Quête : Le Poing Levé - Angèle et Chandara - à proximité de Graëlon

[Althéa]

Angèle n'avait pas vraiment trouvé quoi répondre. Si elle disait à Chandara qu'elle était avenante, gentille, amusante et pas vilaine du tout à regarder, la pauvre mettrait des heures à s'en remettre et elle n'avait pas vraiment le courage de l'aider. Elle avait très rarement rencontré autant d'interrogations dans une seule personne.

"Mais tu sais, les rencontres d'un soir peuvent aussi être très divertissantes et instructives."

Elle avait parlé d'une voix atone, avait attendu que Chandara se tourne vers elle et avait souri.

"Je plaisante."

Au moins était-elle peut-être parvenue à distraire Chandara.

[Chandara]

Un rien choquée par la première remarque d’Angèle, Chandara se détendit et laissa libre cours à son hilarité en comprenant qu’il ne s’agissait que d’une plaisanterie taquine. Bien décidée à rendre la monnaie de sa pièce à l’autre paladine et aussi à la détourner de son propre cas, elle répliqua d’un ton léger :

- Toi aussi tu dois avoir de sérieux prétendants ! Tu dégages un certain… magnétisme. Oui, c’est évident ! Je tiens à ce que tu me racontes tout cela !

[Althéa]

Elle l'avait cherché. A pousser Chandara à répondre aux questions, elle aurait dû s'attendre à devoir faire de même. Et elle n'avait pas du tout envie de parler de ses conquêtes. Et pour ce qui était de son magnétisme ... Aussi s'en tint-t-elle aux généralités.

"Pas plus que n'importe qui d'autre. Le Coeur Radieux n'est pas vraiment propice aux rencontres."

Une semi vérité. Elle s'était surtout donné pour mot d'ordre de ne jamais tomber amoureuse d'une paladine de l'Ordre. Jusqu'à présent, elle avait toujours réussi.

[Chandara]

Chandara adressa un sourire énigmatique à sa compagne, une expression qui pouvait tout signifier et son contraire.

- Je suis certaine que tu ne me dis pas tout mais je ne vais pas te cuisiner aujourd’hui. Je finirai par tout savoir ou, au pire, je demanderai à Lise si elle en sait plus !

[Althéa]

Angèle avait ouvert de grands yeux, mimant la panique. Quelque part, Lise en tant que briseuse de secrets l'inquiétait un peu. Mais elle n'avait rien dit qui soit racontable. Du moins, pas qu'elle sache. Elle n'avait pas tendance à parler en dormant, ce qui était appréciable.

"Ah non, pas Lise. Elle me fait peur. Mais je ne dirai rien, même sous la torture."

Elle s'interrompit. Soudain, la plaisanterie ne lui parut plus si drôle. Elle se rembrunit un peu.

"Bref, je ne dirai rien."

[Chandara]

Chandara ne perçut pas le changement de ton de la paladine mais sentit pourtant qu’elle ne devait pas insister sur ce sujet pour le moins glissant au risque de représailles impitoyables.

- Très bien, très bien ! Je n’insiste pas. Mais avec tous ces beaux soldats disponibles, je parie que j’en saurai plus sur tes goûts avant la fin de la campagne sans avoir à beaucoup te cuisiner !

[Althéa]

"Pari tenu", dit-elle en tendant la main.

Ses goûts, même pour quelqu'un connaissant ses préférences sexuelles étaient difficiles à cerner. En matière de séduction, elle savait se montrer très discrète. Alors, pour quelqu'un qui ne la connaissait pas ...

"Certains amis de longue date sont encore en train d'essayer. Je te souhaite donc bon courage."

[Lothringen]

En revenant vers la tente - une des rares qui soient déjà montées dans le camp, et du reste impeccablement tendue - Pandora découvrit Lise assise dans l'entrée, une bassine remplie posée dans l'herbe, devant elle. La jeune prêtresse bandait son pied gauche, alors que le droit baignait encore dans l'eau. Le rictus sur ses lèvres montrait à quel point l'opération lui était désagréable.

