvait être tout aussi mal accueilli et contraire aux usages comme aux convictions de l'élu divin. Après avoir encouragé le marchand à lui confier les adresses de ces sculpteurs, Asmodeus tâta ses poches à la recherche de la partie de son or qu'il avait pris soin d'emporter.

- Ce livre, le Necronomicon, il est intriguant pour Asmodeus. En savez-vous plus que lui à son sujet ? Les seules bribes étant parvenues à sa portée concernent un passage mystérieux : " Ph'nglui mglw'nafh Chtuhlu R'lyeh wgah'nagl fhtagn". S'y trouve-t-il explicité ? Ce mystère mérite d'être résolu.

[Mornagest]

Le marchand toussa et mit quelques instants à répondre. Comment tourner sa phrase ?

"Hum... cet exemplaire n'est qu'une copie, je le crains. Je ne le vends qu'à un prix dérisoire, car il est dit que seul l'original contient l'intégralité du texte maudit. Celui-ci... a été censuré, ou mal recopié, voire les deux."

Il se saisit de l'ouvrage pour en montrer la page de garde à Asmodeus. "Voyez cette mention, en infernal ? Elle indique que ceci n'est qu'un simple fac similé. J'ignore si l'œuvre original existe encore physiquement... peut-être les mages pourraient vous éclairer. Certainement davantage que moi, en tout cas."

Il avait préféré jouer franc-jeu avec l'homme. Un badaud quelconque lui aurait acheté le tome dix fois sa valeur réelle, mais cet individu paraissait capable de déchiffrer l'infernal, d'une part, et d'autre part, de lancer quelque sortilège disconvenant sur sa personne et le réduire en bouillie ensanglantée. Il valait mieux se méfier de ces cocos-là...

[Asmodeus]

Asmodeus ne chercha pas à masquer sa déception faisant suite à cette révélation. Il aurait cru qu'on chercherait à le berner étant donné le peu de réputation et de soutien dont il disposait en ville. Ceci étant entendu, l'élu divin décida tout de même d'acquérir cet objet : peut être lui révèlerait-il quelque mystère recelant une once de possibilités. Au point où il en était, le moindre avantage était bon à prendre :

- C'est une déception mais votre prix conviendra. Cet ouvrage ne doit pas être mis entre toutes les mains. A-t-il été réalisé en ville ? En possédez-vous d'autres copies ?

[Mornagest]

Le marchand reprit ses réflexes professionnels. "Il vaut réellement dix pièces d'or. Si vous souhaitez vous en défaire, vous n'aurez aucune peine à berner l'inculte, croyez-moi."

Puis il fouilla sa mémoire pour chercher la réponse aux interrogations d'Asmodeus.

"Pour autant que j'en sache, l'ouvrage n'est pas d'ici. Ses copies non plus ; celle-ci a dû échouer à Melandis voici des années, par les bagages d'un voyageur en provenance de Féérune. J'ignore s'il en existe d'autres ici, en ville. Peut-être à Manost, cela dit. Les érudits de la Cité Bénie sont toujours à la recherche d'ouvrages maudits, sans doute pour mieux combattre le mal. Mais moi-même, je ne dispose que de ce duplicata."

[Asmodeus]

Le prix annoncé semblait un peu trop élevé et contredisait les arguments rassurants du vendeur. Asmodeus n'avait en aucun cas envie de passer pour un faible en acceptant sans barguigner un tel prix pour sa première transaction. Les réputations se faisaient vite et vous collaient à la peau, surtout dans ce genre d'endroits. L'élu divin tenta donc de convaincre le marchand en mettant à profit tout son charisme et sa sagesse en quête d'arguments pouvant faire mouche :

- C'est un peu plus que vous ne le laissiez entendre et Asmodeus envisageait déjà de multiplier les achats dans votre échoppe. Si vous consentiez à une petite ristourne pour tout le lot de livres. 15 pièces d'or pour les trois ouvrages serait un prix tout à fait acceptable. Il serait inutile d'aller voir ailleurs pour de futurs achats...

[Mornagest]

Argh, il voulait revenir, ce type inquiétant ? Le marchand se sentit suer davantage dans le dos. Il n'avait pas beaucoup de marge de manœuvre, de toute manière... et puis, les deux autres ouvrages valaient moins de cinq pièces d'or réunis, il gagnerait même une ou deux pièces sur la copie du "Necronomicon" ! Allez, la chance lui souriait tout de même un peu.

