[SCSA] Sans Chaleur, Sans Avenir

[Manfred]

Sans Chaleur, Sans Avenir... Lundi 21 Janvier 2013... une date particulière pour les CE2 de Pont l’Espoir. Attendue par certains, redoutée par d’autres, elle marquait quoi qu’il en soit le départ en classe de neige. Ce genre de sortie était assez rare pour être qualifiée d’événement. Rendez-vous avait été donné sur la place de la vieille ville, devant les grilles de l’école primaire.

L’antique clocher, toujours aussi solennel, sonna huit heures. En ce matin d’hiver, le temps semblait vouloir persister dans la douceur de la semaine dernière. Il faisait déjà presque six degrés. L’aube illuminait un ciel sans nuage. Sous cette voute d’un bleu pâle, la modeste cité s’éveillait à son rythme tranquille. Un peu de brume s’attardait, vestige de la nuit, mais nul doute que quand poindrait le soleil, elle allait le fuir. C’était donc une belle journée en perspective.

Quelques élèves, d’âges divers, attendaient l’ouverture imminente du portail de l’école. Derrière s’étendait la cour et sa rangée d’arbres sans feuillage. A huit heures et quart arrivait le ramassage scolaire. A huit heures et demie, la sonnerie stridente annonçait l’entrée en classe. Tel était l’invariable rituel auquel les CE2 allaient échapper. Déjà ils se rassemblaient sur la place, à côté d’un car réservé pour le long voyage. Enfants et adultes se mêlaient, plus ou moins.

Reconnaissable entre mille, droite comme sa règle, Louise Pougon terminait sa quête des autorisations de sortie. Cinquantenaire à la vigueur incroyable et à la sévérité effrayante, elle laissait chez tous ceux qui l’avaient côtoyé l’impérissable souvenir d’une femme de fer. Mais elle était juste alors comment se plaindre ? Chignon serré, lunettes rectangulaires et grosse Laine, c’était elle la maîtresse des CE2. Avec elle, il ne fallait pas espérer fuir les contraintes de l’enseignement même au sommet des Alpes.

Pendant que Madame Pougon collectait les signatures manquantes à sa collection, Philippe Galop, le prof de sport, était en train de ranger les sacs dans la soute du car avec l’aide de la volumineuse chauffeuse. Philippe, c’était quelqu’un de jovial, de sympa. Mais il profitait assurément du contraste avec Louise car on oubliait presque que lui non plus ne rigolait pas avec la discipline. Galop et Pougon aux commandes de la classe de neige, voilà qui pouvait rassurer même le plus septique des parents. Tout allait bien se passer, forcément.

Bientôt, il faudrait monter dans le car et supporter des heures de route. Alors autant profiter des dernières minutes avant le départ. Beaucoup d’adultes s’étaient mis à parler entre eux. Mine de rien, c’était l’occasion d’échanger des nouvelles. Noël, le Nouvel An ou autre, les sujets ne manquaient pas. Et du coup, les enfants pouvaient jouir d’une certaine liberté.

[Kasumi]

Benoît craignait un peu cette longue semaine qu'il passerait loin de ses livres et de la boutique du grand père de Piotr dans laquelle il passait le plus clair de son temps libre. Il avait voulu emporter une bonne partie de sa collection de livres mais sa maman l'en avait dissuadé sous prétexte que le sac ne fermerait plus et serait trop lourd à porter. Il avait donc du faire des choix cruels entre son encyclopédie illustrée en 15 tomes et ses livres de survie en milieu hostile. Finalement, ses vêtements et son équipement de randonnée qui figuraient sur la liste obligatoire prenaient l'essentiel de la place. Il n'avait pu sauvegardé de la censure maternelle que son grimoire de magie et trois romans en livre de poche, le minimum vital en prévision du long voyage et des soirées où il pourrait se retirer dans sa chambre.

Encadré par ses parents, le jeune garçon fixait avec une certaine angoisse le clocher qui annoncerait le signal du départ. Il savait que certains de ses amis feraient partie du voyage mais il n'avait pas encore réussi à les repérer et n'osait pas trop s'approcher des autres enfants. Alors que le temps passait - ses parents étant venus en avance en voiture pour être certains qu'il ne manquerait pas le départ - il s'inquiéta du fait que les autres s'étaient peut être ravisés à la dernière minute, le laissant seul face aux enfants avec lesquels il n'avait pas sympathisé.

[Althéa]

Une grande silhouette anguleuse tirant une valise à roulettes se mêla à la troupe des parents et enfants rassemblés. Bellatrix était venue seule. Son père dormait encore sur le canapé du salon, enveloppée dans sa robe aux fleurs défraichies. Les semelles de ses chaussures étaient maculées de terre. L'un des quatre policiers du village devait encore l'avoir surpris et il avait coupé à travers champs pour rejoindre la maison. La nuit avait dû être longue. Sa mère, quant à elle, assise dans son fauteuil, un plateau repas entre les mains s'empiffrait de sushis tout droit sortis de la machine qu'elle avait commandée la semaine précédente. Le téléachat battait son plein. Son grand frère s'était enfermé dans sa chambre et tentait une nouvelle fois de mettre fin à ses jours en avalant le contenu d'un tube d'arnica. Il ne devait pas avoir tout compris.

