[Lieu] Mersant

[Galathée]

La prisonnière bougea mais ne répondit toujours rien. Taliesin la vit relever la tête, le cherchant dans une obscurité qu'elle ne pouvait peut-être pas percer aussi bien que lui. Mais elle l'avait manifestement entendu et disposait d'assez de forces pour se mobiliser. Un son étouffé franchit finalement ses lèvres et le barde comprit qu'on l'avait bâillonnée. Il se pencha donc sur elle et commença par la délivrer de l'étoffe qui lui barrait les lèvres.
"La cavalerie, formidable." souffla le capitaine de la Liberté, Constance, lorsqu'elle en eut la possibilité.
Taliesin constata avec soulagement que les liens qui l'attachaient au lit étaient de cuir et son épée en eut facilement raison.

[Taliesin]

-Guéric devait m'accompagner mais il a dû avoir un empêchement... répondit-il, sachant qu'entendre le nom de l'un de ses membres d'équipage pourrait peut-être réconforter l'ancienne captive. J'imagine qu'il nous attendra dans notre planque. Le tout est de la rejoindre, ce qui implique de nous enfuir aussi vite que possible... Pardonnez-moi de vous presser de questions, mais... Vous êtes seule, ici ? Je n'ai vu que Durgold et Galeran, alors qu'un indicateur m'avait parlé de cinq, voir six prisonniers...

[Galathée]

Le capitaine s'était assise dans le lit et elle se leva dès qu'elle fut libre. Elle perdit cependant rapidement l'équilibre et dut prendre appui sur le barde pour ne pas tomber. Dans les ténèbres, il pouvait deviner qu'elle était nue, mais cela ne semblait pas l'intimider outre mesure.
"Désolée... Je n'ai pas eu beaucoup d'opportunités..." dit-elle, légèrement embarrassée. "Je ne sais pas bien, à vrai dire. Orodreth a été pris vivant aussi, mais il était salement amoché, et ils ne l'ont pas gardé ici longtemps. Je n'ai vu personne d'autre. A vrai dire, je n'ai vu, de mes yeux, personne depuis longtemps. J'ai entendu des choses, oui, que j'aurais préféré ne pas entendre..."
Elle se tut.
"Mais peu importe... Tu devrais partir sans moi. Aigéan ne va pas supporter que je lui file entre les doigts, il espère se servir de moi pour négocier avec les Luméniens."

[Taliesin]

Le barde secoua la tête, bien que, dans l'obscurité, le geste soit inutile.
-Hors de question de vous laisser ici. Et de négocier avec ces monstres : ils représentent une trop grande menace. Guéric et moi avons bouté le feu à l'un de leur navires et nous ne comptons pas nous en tenir là. Mais pour l'heure...
Il jeta un regard circulaire autour de lui.
-Vous devriez vous assoir sur le lit. Je vais vous trouver des vêtements chauds : il fait froid, dehors. Ensuite, nous descendrons. Je nous rendrai invisibles et nous tenterons de fuir par une fenêtre, s'ils n'ont pas déjà encerclé le bâtiment.

[Galathée]

Constance s'exécuta sans protester.
"Guéric est vivant, alors." dit-elle. "J'imagine qu'il est retombé facilement dans ses anciens travers."
Taliesin trouva plusieurs manteaux sur la tringle, et une tunique parmi les vêtements éparpillés. Tous sentaient la poussière et n'avaient manifestement pas été mis depuis des années, mais ce n'était pas une mauvaise pêche. La jeune femme les enfila d'ailleurs sans se formaliser.
"Ils ont plusieurs magiciens dans leurs rangs, et quelques clercs, aussi. Le capitaine du bateau elfe noir est sorcier."
Elle eut un sourire que l'elfe parvint à distinguer dans la pénombre.
"Cela dit, si nous sommes pris, je ne pense pas qu'ils te tueront. Vu ton charme, le Squale sera sûrement intéressée de te rencontrer..."

[Taliesin]

-Je sais : selon notre informateur, c'est le sort qu'on a réservé à Ruyven, qui s'est fait prendre il y a peu, répondit-il, préférant parler de ce dernier plutôt que de Guéric, dont il ne connaissait pas la destinée. Mais nous ne sommes pas encore pris... Je vais essayer de jeter un coup d’œil par la lucarne. Si cela ne donne rien, je recommencerai avec une fenêtre du premier. Nous devons savoir si la prison est encerclée...