"Où sont passées Angèle et Chandara ? Toujours en vadrouille ?"
"Toujours. On peut rire de tout, mais pas avec tout le monde."
"Bah, tu aurais dû les rejoindre."
"Alors que c'est moi qu'on fuit ? Moi, je m'occupe de mes pieds."

Pandora ne se formalisa pas de la réplique de sa compagne : elle connaissait Lise depuis assez longtemps pour savoir que ça ne durerait pas.

"A ce sujet, ils ont l'air mal à en point..."
"En effet, je crois que je ne pourrai pas venir à l'entraînement ce soir, j'ai mal dès que je pose le pied par terre. Dire qu'autrefois, il m'aurait suffi d'un soin superficiel, et que ce serait déjà oublié..."
"Au moins, tu auras eu ta blessure de guerre !"
"Roh ! C'est toi qui te moques, maintenant ?... mais qu'as-tu à la main ?"
"C'est le courrier. C'est pour cela que je te demandais pour les autres, je crois qu'Angèle attendait quelque chose..."
"Et toi, tu n'ouvres pas ? Alors que cela fait quinze jours que tu attends ?"
"Eh non, je... j'appréhende. Bon je vais les chercher ! Il faut qu'elles soient prévenues, et en plus le lieu de distribution n'est pas très facile à trouver..."

C'est ainsi qu'après quelques minutes Pandora arriva à la rencontre des deux femmes - tenant toujours à la main un rouleau cacheté.

"Ouf ! Vous en faites de la marche pour des gens qui viennent de faire une journée de route. Je voulais vous prévenir que le courrier de Manost est arrivé."

[Chandara]

Chandara était sincèrement ravie de voir Pandora venir à leur rencontre. Cela rendrait leur retour dans la tente – enfin surtout le sien – un peu moins difficile alors qu’elle avait donné l’impression de bouder comme une enfant. Elle lui adressa donc un sourire un brin contrit :

- C’est de ma faute ! Je tentais de mettre au jour les secrets d’Angèle et rien de tel qu’épuiser sa victime pour cela…

Comprenant les implications de ce que leur avait annoncé la prêtresse, elle enchaîna d’un ton un peu trop curieux :

- Tu sais si Angèle a reçu une missive ?

[Althéa]

"Ah"

Fut tout ce qu'elle réussit à émettre. Pas un cri. Juste "Ah". Comme si l'air avait brutalement quitté ses poumons. Ses yeux laissèrent transparaître une parfaite panique. Avant qu'elle se reprenne une seconde plus tard. Trop tard. De tous les sentiments, l'angoisse était celui qu'elle maîtrisait le moins. Elle avait la vilaine habitude de se ronger les ongles. Quand elle était inquiète, elle avait une fâcheuse tendance à faire les cent pas à en donner le tournis. Dans les cas les plus extrêmes, elle avait ses listes. Et la dernière méthode dans les cas les plus graves seulement connue de Guiguemar et de Theodora ...

Elle n'était pas pressée d'aller voir le courrier, loin de là. Déjà, il n'y avait peut-être pas de lettre. Son amie lui aurait sûrement dit d'aller voir et d'aviser ensuite. Elle ne s'en sentait pas vraiment le courage. Elle releva la tête et vit trois paires d'yeux posées sur elle. Elle se ressaisit donc.

"Est-ce que vous avez vu s'il y a du courrier pour moi ?"

Au moins, une réponse risquait de chasser quelques doutes et d'en emmener bien d'autres. Mais au moins, elle saurait.

[Lothringen]

Pandora rougit, honteuse de n'avoir pas pensé à se renseigner. Cela aurait visiblement beaucoup facilité la vie à la paladine. La lettre qu'Angèle attendait devait être importante à ses yeux. Elle qui n'extériorisait pas beaucoup son ressenti, voilà qu'elle paraissait presque émue... Presque.

"Non, je n'ai pas posé la question, je me serais sentie indiscrète de le faire et de toute façon ils ne remettent les lettres qu'en main propre... Mais tu pourras aller vérifier par toi-même, Angèle. Le courrier est arrivé par bateau à Graëlon, puis un charriot l'a apporté jusqu'ici. C'est le charriot plein de sacs avec un attroupement autour, non loin du poste d'intendance, par là-bas."

