[RP] Guerre des Plaines Brûlantes - armée mélandienne

[Elzen]

En provenance de par là.

Le climat, à l'approche d'Aghoralis, s'était considérablement radoucis, jusqu'à redevenir tout-à-fait supportable. La région semblait fort accueillante ; une fois la bataille terminée, Elzen envisageait de s'y intéresser plus en détail. Peut-être serait-il possible de s'installer ici, plus tard. Pour l'heure, il fallait se préparer à rencontrer l'armée mélandienne.

Au milieu des autres éclaireurs, Elzen était arrivé dans les premiers sur place. Le reste de la troupe suivait de plus ou moins loin, en nettement meilleur état que ce qu'il semblait au premier abord. Les mélandiens étaient probablement assez résistants au climat du désert entourant leur ville… restait à espérer qu'ils soient aussi résistant face aux armées manostiennes.

[Mornagest]

Deux semaines de périple harassant... les pertes n'avaient pas été trop lourdes ; l'essentiel étaient en réalité des "combattants" trop faibles pour tenir le coup, qui s'étaient défilés durant la nuit pour regagner leurs pénates, ou quelques fauteurs de troubles exécutés sans pitié par les sous-officiers désireux de maintenir une discipline de fer pour mener ces bons à rien à la guerre.

Le campement pour cette nuit fut établi le long d'un lac de taille modeste. Les contrées étaient pratiquement vierges, par ici, et à part une fermette isolée (et abandonnée sinon brûlée) de temps à autre, on n'apercevait qu'un peu de gibier, quelques loups, des gobelins... l'armée dut même repousser quelques trolls suicidaires qui tentèrent une attaque sur une patrouille isolée. Mais pour l'instant, l'avancée se déroulait sans trop de problèmes.

"Faudra veiller encore plus attentivement. On arrive aux frontières, des soldats manostiens doivent pas se trouver forcément très loin d'ici..."

Ortrask, qui passait non loin, s'approcha du groupe d'éclaireurs et précisa, avec sa verve habituelle :

"Pas de quartiers. Ne laissez aucune de ces raclures s'barrer pour rendre compte à leur état-major. Faut qu'ils sachent le plus tard possible qu'on est là." Évidemment, la magie permettait de faire bien des choses pour obtenir ce genre d'informations, mais également pour l'empêcher.

"Dormez à fond c'te nuit. D'main, on risque de commencer les joyeusetés. Z'avez intérêt à bien vous t'nir, les manostiens se débinent pas dès qu'ils voient des hostiles... pas de quartiers, point." Il s'en fut colporter ses quelques indications au feu de camp suivant, laissant les éclaireurs entre eux.

"Bon... pas trop pressé de me battre, quand même. Si on tombe sur des paladins, on est mal barrés : ils t'embrocheraient comme un rien sur leurs épées... l'Ortrask, il a raison. J'ai d'jà vu des manostiens s'battre au stade à Melandis, ils lâchent rien."

[Elzen]

Deux semaines de voyages n'avaient pas rendu Ortrask plus agréable à vivre, et Elzen était toujours satisfait de son rôle d'éclaireur, qui lui permettait de ne le croiser que le moins possible. La proximité d'autant de prêtres et de paladins le rendait de plus en plus nerveux, en revanche ; mais il s'évertuait à n'en rien montrer. Bien que ces gens soient – pour l'instant – ses alliés, il n'avait pas l'intention de leur laisser voir ses faiblesses, quand bien même ils n'auraient pas pu les exploiter sans aide extérieure.

« On verra quand on les aura devant nous… après tout, un paladin, c'est massif et ça porte une grosse armure : on a beaucoup plus de libertés de mouvements qu'eux, ça donne un avantage. Si on peut rester assez discrets pour les prendre par surprise… »

D'une manière ou d'une autre, il faudrait bientôt se battre. Pour l'heure, prendre du repos était en effet indispensable : ils ignoraient dans combien de temps l'occasion s'en représenterait.

« Ortrask a raison sur un point : tant qu'on a l'occasion de dormir, on ferait bien d'en profiter. »

Avant de se coucher, cependant, Elzen vérifia le contenu de son sac. Son matériel de soin était quelque peu incomplet – il ne s'était pas encore procuré de quoi remplacer ce qu'il avait dépensé pour Chance –, et il lui manquait aussi les quelques ingrédients qu'il avait utilisé dans le désert, mais le reste de ce qu'il portait suffirait encore à quelques épisodes de ce genre ; et il trouverait bien l'occasion de récupérer quelques objets intéressants sur le champ de bataille. Pour l'heure, il s'estimait à peu près aussi prêt que possible pour les événements du lendemain…

[Mornagest]

La nuit fut calme. Les sentinelles ne repérèrent rien de suspect ou d'ouvertement hostile aux troupes, et tout le monde put se reposer correctement compte tenu du confort des couchages en paille et de l'absence d'absorbeurs d'humidité : il avait plu la veille et l'herbe était encore mouillée, sans parler de la terre... mais après l'enfer du désert, c'était presque une bénédiction, somme toute.