Pour faire bonne mesure, il grimaça tout de même, puis lâcha : "Bon... je vous fais confiance pour revenir. Soit. Quinze pièces d'or les trois. Mais ne l'ébruitez pas, je ne voudrais pas être assailli par tout le quartier !"

Il s'empara des deux autres livres et les remis avec le premier entre les mains d'Asmodeus.

[Asmodeus]

Bien qu'il eut le vague sentiment de s'être fait arnaquer, l'élu divin n'osa admettre ignorer la valeur réelle de ses acquisitions et paya la somme convenue. Il rangea les volumineux ouvrages dans sa besace pour ne pas attirer de malvenues convoitises avant de prendre congé du marchand. Il aurait bien le temps de visiter plus tard les adresses glanées au passage mais il entendait pour l'heure profiter de l'escorte d'Olron. La journée avait déjà été intéressante en pistes à suivre mais il entendait la rentabiliser un maximum. Il partit donc à la recherche de son guide qui avait profité de ses achats pour s'éloigner.

- Il me semble que la prochaine étape convenue concernait les temples de la cité...

[Zyl]

Le temps que l'homme s'occupe de ses achats et conversations assez peu inintéressantes avec les camelots, Sheaxie l'avait passé à pousser encore son analyse de la composition de la foule qui les entourait. Celle-ci, hors l'absence de la population engagée, paraissait agir de manière relativement normale. Elle se demandait si le plus grand changement n'aurait pas lieu durant la guerre, mais après, au retour des soldats, qu'ils l'ait gagnée ou perdue. Un vague sentiment d'appréhension la hérissait. Elle avait beaucoup de mal à concevoir l'idée d'une "bonne guerre", et même un retour triomphal aurait probablement des conséquences pires que pas de guerre du tout. Au moins, les brutes de la cité avaient de quoi s'occuper et seraient moins dans les jambes des honnêtes citoyens (enfin, de manière plus importante, SES jambes) le temps de la guerre. S'ils ne revenaient jamais, tant mieux, s'ils revenaient traumatisés, Melandis y survivrait, mais s'ils revenaient en laissant derrière eux une cité en ruine, pleine de gens furieux ? Sheaxie n'avait jamais visité Manost, et il était de notoriété publique que l'organisation du bastion de Helm avait commencé à se fissurer à la disparition du dieu... Mais s'il y avait une chose dont Sheaxie n'avait jamais douté, c'était la force de gens terrifiés et furieux qui avaient tout perdu. Si Melandis gagnait la guerre, si Manost était écrasée comme tout le monde avait l'air de le penser, si la victoire était aussi facile qu'on le clamait, la cité du Chaos aurait ensuite probablement contre elle la moitié traumatisée de Dorrandin. Rien de tel pour lier les gens qu'un bon désastre, mais ce qui est encore mieux, c'est un ennemi commun.
Les habituelles réflexions pessimistes de Sheaxie prirent fin au retour d'Asmodeus. Sa besace semblait s'être alourdie, et elle se demanda ce qu'il avait bien pu acheter. Probablement pas un tableau, à la réflexion. Oh, maudite curiosité. Elle verrait bien plus tard, si elle trouvait un moyen de le dépouiller.

"Les temples ? Sûr. Qu'est-ce qui vous intéresse de visiter en premier ? Cyric, not' patron ? Les ruines du temple de Talos, peut-être, même si à c't'heure ci, tout a déjà été pris, presque ? Z'auriez du mal à croire le nombre d'"authentiques reliques de Talos" que certains camelots essaient de vendre dans la ville basse. Même les moellons ont dû être emporté. C'est comme ça, une cité marchande. Même les dieux finissent au marché aux esclaves, passé leur heure d'gloire. Enfin, bon débarras, ça nous dégage la place, ça c'est sûr. En ville, z'avez aussi les temples de Beshaba, Aurile, Umberlie, Kelemvor, Shar, Kossuth, Baine, et j'en passe sûrement. Sont pas tous à côté les uns des autres, sinon je pense qu'on aurait connu plus d'*un* temple rasé, ici..."