Après un silence embarrassé, elle reprit.

"Euh, je me sens bête de ne pas avoir demandé... Je suis désolée. J'étais tellement préoccupée de mon propre courrier."

[Althéa]

"Pas grave."

C'est tout ce qu'elle avait réussi à prononcer avec un petit sourire. Si les mots commençaient à lui faire défaut, elle faisait une bien piètre paladine. Mais paladine était justement ce qu'elle n'était pas, du moins en ce moment. Tout sauf une paladine. Son armure lui pesait, enserrait son angoisse. Elle ne la protégerait en rien contre les mots de Guiguemar ni contre sa colère. Theodora lui disait que quoi qu'ils arrivent, ils resteraient jumeaux. Ce à quoi elle répondait "faux jumeaux", ce qui faisait toute la différence. A ses yeux tout du moins.

"Je crois que je vais devoir aller la chercher. Sinon, je ne lirai jamais la lettre de ce bel inconnu du Calimshan qui me l'a envoyée."

Elle grimaça devant sa plaisanterie pathétique.

"Oubliez."

Et elle tourna les talons. Elle trouva sans mal le lieu de distribution du courrier grâce à la file de gens qui en venaient moroses et les mains vides pour en revenir joyeux et les mains pleines. Elle fit effort pour prononcer distinctement son nom. Et attendit le verdict.

[Lothringen]

Les préposés durent fouiller un bon moment. Ils avaient tenté de classer les lettres, mais les adresses étaient le plus souvent très lacunaires : un nom, parfois un corps d'armée ; quand on avait un peu de chance, le correspondant avait pensé à préciser le nom du supérieur direct. Mais le plus souvent, rien d'autre que le nom...

"Oh ! mais c'est cette lettre avec le magnifique cachet du Coeur Radieux !" commenta un jeune homme en la tirant d'un petit tas de lettres mises à part pour leur caractère de toute évidence plus "officiel". La lettre, roulée dans un cylindre de cuir, était invisible, mais on distinguait un cachet superbe sur le ruban qui reliait le couvercle à son support. D'un rouge écarlate, très nettement dessiné, c'était, sans nul doute possible, l'empreinte de la chevalière du Haut Prélat de l'Ordre : le motif représentait un coeur rayonnant sur fond de gantelet dressé. Le nom de la destinataire avait été gravé dans le cuir : Angèle d'Aulfray.

Le jeune homme lui remit la lettre sans discuter, bien qu'il ait pris une expression fort curieuse. La proximité des noms ne pouvait pas être une coïncidence.

[Chandara]

Chandara s’était glissée à la suite d’Angèle tout en restant en retrait. D’une part, elle n’avait pas grand-chose d’autre à faire pour tromper son ennui avant l’heure de l’entraînement. D’autre part, elle ne voulait pas s’immiscer dans l’intimité de la paladine sans son autorisation. La jeune femme n’avait aucune raison de s’approcher davantage de la foule des requérants, ne s’attendant à recevoir aucune lettre. Mais elle était suffisamment proche pour noter qu’Angèle s’en retournait avec un objet à l’aspect précieux.

[Althéa]

D'abord, elle avait cru qu'il n'y avait pas de lettre et s'était sentie presque soulagée. Mais le préposé au courrier - pour qui la discrétion devait être un simple substantif sans grand intérêt - l'avait fait sursauter en s'exclamant sur l'aspect de la lettre. Elle avait deviné de quoi il s'agissait avant qu'il mentionne le Coeur Radieux. Ou plutôt de qui. Elle remercia le jeune homme et partit avec son parchemin, l'enserrant délicatement entre ses paumes moites.

Elle fit un crochet pour éviter le campement. Elle avait besoin d'être seule. Du moins, le temps de lire la lettre. Elle alla en périphérie des receveurs de courrier et s'assit en tailleurs dans l'herbe. Si elle laissait libre court à l'angoisse, elle ne saurait jamais. Elle défit le ruban.