Le lendemain fut similaire aux autres : repas, remballage de l'équipement et départ. Les ordres furent relayés parmi les troupes pendant qu'elles s'activaient pour se mettre en route. L'un des éclaireurs partagea ses connaissances :

"On change de destination ! On ne va plus à Aghoralis, on va la contourner par le nord et se mettre directement en route vers Manost. Apparemment, ils ne veulent pas qu'on perde de temps dans des pillages ou autres... on oublie le siège !"

Les nouvelles furent rapidement colportées, et accueillies avec des sentiments divers : incompréhension, déception... mais souvent, motivation de se rendre directement au cœur de la cible : la cité Bénie elle-même.

"Ils sont dingues. Comment ils veulent qu'on prenne Manost comme ça ? La cité doit être au moins aussi bien défendue que Melandis... déjà, Aghoralis, ça me paraissait dur, mais Manost ! Autant déclarer forfait tout de suite.
- P'têt qu'ils comptent sur l'effet de surprise. L'armée manostienne a quitté la cité, sans doute, et Manost sera un peu désertée... et hop, on leur tombe dessus.
- Mouais. J'crois pas qu'ils aient laissé la cité sans défenses. Sont pas cons...
- Non. Mais s'ils nous envoient là-bas, c'est qu'il y a une raison.
- Oh, chaipas. Tu sais, l'armée..." Ils ricanèrent. "T'aurais pas préféré te poser cinq minutes à Aghoralis ? On y est presque, et on était sûr d'y rester un moment ! Là, va falloir encore marcher...", fit le type à l'adresse d'Elzen.

[Elzen]

La nuit n'avait pas été mauvaise ; la nouvelle du lendemain, en revanche, était assez… surprenante. Ces gens avaient de drôles de manières de mener bataille ; mais sans doute connaissaient-ils la région et ce qu'il fallait y faire mieux que lui, après tout.

Interpellé par l'un des autres éclaireurs, Elzen hésita un instant sur ce qu'il devait dire. Partager ses réflexions ? Inutile, du moins pour l'instant. Il se contenta du minimum requis.

« Bah, au moins, ce sera peut-être un peu moins ennuyeux qu'un siège ; un peu de repos n'aurait pas fait de mal, mais je suppose que profiter directement des plaisirs de Manost une fois qu'on l'aura fait tomber vaudra la marche supplémentaire. »

À la vérité, il était nettement moins optimiste : quoique la consigne de ne surtout pas être repéré prenait maintenant davantage de sens – plus encore qu'elle n'en avait eu dans l'hypothèse d'une attaque surprise sur la ville avant que ses portes ne ferment –, il lui paraissait plus qu'évident que l'armée adverse avait elle aussi ses éclaireurs, et que le passage, à proximité d'une de leurs places fortes, d'une telle quantité de troupes, ne passerait pas inaperçu. Comprenant leurs intentions, l'état-major manostien ordonnerait sans doute de forcer le pas pour prendre les troupes mélandiennes à revers… et si les troupes qu'Elzen avait côtoyé jusque là marchaient toutes à pied, Manost, à plus forte raison si elle était une ville de paladins, avait très probablement des chevaux, qui les rattraperaient rapidement.

Mais, après tout… dans cette configuration, l'arrière-garde serait sans doute touchée la première, lui laissant amplement le temps d'aviser. On verrait bien.

[Mornagest]

Les troupes repartirent donc de plus belle, menant un train forcé pour rattraper le temps perdu à contourner Aghoralis d'assez loin pour éviter d'être repérés trop vite. Il y avait fort à faire pour tenter de rester inaperçu, mais c'était bien entendu illusoire de penser qu'une armée de cette taille pût y arriver. Mais moins elle faisait de "bruit", plus ils pourraient avancer avant d'être réellement repérés, estimés et combattus.

Durant la journée, une halte fut imposée. De nouveaux changements allaient sans doute intervenir. Les troupes étaient maintenant au nord-est d'Aghoralis, et le contournement se déroulait bien. En forçant le train, ils pourraient avoir effectué le tour en une semaine, s'il n'y avait pas d'anicroches.

Ortrask beugla encore des ordres.

"Les éclaireurs ! Allez éclairer. Vous m'butez tous les hostiles du coin. J'veux plus un espion ennemi dans un rayon de dix kilomètres, vu ? Vous gardez leur équipement si ça vous chante." Histoire de motiver les éclaireurs à réaliser du chiffre...

"On doit être une bonne cinquantaine en tout. On devrait p't'être y aller en p'tits groupes pour être plus efficaces ?
- Chochotte !
- Ouais, l'autre, il a peur de s'retrouver face à un méchant...
- Eh mais si vous voulez vous r'trouver la tête sur une pique, c'est vous qu'ça r'garde..."

Une décision devait être prise. Et les ordres ne mentionnaient pas les moyens d'agir ; juste le résultat à obtenir.

[Elzen]

Bon, l'autre mauvaise nouvelle de ce changement de stratégie était que ça repoussait l'éventuelle opportunité de jouer un mauvais tour à Ortrask durant la bataille. Mais, après tout, ce n'était pas urgent ; il n'était même pas assuré que l'occasion s'en présente un jour – quoiqu'elle eut été fort drôle.