[Asmodeus]

Asmodeus enregistrait les informations évoquées dans le discours de son guide tout en jetant des regards méfiants à la foule qui continuait de se presser autour de lui. Fier de ses achats, il répondit presqu'avec euphorie au choix qui lui été proposé :

- Le temple de Cyric est un peu trop évident. Il faudra le voir mais pas tout de suite. Quel est le plus influent en ville après lui ? Mieux, lequel préférez-vous ? Il est étonnant qu'Umberlie ait des fidèles aussi loin dans les terres. Aurile est un choix à peine moins étonnant même si les habitants de cette fournaise aspirent peut être à un peu de froid. Quant aux autres, sont-ils fréquentés ? On les évite sauf en certains cas précis dans la plupart des cités. Qui voudrait frayer avec la mort, la malchance et autres malédictions ?

[Zyl]

"Tout le monde fraie avec, qu'on l'veuille ou non. C'est plutôt stupide d'essayer d'ignorer ces idées, et les dieux qu'y'a derrière, je trouve. Enfin, je n'ai pas de "préférence". Les dieux, c'est très bien, mais c'est pas ça qui va mettre du cuivre dans mes poches et de la viande dans mon assiette, comme j'dis toujours. Et j'pense qu'il vaut mieux garder près d'soi et en bonnes grâces les dieux faciles à fâcher que les ignorer et se concentrer sur les "bons" comme le font les autres cités. Ça n'a pas l'air de trop marcher pour Manost en ce moment, hein, avouez ?Sincèrement, z'avez déjà vu une prière exaucée ? Pas moi. Par contre, une vengeance divine, ça oui, on en entend parler. Alors autant faire gaffe. J'crois que c'est ça, l'idée de Melandis. Pour c'qu'est du plus influent... J'en sais rien. J'pense pas que les Cyrinishades aimeraient savoir que quiconque d'aut' a de l'influence ici. Umberlie, depuis la mort de son patron, s'porte curieusement bien, mais j'sais pas si c'est une excellente idée d'aller les voir. L'est pas très populaire chez les Cyrinishades, pour des raisons évidentes. On a un port, au fait ; c'est là que s'trouve le temple de la Reine Garce. Aurile n'était aussi là qu'à cause de Talos. Jamais été voir. Pour c'qui est des autres, 'causent un peu moins de remue-ménage, et sont suffisamment populaires pour rester en place, j'suppose. Ah, vous me posez un peu une colle, je suis pas un dévot. La plupart des petits temples s'trouvent au Noyau Occulte, c'là dit, pas si loin les uns des autres. Donc si ça vous intéresse d'aller dans les parages, ça peut se faire. Quartier assez sympa pour quelqu'un dans votre genre, en plus, j'imagine. Et moins bruyant que la Place des Marchands."

Pour des raisons d'ordre personnel, elle aurait aimé éviter les temples d'Aurile, Cyric et Umberlie, où elle avait déjà été vue. Cela avait certes été des mois auparavant, relativement furtivement, et toute demi-orque qu'elle fut, elle avait dû y être oubliée depuis longtemps, d'autant plus que cela avait été sous un avatar complètement différent. Mais la méfiance était un sentiment dont elle ne parvenait jamais à se débarrasser, et dont d'ailleurs elle ne comptait nullement se défaire. Personne n'était jamais trop prudent.

[Asmodeus]

L'élu divin ne put s'empêcher d'esquisser un demi-sourire à l'écoute des a priori de son interlocuteur concernant les affaires divines. Mais cette expression, savamment étudiée, pouvait aussi bien passer pour une marque de mépris que pour de l'acquiescement, ce qui avait toujours réussi à déstabiliser ses adversaires. En tous cas, même sans le savoir, son guide s'avérait être une importante source d'informations qui paieraient tôt ou tard, il en était persuadé. Cela se traduisit par un étrange élan d'enthousiasme dans son ton lorsqu'il énonça son choix :

- Le Noyau occulte sera un bon début dans ce cas. Est-ce éloigné ? Faut-il prévoir des vivres avant de quitter le marché ?

Restait à savoir ce qu'Olron entendait par quelqu'un dans son genre ? Avait-il découvert une vérité dangereuse pour lui ? Asmodeus préférait ne pas aborder le sujet directement et deviner de lui-même ce que son guide avait voulu dire.

