[Lieu] Mersant

[Galathée]

L'elfe vit juste : les pirates renoncèrent rapidement à le poursuivre. Sans doute ne disposaient-ils pas de ses facilités à voir dans les ténèbres, à moins qu'ils n'aient repéré une proie plus alléchante à l'extérieur... Quoi qu'il en soit, après qu'il eut marché quelques minutes, en prenant soin de ne pas faire de bruit, il ne perçut plus rien. Le noir et le silence, le froid de la pierre autour de lui, aucun signe qu'un autre être doué de raison ait jamais arpenté les lieux... Alors qu'il songeait peut-être à revenir sur ses pas pour retrouver la sortie, le barde aperçut alors une lueur plus loin dans son tunnel. Une autre issue... peut-être moins exposée, mais peut-être pas...

[Taliesin]

Quoi qu'il en soit, il devait continuer à progresser car si cette entrée était aisée d'accès et connue des pirates, ceux-ci pourraient bien tenter de le prendre en tenaille. Cela pourrait d'ailleurs très logiquement expliquer qu'ils ne l'aient pas d'emblée poursuivi. Sauf s'ils avaient repéré Constance, mais il se refusait à envisager cette possibilité : elle bénéficiait d'un sort d'invisibilité, tandis que lui-même avait involontairement fait office de diversion... Si le capitaine s'était fait attraper malgré celé, c'est que les dieux concourraient à leur perte.
Taliesin s'avança donc à pas de loup, plus circonspect que jamais...

[Galathée]

Le tunnel ne s'incurvait pas vers la surface, il débouchait à flanc de falaise en une large ouverture, un peu comme une porte dans le vide. A une trentaine de mètres en contrebas, la mer frappait le roc avec violence, soulevant des embruns gigantesques, dans un vacarme assourdissant. La paroi de pierre s'élevait également sur une dizaine de mètres au-dessus de l'issue, ruisselante de pluie, à la fois très accidentée mais probablement très glissante. Taliesin y distingua de nombreux nids d'oiseaux, ainsi que des plantes rustiques, qui avaient réussi à y pousser. Il y avait aussi plusieurs petits renfoncements obscurs, mais il était difficile, depuis son poste d'observation, de savoir s'il s'agissait de véritables grottes ou de simples corniches un peu plus profondes. L'océan s'étendait sinon à perte de vue, légèrement troublé par une brume légère. Il ne vit aucun navire, mais le regard portait peu. Un grand coup de vent le repoussa en arrière dans le tunnel, ululant autour puis derrière lui. Il faisait de plus en plus froid et l'elfe avait toujours mal à sa cheville.

[Taliesin]

Génial : il n'avait pas débouché sur un cul de sac mais sur une issue aux allures d'impasse, ce qui était peut-être plus frustrant encore. Certes, il pouvait tenter le grand saut, mais si le vent ne le précipitait pas contre les rochers et si les flots ne l'engloutissaient point, miracle s'il en était, il serait bien avancé, vu les abords escarpés de l'île et les guetteurs pirates. Il pouvait également opter pour l'ascension qui, toutefois, lui semblait à peine moins suicidaire, compte tenu du terrain, des conditions climatiques et de sa blessure... Restait à savoir s'il avait un autre choix, sauf à vouloir rebrousser chemin au risque de devoir livrer bataille... D'ailleurs, avait-il le temps de tergiverser ? A tout hasard, il recula de quelques pas dans le tunnel et tendit l'oreille, guettant les sons d'une éventuelle poursuite.

[Galathée]

Mais il n'entendit rien. Si poursuivants il y avait, ils étaient parfaitement silencieux, à moins qu'ils ne l'attendent simplement à la sortie. Il fallait risquer la falaise ou remonter jusqu'à la première caverne et là, sortir ou emprunter le second boyau. Les élancements dans sa cheville devenaient plus douloureux et il était probable que chaque pas supplémentaire aggravait la blessure. Au dehors, le ciel s'assombrissait encore, signe que le soleil déclinait peu à peu. Encore une nuit sur Mersant. Une nuit solitaire, peut-être...