Avant de prêter attention aux propos de ses camarades, il déclara en aparté, comme si c'était pour lui-même, mais prenant garde à être entendu d'eux (et d'eux seuls)

« À mon avis, si le but est qu'on ne soit pas repéré, le mieux serait de lui faire la fermer ; s'il continue de crier comme ça, les Manostiens nous repéreront à des lieues à la ronde. »

Mais voilà que la question portait sur l'organisation. Elzen préférait généralement être seul, ce qui lui permettait au passage de découvrir les lieux sous un autre œil que celui de l'éclaireur de guerre – après tout, sa présence ici avait un véritable but autrement plus important que la victoire d'une puissance militaire qu'il connaissait à peine sur une autre qu'il ne connaissait que moins bien. Cependant, la région pouvait receler de dangers insoupçonnés – il avait le vague souvenir, plusieurs jours plus tôt, d'une rencontre dans le désert au cours de laquelle la présence de compagnons d'armes avait été la bienvenue, même s'il avait fini, contre toute attente, par achever les choses seul.

« On peut sûrement se débrouiller chacun de son côté ; mais bon, 'faut voir à pas oublier qu'on est en territoire hostile, avec une autre grosse armée dans le coin. Ça pourrait ne pas être une mauvaise idée qu'on reste quand même, autant que possible, à distance raisonnable les uns des autres – genre, quelques centaines de mètres au maximum –, avec un signal de ralliement en cas de pépin. Non ? »

Peu lui importait, après tout. S'il advenait quelque chose, il aviserait, autres éclaireurs à appeler ou non. Les autres pouvaient donc décider ce qui leur semblerait le plus adapté ; cela lui conviendrait.

[Mornagest]

"On peut toujours imiter le cri de la chouette. Ça marche pas mal...
- En plein jour ? Putain mais t'as appris ton métier où ?
- L'aigle, alors. Y en a, dans le coin. Et c'est pas trop dur à faire.
- Bon, ça, c'est déjà moins con.
- Va pour l'aigle, alors.

L'équipe finit par se mettre en route. Il y avait un grand secteur boisé à explorer, pratiquement tout autour de l'armée. Ortrask ne l'avait pas précisé, mais les recherches devaient se faire vers le sud-ouest, puisque c'était logiquement là où les ennemis étaient censés se trouver. Normalement, pas de soldats groupés très proches, cependant, mais... les surprises pouvaient arriver.

Les bois étaient même une assez grande forêt de feuillus, presque entièrement couverts de feuilles bien denses. Difficile, voire impossible, de voir à plus de vingt mètres, sauf en de rares endroits où quelque clairière abritait une cabane abandonnée ou dénotait la présence d'une ancienne coupe de bûcherons. Les hameaux n'étaient pas rares, ici, car le climat était plus clément qu'à Melandis, le sol était fertile, et les monstres hostiles plutôt rares malgré l'absence proche d'une grande agglomération.

Les éclaireurs commencèrent donc à se disperser tout en s'assurant de temps à autre de rester à portée d'oreille sans devoir hurler et ainsi avertir tout le monde alentour de leur présence.

[Elzen]

Le cri de l'aigle. Oui, la chose devait être imitable. Restait à voir s'il aurait l'occasion de tenter de le faire, et si oui, s'il en aurait l'opportunité.

Demeurant sur ses gardes, Elzen, comme les autres, se sépara du groupe et s'avança dans la direction qu'on lui avait attribuée. La région semblait plutôt agréable, malgré la présence, proche, d'une armée ennemie pleine de prêtres – Elzen, ignorant tout de la religion principale de Manost et de ce qui était advenu au dieu concerné, conservait une certaine appréhension à ce sujet –, et il pourrait être intéressant de revenir y jeter un œil plus tard, lorsque les choses se seraient calmées.

S'approchant du bois, Elzen put se faire, à son sujet, trois remarques majeures : la première était que Toril comptait des décors plus variés que la plupart des autres plans qu'il avait traversé : certains ne semblaient, à perte de vue et après des semaines entières de marche, n'être faits que de déserts, de plaines, ou de bois touffus, mais certainement pas d'un mélange des trois ; or, depuis son départ de Mélandis, quelques jours de marche avaient suffit pour qu'il passe de l'un à l'autre. La seconde était que sa mission d'observation, dans ces forêts, serait d'autant réduite que la densité d'arbres diminuerait son champ de vision. Redoubler d'attention ne suffirait peut-être pas à tout observer ; d'autant qu'il faudrait aussi compter avec le bruit des pas sur les feuilles et les plantes basses, qui aiderait peut-être ses sens, mais rendrait également sa propre dissimulation plus ardue. La troisième était que ce bois aurait au moins l'avantage, en cas de mauvaise rencontre, de permettre une dissimulation plus aisée des éventuels cadavres qui en résisteraient, facilitant ainsi la tâche de discrétion – il aurait été particulièrement stupide de tuer tout ce qui bougeait pour rester discret avant de laisser une trace évidente de restes sanglants révélant à tous leur présence.

Tenant sa hache fermement dans une main, et gardant l'autre à proximité de son sac, prêt à en sortir un quelconque autre artifice utile, Elzen pénétra dans les bois, l'oreille aux aguets, se préparant à affronter ce qu'il pourrait y rencontrer…

[Mornagest]

Si la région était occupée par des troupes manostiennes, le danger de créatures monstrueuses n'était pas à exclure non plus. Aussi, les éclaireurs avaient-ils fort à faire pour tenter de repérer les ennemis, mais aussi les éventuels orques, trolls ou même hydres qui parsemaient les lieux... la forêt ne comportait pas de marécages à cet endroit, heureusement, et les hydres étaient justement à soustraire des possibles tracas que l'on pouvait rencontrer. Toutefois...