[Zyl]

«*Laissez-moi réfléchir... Ouaips, d'ici, le plus proche, ça doit être le temple de Beshaba. Assez calme. Les autres ne sont plus très loin après. Pour c'qui est du temps que ça prend, on ira beaucoup plus rapidement quand y'aura plus la foule de l'esplanade. Une demi-heure, trois-quart d'heure maximum, et on y s'ra. 'pouvez marcher, j'espère ? J'conseille pas de louer une voiture ici, de toute manière les charrettes du marché vont encore encombrer les rues proches pendant un moment. Pour c'qui est des vivres, au Noyau Occulte, c'est l'quartier des mages et tout le tralala, mais j'suppose qu'ils doivent s'nourrir de temps en temps, doit y avoir quelques auberges. On y va ?*»
Sheaxie commença à fendre la foule, dégageant un chemin pour l'homme plus petit qu'elle, et jetant en temps en temps des coups d'œil pour surveiller qu'il la suivait bien. Elle avait décidément bien fait d'emporter une canne. Et elle ne serait pas fâchée de quitter la cohue, qui commençait à devenir réellement dense. Quelque part, elle avait aussi la sensation que son client n'appréciait pas non plus énormément les bains de peuple -en même temps, qui aimait ça ?
Ils prirent donc le chemin du Noyau Occulte, en direction du Temple de Beshaba.

[Echo]

[Quête : Le Panier Joufflu]

La place des marchands était vide de monde ou presque. Quelques courageux étaient venus mais leurs étales étaient encore bien garnis en ce début de soirée ; on était bien loin des grandes bousculades que Chance avait connues lors de son dernier passage ici, sans doute une des conséquences de la guerre. Dommage, au milieu de la foule, personne ne remarque les silhouettes encapuchonnées qui passent discrètement quelques pièces d'une poche à l'autre.

Mais peu importe, car la tieffeline n'était pas venue pour exercer ses dons d'escamoteuse sur les nobles de la cité. Sa cible n'était autre que Le Panier Joufflu, un bazar un peu glauque qui se situait aux abords d'une petite rue adjacente. Elle se demandait si le propriétaire était du genre à rentrer chez lui une fois la nuit tombée ou plutôt du genre à dormir en boule dans l'arrière boutique ; dans le second cas, cela compliquerait beaucoup de choses.

Malgré tout, Chance sentait l'excitation monter en elle, sans doute à l'idée de commettre un vol avec effraction.

[Le Façonneur]

Quête : Le Panier Joufflu

On ne pouvait pas dire que le Panier Joufflu jouissait d’un positionnement propice aux bonnes affaires. Le commerce était tout sauf visible, tout sauf attractif. Relégué au second plan, là où seuls les curieux s’aventuraient, sa piteuse façade témoignait d’un certain laissé aller. L’ensègne placardée au-dessus de la porte annonçait sans conviction le nom du Bazar.

Plusieurs badauds erraient à proximité. Deux d’entre eux discutaient avec animation de la guerre en cours. Voilà que la porte du Panier Joufflu s’ouvrait, laissant sortir un bourgeois dont l’élégant costume faisait presque tache dans ce paysage plutôt sobre des rues secondaires. Après, certes, il ne fallait point exagérer. On était loin de la sordide ambiance des bas-fonds. Quoi qu’il en soit, même en ce début de soirée, il devait encore y avoir de l’activité dans le commerce. Cela ne faisait sans doute pas l’affaire de notre voleuse...

[Althéa]

Angèle s'avança lentement entre les passants, se demandant comment elle pourrait agir. Devait-elle se présenter à celle qu'elle devait protéger sans attendre ou devait-elle au contraire attendre le moment propice pour se montrer ? Après tout, Le Façonneur ne lui avait pas proposé de faire équipe, simplement de palier les difficultés. Ainsi, elle se sentirait moins complice. Aussi s'en tint-elle à sa seconde idée.

Mais avant tout, il lui fallait se montrer discrète. Elle ralentit quelque peu son allure pour se laisser quelque peu distancer. Ainsi, elle observerait plus à son aise. Elle espérait simplement que la future voleuse ne la remarque pas.

[Echo]

[Quête : Le Panier Joufflu]

Bien loin d'imaginer qu'elle était suivie, Chance s'engagea dans l'allée sombre d'un pas déterminé. Personne ne semblait vraiment faire attention à elle, comme si elle était invisible, à tel point qu'un badaud distrait la bouscula, donnant un coup sur son épaule à peine cicatrisée. Il poursuivit sa route, comme si de rien n'était, et l'incident aurait pu en rester là si la tieffeline ne l'avait pas apostrophé.