Depuis une semaine, Bellatrix avait préparé un à un ses bagages. Elle avait d'abord fait ses lessives. Maintenant, ses petites culottes brodées au nom des jours de la semaine s'empilaient fièrement dans sa valise. Trois gros pulls en laine, une robe noire à col roulé, des collants noirs, deux pantalons en velours les accompagnaient. Elle avait ajouté, tout au fond, un poster représentant la famille Adams dont elle se pensait être l'enfant cachée. La nuit, lorsque son père était parti errer en ville et que sa mère était partie se coucher à la fin de son émission favorite, elle avait regardé un film pour se mettre dans l'ambiance. Cold prey racontait l'histoire de quatre skieurs malchanceux réfugiés dans un hôtel abandonné puis pris pour cible par un dangereux psychopathe. Rien de tel pour se mettre dans l'ambiance. Vers une heure du matin, elle se prépara quelques tartines qu'elle enveloppa avant de le ranger à son tour. Elle alla ensuite chercher le plus important : ses crayons et son carnet de croquis. Ensuite, elle ferma sa valise.

Le lendemain, elle s'était donc levée seule, s'était préparé à déjeuner qu'elle avait ingurgité sans vraiment le savourer. Au fond, elle appréhendait un peu cette semaine de vacances. La proximité des filles l'inquiétait un peu. Elle espéra qu'aucune d'entre elle n'apporte de poupées. Avant de partir, elle rédigea un petit mot qu'elle plaça sur la table de la cuisine. "Papa, maman, au cas où vous l'auriez oublié, je suis en classe de neige pour une semaine." Elle ferma la porte derrière elle. Aucun des membres de sa famille ne la regarda partir. Sa valise à roulettes sautait sur les pavés de la vielle ville avec un bruit désagréable. Heureusement, l'école n'était pas loin. A présent, elle était au milieu des autres. Elle reconnut Benni. Elle décida de ne pas aller le voir tout de suite. Restait à espérer qu'il la remarque.

[Taliesin]

Quelques instants plus tard, ce fut au tour de Pierre de faire son apparition, aux côtés de son grand père. S'ils n'étaient pas les premiers à arriver, loin s'en fallait, ils n'étaient pas non plus les derniers. Ils auraient pu se le permettre, pourtant, puisqu'ils habitaient dans le voisinage immédiat de la place. Mais ni l'un ni l'autre n'aimaient être en retard, et le vieil homme avait souvent prévenu son petit-fils du danger qu'il y avait à vivre prês de l'endroit où l'on devait se rendre : on pensait avoir tout son temps, on grappillait jusqu'à la dernière minute disponible et puis, finalement, sans trop que l'on comprenne comment... on dépassait l'heure fatidique.

Or, ce départ en classe de neige, Pierre n'avait eu aucune envie de le manquer. D'abord, il ne connaissait guère les montagnes et n'avait pour ainsi dire jamais fait de ski : l'excursion serait donc l'occasion d'intéressantes découvertes. Et puis, elle lui permettrait aussi de passer de bons moments avec ses amis. Bien sûr, la maîtresse et les adultes ne seraient jamais bien loin, la semaine ne ressemblerait pas tout à fait à de vraies vacances... Mais il y aurait malgré tout bien des moyens de s'amuser ! Il en était sûr !

Bref, Pierre se montrait des plus enthousiastes. Il avait sauté hors du lit sitôt que son grand-père était venu le réveiller et, quelques minutes plus tard, il savourait son chocolat chaud et dévorait à belles dents ses tartines de confiture. Puis, le temps d'enfiler son manteau, de prendre son sac préparé la veille - par le vieil homme, même s'il avait tenu à l'aider -, tous deux étaient en route.

Dès qu'ils s'approchèrent du car, le petit garçon quitta son grand-père : il reviendrait l'embrasser avant que ne soit donné le signal du départ. Dans l'immédiat, il alla saluer ses amis, dont Benoit et Bellatrix : comme souvent, ils ne se mêlaient pas aux autres. Enfin, il se mit en quête d’Étienne, qui ne devait pas se trouver bien loin...

[Mornagest]

Le lever fut moins douloureux que d'habitude. Sortir de son lit le matin était un fardeau que n'égalait celui de l'intégrer le soir même... il adorait dormir mais détestait aller se coucher. Les contradictions étaient parfois inexplicables. Christophe se lava en vitesse avant d'avaler un bol de céréales au lait entier et une tartine au chocolat à tartiner. Sa maman veillait à ce qu'il n'oubliât rien, notamment et surtout son sac - à vrai dire, il n'avait que ça à emporter, hormis les vêtements qu'il portait sur lui, évidemment. Il y avait empilé, la veille, des vêtements en suffisance, un livre ou deux sur la menuiserie et la mécanique, sa boîte à outils flambant neuve qu'il avait reçue à Noël - une vraie boîte, de quoi bricoler comme Papa, avec un marteau, une scie, une scie à métaux, des tournevis divers, des clefs plates et multicrans, de la ficelle solide, une lime à bois et une lime à métaux.

Comme d'habitude, ce fut sa maman qui l'amena à l'école. Son papa était déjà en train de s'affairer sur une pièce de moteur ou une réparation de meuble, il ne savait pas vraiment tant il aimait toucher à tout, goût qu'il avait rapidement transmis à son plus jeune fils. Les frères de Christophe étaient déjà partis, seuls, comme des grands, à l'école, pour y suivre leurs cours habituels. Eux n'iraient pas en classe de neige, ils n'étaient pas dans la même classe. "Nananère", pensa Christophe, qui était heureux à l'idée de profiter d'une semaine au ski, sport qu'il n'avait jamais pratiqué jusqu'alors, et dont les mystères l'intéressaient régulièrement, à chaque chute de neige, en fait.