Elzen entendit rapidement le cri de l'aigle. Imité, ou réel ? Difficile à dire. Il supposa toutefois que c'était une imitation, car il ne venait pas des airs mais de sa droite, assez près, d'ailleurs. Peut-être quelques centaines de mètres. Il ne voyait absolument rien par là, à part des troncs d'arbres, des feuilles à terre, des fougères... et un ruisseau glacé, qui jaillissait de nulle part, et lui barrait la route sur une cinquantaine de centimètres de large. Pas de quoi s'affoler...

Le cri fut répété une seconde fois, quelques instants plus tard.

[Elzen]

Elzen sursauta presque au premier cri ; il n'avait pas entendu d'aigles depuis trop longtemps pour savoir s'il s'agissait d'un appel à l'aide ou du véritable cri d'un animal. Tournant, à tout hasard, la tête dans la direction concernée, il ne constata qu'une chose : qu'il ne constatait rien. La forêt était trop dense pour qu'il put voir quoi que ce soit à la distance d'où semblait provenir le cri.

Il hésita un instant sur la conduite à tenir. Que lui importait, après tout, la vie d'un des autres éclaireurs ? Mais la considération qu'avaient de lui ses camarades auraient pu prendre quelque peu de plomb dans l'aile s'il abandonnait ainsi un camarade, et qui savait s'il n'allait pas, plus ou moins prochainement, avoir de nouveau besoin de leur aide ? D'autant qu'il avait été plus ou moins à l'origine du choix de cette façon d'appeler à l'aide, et que cela suffisait à le rendre curieux de savoir qui l'employait.

Lorsque raisonna le second cri, il s'engagea alors dans la direction ainsi désignée, prêt à tout de même accélérer le pas, au cas où. Le ruisseau, devant lui, semblait tout-à-fait apte à être franchi d'un saut ; ce qu'il était d'ailleurs déjà sur le point de faire. Sa hache à la main – il se souvenait vaguement d'un rêve qu'on lui avait raconté, au cours duquel il se servait d'un tel outil pour ôter à quelqu'un son appendice caudal ; s'il devait s'en servir aujourd'hui, il espérait fermement que ce serait pour trancher dans une partie plus vitale de son adversaire –, il se prépara à faire face à la raison pour laquelle ce cri avait été poussé…

[Mornagest]

Il poursuivit son chemin sans trop se presser. Plus aucun bruit ne semblait provenir de là-bas. Peut-être une fausse alerte ? D'un autre côté, l'éclaireur avait peut-être été neutralisé par des manostiens. Bref, impossible de savoir sans se rendre compte de visu.

Tandis qu'il approchait - du moins le pensait-il - de l'endroit où le cri avait été poussé, il entendit un bruit de mastication tout à fait répugnant, à quelques pas de lui, sur sa droite. Derrière un buisson. La situation lui rappelait très vaguement quelque chose...

Du coin de l'œil, il vit l'un de ses camarades s'approcher également, l'arme au clair et les sens aux aguets. Il paraissait plus soucieux, mais n'avait pas l'air d'avoir entendu les bruits affreux qu'Elzen venait d'entendre. Ces derniers furent ponctués par un craquement d'os gras et écœurant.

[Elzen]

Les créatures, dans ces régions, étaient décidément promptes à se manifester durant leur repas ; les bruits indiquaient leur présence manquaient cruellement de diversité : ils étaient aussi variés qu'ils n'étaient agréables à l'oreille.

Espérant, tout de même, que les os ainsi brisés n'étaient pas ceux du camarade qui avait appelé à l'aide un peu plus tôt, Elzen fit signe à l'éclaireur qui le rejoignait de demeurer sur ses gardes, tout en lui désignant l'endroit d'où provenaient les bruits. Peut-être ne seraient-ils pas trop de deux pour affronter ce qui se dissimulait derrière ces buissons ; mais il fallait encore que le nouveau venu ne donne pas l'alerte trop tôt par des mouvements peu prudents… il était, d'un autre côté, éclaireur dans l'armée de Mélandis : sans doute était-il plus habitué au désert qu'à la forêt, mais néanmoins, il était censé savoir demeurer discret.

Tentant lui-même de ne rien faire qui risquerait d'attirer l'attention de la créature, Elzen se dirigea vers les buissons, lui-même l'arme au clair et prêt à en faire usage ; qui que la créature ait été en train de dévorer, l'on pouvait au minimum lui apprendre à le faire de façon moins répugnante.

[Mornagest]

Après le son, l'odeur. Celle d'une bête sale et habituée à un état de la sorte. Quelque carnivore, probablement, n'ayant aucune notion de l'hygiène, ou alors, uniquement les jours de fortes pluies. L'image, enfin... deux têtes vertes, surmontées d'une vague chevelure noirâtre semblable à de la paille pourrie en apparence et peut-être en odeur. Les corps étaient pratiquement nus, hormis un pagne masquant à peine l'essentiel à masquer. Deux colosses qui dépassaient probalement Elzen d'une bonne tête et demi. Des trolls, en train de savourer leur repas fraîchement acquis : l'un des éclaireurs, dont l'abdomen perforé était déjà à moitié vidé de son contenu sanguinolent.

