[Boutique] La Vierge d'Argent

[Mornagest]

Beaucoup de choses s'étaient produites en si peu de temps, à la vérité... mais Mornagest sentait qu'Elissa n'avait pas besoin d'un rapport complet dès à présent ; il se contenta de lui résumer ses déboires en quelques phrases.

"J'ai été engagé comme... disons, aspirant paladin auprès du temple de Torm. Ils m'ont confié quelques missions... la dernière en date consistait à enquêter sur le meurtre d'un prêtre de Tyr, assassiné près du port. Je pense avoir pu retrouver le meurtrier, mais j'ai... manqué de prudence, et il m'a laissé sa carte de visite entre les côtes. Heureusement que j'avais rencontré Brus quelques heures auparavant, et qu'il m'avait suivi, sans quoi, je serais mort à l'heure qu'il est."

Une belle réussite, tout ceci. Pour autant que sa mémoire fraîchement recouverte pouvait le renseigner, il avait été moins regardant à une certaine époque, et c'eut été Ned qui aurait fini la tête dans le caniveau à sa place.

[Dhast]

Ça allait nettement mieux. L'adrénaline et le stress diminuant, le calme s'installait désormais et avec lui la fatigue s'appesantissait sur les yeux de Brus. D'un pas plus lent il regagna la salle où il avait laissé Elissa et Hugues. Celui-ci semblait mieux se porter quoiqu'il restât un peu palot. Brus s'adossa au comptoir pour écouter la conversation qui se tenait entre Hugues et Elissa, ou bien était-ce un rapport? Brus se gratta la tête. Puisque la moinesse était debout la curiosité le tiendrait suffisamment éveillé lui aussi pour attendre la fin de l'entretien afin qu'on lui révèle enfin ce qui était écrit dans le parchemin qu'il avait dérobé aux tormites. Et comme Hugues arrivait manifestement au terme de son récit le jeune homme n'y tint plus :

- M'sieur Hugues est d'la maison? Puisqu'on parle de Torm, j'ai trouvé ça. Il sortit le parchemin de sa veste, le déplia et le tendit à Elissa avant de reprendre : Sûrement un ordre de mission ou quelque chose dans l'genre. Une vingtaine de prêtres et d'paladins, ils ont dit venir d'Aghoralis, les prêtres sont au temple, les paladins sont soit au Coeur Radieux, soit ils se sont fait recaler et sont chez Titoeil.

[Elissa Keens]

Elissa prit la lettre sans tout de suite la regarder, l'esprit encore focalisé sur le récit d'Hugues.

"Oui, Hugues vient de nous rejoindre... Ainsi vous avez décidé d'infiltrer les Tormites ? Cela va bien au-delà de ce que je vous demandais. Quelque chose vous incite à croire qu'il y a chez eux quelque chose de suspect ? En tout cas, vous pouvez remercier la mauvaise manie de Brus de se mêler de ce qui ne le regarde pas... Pour une fois..."

La façon dont le jeune homme avait suivi le groupe parti à la recherche d'Eroeh lui était décidément restée en travers de la gorge. Ils l'avaient cherché pendant des jours !... et la mission était si dangereuse... Et aujourd'hui, il venait de sauver un guerrier auprès duquel il faisait figure de demi-portion. Peut-être le couvait-elle trop, et ne l'avait-elle pas vu grandir ?... Enfin on verrait plus tard. Elissa déplia la lettre subtilisée par Brus au paladin et la parcourut avec attention.

"C'est bien un ordre de mission. Le grand prêtre de Torm de Manost y ordonne au paladin Elyan de Ker, vétéran du chapitre tormite d'Aghoralis, de monter une expédition et de rejoindre Manost à la tête d'un groupe de prêtres et de paladins dont les noms sont détaillés plus bas. Mais... Il y a quelque chose de bizarre. L'ordre de départ date de deux semaines avant la chute de Helm. Et il ya des phrases douteuses, tenez, celle-ci : Vous devez voyager en autonomie. Si jamais vous rencontrez un autre groupe de tormites sur votre route, se dirigeant vers la même destination, vous devez vous séparer aussitôt afin de ne pas attirer l'attention. De même, ne faites aucune allusion aux raisons véritables de votre venue ici. Tenez-vous en, auprès de vos compagnons de route, au motif du pélerinage. Plus de précisions vous seront données à votre arrivée à Manost."