Une fois sur la place du village, sa maman le laissa se joindre à ses camarades, et se mêla aux autres parents pour partager avec eux les derniers commérages. Christophe, lui, retrouva Benny avec plaisir. Il connaissait d'autres enfants, bien sûr, comme Cédric, Julien ou et Thibaud, mais c'était avec Benny qu'il passait le plus clair de son temps. En revanche, il évitait un peu les filles, depuis qu'il avait grandi. Le mystère qui les entourait s'épaississait à mesure que le temps passait, sans qu'il s'en rendît compte, bien sûr. L'adolescence était loin, et il ne voyait en elles que des représentants d'un monde différent, tout simplement. Il aperçut Pierre, aussi, du coin de l'œil, et lui fit un petit salut. Pierre était sympa, mais un peu bizarre, à sa manière. Peut-être moins que lui-même, après tout... quel autre enfant dans le monde avait bricolé une catapulte à jouets pour tuer les monstres qui oseraient s'attaquer à lui durant son sommeil ? Évidemment, Christophe n'était pas censé savoir que bien d'autres petits enfants craignaient eux aussi les monstres, et avaient chacun leur petit truc pour les faire fuir...

Cette semaine de sortie lui ferait du bien, il en était sûr. Et il oublia tout ça dès qu'il se mit à parler avec excitation avec ses petits camarades. Il avait déjà presque oublié que sa mère n'était pas loin, attendant tranquillement le départ du car.

[Kasumi]

Benoît avait avisé avec soulagement l'arrivée de Bellatrix. Une fois encore, la fillette avait bravé la fraîcheur matinale seule et le petit garçon ne put s'empêcher un pincement au cœur. Il n'avait pas osé s'approcher d'elle et quitter ses parents alors qu'il était seul mais l'arrivée de Christophe lui avait fourni une diversion pour enfin s'arracher au cercle protecteur de ses parents et avoir le courage d'affronter les autres enfants. C'était toujours plus simple quand il était accompagné de parler aux autres enfants. La plupart du temps, il n'avait même pas à s'exprimer le premier, il suffisait de laisser les autres entamer la conversation et intervenir quand cela touchait un sujet qu'il affectionnait particulièrement. Et même quand il ne trouvait pas à parler, au moins ne se sentait-il pas mis à l'écart et vulnérable. Il salua avec chaleur Christophe qui était venu le premier vers lui :

- Ouf, c'est super que tu sois là. J'ai eu peur que tu ne viennes pas quand je suis arrivé le premier. Si on allait dire bonjour à Bellatrix qui attend toute seule ? Oh, et voilà Piotr, mais il va parler avec Etienne alors on ferait bien de pas les déranger.

C'est ainsi qu'il s'arracha à la présence de ses parents après avoir enduré des bisous et des conseils de dernière minute plutôt gênant. Fidèle à son habitude, son père porta pour lui son bagage au devant de Philippe, craignant qu'il ne fut trop lourd pour Benoît. Il allait bien lui falloir le porter à un moment donné pourtant !

[Manfred]

L’arrivée de la petite Newton provoqua chez les adultes quelques murmures dont les enfants ne purent saisir la teneur. Néanmoins, ce n’était un secret pour personne, son père avait une drôle de réputation. La demoiselle en pâtissait, hélas. On la prenait un peu pour une mauvaise graine, un exemple à ne pas suivre. Terrible injustice car elle avait bien du mérite de s’en sortir avec une famille aussi marginale. Madame Pougon garda ses opinions pour elle. Cela ne l’empêcha pas de fondre, tel un oiseau de proie, sur la fillette.
« Bonjour Bellatrix. As-tu pensé à me ramener ton autorisation de sortie signée ? »

Etienne était à côté de son père. Tout deux saluèrent Pierre à son approche. Monsieur Dumoulin acheva de donner quelques conseils à son fils, puis il emmena le bagage jusqu’à la soute du car. On le vit ensuite en compagnie du grand-père d’Engoulevent. Les deux jeunes amis eurent tout le loisir de bavarder.
« Alors, la montagne, ça va nous changer des bois. Tant pis pour les cabanes. Quoi qu’on pourra peut-être faire des iglous. T’en penses quoi ? » fit Etienne, déjà pensif à cette idée.

[Althéa]

L'autorisation de sortie signée. Elle sentit une vague de panique parcourir son échine. L'avait-elle oublié ? Elle se souvenait l'avoir fait signer à ses deux parents pendant - pendant que son père était encore sobre et entre deux séquences de publicité pour sa mère - avant de la plier proprement et de la glisser dans la poche de son manteau. Elle l'en sortit et la tendit à l'institutrice sans un mot. Pour ce qui était des quolibets venant des enfants et des adultes, elle en avait presque l'habitude.

Elle chercha du regard les enfants avec qui elle restait le plus. Pierre et son grand père ainsi que Christophe avaient rejoint le groupe. Elle leur adressa un signe de la main rapide mais ne s'avança pas. Elle se faisait discrète en présence d'adulte. Pour ce qui était des enfants, la plupart la fuyaient instinctivement. Elle en avait rapidement pris son parti. Elle n'aimait pas vraiment rester avec les filles. Ses semblables, du moins en apparence. Ces êtres geignards jouant à la poupée et à faire semblant de boire du thé dans des tasses improbables. Elle n'en avait jamais vraiment saisi l'intérêt. Dans son monde à elle, les poupées pouvaient vous poignarder dans le dos. Par contre, elle aimait bien tenir compagnie aux garçons, surtout Benny, Pierre et Christophe.

Elle attendit donc que s'ouvrent les portes du car.

[Taliesin]

-J'pense que c'est une super bonne idée ! répondit Pierre, enthousiaste, à son meilleur ami. Après, paraît que c'est dur à construire, un igloo. Mais les adultes ont peut-être prévu de nous montrer comment on fait ? Je crois qu'il y a des activités comme ça, pendant les classes de neige... Mais s'ils le font pas et si on y arrive pas tout seuls, on construira des châteaux ou des tunnels. C'est aussi vachement marrant !
Il adorait faire de grand projets avec Étienne. Cela faisait partie du plaisir, lorsqu'une expédition se profilait. Et en l'occurrence, vu la longueur du trajet en car, vu qu'ils comptaient bien s'installer côte-à-côte, ils auraient tout loisir de se livrer à leurs joyeuses anticipations.