- Hey ! Vous pourriez faire attention ! L'homme s'arrêta net. Oui, c'est à vous que je parle, continua la tieffeline. Lorsqu'il revint sur ses pas, elle réalisa que l'homme en question avait deux, peut-être trois têtes de plus qu'elle. Oui... bon... eh bien... hein... On ne va pas en faire toute une histoire. C'est oublié !

Pendant quelques secondes, elle crut qu'il allait la bousculer à nouveau, par pure provocation, mais il finit par se détourner, sans un mot. Chance attendit qu'il disparaisse de son champ de vision pour murmurer un " crétin " tout en se massant douloureusement l'épaule. Elle avait l'impression qu'il lui avait à moitié arraché le bras mais un rapide coup d'oeil sous sa cape la rassura : la blessure ne s'était pas rouverte, les fils étaient toujours bien en place. De tout temps ses chairs avaient peiné à cicatriser et cela faisait déjà une semaine qu'elle traînait ce bras infirme à son côté ; finies les acrobaties et les séances d'escalade sur les toits mélandiens. Elle se demandait parfois si Elzen n'aurait pas mieux fait de lui amputer le bras, plutôt que de tenter de la rafistoler avec ses fils et son aiguille. Elzen... Le souvenir du tieffelin était encore vivace et Chance se surpris à imaginer ce qu'il pouvait bien faire à cet instant précis.

Elle était à présent devant l'enseigne du bazar, s'interrogeant sur son plan d'action et réalisa... qu'elle n'avait pas de plan d'action. Souvent les choses se résumaient à crocheter, entrer, voler, repartir discrètement. Le tout en finesse, cela va sans dire. Mais la tieffeline était intriguée ; Le Façonneur n'avait-il pas mentionné des activités suspectes et crapuleuses, à propos de cet établissement ? Eh bien, si elle se fiait à sa première impression, effectivement, elle était prête à le croire mais autant voir cela de ses propres yeux. Après tout, peut-être qu'elle y repérerait deux trois choses qui lui seraient utiles. Elle poussa donc la porte du magasin, dans l'attitude d'une cliente potentielle plutôt que celle d'une voleuse.

[Le Façonneur]

Quête : Le Panier Joufflu

La petite altercation avec la voleuse attira un ou deux regards curieux mais ceux-ci ne s’attardèrent point. La scène était banale et la curiosité, ici, à Mélandis, pouvait être source d’un rapide trépas. Les deux badauds épiloguant sur le conflit entre cités s’éloignèrent, laissant la venelle presque déserte. Chance pénétra donc dans le commerce. Derrière elle, la paladine l’aperçu. La Manostienne, pour l’instant, ne semblait pas plus attirer l’attention que la voleuse. Une chance pour elle qu’elle n’arbore rien qui puisse dévoiler son métier. Les Paladins, ici, ça ne courrait pas les rues, c’était peu de le dire.

L’intérieur du Panier Joufflu était à peu près comme l’extérieur : peu avenant. Plutôt mal éclairé, la grande pièce était occupée par un bric abraque sans nom. On trouvait des habits, des denrées alimentaires, des outils, des babioles, des décoctions, et bien d’autres choses. D’un rapide regard, la voleuse réalisa qu’il y avait là, malgré les apparences, quelques articles de valeurs, comme cette bague en argent presque cachée sous une laide étoffe. Néanmoins, aucun signe du coffret qui la conduisait en ce lieu. Une recherche plus approfondie s’imposait. Le convoité objet était peut-être aussi dans l’arrière-boutique. Au fond, il y avait une porte close.

Trois personnes, près du comptoir, discutaient. La première était un homme bien en chair au visage barbus et au crane quelque peu dégarni. On lui donnait la cinquantaine. C’était sans doute lui le tenancier. Sa voix forte et assurée roulait dans la pièce. La deuxième personne était une femme au costume bourgeois. Elle tenait dans ses mains un manteau de velours et en marchandait le prix. La négociation semblait sur le point d’aboutir. Le troisième et dernier personnage se tenait à l’écart. C’était un nain à l’air revêche. Les bras croisés, il gardait le silence. A sa ceinture, une hache pendait.