[Taliesin]

Et bien, ce douloureux rappel à l'ordre lui indiquait à quel point il était vain de songer à rebrousser chemin ! Si un pirate se trouvait toujours dans la première caverne ou si d'autres la scrutaient depuis les hauteurs, annihilant toute tentative de se faufiler discrètement dans le second tunnel, il souffrirait sans doute trop pour faire à nouveau demi-tour... Ne restait donc que l'ascension. Celle-ci promettait d'être rude : il devrait progresser lentement, choisir avec soin chacune de ses prises, ne pas solliciter sa cheville malmenée et croiser mentalement les doigts pour que le vent ne le déstabilise pas. Oh, et pour qu'il n'y ait pas de forbans l'attendant au sommet de la falaise... Enfin, si les forces lui manquaient à un moment donné, peut-être pourrait-il se reposer dans l'une des anfractuosités qu'il avait repérées. Mais pour en avoir le cœur net, il devait entamer l'escalade; Ce qu'il fit bon gré, mal gré.

[Galathée]

Les prises étaient nombreuses mais glacées et humides, ses doigts furent gourds après seulement quelques mètres d'ascension et son corps pétrifié par le vent océanique et les larmes du ciel. Si sa cheville le torturait à chaque appui, c'est sans doute le froid qui le menaçait le plus : l'engourdissement fatal avant la chute. Il progressa donc en tâchant d'allier prudence et rapidité. Il avait l'avantage de sa légèreté et de son adresse, mais il manquait de force et de résistance, et par conséquent, plus courte serait l'aventure, plus élevées seraient ses chances de réussite. Il finit par trouver un rythme adéquat, grimpa plusieurs minutes sans difficultés, puis glissa une première fois, une seconde, et dut s'arrêter sur une première corniche pour se reposer. Sa cheville pulsait à chaque battement de son coeur, agité par l'effort. La mer était plus lointaine mais non moins violente. Et le sommet encore loin...

[Taliesin]

Il était étonnant de constater à quel point une situation pouvait changer du tout au tout en l'espace d'une heure seulement... Quelques instants plus tôt - du moins en avait-il l'impression -, il se trouvait dans le couloir de la ferme, à contempler la lande à travers la fenêtre intacte : il commençait alors à se dire, de bon droit, que Constance et lui seraient bientôt en sécurité. À présent, il se tenait sur une étroite corniche au beau milieu d'une abrupte falaise, ne sachant ni s'il parviendrait à achever l'ascension, ni ce qu'était devenu le capitaine. Sa seule certitude concernait l'impossibilité de demeurer longtemps sur place... Bah, d'un autre côté, il avait connu épisodes plus désespérées, et il était toujours vivant pour s'en souvenir. Il était donc tout à fait possible que, passée une nouvelle heure, il se retrouve dans un contexte autrement plus favorable ! Bref, broyer du noir ne servait à rien : il allait s'accorder quelques instants de repos puis reprendrait son escalade, vaille que vaille.

[Galathée]

Au moment où Taliesin songeait à quitter son perchoir pour reprendre son ascension, il perçut un petit picotement au niveau de sa hanche et reconnut, cette fois sans difficultés, le signe que quelqu'un cherchait à le joindre par l'intermédiaire du caillou bleu. Il le dénicha donc dans sa poche mouillée et l'exhiba à l'air libre et au grand vent.
"Tudieu, ça souffle sauvagement, par chez toi ! s'exclama la voix réjouie de Martin, à peine le barde se fut-il manifesté. J'espère que tout va bien par chez toi. Ici, tout baigne. Nous avons envoyé une jolie frégate par le fond, repêché plein de pirates... enfin, prisonniers, je devrais dire, et notre superbe caraque ressemble désormais à une galère esclavagiste, si ce n'est que ce sacré pendard de Longuehune essaie de me faire croire qu'à Luménis, on leur offrira une seconde chance, la possibilité de se racheter, enfin... pour presque tous. Les plus atteints, bon, ils iront en prison, je pense. Mais il parait qu'on torture peu, à Luménis. Tu crois une chose pareille, toi ? Enfin, avec ça, je ne t'ai pas demandé de tes nouvelles, ni de la jolie Constance... "