[Manfred]

Louise déplia le papier et de son regard aiguisé, elle le vérifia. Tout était en ordre. Il disparut donc dans une pochette de cuir où se trouvaient ses semblables. Deux semaines d’effort, rien que ça, voilà ce qui avait été nécessaire à la maîtresse pour régler cette histoire administrative. Avec son expérience, cela ne l’étonnait plus, loin de là.
« Va voir Monsieur Galop, il va t’aider à ranger ton baguage dans le car. Après, ne t’éloigne pas, on va bientôt partir. »
Sur ce, Madame Pougon disparut, sa pochette sous le bras.

« Un château ? Super ! Il lui faudra des murailles, des tours, des douves... »
Alors qu’il parlait, Etienne comptait les éléments à incorporer absolument sur ses doigts. C’était sûr, l’idée lui plaisait.
« Vous êtes bêtes les garçons ! – intervint Julie – Les châteaux, c’est sûr la plage, avec du sable. Dans la neige, on fait des bonhommes de neige ! »
Forcément, si Julie le disait, c’était une vérité absolue et tous ceux qui en doutaient étaient des imbéciles. Etienne se retourna, mécontent. Julie, tout de rose vêtue et armée de sa poupée de princesse, ne fut pas intimidé. Elle était entourée de ses copines gloussantes et surtout, les adultes n’étaient pas loin.

Benoit et Christophe sentirent tout d’un coup une présence dans leurs dos.

[Kasumi]

Benoît avait regardé avec angoisse Philippe s'occupper de son sac de peur que ses précieux livres ne soient pas abîmés. Mais son attention fut détournée par une sensation bizarre. Comme il n'en était pas à la première impression désagréable du genre, il sursauta en sentant qu'il était observé de près. Il se tourna néanmoins immédiatement pour tenter de masquer sa réaction en espérant que personne n'avait remarqué sa tension passagère. Il était prêt à affronter une moquerie ou n'importe quoi d'autre étant donné la présence rassurante de Christophe à ses côtés.

[Althéa]

Bellatrix partit docilement donner son sac à Philippe. Elle prit cependant le temps de glisser son carnet de croquis et son crayon gras dans la poche intérieure de son manteau. C'est alors qu'elle entendit Julie, celle qu'elle avait surnommée (à son insu, bien sûr) "l'horreur rose cochon". Une véritable peste, de celles qui, dans les films d'horreur son gardées en vie pour faire enrager le public pour ensuite mourir dans des circonstances horribles. Elle était populaire. C'est elle qui faisait la pluie et le beau temps au sein de la classe. Elle qui décidait de la mode et des goûts, de qui était ou non tendance. Curieusement, elle ne l'était jamais. On l'oubliait pour les anniversaires et on la choisissait en dernier pour les sports d'équipe. Et parfois même, on riait dans son dos en l'appelant "l'asperge".

Pour le moment, elle se demanda si d'elle ou de la poupée, laquelle l'effrayait le plus. Une poupée de princesse à la robe aussi rose que celle de sa maîtresse et au réalisme plutôt effrayant. Une véritable Julie miniature. Elle s'efforça de ne pas regarder dans leur direction. Elle préférait plutôt penser au château qu'avait décrit Etienne. Elle, pour sa part aurait plutôt construit un manoir. Quand elle aurait le temps, elle le dessinerait.

Elle se tourna vers le bout de la rue menant à sa maison, espérant que l'un de ses parents, peut-être les deux viendrait lui dire au revoir. Mais à part la voiture de la poste, elle ne vit pas âme qui vive. Elle eût un léger soupir. Tant pis. Sa véritable famille l'accompagnait dans son sac.

[Mornagest]

"Tiens, un projet de château", se dit Christophe, qui imaginait déjà créneaux et contreforts, herse et pont-levis, chemin de gardes et échauguettes. Il se perdit un instant dans l'élaboration théorique d'un édifice aussi complexe, fut-il en simple neige, pour s'apercevoir un instant plus tard que Benny, à ses côtés, s'était figé brusquement mais brièvement. Quelqu'un était derrière eux, il le sentit aussitôt. Il résista à l'envie de s'enfuir en courant - de quoi il aurait l'air, devant tout le monde, Maman comprise ? - et se dit finalement qu'il jetterait bien un petit coup d'œil sur qui pouvait bien vouloir leur faire une farce d'aussi mauvais goût. C'est qu'il avait horreur d'être surpris. Encore plus par des monstres, mais ici, il n'y en avait pas, n'est-ce pas ? Pas en plein jour devant des grands. Les monstres se cachaient toujours devant les grands, bizarrement. A croire qu'ils en avaient peur, alors que les grands font beaucoup moins peur que les monstres, tout le monde sait ça.

Sûr de lui, Christophe fit volte-face et observa qui, ou ce qui se trouva derrière lui.