[Galathée]

Le toit était un peu trop pentu pour que la lucarne permette à Taliesin d'y voir grand chose. Il devina ainsi d'autres toits et repéra une fumée noire qui s'élevait toujours au-dessus du port. Mais il lui était impossible de voir le sol sans se pencher et il aurait alors constitué une cible beaucoup trop facile pour un éventuel archer embusqué. Il fallait descendre au premier. Derrière lui, Constance s'était approchée, encore vacillante, et elle abritait ses yeux derrière sa main, comme pour se réhabituer à la lumière. Elle prit à nouveau appui sur son épaule pour se stabiliser. Il la découvrit entière, bien qu'elle ait une vilaine ecchymose sur la tempe droite, qui lui colonisait l'oeil et la joue en teintes violettes. La commissure de ses lèvres était déchirée, ses poignets en sang, mais elle lui décocha un sourire bravache lorsqu'elle surprit son regard. Au moment où Taliesin se préparait à lui indiquer la trappe — il faudrait qu'il passe devant pour la rattraper si elle glissait — il sentit un étrange picotement au niveau de la hanche.
Je pense qu'on t'appelle, mon grand, siffla Rumoc dans son crâne.

[Taliesin]

Merci, Rumoc, songea le barde.
Puis, à voix haute et à l'adresse de Constance :
-Essayez de vous concentrer sur d'éventuels bruits provenant du rez-de chaussée. Je vais être distrait quelques instants.
Il chercha le caillou dans sa poche et entreprit de le déballer.
-Ici Taliesin, dit-il lorsque le petit objet reposa dans sa paume.
Il espérait que les nouvelles en provenance de la flotte hélonnienne ne seraient pas mauvaises...

[Galathée]

"Bonjour beau blond ! s'exclama une voix joyeuse et familière de l'autre côté. Ça me fait rudement plaisir de t'entendre... Je parie que tu n'as pas pensé à moi une seule fois depuis que nos routes se sont séparées, mais personnellement, je dois dire que ton charmant minois... hum... Bon, ça va, ce n'est pas pour ça que j'appelle... J'ai un message de Longuehune pour toi. Il y a un navire pirate isolé qui vient de faire une sortie et donc... nous allons apparemment le... attends, quelle est l'expression déjà... L'ENVOYER PAR LE FOND ! Ça en jette. C'était ça qu'il voulait que je te dise. Et que le reste du groupe est à l'écart sur la petite frégate antelucienne. Tu as quelque chose à nous communiquer, sinon que vous êtes vivants, bonne nouvelle ? Apparemment, notre rôdeur qui voit par les yeux des goélands nous a dit que c'était un sacré bordel dans le port, avec des pirates qui se castagnent, tout ça, donc j'imagine que je dois te féliciter..."

[Taliesin]

-Salut Martin ! Heureux aussi de t'entendre ! avait-il lancé avant de laisser son compagnon de mésaventure finir sa tirade. Alors comme ça, ils se tapent dessus ? Guéric et moi espérions qu'il en irait ainsi mais nous n'avions aucune certitude... En tout cas, c'est une excellente nouvelle, et peut-être cela facilitera-t-il les choses : je suis dans la prison, avec Constance, et nous devons mettre les bouts le plus rapidement possible. Du coup, je ne peux guère m'attarder : nous aurons tout loisir de discuter quand cette sinistre histoire sera derrière nous. Par contre, j'ai effectivement un message pour le capitaine : il doit être très prudent. A la base, les pirates avaient prévu de faire sortir deux navires, mais nous avons incendié l'un d'entre eux. Quoi qu'il en soit, ils gardent pour l'heure les autres bateaux au port, si bien que cette manœuvre du Squale ne me dit rien qui vaille. Je redoute qu'il s'agisse d'une diversion, pour permettre aux bâtiments demeurés à quai de s'enfuir. Ou, pire encore, d'un traquenard destiné à affaiblir la flotte hélonnienne : qui sait s'ils n'ont pas chargé leur rafiot d'armes incendiaires ou explosives ? Ah oui, à ce propos : leurs bateaux sont protégés contre le feu. L'extérieur, du moins... Bref, que le capitaine agisse avec circonspection. Comme je le disais, cette sortie me paraît des plus louches.