[Elzen]

Oh.

Eh bien, pour celui-là, il semblait que c'était trop tard ; à moins qu'il n'y ait un faiseur de miracles à proximité – curieusement, il semblait à Elzen que ce n'était pas dans l'armée qu'il avait accompagné depuis Mélandis que les chances d'en trouver un étaient les plus élevées.

Mais avant de se préoccuper de la question, mieux valait se préoccuper de savoir ce qu'il convenait de faire de ses meurtriers. Elzen avait, de ce genre de bestioles, une connaissance suffisante pour savoir qu'ils étaient, à tuer, du genre pénibles. Il fallait, lui semblait-il, brûler leurs plaies aussi vite que possible – si ce n'était les attaquer directement avec une arme enflammée – pour éviter qu'ils ne régénèrent. Ou quelque chose de cet ordre ; il trouverait certainement, dans son sac, quelque chose qui pourrait convenir.

Mais avant d'en arriver là, il fallait encore les mettre à terre. Pour l'instant, occupés par leur festin, ils semblaient ne pas avoir perçu la présence des deux éclaieurs – il fallait dire qu'avec la puanteur qu'ils dégageaient et le bruit qu'ils faisaient, les chances qu'ils se servent de sens autres que la vue étaient assez minces. Et leur vue était occupée à guider leurs mouvements.

Avant de frapper, Elzen lança tout de même un rapide regard à l'autre éclaireur, pour voir s'il était prêt au combat, et si éventuellement il avait une meilleure idée…

[Mornagest]

L'éclaireur faisait quelques gestes pour exprimer le fond de sa pensée. Elle était assez claire : ficher le camp tant qu'ils en avaient l'occasion. Les trolls étaient des adversaires sérieux, et ils étaient deux. Certes, leur attention était détournée, mais le temps qu'ils se retournent, et leurs griffes acérées pourraient les découper en morceaux en moins de temps qu'il ne fallait pour dire "ouf". Le corps à moitié dévoré gisant au sol en était une preuve suffisante à ses yeux.

L'homme fit donc mine de faire demi-tour afin d'aller chercher du renfort.

[Elzen]

À deux contre deux, en comptant sur l'effet de surprise, Elzen était persuadé que la victoire aurait été tout-à-fait à portée ; mais avec un partenaire prêt à prendre ses jambes à son cou, c'était une autre paire de manches. Faire demi-tour maintenant était courir le risque que les deux lourdeaux remarquent leur présence, et qu'ils doivent combattre tout de même, mais sans l'effet de surprise à leur avantage… cependant, c'était peut-être le plus raisonnable, en effet. Du moins, l'envie de son camarade de tourner les talons faisait que ça le devenait.

Rabaissant silencieusement sa hache, il recula calmement, tentant de faire aussi peu de bruit qu'il n'en avait fait jusque là. Lorsqu'ils seraient à distance raisonnable, il faudrait accélérer le pas ; mais pour l'instant, le plus sage était de ne pas éveiller l'attention.

[Mornagest]

Fort heureusement, les deux géants verts étaient tout à leur repas et ne firent donc aucunement attention à ce qui les entourait. De toute manière, les trolls n'avaient pratiquement peur de rien, aussi, même en cas d'attaque par surprise, ils se défendraient sans broncher, probablement.

Au bout de quelques instants, les deux éclaireurs se trouvèrent hors de portée d'audition des trolls.

"Si on veut les buter, faut au moins qu'on soit quatre ou cinq. J'ai déjà combattu un troll, c'est infect... tu frappes, il se régénère ! Si on ne les massacre pas rapidement, on crève. Je sais pas si on n'a pas intérêt à les éviter et à les signaler à l'autre espèce d'empafé d'orque. P'tête que lui, il ira les buter tout seul et on en sera débarrassé..."

[Elzen]

« J'ai déjà assisté à la mise à mort d'un de ces trucs par un type, dans une arène… mais bon, c'est vrai que le type en question m'aurait étalé en moins de deux, et sûrement toi et deux trois autres de nos gars avec, sans broncher. C'est vrai qu'ils se régénèrent vite pour les blessures normales, mais le type avait une torche en plus de son arme, et ça, ça avait l'air de rester beaucoup plus. »

Il allait ajouter « et le feu, tu sais que c'est ma spécialité », mais il se retint à temps : inutile de fanfaronner plus que de raison, d'autant que le coup d'éclat auquel il aurait fait référence avait été obtenu par accident ; ce qui n'était pas particulièrement à son avantage.

« Ouais, tiens, envoyer l'orc, ça ce serait une chouette idée. »

Et, un sourire aux lèvres en imaginant la scène, il embraya le pas de son camarade dans la direction opposée aux deux créatures. À vrai dire, plus il se remémorait le combat en question, plus il commençait à se dire qu'effectivement, tourner les talons avait été, de loin, l'option la plus sûre…

[Mornagest]

Ils n'étaient pas très loin du gros de la troupe. Allaient-ils rentrer demander du renfort, ou simplement signaler la présence des trolls ? Le souci...