[Taliesin]

Pour Pierre, il existait trois types de filles. D'abord celles avec qui on pouvait s'amuser, parce qu'elles n'avaient rien contre les jeux de garçons ; ensuite celles avec qui on ne pouvait pas s'amuser, parce qu'elles n'aimaient que les trucs de filles ; et enfin les Julies. Ou plutôt LA Julie car, Dieu merci, pour autant qu'il le sache, elle était unique en son genre. Certes, elle était entourée de la meute des Glousseuses, comme il les appelait : mais celles-ci, loin de leur cheftaine, pouvaient se révéler gentilles. Alors que Julie... La chose paraissait tout bonnement impossible. D'accord, si on en restait sur un plan théorique, il voulait bien admettre qu'il puisse exister, quelque part en elle, soigneusement cachée, une infime étincelle de Bien. Un peu comme pour Dark Vador. Quoi qu'en y réfléchissant, le Seigneur Sith semblait d'emblée beaucoup plus avancé qu'elle sur le chemin menant au côté lumineux de la Force. Y compris dans l'Empire contre-attaque.
Bref, Pierre détestait Julie, et il avait une furieuse envie de lui opposer une réponse bien sentie. Cependant, il savait que cela ne ferait qu'aggraver la situation. Aussi opta-t-il, à contre-cœur, pour la voie de la diplomatie.
-Les bonhommes de neige, c'est super chouette aussi ! lança-t-il, souriant.
Mais tu pourras les faire toute seule. Nous, on construira un château, ajouta-t-il en son for intérieur.

[Manfred]

Julie eut une moue dédaigneuse. Elle chercha quelque chose à répliquer, ne trouva pas alors elle conclut simplement :
« Allez les filles, on y va. »
C’était stupéfiant de voir comme l’exécrable demoiselle poussait loin le souci du détail. Son caractère se ressentait jusque dans sa gestuelle élaborée. En fait, elle imitait sa mère, un sacré cas elle aussi. Le groupe s’éloigna au grand soulagement d’Etienne. Celui-ci se gratta les cheveux, un peu perdu en lui-même.
« Dis Piotr, à ton avis, pourquoi elle est comme ça ? On lui a rien fait, si ? »
Julie, on l’aimait ou pas mais une chose était sûr, elle ne laissait pas indifférente. Sa popularité n’était pas le fruit du hasard.

Christophe et Benoît s’étaient donc retournés. Les voilà nez à nez avec un hideux visage à la pâleur mortelle et aux traits décharnés. Un nez crochu, un menton en galoche et quelques verrues, à mi-chemin entre la vieille et le monstre, on avait là une face assez convaincante de sorcière.

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Christophe : jet d’esprit
Dé 2 Valeur 4
Pas peur

Benoît : jet d’esprit
Dé 5 Valeur 5
Presque peur

Derrière les fentes aménagées pour les yeux, on devinait des verres de lunettes. De plus, une main tenait l’objet par un côté. Evidement, c’était un masque. Le farceur l’abaissa. Il n’avait même pas utilisé l’élastique pour l’enfiler correctement. Il aurait dû pour cela retirer ses lunettes et le jeu n’en valait pas la chandelle, d’après lui. Simon Strueux lança un sourire aux deux garçons.
« Pas mal, hein ? Je suis sûr que l’asperge va l’adorer. »
Pour Simon, Benoît était un rival, le seul capable de lui piquer la première place du CE2. Mais la guerre se limitait aux notes. Benny était étrange, étrange mais sympa. Et puis, entre petits, fallait se serrer les coudes. Cricri aussi était sympa. Un monsieur bricolage, c’était toujours intéressant. Cortex tendit le masque à qui voulait le prendre.
« Vous lui apportez de ma part ? J’ai échappé à maman mais ça va pas durer. Faut absolument qu’elle vérifie avec moi pour la quinzième fois le contenu de mon sac. »

[Taliesin]

Pierre haussa les épaules.
-J'crois pas, murmura-t-il de manière à n'être entendu que de son ami. Pis tu sais bien qu'elle fait pareil avec tout le monde. Grand-Père pense qu'elle a peut-être peur que personne la remarque, si elle fait pas sa maline. Moi, franchement, ça fait longtemps que je cherche plus à la comprendre. Quand elle vient nous parler, et même si c'est pour dire un truc pas gentil, vaut mieux lui répondre quelque chose de sympa. Comme ça, soit elle est contente, soit ça lui cloue le bec, et dans les deux cas, elle nous fiche la paix. C'est le plus important, non ?
C'était ce que son grand-père lui avait conseillé, et il trouvait que c'était sage. Mais, il n'empêche : ça le démangeait rudement de remettre cette pimbêche à sa place.

[Kasumi]

Benoît s'était senti un instant au bord du gouffre de l'angoisse comme les matins ou un cauchemar qui l'avait pris peinait à se dissiper. Cette sensation était étrange, en plein jour et entouré d'adultes comme il était. Mais il fallait reconnaître à Simon qu'il avait de l'imagination, presque autant que Piotr d'ailleurs ! Le fait qu'il l'avait surpris en se cachant dans son dos n'était pas étranger à la réussite de son plan. Néanmoins, Benoît avait retenu au dernier moment le cri qu'il s'apprêtait à pousser. Il avait remarqué que quelque chose clochait dans le masque, sans doute les lunettes qui l'empêchait de recouvrir parfaitement le visage de Cortex. La plaisanterie était cependant assez bonne pour lui valoir un accueil chaleureux et des félicitations :

- Bonjour Cortex. Ton masque est très réussi ! Tu l'as fait toi-même ? Tu as failli m'effrayer. Je parie que Bellatrix ne s'y laissera pas prendre mais je veux bien essayer surtout si c'est un défi. En plus on dirait qu'elle s'ennuie alors ça l'amusera.

[Mornagest]

Christophe n'aimait pas les films qui faisaient peur. Justement parce qu'ils faisaient peur... ils étaient terriblement crédibles, et les méchants qui tuaient, mangeaient ou faisaient pire encore des gentils hantaient quelquefois ses nuits alors agitées. Mais le visage difforme de la sorcière qui se tenait devant lui ne lui arracha qu'une expression dubitative : celui ou celle qui se tenait sous le masque ne l'avait pas bien attaché, et on voyait poindre une touffe de cheveux bien réels et normaux sous le latex bon marché. Simon, évidemment ! Lui et Bellatrix passaient toujours leur temps à faire des blagues à tout le monde. D'ordinaire, ça le faisait rire, sauf quand il était la cible et que ça marchait. Mais pas cette fois, hé hé...