Sitôt que Chance eut passé le seuil, le tenancier lui jeta un regard soupçonneux. C’était peut-être à cause du capuchon.
« Je suis à vous dans un rien de temps ! » fit-il sans se donner la peine d’être aimable.
En fait, il donnait l’impression qu’on l’ennuyait.

[Althéa]

Quête : le panier joufflu

Angèle avait écarquillé les yeux, haussé les sourcils au bord de la panique. Quoi ? Le petit brin de femme qu'elle était censée protéger tançait des hommes trois fois plus grands qu'elle ... Était-elle folle, victime d'un sort ou cachait-elle un corps superbement musclé derrière sa capuche ? Un instant, quand il était revenu sur ses pas, elle avait cru que l'indélicat qui l'avait bousculée allait répliquer, voir même la bousculer en retour, ou pire ... Elle s'était avancée, prête à intervenir. Mais le quidam s'était détourné.

Elle avait alors réalisé qu'elle était en apnée depuis quelques secondes et laissa retomber ses épaules pour respirer. Puis, dans un instant de panique, elle réalisa qu'elle n'était plus à couvert et que celle qu'elle suivait pouvait la voir. Elle fit effort pour reprendre sa route et feindre d'être une simple passante traversant la rue. Du coin de l'oeil, elle vit la jeune femme entrer dans le bazar. Elle attendit un peu avant de rebrousser chemin pour regagner la porte du panier joufflu.

[Echo]

[Quête : Le Panier Joufflu]

On était bien loin de l'accueil chaleureux du Façonneur mais la tieffeline était habituée à attirer les regards en coin, elle se sentit donc tout à fait à son aise. Le Panier Jouflu était à l'image de son propriétaire, peu avenant. En faisant le tour de la boutique, Chance se demanda si des courageux venaient s'approvisionner chez lui en nourriture lorsque son regard tomba sur quelques denrées alimentaires. Elle-même ne se serait pas risquée à acheter quoi que ce soit de périssable ici, sauf pour s'en servir comme poison. Humm, du poison. S'il y avait une boutique où elle aurait imaginé en trouver, c'était bien celle-là.

Pour trouver un objet de valeur dans tout ce bric-à-brac, il fallait avoir l'oeil. Chance aperçut quelques objets qu'elle aurait pu éventuellement faire glisser dans ses poches, mais elle garda ses mains bien sagement à ses côtés, inutile de se faire remarquer maintenant, d'autant que le tenancier dardait sur elle quelques regards suspicieux. Le capuchon, sans doute. Ils n'aimaient jamais ça, les marchands. Elle s'immobilisa lorsqu'elle vit la porte de l'arrière boutique ; elle était persuadée que ce qu'elle cherchait se trouvait là derrière.

[Althéa]

Quête : le panier joufflu

Angèle s'était rapprochée de la porte de la boutique. A cause des saletés accumulées sur la vitre et les objets divers, elle ne voyait pas grand chose. Si la jeune femme tentait quoi que ce fut, elle ne verrait rien. Elle compta mentalement jusqu'à dix et poussa la porte de la boutique. Une multitude d'odeurs diverses et variées parvinrent à ses narines. Fruits trop murs, poussière, vieilles peaux, décoctions diverses. Elle fit effort pour ne pas plisser le nez. Puis ses yeux s'habituèrent au chaos à peu près équivalant à la boutique du façonneur.

"Bonjour."

Elle essaya d'avoir l'air dans son élément, flânant après un produit quelconque. Elle chercha du regard la silhouette encapuchonnée, la trouva, détourna les yeux. Il était possible que la jeune femme la remarque et la reconnaisse. Dans ce cas là, elle aviserait. Pour l'heure, elle tentait d'avoir l'air à l'aise ce qui était un peu inespéré voire totalement utopique.

[Le Façonneur]

Quête : Le Panier Joufflu

Cette fois-ci, le tenancier afficha clairement son mécontentement. Il ne fut pas le seul. Le nain, également, ne vit pas d’un bon œil la clientèle croitre.

« Vous êtes sûr que c’est du bébé phoque ? » demanda la femme au manteau.

Le commerçant revint à elle, n’adressant même pas un mot à la nouvelle venue.