"S'il y en a deux là, y a des chances qu'il y en ait d'autres pas loin. Sont rarement très nombreux, mais jamais deux seuls perdus loin d'autres... faut qu'on fasse gaffe. S'ils sont affamés, ils sont capables de foncer dans le tas, même s'ils affrontent une armée complète. Ils sont un peu cons, des fois... enfin, j'imagine que si j'avais faim, je réagirais bizarrement aussi. Bref. Qu'est-ce qu'on fait ? Je s'rais bien pour les signaler, et p'têtre même les buter. Avec des guerriers, ça devrait s'faire facile."

Tandis qu'ils parlaient, ils sortirent de la forêt et virent un peu plus loin les troupes mélandiennes. Quelques minutes de marche, tout au plus. Ils devaient se décider.

[Elzen]

« Bah, on a eu un mort, de toute façon : c'est le genre de trucs dont ils se rendent compte, en général, donc au minimum, il vaut mieux les prévenir de ce qui l'a tué, sans faire de mystère. D'autant que ça risque d'être soit ça, soit retourner seuls dans les bois et tomber sur les copains des deux qu'on a vu… »

Plus il y repensait, plus il se disait qu'il avait bien fait de ne pas attaquer immédiatement. Comme à son habitude, Elzen n'était pas parvenu à sentir la peur immédiatement, mais, et quoiqu'il soit suffisamment doué à le cacher pour que son compagnon ne puisse pas le deviner, elle lui parvenait d'autant plus intense qu'elle avait été tardive. Aussi fut-ce peut-être quelque peu par couardise qu'il ajouta

« Et je serais d'avis de laisser la décision aux chefs, c'est leur boulot à eux, après tout. On les informe que des trolls gambadent dans le coin, et s'ils jugent qu'il faut qu'on s'en occupe, c'est eux qui décideront de nous filer du renfort, s'ils veulent conserver quelques éclaireurs en vie – ce qui serait conseillé, en territoire hostile. »

Il essayait, du moins, de se convaincre que ce raisonnement logique serait celui des chefs en question ; faute de quoi, il risquait de mettre fin prématurément à sa participation à la guerre. Quitte à risquer d'affronter les trolls seul ou presque, autant le faire pour son propre compte.
Mais il y avait aussi quelques chances que le commandement décide que la présence d'un groupe suffisant de trolls entre eux et l'armée manostienne était peut-être le meilleur moyen d'éviter que des sentinelles ennemies ne s'approchent de trop près… peut-être même les Manostiens feraient-ils une manœuvre maladroite qui lancerait les troupes contre eux, créant ainsi, pour les Mélandiens, une appréciable diversion ?

[Mornagest]

Le rapport fut donc fait à Ortrask, qui grogna, comme à l'accoutumée. Difficile de savoir s'il pouvait faire autre chose...

"Un crétin qui s'est fait avoir par des trolls ? Pfff. Bon, l'a eu ce qu'il méritait. Vous savez où ils se trouvent, vous emmenez cinq hommes avec vous et vous me débarrassez de ça vite fait. J'veux pas qu'ces saletés nous rôdent autour pendant qu'on manœuvre. Exécution !"

Elzen et l'autre éclaireur, nommé Parsky, trouvèrent rapidement des volontaires. Certes, c'était moins drôle que de combattre des manostiens, mais se dérouiller les muscles après avoir marché pendant si longtemps enthousiasmait les guerriers.

Quelques minutes plus tard, ils étaient prêts à partir.

[Elzen]

Sept. À la réflexion, cela ferait peut-être un peu peu ; mais il était aussi inutile d'espérer des renforts, que d'espérer qu'Ortrask ne devienne aimable – ou, plus improbable encore, assez intelligent pour comprendre que ce ne serait pas en gaspillant ainsi ses hommes à combattre des créatures qu'il aurait été tout-à-fait possible d'utiliser vivantes. Il serait, décidément très amusant de lui jouer un vilain tour, quand le moment serait venu.

« Pensez à prendre de quoi brûler avec vous ; c'est le meilleur moyen de faire en sorte que ces trucs acceptent de rester blessés. »

Lui-même profita du répit que dura la préparation de ses collègues pour vérifier un peu mieux son équipement, histoire de ne pas se retrouver une nouvelle fois à devoir préparer un mélange détonnant en même temps qu'il combattrait – ce serait probablement bien plus risqué face aux trolls que face à de simples rats, fussent-ils morts-vivants.

Toujours surpris par l'effet qu'avait eu son huile de feu ardent dans le désert, il avait profité des haltes, durant le long trajet depuis Mélandis, pour en préparer deux nouvelles, afin d'en observer les effets. Il doutait cependant qu'elles produisent un effet aussi impressionnant que celui de la première – si encore elles produisaient un effet, ce qui n'était jamais gagné d'avance avec ce type d'alchimie. Le plus intéressant serait sans doute, s'il en avait le temps avant l'affrontement, d'enduire sa lame de ce mélange ; une hache enflammée serait très probablement plus utile qu'une simple bombe, et attirerait moins l'attention. Mais procéder à la manœuvre immédiatement serait inutile ; cela ne conduirait qu'à gaspiller le précieux mélange.