Elissa posa la lettre sur le comptoir et se frotta les yeux.

"Hum... De toute évidence les tormites ont eu vent de quelque chose plus tôt qu'ils ne l'ont dit, et n'ont pas jugé bon d'avertir leurs alliés helmites. Au lieu de cela, ils ont envoyé des hommes en ville, mais... pourquoi ? Je me demande ce que mijote ce grand-prêtre. Ils ne sont pas assez nombreux pour prendre le contrôle de la cité par la force, cela va sans dire..."

[Dhast]

Brus aurait volontiers adressé une grimace à la moinesse s'il ne l'avait soupçonnée de pouvoir la percevoir sans même le regarder, si bien que l'intensité de la dernière baffe reçue, encore fraîche dans sa mémoire, finit de l'en dissuader. La lecture de la lettre lui fit, du reste, complètement oublier ces petites mesquineries, pour plonger dans un autre univers, celui des clergés manostiens, sphère où ses connaissances et ses repères étaient pour le moins réduits. Pourtant, si les acteurs changeaient, Brus trouvait qu'il y fleurait comme un fumet de complot qui n'aurait pas rebuté le dernier des chefs de guilde d'Athkatla. Mais, à partir de la seule lecture faite, le jeune homme ne parvenait pas à déterminer plus précisément de quoi il pouvait s'agir.

- Tout cas ça semble rud'ment s'cret. Qu'est-ce qu'on fait? Croyez qu'Eroeh est en danger? Si les Tormites n'essayent pas de doubler les Helmites, j'vois pas bien où ils veulent en venir. Et puis ils ont p't-être des alliés qu'les soutiennent dans les aut' clergés.

[Mornagest]

"Ceux de Tyr, dans ce cas", suggéra Mornagest, qui avait écouté attentivement la conversation. "Au vu de la mission qu'ils m'ont confiée, on pourrait en déduire qu'ils sont alliés... pour l'instant. Est-ce qu'en combinant leurs forces, ils pourraient tenter une révolution religieuse à Manost ? Le clergé helmite est amoindri, les sortilèges des prêtres sont devenus inefficaces... et la tentation des habitants de se tourner vers des dieux encore bien en vie doit être forte, en ce moment. La population a besoin de stabilité, avec cette guerre qui se prépare..."

Il réfléchissait plus tout haut qu'il ne s'adressait réellement à Elissa et Brus. Ce qui restait surprenant, effectivement, était le fait qu'ils fussent informés de la mort de Helm avant les autres... des fuites au sein du clergé helmite ? Pas impossible. Les obédiences pouvaient s'acheter, après tout. Il avait souvenir qu'à Melandis, c'était même chose courante, du moins chez les acolytes et les petits prêtres, bien sûr.

Savoir que les luttes de pouvoir étaient aussi intenses ici que là-bas n'eut pas un effet optimal sur le moral de Mornagest.

[Elissa Keens]

Elissa ne trouvait pas très riantes les perspectives que la plus ou moins découverte de plus ou moins complots lui ouvraient sur l'avenir de Manost. Cité Bénie, mon oeil...

"Je me vois mal contacter le clergé helmite sans rien avoir de plus que de vagues soupçons à lui soumettre. Quant au Conseil... Lothringen et le Grand Emissaire sont absents, alors ça devra attendre leur retour, et le même problème se pose : nous n'avons rien de concret. Hugues, il va falloir que vous poursuiviez votre infiltration. Dommage que votre mission ait échoué, ça n'arrange pas nos affaires... mais au moins ça vous fait une bonne raison de retourner là-bas... Brus, je comptais te donner une autre mission tout à l'heure, mais tout bien réfléchi, ce ne serait pas mal que tu veilles sur ses arrières. D'accord ? Oh, et il aura besoin de quelqu'un pour porter les messages en cas d'urgence."

Un baîllement involontaire l'interompit dans son élan.

"Enfin, tout ça devra attendre demain..."