"Ouais, pas mal", admit-il. "T'aurais peut-être dû mettre plus de caoutchouc, ça t'aurait entièrement caché. Mais peut-être que la sorcière fait moins peur que toi, hé !", conclut-il en pouffant d'un air gentiment moqueur. "J'pense que tu devrais essayer ça sur Julie. Ca ferait plaisir à pratiquement tout le monde..."

[Althéa]

Bellatrix, toujours tournée vers sa rue soupira. Avec un peu de chance, ses parents se souviendraient du pourquoi de son absence. A moins qu'ils oublient complètement qu'elle avait existé. Peut-être, après tout, n'était-elle qu'une sorte de fantôme, arpentant sans cesse sa maison sans se rendre compte qu'elle n'était plus de ce monde. C'était l'objet du film Sixième Sens, après tout. Mais alors, pourquoi ceux qu'elle considérait comme ses amis la voyaient-ils ? C'était plutôt étrange et amusant à la fois.

Elle se tourna juste pour constater le mouvement de Julie et de son gang de pintades gloussantes. Il fallait qu'elle se tienne loin d'elles, surtout avec la poupée. Comment la maîtresse pouvait-elle autoriser l'importation de telles horreurs ? Voyager non loin d'elle l'effrayait d'avantage que quelques heures de bus.

Elle ne remarqua en rien Simon Strueux et son masque de sorcière.

[Manfred]

« Je l’ai trouvé dans un magasin de farces et attrapes », - répondit Simon – et tiens, ça me fait penser que j’ai vu un jeu de construction qui t’aurait plu Cricri. Faut que j’t’en parle. »
Dans sa tête de petit espiègle, deux idées se combinaient, le défi suggéré par Benny et la farce sur Julie évoquée par Christophe. Il se décala de quelques pas pour voir où était la peste du CE2. Il l’aperçut entourée des gloussantes, non loin de Pougon. Zut, c’était mission impossible. Voir Benoît louper son coup pouvait être amusant mais le masque risquait d’être confisqué par la maîtresse. Or, il voulait le donner à Bellatrix. Cette dernière était plus isolée, le contraire aurait été étonnant.
« Simon !
- J’arrive maman ! »
Prit de court par l’appel de sa mère, Cortex donna le masque à son adversaire de petit génie et lui dit, en toute hâte :
« Si tu arrives à faire peur à l’asperge sans te faire remarquer de la Pougon, tu pourras piocher dans mon paquet de bonbons. »
Strueux commença à s’éloigner. Il se retourna pour ajouter :
« Et après, donne-lui. L’asperge fera mieux la sorcière que moi. »

Simon rejoignit sa mère non loin de la statue occupant le centre de la place. L’ouvrage de pierre grise illustrait un cavalier dressé sur son destrier. Plus personne ne lui prêtait d’attention, sauf peut-être les pigeons.

Autour du car, on sentait le départ imminent. Tout le monde était arrivé, pratiquement tous les bagages étaient en soute et les accompagnateurs étaient en train de se rassembler. Etienne acquiesça puis ajouta :
« On devrait s’approcher pour entrer dans les premiers. Comme ça, on aura le choix de la place. Je veux être loin de cette peste. En plus, ça va être long, j’imagine même pas ce que ça va donner si elle est à côté. »

[Taliesin]

Pierre, lui, ne l'imaginait que trop bien : ce serait l'horreur. D'ailleurs, il y aurait de quoi faire une histoire affreuse sur ce thème. Il avait même déjà un titre à l'esprit : "Le Voyage de l’Épouvante". Peut-être l'écrirait-il un jour : ce pourrait être amusant ! Mais il veillerait, bien sûr, à ce que la fin soit heureuse : Julie, prise en flagrant délit de méchanceté par madame Pougon et punie en conséquence, se verrait reléguée au fond du bus, sans les Glousseuses, sans sa poupée... Oh oh, il adorait cette idée ! Mais elle devrait attendre, car il y avait plus urgent.
-T'as raison, lança-t-il à Étienne. Viens, faut qu'on dise au revoir !
Quelques instants plus tard, il saluait chaleureusement le papa de son ami et embrassait son grand-père, en lui disant qu'il lui téléphonerait pour donner des nouvelles dès que ce serait possible. Enfin, tout en reprenant la direction du bus, il procéda à un petit inventaire mental. Son sac de voyage était dans la soute : outre tous les éléments de la liste que leur avait remis l'école, il renfermait son épée qu'il aurait bien gardée avec lui s'il n'y avait eu le risque que la maîtresse la lui confisque. Quant à son sac à dos, et bien... Il était sur son dos : s'y trouvaient entre autres son casse-croûte et un roman, au cas où il viendrait à s'ennuyer durant le trajet (ce qui n'arriverait pas, puisqu'Étienne serait avec lui). Enfin, Archimède était dissimulé dans une poche intérieure de son manteau : le vêtement avait décidément bien des avantages, et ce n'était pas pour rien qu'il l'aimait tant !
Tout allait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes, et le petit garçon était prêt au départ.