[Taliesin]

-Gardez quand même un œil sur les prisonniers, répondit-il. Je te confirme néanmoins qu'à Luménis, ils connaîtront un sort bien moins pire qu'ailleurs... En tout cas, tu as bien fait de commencer par les bonnes nouvelles. Parce que de mon côté... Bah, elles ne sont pas mauvaises non plus, mais plus nuancées, disons. Le capitaine et moi avons dû nous séparer : je l'ai envoyé dans notre cachette, après l'avoir rendu invisible. La pluie a dû un peu limité les effets du sortilège, ce qui ne m'empêche pas d'avoir bon espoir qu'elle soit parvenue à se mettre à l'abri. De mon côté, je comptais employer la même méthode, mais les pirates me serraient de trop près. Il m'a donc fallu cavaler à travers la lande, puis crapahuter dans un tunnel et, à présent, je suis au beau milieu de l'ascension d'une falaise. J'espère en voir vite le bout ! Sinon, et bien, je me réfugierai dans l'une des grottes qui semblent pulluler dans le coin et j'attendrai d'être reposé pour poursuivre. De toute façon, j'ai prévenu Constance que je risquais d'arriver en retard pour le dîner...

[Galathée]

"Penses-tu que les Luméniens devraient attaquer le port ? Ou débarquer par la plage ? Je crois que les officiers sont en train d'interroger les prisonniers, mais ils ont loupé le capitaine... ou plutôt les requins ne l'ont pas loupé... et donc je crois qu'ils craignent de manquer d'informations... Si tu es si fatigué, tu devrais peut-être attendre notre intervention. Avec un bateau coulé et votre incendie, ils doivent être passablement désorganisés... Peut-être qu'on devrait arrêter de tergiverser..."

[Taliesin]

-Le rôdeur des Hélonniens devrait pouvoir en apprendre davantage sur la situation actuelle au port. Les membres d'équipage du bâtiment auquel nous avons mis le feu, un ramassis de brutes épaisses, ont attaqué les autres pirates qu'ils jugeaient responsables de ce mauvais coup. Ils ont dû réussir à causer pas mal de morts... Néanmoins, au moment où j'ai quitté la prison, ils semblaient en passe d'être vaincus. Après, je ne sais pas ce qu'il vaut mieux faire, donner l'assaut dès à présent pour profiter des restes de désorganisation ou patienter encore un peu... Mais je dois avouer que, dans ma situation, réfléchir stratégie n'est pas particulièrement évident !

[Galathée]

"Je comprends, fit Martin. Ecoute, je vais relayer l'information à Longuehune. Je pense qu'il s'estime assez bon stratège pour pouvoir se passer de tes lumières, de toute façon... Sans compter qu'il y a un petit duel d'influence entre les Anteluciens et les Luméniens... Ces gens sont d'un civilisé, c'est spectaculaire ! Enfin, pour ce que j'en dis... Bon courage pour ta grimpette. Rappelle-moi si Guéric a d'autres choses à nous communiquer... Accrochez-vous, la cavalerie nautique va sûrement débarquer tôt ou tard et... Nous pourrons en rire autour d'un bon dîner."

[Taliesin]

-J'espère bien ! Et je te recontacterai même si Guéric n'a pas de nouvelles à transmettre : je pourrai ainsi te confirmer que lui, Constance, Jonas et moi somme réunis en lieu sûr... Bon, mais il faut que j'y aille à présent, sans quoi, les mouettes pourront sous peu se régaler d'un elfe congelé. Que tout se passe bien de ton côté !
L'instant suivant, il rangeait le caillou et s'apprêtait à reprendre l'escalade. Il avait retrouvé son souffle mais se sentait plus engourdi que jamais. En un mot comme en cent, il devait se hâter. Sans se montrer imprudent, évidemment. Un équilibre difficile à trouver. Toutefois, il n'avait aucune autre alternative.