[Mornagest]

Il était tard, en effet, et sa journée avait été suffisamment riche en émotions pour qu'il pût envisager de se reposer. Malgré cela, l'état d'éveil dans lequel il était maintenu était probablement dû à l'excitation liée à tous ces événements. C'est qu'il avait failli mourir, tout de même. Il commençait à s'y faire, mais...

"Bien. Je suppose qu'il est plus sage en effet d'aller dormir un peu. De toute manière, je me vois mal rentrer auprès des tormites à cette heure. J'espère que je pourrai retrouver cet assassin... il m'a donné la preuve qu'il me manquait. Mais je doute de le retrouver", acheva-t-il sur un ton quelque peu désabusé. Sa filature avait été un échec cuisant, et il espérait bien ne pas devoir en mener d'autres pour le compte du clergé de Torm.

[Dhast]

Le bâillement d'Elissa fut communicatif, Brus ne put en réprimer un nouveau. Il cligna des yeux tout en essayant mentalement d'y voir plus clair, en vain. Il valait mieux se concentrer sur sa prochaine mission que d'essayer de démêler à partir de si peu des intrigues qui le dépassaient complètement. Du concret, c'est ce qui leur fallait. Et du sommeil aussi. Un instant il se demanda où en étaient ses anciens compagnons de route helmites, le prêtre en armure et la paladine, le vieux Corwin, tous trois devaient être auprès d'Eroeh maintenant, il était peu probable qu'ils fassent partie de ceux qui changeraient d'obédience, mais étaient-ils nombreux? Brus de gratta la tête en entendant la réponse de Hugues

- P'tet bien qu'c'est lui qui vous mettra d'abord la main d'sus, j'ai eu comme l'impression qu'on était suivis jusqu'ici.

Il avait dit ça pour donner un espoir à Hugues d'accomplir tout de même sa mission, et tout bien pensé, il se demanda si ses paroles n'avaient pas un aspect angoissant qui ne serait pas forcément pour remonter le moral du guerrier.

[Mornagest]

Il réfléchit à cette dernière parole. Suivi ? Décidément, son existence - sa seconde, même - n'était-elle faite que d'intrigues et de tentatives d'assassinat permanents ?

"Bah... cette fois, je serai sur mes gardes, s'il tente quoi que ce soit d'idiot." Et avec ses souvenirs recouverts, il savait désormais qu'il n'aurait plus à travailler durant des mois sa technique au combat pour prendre facilement l'avantage sur son agresseur.

"De toute manière, je ne me laisserai plus promener par l'air apparemment innocent de la cité. Sous ses airs sages, Manost cache en réalité bien des vices, j'ai l'impression..."

Il jeta un bref coup d'œil en direction de Brus et d'Elissa, guettant vaguement un acquiescement de leur part. Qui pourrait le contredire sur ce point, de toute manière ? À tout choisir, il se demandait s'il ne préférait pas Melandis, sur ce sujet en tout cas. La cité du Chaos offrait au moins l'avantage de ne laisser aucune illusion quant à un éventuel espoir au nouveau venu : défends-toi ou crève. Ici, c'était plus sournois.

[Dhast]

Brus eut un sourire en coin devant l'exposé pessimiste de son nouveau compagnon. Il fallait reconnaître que la soirée avait été plutôt mouvementée, mais d'un autre côté, le quartier de Manost qu'ils avaient choisis s'y prêtait également.

- Faut dire 'ssi, M'sieur Hugues, qu'les embrouilles, savez bien les chercher. Puis avec un ton plus sérieux, 'lors, c'quoi l'plan pour d'main? Et vous comptez r'tourner au Loyal ce soir ou vous créchez ici?

Une fois qu'on aurait tout décidé Brus n'avait plus qu'une idée en tête : son lit.

[Mornagest]

Bonne question. En fait, il était plutôt dans l'attente de nouvelles instructions de la part d'Elissa, qui ne semblait pas si pressée que ça de le voir se faire à nouveau charcuter par le premier malfrat venu. Mais peut-être voudrait-elle qu'il poursuivît son enquête ? Après tout, il n'avait plus "qu'à" cueillir son agresseur, puisqu'il s'était démasqué...