[Galathée]

"Je sais déjà ce que le capitaine va me répondre, sur l'honneur et le courage et que franchement un type dans mon genre ne peut pas comprendre, blablabla, mais je lui ferai le message, promis. Cela dit, entre nous, tu devrais voir cette caraque... C'est pas n'importe quoi, je peux te le dire, et elle est sûrement en meilleur état qu'un rafiot rapiécé de corsaire à la manque... Bon, mais tu verras par toi-même quand tu nous rejoindras à bord. Peut-être même qu'avec tout ce stress, tu auras envie de te détendre, qui sait ? Mais je file prévenir Longuehune avant d'avoir des ennuis. Et je file aussi prévenir le petit clerc de Lathandre au bord de la crise de nerfs que sa mie est encore vivante, ça devrait déjà alléger l'atmosphère à bord.
— Sa mie ? fit Constance derrière Taliesin, interdite.
— Ne faites pas de bêtises. Et Taliesin, maintenant que tu as Dame Lamalice, arrange-toi pour que mes bonnes nouvelles le restent !"
Et puis ce fut à nouveau le silence.

[Taliesin]

Une fois le caillou remballé et rangé dans sa poche, il refit face à Constance.
-Je vais vous aider à descendre au premier. Regarder par l'une de ses fenêtres sera moins risqué que de le faire directement depuis le rez-de-chaussée : au moins, les pirates ne pourront pas se ruer à l'intérieur, s'ils nous entourent déjà. Mais j'espère qu'il n'en sera rien : s'ils en sont vraiment à s'entretuer, leurs officiers doivent avoir des préoccupations plus urgentes que nous attraper.
Évidemment, si Constance ne se trompait pas quant aux projets d'Aigéan à son sujet, ses espoirs risquaient d'être déçus. Cependant... Qui vivrait verrait.

[Galathée]

Pour avoir une vue sur l'extérieur, il fallait entrer dans l'une des pièces, et à peine Constance aperçut-elle ce qui gisait dans la première qu'elle décida, avec un sourire contraint, de rester sur le palier. Taliesin avait le choix de l'observatoire et il put lorgner le port à travers les planches qui obstruaient la fenêtre de la chambre d'enfant.
Sur la mer houleuse, le Crève Panses se dandinait toujours, à flots, mais deux de ses mâts et les trois quarts du pont étaient noirs et manifestement sur le point de s'écrouler. C'était un miracle qu'il n'ait pas coulé, mais il était probablement tout à fait inutilisable. L'incendie était cependant éteint et il ne semblait plus y avoir le moindre mouvement à bord. Sur le quai, par contre, Martin n'avait pas menti : c'était l'empoignade. L'elfe connaissait mal les protagonistes de l'affrontement, mais il reconnut la silhouette difforme de plusieurs demi-sangs, lesquels luttaient contre d'autres pirates. Il semblait y avoir un mouvement vers l'un des autres bateaux, et le ciel s'embrasa brusquement comme une boule de feu incandescente allait s'écraser au coeur de l'affrontement, fauchant au hasard cinq ou six malheureux. Il fallut quelques secondes au barde pour identifier la source du sortilège, mais il repéra un homme à la peau sombre et aux cheveux blancs, entouré d'une douzaine de ses semblables, et en déduisit qu'il s'agissait de l'ensorceleur drow dont avait parlé Constance.
A priori, de son observatoire, le barde ne vit pas réellement d'encerclement du bâtiment où il se trouvait : cela semblait assez difficile à organiser vu la cohue régnant tout autour. D'un autre côté, il était impossible d'avoir une vue complète de l'environnement depuis une fenêtre barrée...

[Taliesin]

Il rejoignit Constance.
-Je vais devoir ouvrir une fenêtre pour en apprendre davantage, et je compte le faire du côté opposé au port, pour que la chose passe plus inaperçue. Si des flèches, des carreaux d'arbalète ou des sortilèges ne s'engouffrent pas aussitôt par l'ouverture, je me risquerai à jeter un regard au dehors. Et si je ne vois rien... Nous réitérerons la chose au rez-de-chaussée une fois devenus invisibles. Je proposerais bien de sauter depuis le premier mais ce ne serait sans doute pas très discret...