[Galathée]

La seconde partie de l'escalade faillit lui être fatale. Il avait retrouvé un semblant d'énergie, la douleur dans sa cheville était moins violente, ses doigts moins gourds, et le rebord de la falaise était chaque seconde plus proche. Il allait y arriver. Il y était presque. Il pourrait raconter son aventure à Victor et épater le petit garçon en y rajoutant quelques fioritures inspirées. Et puis sa main se posa dans un renfoncement humide et effleura quelque chose de chaud et doux. Une sensation surprenante. Presque bienvenue. Un tel contraste avec la violence des éléments autour de lui.
Leurre.
Un goéland gigantesque jaillit hors de l'anfractuosité, furibard, et visa les yeux. Par réflexe, Taliesin replia un bras devant son visage, se protégeant du bec tranchant du volatile. L'oiseau était tenace, l'elfe sentit qu'il était déséquilibré et son pied droit glissa. Il ne se maintenait plus que d'un bras, tendu, fragile, souffrant, et d'un pied qui perdait petit à petit son appui... Puis, comme mus par un signal invisible, toutes les mouettes qui nichaient dans la falaise s'envolèrent en même temps, dix mille ailes dans le ciel obscur, un tonnerre assourdissant, un grand vent tourbillonnant de plumes et de cris, qui le secoua tout entier, lui faisant perdre toute notion de l'espace pendant plusieurs longues secondes.
Si bien que lorsque les oiseaux se furent tous éloignés, il fut surpris de constater qu'il était toujours cramponné au rocher.
Et curieusement, il eut soudain beaucoup plus froid.
Mais il ne restait que quelques mètres et en dépit de sa carcasse percluse des pieds à la tête, il s'accrocha, comme Martin le lui avait suggéré. Il s'accrocha et il atteignit le sommet.
Un morceau de lande plongé dans la pénombre de la fin d'après-midi. Désert.

[Taliesin]

Puisant dans ses dernières forces, l'elfe acheva de se hisser au sommet de la falaise. Puis il demeura étendu à plat ventre, le souffle court, les oreilles bourdonnantes, le cœur battant si fort contre sa poitrine qu'il paraissait vouloir s'en extraire.
Il ne savait pas par quel miracle il s'en était tiré. Non, il avait beau essayer de remonter en esprit le fil confus des événements, il ne comprenait pas.
Mais il s'en était sorti. N'était-ce pas tout ce qui comptait ? De surcroit, s'il restait trop longtemps perdu dans ses pensées, il pourrait bien s'endormir, ou être repéré par une patrouille...
Il devait bouger. Se lever, se rendre invisible, regagner les tunnels... Il le ferait dès qu'il s'en sentirait capable.
Il pourrait toujours s'interroger ensuite.

[Galathée]

Il ne put tergiverser longtemps : des lueurs se déplaçaient sur la lande. Elles étaient encore à bonne distance mais leur mouvement suggérait que les pirates avaient probablement organisé des rondes. Par contre, les campements fixes semblaient avoir disparu. Malgré sa fatigue, l'elfe dut donc incanter et filer dans l'herbe humide. La pluie battante s'était métamorphosée en crachin glacial et Taliesin était transi, ses vêtements ayant abandonné toute velléité d'imperméabilité depuis longtemps. Mais il parvint à se repérer dans la grisaille du crépuscule, localisant le port et la ferme désormais tranquilles, et retrouva l'entrée de leurs souterrains. Toujours invisible, il chemina ensuite dans le noir, bifurqua à droite à la première fourche, grimpa pendant une dizaine de mètres, et trouva la petite alcôve où ils avaient installé leur campement. Constance s'y trouvait, éveillée, fixant les ténèbres d'un air absent. Jonas dormait en boule sur le sol, recouvert de son propre manteau. De Guéric, nulle trace.

[Taliesin]

Prenant conscience qu'il risquait d'effrayer le capitaine s'il se coulait sans bruit dans leur retraire, il recula quelque peu dans le tunnel avant de s'avancer de nouveau, cette fois sans faire le moindre effort pour être discret.
-C'est Taliesin, annonça-t-il finalement avant de la rejoindre.
L'absence du haleflin l'inquiétait. Cependant, il se refusait à envisager immédiatement le pire. Guéric était aussi doué que malin, il devait s'être caché quelque part en attendant que la voie soit dégagée...