"Eh bien... disons que je laisse notre hôtesse décider ? L'endroit où dormir m'importe peu, mais la suite des opérations me paraît bien plus importante pour l'instant."

[Elissa Keens]

Elissa avait suivi la discussion sans l'interrompre, glânant les informations au passage.

"Si Brus a raison et qu'on vous a effectivement suivis, il vaudra mieux que vous dormiez ici. Votre blessure a besoin d'un pansement, et vous d'un peu plus de repos avant de risquer un nouveau combat. Je doute qu'on ose vous attaquer dans la Vierge d'Argent même, vu le nombre de fines lames qu'elle abrite... Mais s'il ne vient pas à vous, votre Ned sera difficile à retrouver. Un tueur à gages sait ce qu'il faut faire pour disparaître en cas de besoin. Je serais d'avis que vous retourniez chez les Tormites dès demain. Après tout, cette affaire ne vous a rien appris de très utile jusqu'à maintenant. Si vous avez des informations à récolter sur leurs activités, vous les trouverez plus facilement à leur siège même, je pense. Mais je tiens à ce que Brus garde un oeil sur vous."

Elle n'avait pas pour habitude de materner les agents, même débutants, mais son petit doigt lui disait que si elle devait annoncer au semi-drow que son protégé était mort dès sa première mission, ce dernier n'apprécierait pas la nouvelle.

[Mornagest]

Le guerrier hocha la tête. Se voir confier autre chose qu'une filature pour laquelle il n'était pas doué ne le gênait pas, au contraire...

"Entendu, faisons comme cela. Et reposons-nous. La journée a été chargée en émotions..." Il sentait la fatigue le gagner à nouveau, une fois la vigueur passagère retrouvée après les soins prodigués par Elissa disparue.

Ce qui était certain, c'est qu'il ne rechignerait pas à avoir quelqu'un non loin de lui pour s'assurer qu'il ne se faisait pas à nouveau explorer les chairs avec une dague. Les alliés sûrs semblaient rares, ici. Était-il bien à Manost ?

[Dhast]

Brus finit par hocher également la tête. Il aurait cependant à se montrer discret s'ils devaient trainer du côté des Tormites, peut-être y croiserait-il un certain Elyan. Brus se frotta les mains et se décolla du comptoir.

- M'dame Elissa, M'sieur Hugues.

Après ce bref salut il tourna les talons pour s'enfoncer dans les couloirs de la guilde jusqu'à l'escalier qui menait à l'étage. Il y trouva la chambre qui lui était réservée intacte, du moins d'après ce que sa longue absence lui laissait de souvenirs. Et sans plus attacher d'attention au reste, il se laissa tomber sur le matelas. Demain promettait d'être une longue journée de plus et demain devrait le trouver en forme, il ne faudrait rien manquer de ce qui, probablement, guidait ces hommes autant que leur foi, leur soif de pouvoir.

[Mornagest]

Le guerrier se coucha, éreinté mais avec la curieuse sensation qu'il aurait du mal à s'endormir après autant d'événéments. Les choses semblaient se précipiter... la situation en ville ne semblait guère vouloir s'améliorer, et il craignait d'en apprendre encore des biens pires en retournant voir les tormites le lendemain matin. Tormites qui seraient certainement enchantés d'apprendre son échec lamentable dans son enquête...

Tandis qu'il sentait, malgré son appréhension, le sommeil l'envahir progressivement, Mornagest laissait son esprit vagabonder vers des pensées plus anciennes, moins cohérentes. Le rêve à venir se préparait... un amalgame illogique entre le sauvetage bienvenu de Brus, une rencontre sinistre dans des catacombes à Melandis, et un troll qui lui parlait de spores de myconides. Il avait vécu tant de choses si particulières, et les complots politico-religieux en faisaient également partie. Sortirait-il indemne de celui-ci ?

Il se réveilla lorsque le soleil était déjà levé depuis un moment. A force de dormir à chaque fois dans un lieu différent, il finissait par ne plus savoir où il émergeait... la Vierge d'Argent, cette fois.