À tout hasard, il se saisit de l'une des torches qui équipaient le campement ; si ses mélanges s'avéraient inefficaces, cela pourrait peut-être aider quelque peu. En dehors de cela, il n'avait en fait pas grand chose qui puisse sembler utilisable dans une telle bataille ; hormis éventuellement ses quelques sorts, et peut-être une curieuse baguette dont il ne se souvenait pas du tout de la provenance, et dont il n'avait, pour l'heure, absolument aucune idée de la fonction. Peut-être valait-il mieux éviter de s'en servir ; mais s'il n'avait plus d'autre recours…

Lorsque ses camarades furent prêts, il les entraîna, avec Parsky, dans la direction de laquelle il venait, n'ayant pas du tout hâte de rencontrer leur cible.

[Mornagest]

Le trajet ne fut pas très long : ils connaissaient le chemin, et ils pouvaient se repérer au bruit et à l'odeur dégoûtants. Aussi, au bout d'un bon quart d'heure, les trolls étaient presque en vue. Du moins, si le buisson derrière lequel ils se trouvaient n'avait pas été là, bien sûr.

"Bon. Tout le monde sait ce qu'il a à faire. Évitez à tout prix leurs griffes : ils peuvent vous déchirer le bide avec, armure ou pas... suffit qu'ils trouvent une faille entre deux plaques, et c'est parti. Alors, le cuir, vous imaginez. Le plus efficace, c'est de taper... sans s'arrêter. Jusqu'à ce qu'ils crèvent.
- Et si on crève avant ?
- Tête de nœud. T'as qu'à rentrer à Melandis si t'as peur du combat."

Les combattants avaient tous leurs armes dégainées. Pas d'attaque à l'arc ou autre : trop risqué de toucher un allié dans la mêlée, malgré la taille des monstres. De plus... les flèches ne faisaient pas des dégâts énormes, et ces trolls récupéreraient rapidement.

[Elzen]

Finalement, l'effet de surprise semblait pouvoir jouer tout de même ; et leurs chances, maintenant qu'ils étaient plus nombreux et mieux préparés, et quoiqu'elles soient encore loin d'être assurément assurées, étaient au moins nettement plus élevées que ce qu'elles auraient été s'il avait attaqué directement, comme il avait failli le faire. Elzen avait, tout de même, conscience du problème que représentait le fait de n'avoir peur qu'à retardement – il en avait, d'ailleurs, discuté avec une certaine tieffeline peu avant son départ de Mélandis. Il faudrait, un jour, qu'il tâche de trouver un moyen de remédier à cela. Mais pour l'heure, il était temps de lutter.

Silencieusement, les éclaireurs se positionnèrent autour des buissons, prêts à fondre sur les trolls. Saisissant l'une des deux fioles dans son sac, le tieffelin versa ce qu'il fallait d'huile sur la lame, croisant mentalement les doigts… l'effet attendu fut, pour cette fois, au rendez-vous : des flammes rassurantes s'élevèrent de sa hache, prêtes à ajouter des dégâts enflammés à chacun de ses coups – un avantage incontestable, pour faire face à des créatures telles que les trolls. Il savait cependant que l'effet ne durerait pas éternellement ; sans doute même moins longtemps que ce qu'il espérait. Et, quoiqu'il n'ait pas vidé entièrement la fiole – en mettre davantage n'aurait été que du gaspillage – et qu'il lui en reste une seconde en réserve, il savait qu'il n'aurait, probablement, aucune opportunité de renouveler l'opération durant le combat. Il faudrait donc agir vite – ce qui était de toute façon essentiel, avec ou sans les flammes.

En une fraction de seconde, l'idée lui vint qu'il aurait pu faire circuler la fiole auprès de ses camarades, pour qu'eux aussi bénéficient d'un tel avantage ; aussitôt, cependant, l'évidence y répondit : même en supposant que ce manège n'aurait pas attiré l'attention de leurs cibles, le temps que tous enflamment leurs armes, l'effet sur la sienne se serait estompé. Mieux valait, tout de même, garder le précieux produit en réserve – les occasions ne manqueraient sans doute pas d'en faire usage, maintenant qu'il était plus ou moins assuré de son efficacité.

Le temps d'avoir ces idées, il s'était lui-même mis en place. Les deux monstres semblaient avoir achevé leur repas. C'était le moment, ou jamais, de les prendre par surprise : une seconde de plus, et ils seraient repérés. Quelques regards échangés avec les autres éclaireurs, qui en étaient arrivés, semblait-il, aux mêmes conclusions, et Elzen leva son arme et frappa le troll le plus proche, aussi fort qu'il le put.

[Mornagest]

Complètement absorbé par son repas, le troll ne vit ni ne sentit venir Elzen, qui put frapper la créature tout à loisir. Le coup, assez violent, la heurta au niveau de l'épaule, qui s'ouvrit sur une plaie béante rougeâtre. Cependant, alors que la blessure aurait dû se refermer très rapidement, l'effet du feu la maintenait ouverte, et l'empêchait donc de cicatriser à une vitesse affolante.

De leur côté, les autres assaillants jaillirent des fourrés au même instant, attaquant les deux trolls de toutes parts. Les coups fusèrent, le sang gicla, les cris résonnèrent, et la bataille s'engagea.