[Galathée]

Constance se releva.
"Enfin !" fit-elle avec un sourire de bienvenue.
Elle le chercha des yeux dans les ténèbres, sans le trouver, et finit par tendre une main pour essayer de le toucher.
"Guéric est parti à ta recherche. Je suppose que vous ne vous êtes pas croisés... Comment vas-tu ? Tu dégages... une odeur de mer plutôt forte. Es-tu tombé à l'eau ?"

[Taliesin]

-Non, mais j'ai crapahuté juste au-dessus, sur une falaise... C'était la seule issue d'un tunnel où je m'étais engouffré pour échapper aux pirates qui me talonnaient. En dehors de cette odeur marine et d'une cheville douloureuse, que je soignerai demain, je suis indemne.
Il esquissa un sourire qui disparut presque aussitôt, comme il songeait au halfelin.
-Et je n'ai pas croisé Guéric, non... J'espère qu'il ne se fera pas prendre en me cherchant. J'aurais dû vous demander de lui dire de ne pas se lancer dans une telle sortie... Enfin, il est particulièrement doué. S'il n'a pas été capturé plus tôt, il ne le sera pas maintenant. J'attendrai toutefois son retour pour contacter les Hélonniens. Et de votre côté, tout c'est bien passé ?

[Galathée]

"Tu ne connais pas Guéric, fit Constance en se rasseyant. Je ne pense pas qu'il aurait suivi ton conseil. Je n'ose imaginer les trésors d'ingéniosité que je vais devoir déployer pour reprendre l'ascendant sur lui. Or c'est une nécessité quand on commande un navire... Mais j'anticipe. Je pense qu'il avait une multitude de projets : te retrouver, aller faire un état des lieux sur le port, assassiner Aigéan, ce genre de choses. Il reviendra bien assez tôt... avec de quoi nous nourrir, j'espère, et une couverture ou deux. Je lui ai dit que c'était le plus urgent. Une lampe à huile, aussi. Vous êtes bien sympathiques, vous autres les oreilles pointues, mais personnellement, le noir, comme ça, je n'aime pas trop. Enfin, c'est joli, c'est sûr, mais très peu pratique."
Elle sourit.
"Mais assieds-toi. Le petit Jonas dort comme une souche, c'est épatant. A mon avis, c'est l'habitude des grands dortoirs bruyants."
Elle haussa les épaules, puis le chercha à nouveau dans les ténèbres.
"Merci pour aujourd'hui, pour ce que tu as fait pour moi, dit-elle finalement, sérieuse. Je ne pensais pas survivre à l'aventure. Je ne voulais pas survivre, en fait, mais à présent que je suis sortie de là... Je suis plutôt... soulagée. Alors merci. Pour tout."

[Taliesin]

Taliesin s'assit juste à côté d'elle.
-Je ne mérite pas de remerciements, Constance, dit-il doucement. Si nous nous trouvons ici, c'est parce que moi et d'autres vous avons demandé de nous conduire à Mélandis, immense service que vous avez accepté de nous rendre. Si vous avez été capturée, c'est parce que vous vous êtes portée volontaire pour défendre le Comptoir, pendant que nous allions nous terrer dans les tunnels. Alors, vous laisser aux mains de ces monstres... C'eut été aussi déloyal que criminel.
Il secoua la tête. Certes, secourir le capitaine avait également servi ses intérêts puisque, désormais, les pirates avaient perdu leur principal moyen de pression sur les Hélonniens. Pour autant, ce n'était pas le seul égoïsme qui l'avait poussé à agir, loin s'en fallait.
-Bref, je vous devais bien ça, conclut-il. Et je suis heureux que vous soyez de retour parmi nous.