Après les préparatifs d'usage et un solide déjeuner, il quitta la guilde non sans avoir touché un mot à Elissa quant à ses intentions. "Je retourne chez les tormites et je reste dans les sentiers battus. Si Brus me cherche, il pourra toujours aller me voir là-bas... j'imagine qu'ils ne m'enverront plus pour des missions dangereuses." Il gardait un souvenir amer de son échec, et il conservait un espoir peut-être vain de le tourner en victoire retentissante, s'il venait à retrouver son assassin.

Les tormites furent déçus des nouvelles, mais heureux d'apprendre que le guerrier ne s'était pas fait tuer lors de son enquête. L'homme était visiblement dangereux, il faudrait compter sur plus de monde pour lui mettre la main dessus et l'arrêter sans risques inutiles. Et pour l'heure, les tormites allaient cantonner Hugues à des tâches plus anodines. Ses qualités de guerrier serviraient à escorter des notables et des prêtres de Torm durant leurs déplacements à Manost. Les temps agités justifiaient plus que largement ces mesures, et des tentatives d'assassinat n'étaient hélas pas farfelues... le guerrier eut l'occasion de s'en convaincre davantage, car durant les jours qui suivirent, deux de ses missions se finirent dans la violence : des groupes de fanatiques ou de détraqués tentèrent de tuer l'un des hauts prêtres de Torm, dont l'emploi du temps était pourtant maintenu secret excepté de ses plus proches collaborateurs. Un signe inquiétant... cependant, Hugues s'aquitta fort bien de ses missions, et il n'y eu aucune victime du côté des défenseurs, si l'on exceptait les quelques estafilades reçues lors des affrontements.

Les jours s'égrenaient, monotones et tendus à cause de l'atmosphère de complot et de guerre qui régnait à Manost. Et l'annonce de la mobilisation générale contre Melandis finit par tomber, un beau matin. Melchior du Plessis vint trouver Hugues pour s'entretenir avec lui de la situation.

"Je suppose que vous avez eu vent de la nouvelle ?" Ne sachant que trop bien de quoi le paladin parlait, Hugues hocha simplement la tête, l'air grave. La guerre... "Notre ordre est également concerné par cet appel à la mobilisation. Malgré la situation agitée, nous sommes contraints d'envoyer des hommes pour renforcer l'armée manostienne. Et, étant donné vos qualités au combat, sans doute plus... marquées que votre foi, vous êtes l'un de ceux qui partirez avec les troupes afin de combattre les mélandiens."

Mornagest dut faire un effort pour ne pas trahir ses pensées. Il était soudain, et de manière désagréable, tiraillé entre deux sentiments contradictoires, et qui le mettaient mal à l'aise. Comme s'il était devenu un traître mélandien passé à la solde des manostiens... Il songea à une série d'arguments qui lui permettraient d'échapper à cela. Son manque d'entraînement récent pour les combats de masse, sa méconnaissance du terrain, sa... mais il ne put que répondre par un "Bien, messire" piteux. Comment diable pourrait-il espérer revenir vivant de cela ? Pourrait-il revoir Lothringen ? Le conseiller ne s'aventurerait sans doute pas en première ligne, et œuvrerait certainement là où il excellait : aux négociations...

"Dans ce cas, préparez vos affaires sur l'heure. Le rassemblement va commencer très bientôt, et le départ se fera demain au plus tard, d'après les ordres. Hâtez-vous."

Ne sachant que répondre, Hugues hocha à nouveau la tête, puis se força à réfléchir à ce qu'il devait emmener avec lui. Se vider la tête, penser de façon pratique, cela lui éviterait bien des questions...

Une bonne heure plus tard, il emportait avec lui sa broigne cloutée, son espadon, de la nourriture séchée, des vêtements de rechange, de quoi préparer à manger, une paillasse et un semblant de tente pour une personne, au cas où la pluie était trop forte pour supporter de coucher à la belle étoile. Il comptait vaguement sur l'entraide au sein des troupes pour emprunter quelque matériel qui lui manquerait.

Il signala son départ auprès de du Plessis, puis s'en fut vers les portes, où les troupes commençaient déjà à s'amasser en grand nombre.

[Elzen]

Donc, voilà cette herboristerie. Le barde était encore quelque peu perdu mais, comparativement à d'autres cités qu'il avait connu précédemment, celle-ci ne semblait pas trop labyrinthique.