[Lothringen]

Il ne lui restait plus qu'à renverser le cylindre pour faire glisser le parchemin dans sa paume. Comme il résistait, il lui fallut secouer un peu. Le rouleau vint enfin. Compte tenu de sa protection de cuir, il était propre, lisse, impeccable ; pas le moindre faux pli. L'écriture était fine, serrée, plutôt élégante. Un graphologue y aurait sans doute décelé une personnalité forte, sûre d'elle-même, et une certaine nervosité également. Angèle, pour sa part, y reconnut surtout l'écriture de son jumeau. Elle parcourut du regard l'ensemble de la page avant de se décider à la lire. La lettre était longue...
Enfin, elle se lança dans sa lecture.

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De Manost, le 23 Marpenoth

Ma chère Angèle, et lieutenant,

J'aurais sans doute dû écrire deux lettres distinctes, mais il y aurait eu là quelque chose d'artificiel, et comme tu le sais, je me suis toujours efforcé d'être tel au chapitre qu'en privé. Exemple que tu devrais peut-être suivre, soit dit en passant. Ta lettre – ton unique lettre, sèche et expéditive, comme tu sais si bien le faire – m'a évidemment rendu furieux, mais aussi consterné.

Je ne reviendrai pas sur la lâcheté sans nom qui a consisté à ne pas rentrer faire ton rapport après l'échec complet de ta mission. Il me semblait que nous avions passé l'âge de ce genre de dérobade, mais j'en apprends tous les jours. As-tu seulement conscience de la sottise qu'il y avait à faire ce rapport au conseiller Lothringen ? Si l'ordre n'avait pas consulté le Conseil pour cette mission, c'était parce qu'il ne se fiait pas aux informations parcellaires fournies par ce dernier. Mais passons...

Deux de tes subordonnés sont morts, que sont devenus les deux autres ? Peut-être t'imagines-tu qu'ils sont en sécurité à Melandis ?Sache que ce n'était pas assez de ne pas les dénoncer. Il te fallait veiller sur les conditions de leur retour – c'était le moindre de tes devoirs. L'Ordre ne peut confier la vie de ses membres à quelqu'un qui est prêt à abandonner à leur sort les personnes placées sous sa garde. Dors-tu bien la nuit ? J'ai veillé à ce que tu sois dégradée.

Et ne crois pas que je n'ai pas deviné les lacunes dans ton récit. Tu rentres seule survivante en territoire manostien, alors que tu as été démasquée, que deux de tes subordonnés ont été de ton propre aveu torturés à mort, qu'on est sans nouvelles des deux autres, et cela devrait s'arrêter là ? Que tu aies ou non le courage de jamais reparaître devant moi, je t'assure que nous finirons par connaître la vérité sur ce qu'il s'est passé. Je regrette... que nous nous soyons à ce point éloignés.

Il n'y a, dans toutes tes dernières décisions, que celle de rejoindre l'armée que je puisse approuver. En tant que tyrite, tu n'aurais pu rester en ville que si je demandais expressément dérogation pour toi, et je n'aurais pas vu de raison de le faire. La colère contre ton dieu est violente à Manost. Je la partage, du reste. Dire que c'est le dieu de la Justice, quelle cruelle ironie...

Je ne peux nier que je suis, malgré tout, heureux de te savoir en vie après de si longs mois sans nouvelles... Encore que si tu y étais restée, je l'aurais su. Je crois. La mission était des plus périlleuses et j'ai plus d'une fois regretté d'avoir laissé des paladins l'accomplir plutôt que des experts de l'infiltration.
Comme la rumeur a déjà dû te l'apprendre, je me suis converti à Torm. Une décision que bien des helmites ne comprennent pas, mais qui me semblait nécessaire à l'avenir de l'Ordre. Les fonctions de Haut Prélat et de gouverneur de Manost ne me laissent guère le loisir de m'interroger sur mes choix. Je suis inquiet à plus d'un titre, non seulement pour la guerre en cours, mais aussi pour l'avenir de notre pays après celle-ci. Nous nous retrouverons de toute façon affaiblis, et dénués d'autorité légitime. Je veux oeuvrer à nous éviter cela.