[Galathée]

Constance sourit.
"Je prends la route de Mélandis depuis des mois, tu sais. J'ai pris la décision de faire escale à Mersant. Je pourrais retourner tes arguments en te démontrant que je suis davantage responsable de cette poisse que n'importe qui d'autre... Tous les marins qui arpentent les alentours de Dorrandin et d'Hélonna ont entendu parler du Squale et de sa flotte ravageuse. Nous prenons néanmoins la mer. On dit qu'il y a plus de chance de heurter un récif ou d'être frappé par la foudre que de croiser leur route. Et voilà. Beshaba nous a choisis, nous devons faire face."
Son expression se fit plus grave.
"J'ai appris par Guéric que Griselda était morte. C'était une alliée remarquable. Très jeune, encore, mais je suis persuadée qu'elle aurait fini par prendre la mer sur son propre voilier. Bien sûr, c'était quelqu'un d'anxieux, de parfois pessimiste, mais il y avait la force nécessaire en elle..."
Elle soupira.
"Nous irons jusqu'à Mélandis et nous remplirons la mission que nous nous sommes fixés. Ta compagne. Le fils de Noéline et Loukian. Le fils de Galeran. La soeur des jumeaux."

[Taliesin]

Il acquiesça avec détermination : il avait fait des promesses qu'il entendait bien tenir.
[color=#FFFFF66]-Oui, nous irons à la Cité du Chaos et accomplirons notre tâche. Mais, auparavant, nous honorerons nos morts en écrasant les pirates. Et ensuite... Sans doute sera-t-il nécessaire de faire un crochet par Hélonna. J'en profiterai pour ramener les enfants en lieu sûr. Je gage qu'ils ne protesteront pas, vu les épreuves que leur ont valu leur embarquement clandestin...[/color]
Si d'aventure ils avaient la possibilité d'éviter ce détour, il confierait les garçons au capitaine Longuehune : il lui faisait confiance pour les ramener sains et saufs à la ferme Desmoulins. De plus, peut-être Valaellyn souhaiterait-elle les accompagner : elle aussi avait traversé de douloureuses expériences...

[Galathée]

Constance opina du chef.
"Lumière !" s'exclama alors une voix juste à côté d'elle.
Elle poussa un cri de surprise, Jonas se redressa sur son séant, la mine effarée, et Guéric quitta l'ombre en allumant une lampe à huile d'un geste théâtral. Pris par leur conversation, ni Taliesin, ni la jeune femme ne l'avaient entendu approcher.
"Bon sang ! J'ai failli avoir une attaque ! Es-tu complètement fou ?! s'exclama Constance, furieuse.
— Désolé, Capitaine, répondit le halfelin avec le sourire. J'ai toujours pensé que j'aurais pu être illusionniste, quelque chose comme ça ! Ménager ses effets, faire apparaître des objets du néant, tout ça...
— Ce n'est pas une raison !"
Il décocha un clin d'oeil amical au barde et la jeune femme suivit son regard.
"Par les dieux, tu as une mine épouvantable, fit-elle en découvrant enfin l'elfe. Tu devrais te changer rapidement, tu vas attraper la mort."
Il est vrai que le barde était toujours trempé et ses vêtements, autour de lui, formaient une gangue glaciale.
Jonas était déjà en train de se recoucher. Guéric, lui, avait posé un sac alourdi devant lui et s'affairait à le vider. Il avait l'air de contenir, outre les couvertures promises, de nombreuses victuailles plutôt appétissantes.

[Taliesin]

L'intervention du halfelin avait bien failli lui arracher un cri, à lui aussi ; en tout cas, sous le coup de la surprise. son cœur manqua un battement Toutefois, la joie de revoir son camarade sain et sauf lui fit rapidement oublier son mauvais tour.
-Heureux de te compter à nouveau parmi nous ! lança-t-il joyeusement tout en récupérant les vêtements qu'il avait abandonnés avant de revêtir les oripeaux de Finn. Et en plus, tu as rapporté le diner ? Merveilleux ! Que diriez-vous de se mettre à table sitôt que je me serai changé ? Mon estomac s'est brusquement réveillé et crie famine...
Il aurait bien aimé enfiler les habits secs sans se déplacer, mais cela aurait été quelque peu discourtois envers Constance, surtout après ce qu'elle avait traversé... Il s'éloigna donc de quelques mètres dans le boyau avant de se défaire de ses frusques mouillées et de passer les autres.