Le troll que venait d'agresser Elzen se retourna face à son assaillant et lacéra l'air de ses griffes, tentant de le frapper au torse. Malheureusement pour le barde, la tentative fut couronnée de succès : il reçut le coup à pleine puissance, sentait sa chair s'ouvrir sous les griffes acérées de la créature qui le dépassait de pratiquement un mètre. Reculant de deux bons pas, Elzen faillit choir au sol sous la violence de l'assaut. Sans parler de la douleur effroyable qui s'emparait désormais de lui...

[Elzen]

« Aaah ! »

Ce gros lourdeau était en fait beaucoup plus vif que prévu. Elzen pensait qu'il pourrait esquiver ses coups, mais il n'avait pas été assez rapide.

Reculant sous la vive douleur de la blessure, il manqua de perdre sa hache, mais parvint à la récupérer à temps, avant qu'elle n'enflamme la forêt, ce qui n'aurait pas manqué d'attirer l'attention. Son premier réflexe fut de répliquer par un sortilège… mais ce qu'il aurait pu lancer dans la précipitation n'aurait pas fait grand effet. Il se retint à temps : il était beaucoup plus intéressant de conserver son potentiel magique pour un moment plus décisif. Il était capable d'être utile, même en ne pouvant pas combattre directement.

L'un des éclaireurs avait reculé quelque peu également, pour vérifier rapidement son état : il lui tendit sa hache. Autant qu'elle serve tant que les flammes s'en dégageaient, puisque l'efficacité de celles-ci avait été prouvée. Sitôt qu'il eut les mains libres, et que son arme fut repartie sans lui au contact de l'adversaire, il se lança tout de même un rapide sort de soin, trop faible pour faire plus qu'apaiser la douleur, mais qui lui permettrait de se concentrer de nouveau, puis entonna un chant de malheur pour affaiblir les deux monstres.

À mesure que sa voix gagnait en puissance, il songeait à l'ironie de la situation : il était désormais blessé au même endroit que Chance l'était lors de leur première rencontre. Il faudrait qu'il fasse davantage attention, s'il espérait pouvoir la retrouver vivant.

[Mornagest]

Tandis qu'il entonnait son chant, les autres suspendirent leurs actions une fraction de seconde. La mélodie était sinistre, envoûtante... mais ne les affectait heureusement pas. Ils poursuivirent le combat acharné avec autant d'ardeur qu'auparavant, frappant sans cesse les créatures jusqu'à l'issue fatale. Un autre combattant fut rapidement blessé dans la manœuvre, tandis que le troll qui avait attaqué Elzen s'en prenait à quelqu'un d'autre.

Malheureusement, si le chant n'affecta pas ses alliés, il en fut de même des créatures, peut-être trop différentes des humanoïdes pour ressentir des émotions de ce genre. Les trolls continuèrent donc à combattre sans montrer le moindre signe de faiblesse. Cependant, les deux étaient maintenant blessés.

Elzen, quant à lui, saignait toujours, mais la plaie s'était en partie refermée. Il aurait le temps de soigner cela plus tard, s'il ne subissait pas de nouveau coup de ce genre...

[Elzen]

Raté. À première vue, la chose ne marchait pas le moins du monde.

Elzen, interrompant le chant inutile, utilisa un autre sortilège pour soigner, tout aussi provisoirement, l'autre éclaireur blessé. Il n'était certes pas aussi puissant qu'il l'aurait voulu, et ne tarderait pas à arriver au bout de ses ressources, mais il espérait bien être utile tout de même : puisque le chant de malheur ne fonctionnait pas, il entama aussitôt que possible un autre chant, destiné cette fois à soutenir ses alliés. La douleur l'obligeait encore à rester à l'écart de la bataille, mais son influence, du moins l'espérait-il, permettrait à ses compagnons d'arme de conserver l'avantage.

Pendant qu'il chantait, surveillant les mouvements pour rester à l'écart, il passa machinalement la main dans son sac. Il lui restait une fiole pleine d'huile. Et la mystérieuse baguette. Et, en dernier recours, son sortilège du chaos. Recours de plus en plus incertains, mais recours tout de même : si les choses empiraient, il n'hésiterait sans doute pas.

[Mornagest]

Cette fois, le chant eu plus d'effets : les hommes regagnèrent de l'ardeur au combat, et leurs coups portés étaient plus inspirés, plus puissants, plus efficaces. Les bêtes souffraient, et malgré leurs ripostes sans pitié, elles perdaient petit à petit l'avantage de leur force inouïe et de leur grande taille, au profit de la supériorité numérique des assaillants.

Le combat s'acheva finalement quelques minutes plus tard, lorsque le second des trolls s'écroula au sol, le corps barré de plaies ouvertes qui continuèrent à se refermer encore quelques instants, mais le phénomène s'arrêta lui aussi. Ils étaient bel et bien morts.

Les combattants soufflèrent un moment. Les adversaires étaient rudes ! S'ils avaient pu disposer de telles bêtes pour attaquer le camp ennemi, ils auraient bénéficié d'un grand avantage. Mais les trolls n'étaient pas faciles à dompter, ni à convaincre. D'autant qu'il fallait les surveiller en permanence : c'étaient des carnivores, l'autre éclaireur l'avait appris à ses dépens...

Aucun blessé grave n'était à déplorer. Ils pouvaient tous encore tenir debout pour retourner vers la troupe et recevoir des soins plus adaptés. Finalement, cela s'était bien terminé...