[Galathée]

Elle opina du chef mais ne le suivit pas davantage dans la pièce où Galeran était toujours suspendu à ses liens. Taliesin put assez facilement débarrasser la fenêtre des planches qui l'obstruaient, mais il y avait peu de chance que cela passe inaperçu du dehors. Aussi tenta-t-il de jeter un oeil à l'extérieur sans s'exposer... Et il vit la lande. Elle était battue par le vent et, à en croire le ciel toujours chargé, il ne tarderait plus à pleuvoir. Mais il ne vit personne.

[Taliesin]

Le barde se mordilla la lèvre, indécis, puis poussa un soupir et regagna le couloir.
-Je n'ai rien vu de spécial, ce qui ne signifie pas que nous ne soyons pas guettés... annonça-t-il à Constance. Cependant, nous ne pouvons plus temporiser. Je propose donc que nous descendions et que nous tentions d'ouvrir une fenêtre le plus discrètement possible. Si les choses se gâtent, je pourrai toujours tenter de créer une diversion. Mais j'aimerais autant ne pas devoir en arriver là.

[Galathée]

Constance lui sourit bravement et ils descendirent au rez de chaussée.
"Je m'étais juré de ne pas me faire prendre vivante la dernière fois..." fit-elle, pensive. "Aurais-tu une arme pour moi ? Je peux toujours me défendre à coups de pied de chaise, au besoin, cela dit, mais on ne sait jamais... On dit toujours que les bardes ont trente-six dagues cachées aux endroits les plus incongrus..."
Taliesin n'eut cependant pas le loisir de répondre à la jeune femme, car la porte s'ouvrit à la volée, laissant le passage à deux pirates qui se ruèrent à l'intérieur. C'étaient deux humains, encore relativement jeunes, et tandis que le premier s'arcboutait contre la porte, le second se retournait vers Taliesin et Constance. Il parut tout à fait abasourdi de les trouver là. Son pourpoint était déchiré et maculé de sang, il tenait un sabre ébréché, et son visage portait déjà d'anciennes cicatrices.
"Bordel, Mirko, t'apporte cette chaise, ou quoi ?! J'vais pas tenir longtemps !" hurla l'autre, sans réaliser qu'ils avaient de la compagnie.
Un énorme craquement retentit : quelqu'un ou quelque chose de costaud essayait de forcer le passage.

[Taliesin]

Taliesin n'hésita qu'une fraction de seconde.
-Tu devrais faire ce qu'il te dit, lança-t-il d'un ton assuré au dénommé Mirko. Tu n'as rien à craindre : nous n'avons pas envie qu'ils entrent ici, et la seule solution pour qu'ils n'y arrivent pas, c'est de se serrer les coudes.
Et de reculer sans tirer son épée, pour bien montrer au pirate qu'il ne mentait pas. Il se serait bien passé de ce nouvel incident mais peut-être serait-il possible d'en tirer avantage. Si les assaillants pénétraient dans la maison, Constance et lui pourraient profiter de la confusion pour se volatiliser. S'ils n'entraient pas et continuaient à s'acharner sur la porte... Les deux forbans seraient peut-être enthousiastes à l'idée de trouver une autre issue.

[Galathée]

"Heu... heu oui, bien sûr..." fit le pirate en passant vivement devant le barde.
Je ne suis pas certain qu'il sache bien qui tu es, fit Rumoc, d'un ton guilleret. Avec ton bagout, tu devrais pouvoir lui faire gober n'importe quoi...
Le seconde pirate avait jeté un oeil en arrière une seconde, puis s'était à nouveau concentré sur la porte. Celle-ci émettait des grincements de mauvaise augure, signe que si elle ne sautait par hors de ses gonds, elle pourrait tout aussi bien voler en éclats.
Mirko repassa devant Constance et son sauveur, une chaise sous le bras, et la tendit à son acolyte. Celui-ci tenta de la glisser sous la poignée. Une chose était sûre : ce montage ne tiendrait pas longtemps.