Quelque peu refroidi tout de même par la paperasse requise pour acquérir de simples fioles, Elzen s'attendait à ce que l'acquisition de la manière première requise pour les remplir soit semée d'embûches. Ce fut donc plutôt circonspect qu'il s'engagea dans la boutique, tâchant de voir à quoi il avait affaire exactement avant de commettre quelque maladresse.

[Althéa]

Une clochette résonna dans la boutique pour signaler l'entrée du nouveau visiteur. Quelques secondes plus tard, une jeune femme entra dans la boutique. D'apparence bien faite et avenante. Mais le tieffelin sentit que quelque chose clochait. Quoi exactement ? Il n'aurait su le dire. Elle prit presque aussitôt la parole.

"Bonjour. Que puis-je faire pour vous ?"

[Elzen]

Ses sens furent d'autant plus éveillés qu'il était plus habitué à provoquer cette sensation qu'à la ressentir : il y avait quelque chose sous se masque qui était différent. Et, comme chacune des rares fois où il avait été confronté à ce problème, il hésitait : la prudence, ainsi que sa curiosité naturelle, lui soufflaient d'essayer de trouver ce qu'il en était réellement. Les secrets des uns pouvaient s'avérer dangereux pour les autres. Mais, d'un autre côté, ayant lui-même tendance à dissimuler ce qu'il était, il était enclin à ne pas chercher à en apprendre davantage, puisque c'était le comportement dont il attendait une certaine réciprocité.

Baste. Il était pour l'instant ici en tant que client, il aurait le temps de se poser la question plus tard.

« Je souhaiterais renouveler mes réserves. Je recherche des simples et autres essences de base pour la préparation de potions. On m'a indiqué votre boutique comme étant la meilleure de la ville. »

Bon, ce n'était pas tout à fait les termes employés ; mais flatter un peu les marchands était généralement utile.

[Dhast]

La porte d'entrée de la boutique s'ouvrit de nouveau. Une jeune femme se glissa à l'intérieur d'une démarche prudente et mal assurée comme si les bruits de la rue qui entraient en même temps qu'elle la bousculaient. Il referma précautionneusement la porte et se retourna vers les deux personnes déjà présentes. C'était une jeune femme aux yeux bleus dont les cheveux châtains courts étaient coiffés d'un fichu. Elle tenait contre son tablier un panier d'osier et adressa, en rougissant légèrement et avec une petite voix un : "bonjour" au client et à la vendeuse avant de se mettre en devoir d'attendre patiemment que celui qui était devant elle soit servi. Son regard curieux allait tantôt des étagères dressées contre les murs de la pièce au client puis à la vendeuse.

[Althéa]

"Alors, on vous a bien renseigné", admit la vendeuse avec un large sourire.

Elle poussa un soupir d'aise avant de vous demander.

"Que voulez-vous exactement ? Ici, nous avons une très grande variété de simples pour de multiples usages."

La porte s'ouvrit à ce moment là et elle sourit à la jeune femme qui venait d'entrer.

"Bonjour mademoiselle."

Visiblement, le déguisement de Brus était très efficace.

[Elzen]

De nouveau, le tieffelin eut la très vague impression que quelque chose clochait, et que la nouvelle venue n'était elle non plus pas ce qu'elle semblait être. Deux fois d'affilée, cependant, cela confinait à la paranoïa, surtout dans une ville qui semblait trop « paladinesque » pour que les gens aient quelque chose à cacher. Quoique… après tout, la rigueur, l'ordre moral et le tabou des choses amusantes comme l'était la magie pouvaient aisément mener les gens à se façonner des doubles vies, publiques et « honorables » d'un côté, privées et vivantes de l'autre.

L'endroit était plaisant, cependant, puisqu'il stimulait l'esprit du barde d'une manière qui ne l'avait plus été depuis un moment. Curiosité et secrets juste un soupçon trop apparents allaient bien de paire – la dernière fois qu'il avait eut ce genre d'impressions, c'était lors de sa première rencontre avec cette drôle de créature encapuchonnée dans les égoûts mélandiens qui s'était avérée être Chance ; autant dire que c'était plutôt encourageant.