« Oui et c’est 11 pièces d’or et 4 d’argent, ça aussi j’en suis sûr. »
« 10 pièces d’or. Regardez, il y a une tache ici. »
« Ça se lave. 11 pièces d’or et 3 d’argent. »
« 11 pile et je prends. »

On ne pouvait pas nier que la présente cliente savait être imperturbable. L’air excédé du vendeur la laissait de marbre. L’affaire fut conclue et, l’instant d’après, la femme partait avec son acquisition. Le vandeur s’adressa alors à la voleuse avec une froideur certaine.

« Toi, l’encapuchonnée, tu veux quoi ? Fais vite, je n’ai pas toute la nuit. »

Normalement, c’aurait dû être au tour du nain, il était là avant. Toutefois, il resta en retrait.

[Echo]

[Quête : Le Panier Joufflu]

L'emplacement du bazar et l'allure sinistre de la devanture ne semblait pas freiner les affaires, au contraire, voilà qu'une autre cliente franchissait le seuil de l'établissement. Instinctivement, Chance tourna son regard vers la nouvelle arrivante et... le détourna presque aussitôt. Elle l'avait reconnue. La même cliente qu'elle avait croisée chez le Façonneur. Ça ne pouvait pas être une coïncidence.

Elle continua de feindre un intérêt pour les marchandises du bazar alors que toute son attention était désormais rivée sur l'inconnue qui l'avait suivie jusqu'ici. Elle était stupéfaite de ne pas l'avoir remarqué plus tôt ; elle n'était pas particulièrement discrète et n'avait pas hésité à la suivre jusque dans cette boutique sordide, là où elle avait peu de chance de ne pas se faire repérer. Et pourquoi d'ailleurs ? Elle n'avait pas le profil des chasseurs de primes qui lui courraient sans arrêt après et elle était si peu douée dans l'espionnage que Chance doutait que ce soit là la mission qu'on lui avait confiée.

Alors que la cliente précédente s'en alla avec son manteau sous le bras, le tenancier s'adressa à la tieffeline avec une froideur qui l'amusa presque. Toutefois, elle n'en montra rien et fit même mine d'être très affectée par le ton qu'il avait employé.

- Eh bien, ce n'est pas la politesse qui vous étouffe, s'exclama la tieffeline. Sachez, cher monsieur, que pendant que vous dardiez sur moi quelques regards suspicieux, cette jeune femme – elle désigna la seconde cliente d'un geste de la main – en profitait pour glisser un bracelet ou deux dans ses poches ! Et si vous ne me croyez pas, allez donc vérifier par vous-même !

Sa petite diversion était cruelle, surtout pour la jeune femme injustement accusée, mais elle amusa beaucoup la tieffeline qui y voyait là une vengeance appropriée. Les hostilités étaient déclarées et au jeu des mensonges et duperies, Chance avait un avantage considérable.

[Althéa]

Angèle mit quelques secondes avant de réaliser qu'elle et la seconde cliente n'étaient qu'une seule et même personne. Et que ces dites entités venaient d'être accusées de vol ... Ah la petite ... La petite ... Elle se redressa vivement et darda sur l'encapuchonnée un regard glacial. Oh, elle allait ... Elle faillit en oublier le but de sa mission. Était-elle vraiment censée protéger cette petite dinde ? Petite qui bien sûr ne savait rien du rôle qu'elle jouait mais tout de même ! Est-ce qu'on accusait ainsi le premier innocent venu ? Quand la mission serait finie, elle lui dirait ce qu'elle pensait de ce genre d'agissement. C'était tellement ... Elle maîtrisa avec peine une bouffée de colère.

"Je crois que cette dame se trompe. Mais si vous voulez vérifier."

Elle évita de regarder son accusatrice aussi bien pour lui signifier son mépris que pour éviter de reporter l'attention sur elle. Si elle avait à chaparder quelque chose, elle pouvait au moins se targuer d'avoir trouvé une diversion efficace. Si tel était le cas bien sûr. Car si c'était tout bonnement gratuit ...

Ne pas répondre, surtout ne pas répondre. Même si elle en avait intolérablement envie. Un pugilat n'arrangerait aucunement ses affaires. Déjà, elle pouvait prier pour que personne présent dans ces lieux ne soit susceptible de la connaître ...

Son pantalon avait deux poches. Ses manches de chemise étaient relevées. Sa cape ajustée ne présentait aucun recoins. La vérification risquait d'être rapide.