[Taliesin]

L'elfe remercia la ceinture. Il avait songé à se faire passer pour ce qu'il n'était pas dès sa première intervention mais s'était ravisé, préférant aller à l'essentiel. Il savait désormais que jouer la comédie serait une option pertinente, si le besoin s'en faisait sentir. Toutefois, l'heure ne lui paraissait pas encore venue.
-La chaise ne suffira pas, lança-t-il aux pirates. Mais il y a une grande et solide table dans la salle à manger : si nous la mettons en place rapidement, cela devrait les retenir assez longtemps pour nous permettre de nous éclipser. Par contre, je vais avoir besoin que l'un d'entre vous m'aide à la transporter.
Ne souhaitant pas que Constance reste désarmée durant l'opération, il lui confia son épée. Puis il prit la direction de la pièce qu'il avait indiquée, espérant que les forbans obtempéreraient.

[Galathée]

La jeune femme le remercia d'un mouvement de la tête et se posta derrière la porte, prête à recevoir les intrus s'ils devaient avoir raison de la chaise avant l'arrivée de la table. Les deux pirates, de leur côté, avaient obéi à Taliesin sans hésiter, même si l'un d'entre eux avait paru vaguement interdit lorsqu'il s'était délesté de son arme. Ils soulevèrent la table avec peine, même à trois, car c'était un sacré morceau de chêne.
"Est-ce que vous êtes sûr qu'il est prudent de l'armer ?" demanda le dénommé Mirko en désignant Constance du menton, alors qu'ils ramenaient le meuble dans l'entrée.

[Taliesin]

-Ne t'inquiète pas, répondit-il, ahanant sous l'effort. Je ne lui aurais pas confié d'épée si je ne savais pas pouvoir l'en défaire aisément. Mais je doute de devoir en arriver là : elle n'est pas idiote et sait très bien que sa seule chance de s'en sortir est de collaborer avec nous. D'autant que s'ils entrent, le sort qui l'attend sera encore pire que le nôtre.
Ces derniers mots étaient malheureusement vrais, ce qui ne pourrait que rendre plus crédible l'ensemble de sa tirade. Du moins l'espérait-il, tout en se disant que les pirates ne se poseraient guère de questions : s'ils ne voulaient pas mourir, ils étaient obligés de se fier à lui, par la force des choses.

[Galathée]

Ils terminèrent de redresser la table, ce qui leur accorda un répit bienvenu.
"Eau Trouble est en train de se ramener avec un groupe de la Citronnelle. Si on tient jusque là, il dégagera le terrain et on sera sauvés. D'autant que les Pansus sont plus très nombreux. Je crois pas que le Grégeois a apprécié qu'on l'accuse d'avoir bouté l'feu à un navire, et c'est soucieux de son honneur, ces types-là." fit le premier pirate en s'essuyant les mains sur son pantalon maculé.
"Bouse, moi je l'ai vue la créature, y'a qu'un sorcier qu'y'a pu la mettre dans l'bateau. Mais elle a pas aimé l'eau, c'est sûr. "
"C'est pas sûr que c'était un sorcier. Avec tout le bric à brac qu'ils entassent dans leur rafiot, ils ont p't'être ramassé un truc qu'y'invoque les élémentaux."
"Comme si t'y connaissais quelque chose."
Constance jeta un coup d'oeil à Taliesin, attendant son initiative. La table tenait bon. Mais même avec une cervelle de demi-orque, on finirait bien par penser aux fenêtres.

[Taliesin]

Le barde n'en avait que trop conscience.
-C'est trop risqué d'attendre Eau Trouble, leur souffla-t-il. La maison possède d'autres issues bien moins barricadées que celle-ci, et il ne faudrait que quelques instants aux Pansus pour en venir à bout. Alors soit on essaie de les renforcer, soit on profite du fait qu'ils se concentrent sur la porte pour quitter le bâtiment. Dans les deux cas, il faut se décider au plus vite.

[Galathée]

" Si on sort par derrière, on pourrait essayer de rejoindre l'entrée de la grotte... Y'a plein d'hommes du Grégeois, là-bas, plus les mecs de Karatur. Les Pansus sont débiles, mais pas au point de nous poursuivre jusque là..."
" Si t'avais pas poinçonné le flanc du demi-ogre, on n'en serait pas là !"
" C'est trop tard, de toute façon... Alors on peut essayer la grotte..."
" Tu plaisantes ? Si on quitte la baraque avec la gonzesse, Eau Trouble va nous décapiter. Et seulement après avoir fait du tricot avec tes entrailles. Faut qu'on colmate le fort jusqu'à ce qu'il nous tire de là !"
Taliesin allait devoir retrouver ses instincts de meneur d'hommes, s'il voulait que quelque chose s'organise...