[Kasumi]

Benoît avait déjà dit au revoir à ses parents aussi pouvait-il se consacrer pleinement à l’élaboration d’un plan. Réfléchir dans le feu de l’action ne lui avait jamais posé de problème. Et quand on lui proposait un défi, il se faisait un point d’honneur à donner le maximum pour l’accomplir. Voyons… Bellatrix se tenait présentement un peu à l’écart du car. Il pouvait utiliser cet élément à son avantage pour compenser son relatif manque de discrétion ou de rapidité. Il demanda donc à Christophe de tenter d’attirer l’attention de la fillette pour créer une diversion. Pendant ce temps, il aurait tout le loisir de se fondre derrière la foule des adultes, contourner le car, enfiler le masque puis arriver dans le dos de sa cible. S’il parvenait à poser sa main sur son épaule avant qu’elle le remarque, il était certain de réussir son coup au-delà des espérances de Simon. L’appât des bonbons était bien secondaire face à la satisfaction d’avoir réussi à relever le défi et en gagner quelque instant de gloire et d’estime de la part de ses camarades. Connaissant Bellatrix, il se pouvait qu’elle soit celle qui apprécierait le plus le tour.

[Mornagest]

C'est qu'il ne parlait pas souvent à Bellatrix. C'était une fille, et en plus, elle était bizarre. Enfin, encore plus que les autres filles. Pas méchante ou désagréable comme Julie, tout de même, mais... elle passait son temps à lui faire des farces. Tiens. Une raison de lui rendre une fois la monnaie de sa pièce, en fait !

Il acquiesça donc à la proposition de Benny : "D'acc ! Je vais faire ça", puis, après avoir embrassé sa maman et promis de donner des nouvelles de temps en temps, il s'assura qu'il pouvait parler à Bellatrix sans éveiller trop les soupçons chez elle. Elle était seule, d'ailleurs, l'air un peu rêveuse, à regarder avec curiosité le groupe de filles qui était retourné à ses occupations de filles. Curiosité ou haine ou dédain, il n'était pas sûr, pour dire vrai, mais ça n'avait pas d'importance.

Il marcha un peu intimidé vers la fille, ne sachant pas trop quoi lui dire, au juste. Il se planta devant elle et bredouilla bêtement : "Euh... sa... salut. Ça va ?". Une réussite totale. Bellatrix allait sans aucun doute le fixer avec ses yeux qui donnaient l'impression de pouvoir vomir des monstres aussi bizarres qu'elle, et elle ne ferait absolument pas attention à Benny. Mais en même temps, il rougissait jusqu'à la racine des cheveux, peu habitué de parler aux filles.

[Althéa]

Elle avait sursauté et s'était retourné vers lui, Christophe le petit bricoleur. Et tout rouge avec ça. Il n'avait pas vraiment l'habitude de venir la voir, seulement quand Benny et Pierre venaient lui parler, à vrai dire. Mais aujourd'hui, cela n'avait pas vraiment d'importance. Elle se sentait plutôt seule. Elle tenta de lui offrir un sourire aimable, un sourire que Morticia aurait trouvé beau. Comment elle allait, elle ne savait pas vraiment. Elle ne dirait pas qu'elle aurait souhaité que ses parents l'accompagnent jusqu'au car. ça, ça ne regardait personne.

Elle hésita sur la conduite à tenir. Les parents étaient encore là. Elles n'allaient pas effrayer Christophe devant eux. Plus tard sûrement, mais pas maintenant. Elle ne savait pas vraiment quoi lui dire. Il n'était pas question qu'elle lui parle des films : il faisait encore jour. Face au petit génie, elle se sentait plutôt démunie.

"Je crois que je vais bien. Et toi ?"

Ses propos manquaient d'originalité, mais elle ne savait pas vraiment quoi dire d'autre.

[Manfred]

A présent, le portail de l’école était ouvert mais il y avait toujours quelques curieux pour regarder le départ. La voix forte de monsieur Galop sonna le rassemblement.
« Allez, les CE2, dites en revoir à vos parents et venez par ici ! »
Le bagage de Simon fut le dernier à être ranger. Dans un claquement, on ferma la soute et la chauffeuse monta dans le véhicule. Encore un peu et elle mettait le contact. Le moteur se mit à ronronner. Madame Pougon venait de se poster juste devant la porte, à côté de Philippe. Les enfants qui ne l’avaient pas encore fait se hâtaient d’échanger quelques derniers mots avec leur famille. Peu à peu, un rang d’élèves se formait. Cortex, qui venait d’intégrer le rang, surveillait du coin de l’œil ce qui se passait du côté de Bellatrix. Pour la farce, le temps risquait de manquer.

« Et bien, les enfants, que cette classe de neige vous soit profitable. Soyez sage et amusez vous bien. »
C’était le directeur qui s’exprimait d’un ton presque théâtral. Il venait tout juste d’arriver et en profitait pour donner ce petit discoure improvisé. Autour de lui, le silence se fit, juste troublé par l’autocar.
« Je vous aurais bien accompagné, ne serait-ce que pour vous montrer quelques techniques secrètes en skis, car oui je sais skier, qu’est-ce donc que ces regards perplexes ? Enfin bref. Je vous aurais bien accompagné, mais je crois ne pas m’être totalement remis de ce fameux séjour linguistique en Angleterre. »
Tout était dit sur le ton de la plaisanterie.

Il ne restait plus qu’une poignée de secondes avant la fin du discours... Benoît était en train d’exécuter son plan. L’intervention du directeur joua en sa faveur. Elle détourna l’attention de tous si bien que le garçon put sans encombre enfiler le masque et débuter son approche dans le dos de la jeune Newton. De son côté, Cricri, tant bien que mal, était à l’œuvre lui aussi. Toutes les conditions étaient réunies...

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Benoît : jet de pied
Cricri fait diversion : Valeur +1
Le directeur parle : Valeur +1
Dé 6 Valeur 4
Raté

Ce jet là, fallait le donner.

...mais c’était sans compter sur un trio de pigeons qui, effrayés par Benny, s’envolèrent brusquement. Bellatrix les entendit et sut, dès lors, que quelqu’un venait derrière elle.