Sans doute reviendrait-il sur place s'il s'attardait dans la région, et alors chercherait-il à percer les mystères locaux. En attendant, toutefois, il était présent pour un tout autre motif, et remplir ses réserves était de loin sa priorité. Sans accorder guère plus qu'un hochement de tête à l'autre cliente, il s'empressa donc de lister à la vendeuse les ingrédients qu'il recherchait. Tous étaient relativement simples et courants, destinés à l'évidence à des potions contre lesquelles même les autorités de Manost n'auraient guère trouvé à redire – des soins, essentiellement. Néanmoins, un connaisseur remarquerait sans doute que certains des composants, agencés différemment, pouvaient produire des compositions moins anodines…

[Althéa]

Delcia était, malheureusement pour lui à force de pratique, devenue une fine herboriste qui ne se laissait pas vraiment compter.

"Dites donc ... Vous savez que vous pourriez avoir des ennuis avec le guet manostien pour moins que ça ? Dans certaines boutiques, ils vous font signer des formulaires comme quoi vous ne comptez pas nuire à la ville. J'espère que vous n'allez pas m'obliger à vous en apporter un. Parce que s'il y a un ennui à Manost, c'est soit moi soit vers les mages que l'on va se tourner. Et je n'ai aucune envie d'avoir des ennuis."

Elle sourit à la jeune femme derrière elle sans se douter une seule seconde qu'il pouvait s'agir d'un jeune homme.

"Etes vous nouvelle en ville, dame ? Il me semble que c'est la première fois que je vous vois à Manost."

[Dhast]

La jeune fille leva des yeux étonnés vers Delcia, comme si elle était surprise d'être le centre de l'attention d'une personne. Elle commença à triturer le manche de son panier d'osier, avant de se calmer un peu et de répondre poliment :

"Oh non madame, mais c'est vrai que je ne suis pas très familière des boutiques comme la vôtre... En fait, je suis un peu embêté. Mon maître m'a envoyé chercher des simples pour soulager ses douleurs. Mais, enfin... il a été assez vague... Vous savez, avec toutes ces rumeurs de maladie ou je ne sais quoi, j'espère qu'il ne s'agit pas de cela! Vous pourriez m'aider? Il m'a donné de quoi payer bien sûr."

[Althéa]

Delcia regarda la jeune femme, contrite.

"Je l'espère pour vous aussi, dame car le poison qui se repend en ville est assez virulent. Votre maître souffre-t-il de douleur à la tête et de fièvre comme s'il avait pris froid ? Ou peut-être a-t-il déjà commencé à vomir ? Ce sont les premiers symptômes qui apparaissent. Et malheureusement, je ne possède pas d'antidote. Simplement de quoi soulager les symptômes. "

[Elzen]

À la remarque de Delcia à son endroit, le tieffelin sourit franchement, amusé.

« Ceux qui m'ont vanté les mérites de votre boutique ne se seront pas trompé. J'ai connu beaucoup d'herboristes qui auraient été totalement incapables d'y voir anguille sous roche. »

Son ton était sincère, et rien dans son attitude n'indiquait qu'il ait la moindre intention cachée – sans doute parce que ce n'était pas le cas : l'idée de risquer le mélange le plus détonnant lui avait sans doute traversé l'esprit, mais c'était réellement pour les autres produits plus anodins qu'il faisait présentement ses emplettes. Chaque chose en son temps.

« Je vous jure que je n'ai aucune mauvaise intention contre cette ville, et que je prendrai toutes mes précautions pour ne causer aucun dégât. Néanmoins, si vous l'estimez préférable, je dois pouvoir me dispenser de certains des ingrédients… »

En gage de bonne volonté, il mentionna nommément un simple essentiel aux préparations dangereuses, et qui ne servait que pour la moins utile des potions de sa liste.

Suite à quoi il accorda quelque attention à la nouvelle venue : cette histoire de poison semblait intéressante.

[Althéa]

"Je pense que c'est une bonne idée en effet. Vous me paraissez trop fin connaisseur pour être honnête. Je pense qu'il faudra vous passer des mélanges les plus dangereux. Comme je vous l'ai dit, je ne veux pas avoir d'ennuis avec les autorités de la ville. Ils ne plaisantent pas, surtout après ce qu'il se passe en ville. Ces empoisonnements et ces bâtiments qui s'enflamment ... Mieux vaut être vraiment prudent. Je préfère vendre moins que l'on ferme ma boutique."