[Galathée]

Quand il reparut, Guéric avait terminé de disposer le fruit de ses rapines devant eux. Jonas ronflait à nouveau comme un bienheureux et Constance semblait s'être rassérénée. La lumière devait certainement contribuer à son état d'esprit. Le halfelin sourit au barde et l'invita à se servir : il y avait là pain et fromage, fruits et viandes rôties, même du vin.
"J'ai chapardé tout ça à bord du Crève Panses. Tu as mis le feu au garde manger... Je n'ai pas pu résister, ça ne m'a pris que quelques minutes. Et puis, tout cet alcool, ça aide à faire brûler les choses!"
Il eut un sourire ravi.
"Bon, c'est un rafiot qui ne prendra plus la mer, et je pense qu'il ne doit pas rester beaucoup de ses matelots en vie. Il faut dire qu'ils ont un peu perdu leur calme et... bon... Ils avaient la force de frappe, mais ni clercs, ni magiciens. Et pas beaucoup de cervelle entre eux tous. Il y a des survivants, cela dit, mais ils sont aux arrêts. Il règne un semblant de discipline à présent, mais j'ai l'impression que c'est un vernis plus qu'autre chose. D'autant qu'apparemment, l'autre navire, celui qui est sorti, a coulé."

[Taliesin]

-Oui, les Hélonniens l'ont envoyé par le fond et capturé une partie de son équipage, répondit-il après avoir avalé une première bouchée de pain. Je leur ai toutefois conseillé de se méfier de leurs prisonniers, car je ne comprends toujours pas à quoi rimait cette sortie. Qu'espérait le Squale, en n'envoyant que deux bâtiments ? Était-ce un moyen d'éloigner du port les équipages les plus mécontents, les plus susceptibles de se mutiner, ou bien s'agissait-il d'un piège destiné à nos alliés ? Mystère... Quoi qu'il en soit, pour l'heure, les événements semblent tourner en notre faveur. J'aurais presque envie d'aller tirer les Pansus de leur geôle pour qu'ils recommencent à mettre un peu d'animation...

[Galathée]

" Je ne pense pas que les Pansus soient assez nombreux pour que ça en vaille la peine. Ils doivent être en mauvais état ou prêts à rejoindre d'autres capitaines. Squale recrutera sans doute ce qui est récupérable : elle n'est pas stupide, elle sait qu'ils sont de bons combattants. Quant aux deux bateaux... Je n'en sais rien. A mon avis, elle sait qu'il n'y a que trois navires hélonniens et je pense qu'elle comptait probablement provoquer des escarmouches... Il n'est pas défendu de penser qu'ils auraient eu la possibilité d'isoler une frégate... Non, je ne sais pas. Je crois que leur stratégie est tombée à l'eau quand le second bateau n'a pas quitté le port..."
Il croisa les bras.
"Cela dit, l'ambiance au port est tendue. Une mutinerie pourrait éclater si Squale ne prend pas les décisions qui plaisent à ses capitaines. A mon avis, ils vont tenter une sortie. Peut-être même cette nuit. Ce serait leur meilleure chance. En même temps... Ils n'avaient pas l'air prêts à appareiller."

[Taliesin]

-Si les rumeurs entendues par Jonas sont fondées, le Squale doit plus que jamais compter sur l'artefact qu'elle recherche pour s'en sortir, fit le barde tout en se choisissant un morceau de viande. Si ça se trouve, ledit artefact git parmi le trésor du dragon. Dire que nous aurions pu nous en emparer quand nous étions là-bas... Mais nous ne connaissions pas son existence et, désormais, nous ne pouvons qu'espérer que les forbans ne mettront pas la main dessus. Ou que nous les éliminerons avant qu'ils n'y parviennent. A ce propos... Martin m'a informé que le capitaine Longuehune songeait à donner l'assaut cette nuit. Qu'en pensez-vous ? S'ils débarquent sur la plage, l'opération ne passera pas inaperçue. Toutefois... On pourrait demander aux Hélonniens d'envoyer une petite force dans la caverne où nos compagnons ont embarqué sur le radeau. Ainsi, il nous serait possible de prendre nos ennemis à revers...