[Althéa]

Bellatrix se retourna lentement mais sûrement. La première chose qu'elle vit fut la face hideuse d'une sorcière. Ses yeux se firent ronds quelques secondes jusqu'à ce qu'elle reconnaisse les vêtements de Benny. Mais la face de papier était d'excellente facture. Sans les pigeons, elle aurait été surprise. Peut-être même effrayée. Mais elle n'en montra rien. En général, c'était elle qui faisait peur, pas les autres. L'idée y était. En plus, c'était Benny. Et Benny ... Un léger sourire creusa la petite fossette qu'elle avait sur la joue.

"Bien essayé. J'ai failli avoir peur."

Elle ne savait pas vraiment quoi dire d'autre pour être gentille.

"Il est très bien ton masque. ça serait mieux si tu poursuivais les gens avec un couteau. Mais bon, on peut pas être parfait."

[Taliesin]

Ne sachant rien de la scène qui se déroulait à quelque distance de lui, Pierre se tenait sagement, aux côtés d’Étienne, dans les premiers rangs de la file d'élèves qui s'était constituée le long du car. Ce faisant, il n'avait pas l'intention de faire du zèle ou de se montrer particulièrement discipliné. Non, ses préoccupations étaient bien différentes : il souhait simplement pouvoir s'installer avec son ami à des places stratégiques, c'est-à-dire les plus éloignées possible à la fois des adultes et de Julie. Ainsi, rien ne les empêcherait de rendre moins pénible le long trajet à venir...
Lorsque le directeur mentionna le précédent voyage organisé par l'école, le regard du gamin se perdit un instant dans le vague. Il n'avait pas pu y participer : l'expédition avait été lancée trop rapidement pour que son grand-père soit en mesure de régler à temps diverses histoires de papiers. Il l'avait regretté sur le moment, puisque le manoir présenté sur la plaquette avait vraiment l'air intéressant, avec ses dehors de maison hantée. Mais la perspective d'échapper à des cours intensifs d'anglais et celle de pouvoir continuer à jouer avec Étienne (qui n'était pas non plus du voyage) lui avaient vite fait oublier sa déception. Quand Bellatrix, Benoît, Charlotte, Christophe et Simon, les seuls enfants à avoir franchi la Manche, étaient rentrés de leur périple, ils s'étaient révélés très discrets à son sujet, si bien que Pierre n'avait pas osé trop les questionner. Par la suite, il avait entendu parler d'une violente tempête qui, pour impressionnante qu'elle avait été, n'avait causé aucun blessé et seulement quelques dégâts mineurs dans le manoir. Bref, un petit incident sans gravité qui, si l'on en croyait le directeur, n'avait en rien nui à la réussite du voyage. Étaient ensuite venues les vacances d'été, et le jeune garçon avait complètement oublié cette histoire.
A présent qu'il se la remémorait, il se demandait si, oui ou non, il aimerait qu'une tourmente aussi impressionnante s'abatte sur la classe lorsqu'elle se trouverait dans les montagnes. Une vraie tempête de neige devait encore plus valoir le coup d’œil qu'un orage estival ! Du moins, si l'on n'était pas dessous, à l'extérieur et que, au contraire, on pouvait l'observer à travers les épaisses vitres d'une station de ski, confortablement installé à côté d'un bon chauffage...

[Kasumi]

Benny maudit la présence des pigeons qui avaient ruiné son tour mais plus encore son manque de vigilance. Il aurait du anticiper que le volatiles s'enfuiraient bruyamment à son approche ! Au moins le masque cacha son expression déçue avant qu'il se compose un visage souriant pour saluer Bellatrix.

- Bonjour ! En fait il appartient à Simon. Il m'a demandé de te le confier. Je suis sûr que tu en feras un meilleur usage que moi.

Le garçon se demanda si l'intéressé avait été témoin de son échec cuisant et s'il accepterait malgré tout de partager ses bonbons. Après tout, il fallait bien trouver une monnaie d'échange pour récompenser le concours de Christophe dans son stratagème.

- Vite, il faut rejoindre les autres avant que la maîtresse nous remarque et nous place au premier rang !

[Mornagest]

Entendant cette dernière phrase, Christophe fit semblant de frissonner d'horreur. Au premier rang, avec les instits, c'était l'enfer !

"Ouais, on va y aller, vite, alors !" dit-il en se précipitant, peu soucieux du fait d'avoir raté le discours du directeur. Ôtant son sac à dos de ses épaules, il le tint par la poignée pour pouvoir se préparer à rentrer au plus tôt dans le car sans être gêné dans les escaliers par les sièges de l'avant. En tenant le sac devant lui, il pourrait monter plus facilement et ainsi choisir une place stratégique : près du fond. Les filles n'iraient sûrement pas ; en tout cas, pas cette affreuse Julie et ses copines du même bois.

Il n'avait pas encore décidé qui il préférerait avoir à côté de lui. En fait, il voulait être avec plusieurs de ses copains autour, pour pouvoir faire l'andouille tout du long et avoir son petit auditoire prêt à ricaner de ses bêtises. C'est là que le fond du car était intéressant...

[Althéa]

Bellatrix avait regardé Benny un petit moment. Puis elle avait caché le masque dans son manteau. Il servirait à coup sûr, mais pas tout de suite. Elle trouverait grandement de quoi l'employer. Et sa victime était toute trouvée. Après tout, Julie la menaçait bien avec son horrible poupée. Elle s'avança à son tour vers les portes du car. Elle non plus ne voulait pas être à coté des dindes. Et elle voulait voyager à coté des garçons. Le plus loin possible des adultes. Julie, en petite fille modèle viendrait à coup sûr se poser près d'eux.

Elle se rapprocha des garçons qu'elle avait l'habitude de côtoyer en attendant que s'ouvrent les portes du car.