Delcia soupira.

[Elzen]

Poisons et incendies faisaient un peu beaucoup quand ils étaient simultanés. Ces deux sortes de choses allaient rarement de paire, et il y avait sans doute à miser qu'elles provenaient de deux sources différentes, probablement stimulées par la récente guerre. Cela montrait qu'il y avait sans doute tout de même moyen de s'amuser dans cette ville, si habituée à l'ordre qu'elle soit… et il était compréhensible que, précisément parce qu'elle était habituée à l'ordre, la présence de ces deux sortes de troubles à la fois soit très perturbante pour ses occupants. Peut-être y avait-il d'ailleurs là à creuser : contribuer à régler l'un ou l'autre de ces problèmes avait des chances de rapporter gros, même si ça ramènerait peut-être la ville à un état pour lui invivable.

« Pourriez-vous m'en dire plus sur ces… troubles ? Je suis nouveau en ville. »

[Althéa]

Quelques secondes, le regard de Delcia se fit soupçonneux mais elle retrouva très vite une expression aimable.

"Pour ce qui est des empoisonnements, nous ne savons pas vraiment. Un bon nombre de personnes sont tombées malades et certaines sont mortes. Je n'en sais pas plus. Pour ce qui concerne les incendies, c'est la commanderie tyrite qui a été visée. Elle s'est enflammée au cours d'une émeute et quelques novices et adeptes âgés ont trouvé la mort à l'intérieur des murs. A peine une veille plus tard, c'est un entrepôt maritime qui s'est embrasé sans faire de victime cette fois. Que des joyeusetés en somme ..."

[Elzen]

« Je vois… »

Ou pas. À partir de tels éléments, difficile de comprendre ou de pouvoir faire quoi que ce soit. Mais il y aurait peut-être moyen d'obtenir davantage d'informations ailleurs. Pour l'heure, le tieffelin se contenta de laisser la place à la nouvelle venue. Peut-être ce qu'elle avait à dire lui fournirait-il une autre piste pour trouver une occupation intéressante.

[Dhast]

La jeune servante hochait la tête à tous les symptômes que lui décrivait Delcia, quoiqu'elle ne fût pas certaine qu'ils affectassent tous son maître, mais elle était persuadée qu'en matière de médecine comme ailleurs, le dicton "mieux vaut trop que pas assez" s'appliquait également, aussi était-elle prête à prendre tous les remèdes que pouvait lui proposer Delcia, pourvu que l'un d'entre eux fonctionnent et il ne lui venait pas à l'esprit qu'un remède inapproprié pouvait être nocif. De plus, la nouvelle qu'il pouvait s'agir d'un empoisonnement et non d'une maladie l'avait rendue profondément inquiète et cette inquiétude se traduisait par une certaine nervosité. Elle écouta Delcia détailler la nature des troubles et elle regardait fréquemment par la fenêtre, comme si elle craignait qu'un tel événement ne se produise soudain dans la rue, devant la boutique. Elle sourit d'un sourire fébrile au client qui lui laissait la place avant de s'approcher timidement du comptoir. Elle rassembla ses esprits quelques secondes, puis s'adressa à l'herboriste, tout en énumérant sur les doigts de sa main :

"Alors je vais prendre les remèdes contre l'empoisonnement, enfin, contre ce que vous avez dit, contre les douleurs à la tête, contre la fièvre, contre les vomissements, mmh... contre les douleurs au ventre aussi. Vous avez quelque chose contre la toux? Je vais prendre aussi des infusions pour le sommeil si vous en avez... Ses sourcils sursautèrent et elle resta pensive, l'index collé contre ses lèvres. Mais... le poison, c'est contagieux?"

hrp : hop, désolé, fin de semaine chargée. Je n'aurai pas internet dans les prochains jours, j'attends l'activation de la ligne. Je ne sais pas trop quand ça se fera, mais je posterai à nouveau en fin de semaine au plus tard.