[Taliesin]

-Pour moi, ça sera la caverne. trancha-t-il avec assurance. Avec un demi-ogre dans leur groupe, les fenêtres ne résisteront pas, qu'on les barricade ou non. Alors je préfère tenter une sortie plutôt que d'attendre qu'ils viennent nous massacrer. Je prends la fille avec moi, et je répondrai de ma décision devant Eau Trouble : m'est avis qu'il appréciera que je la lui ramène en vie. On va sauter depuis le premier. Vous êtes libres de rester ici ou de nous suivre. Mais franchement, si j'étais vous, je ne m'attarderais pas dans les parages.
Sur ce, il tourna les talons, prit le bras de Constance et l'entraîna vers l'escalier.

[Galathée]

Les deux pirates se dévisagèrent.
" Il a dit qu'il prenait la responsabilité, dit le premier, sur un ton défensif.
— Tu crois vraiment qu'Eau Trouble va s'en soucier ? Déjà, il a mis les pattes sur la fille, il est complètement marteau. On ne sait même pas sur quel bateau il flotte.
— C'est vrai ça, on ne sait pas... Hé ! Fiente de phoque, il est déjà monté..."
Taliesin les entendit gravir les escaliers derrière eux, tandis qu'il ouvrait la fenêtre. Derrière lui, Constance regardait le corps de Galeran d'un air absent, comme s'il était transparent.
" Bouse ce que ça pue, ici..."
La lande était désormais martelée par une petite pluie fine. Quelques combattants s'étaient déplacés jusque là, mais ils étaient bien trop occupés à leurs pugilats respectifs pour se soucier de Taliesin. L'elfe entendit un nouveau fracas tonitruant du côté du quai, signe peut-être d'une nouvelle boule de feu. Un éclair fusa dans le ciel sombre et sembla tomber non loin. Au coeur du vacarme, il crut néanmoins percevoir des voix fortes : on donnait des ordres, sans doute.

[Taliesin]

-Tu descends la première, indiqua-t-il à Constance d'un ton impérieux. Mais si l'idée de te faire la malle te traverse l'esprit, souviens-toi que je te suis de près, que je suis en meilleure forme que toi et que je n'aurai donc aucun mal à te rattraper. A moins bien sûr que ce soient les Pansus qui te mettent d'abord le grappin dessus... Ce serait pas joli joli, crois-moi...
S'ils se suspendaient par les bras au rebord de la fenêtre puis se laissaient tomber, ils devraient s'en tirer sans trop de mal...

[Galathée]

Constance décocha un regard noir à l'elfe puis obtempéra, en bon otage. Elle était encore mal assurée sur ses jambes et se reçut peu élégamment dans l'herbe, mais elle parvint à se rétablir assez aisément. Elle se positionna cependant tout de suite dos au mur, histoire de protéger ses arrières : elle n'était plus armée. Heureusement, l'elfe la rejoignit peu après. Derrière eux, le premier des deux forbans avait commencé à escalader le rebord de la fenêtre. A quelques mètres sur leur droite, deux autres pirates en finissaient avec un demi-orque enragé. Une pluie de petites étincelles rouges s'abattit sur la créature, ce qui l'acheva. Un peu plus loin, un elfe noir reculait sous les assauts d'une espèce de monstre cornu aux allures de taureau humanoïde.

[Taliesin]

Il s'empara à nouveau du bras de Constance, pour continuer à jouer la comédie, certes, mais surtout pour la soutenir. Il entendait se hâter vers là gauche, là où il ne semblait pas y avoir d'affrontements. Tout ce dont il avait besoin, c'était de quelques instants de répit : une fois que le capitaine et lui-même seraient invisibles, ils pourraient prendre la direction des tunnels. Le trajet ne serait pas de tout repos puisqu'il leur faudrait éviter les combattants et les sortilèges perdus. Toutefois, il lui semblait que le plus dur serait déjà fait...