J'espère apprendre que cette lettre aura réussi à te rejoindre, et ne pas recevoir de nouvelles du front m'apprenant ta mort, quoi qu'il en soit. Mais ne me fais pas honte davantage. Pour le reste, je doute que nous nous revoyions de sitôt...

Guiguemar d'Aulfray, Haut Prélat du Cœur Radieux.

[Althéa]

Angèle était restée parfaitement immobile, comme assommée. Elle s'était attendue à une partie de la réponse. La promesse de rétrogradation, les accusations dont elle allait devoir répondre. Une accumulation de froides vérités, toutes méritées. En partie tout du moins. Contrairement à Guiguemar, elle avait encore l'espoir de voir ses deux compagnons partir de Melandis. Dès son arrivée, elle avait mis en place des contacts, spécifiquement en cas de fuite. Mais pour Guillaume et Yorven, la vérité était là, implacable. Eux ne reviendraient pas. Et l'idée même était tout simplement insupportable. Il n'y avait pas une nuit où elle ne voyait pas le regard de Yorven avant qu'on ne le tue. Non, elle ne dormait pas.

Mais entre les mots de son frère, dans sa fine écriture légèrement tremblée, elle lisait qu'il était content de la savoir en vie. Et qu'il voulait qu'elle revienne. Il regrettait d'avoir envoyé des paladins pour une mission d'espionnage. Et qu'ils soient à ce point éloignés.
Ce n'était pas une rupture simple et définitive contrairement à ce qu'elle avait imaginé. Mais au lieu de la rassurer, la missive lui donna curieusement la nausée. Non, elle n'imaginait pas revenir à Manost, dans son environnement clos et protégé. Pas sans les autres.

Elle resta immobile de longues minutes, enserrant ses jambes de ses bras. Une minute passa, deux à peine. Avant qu'elle ne se mette à pleurer.

[Chandara]

Ne voyant pas son amie revenir, Chandara avait coupé court à sa timidité pour se rapprocher du chariot où était toujours agglutinée une belle foule. Délaissant celle-ci où elle ne percevait pas de signe d’Angèle, la paladine mit quelques minutes à repérer sa compagne de tente. Elle se rapprocha avec enthousiasme de l’arbre près duquel elle avait trouvé refuge avant de percevoir son état de tristesse, elle marqua un temps d’arrêt mais il était désormais trop tard pour reculer. Elle demanda donc timidement :

- Quelque chose ne va pas ?

[Althéa]

Angèle prit le temps d'enfermer la lettre dans le cylindre avant de se tourner vers Chandara. Le temps de se reprendre. Quand elle se tourna vers Chandara, elle avait retrouvé son calme. Elle n'aimait pas qu'on la voie pleurer. Petite, on lui avait appris que les D'Aulfray ne pleuraient pas. Un principe de fierté qu'elle respectait. De la froideur pour certains, pour d'autres un bouclier.

Elle se leva avec quelques difficulté sur ses jambes ankylosées et se dirigea vers son amie. Les mots de Guiguemar trottaient dans son esprit. Il y avait en sus le fait qu'il était devenu Tormite ... En ça, elle ne le reconnaissait pas. Elle l'avait toujours imaginé fidèle à son dieu et à ses principes ... Elle s'était trompée.


"Des nouvelles ... Pas bonnes mais pas mauvaises non plus ... Des nouvelles ... Et toi, tu as reçu du courrier ?"

[Chandara]

Chandara n’était pas tout à fait convaincue par les explications d’Angèle : elle l’avait vu pleurer, c’était un fait avéré et il y avait forcément une raison. Cependant, elle n’était pas encore assez proche de l’autre paladine pour interpréter ses sentiments avec justesse et encore moins pour insister. Si Angèle souhaitait se confier, elle proposerait une oreille attentive mais elle n’était pas curieuse et intrusive au point de pousser son aînée à des confessions. Comme pour signifier sa décision, elle répondit à la question qu’Angèle avait posée en matière de diversion avec un petit pincement au cœur qu’elle aurait préféré ne pas montrer :
- Non, je n’ai pas vérifié mais personne ne me connaît à Manost au point de vouloir m’écrire.

[Althéa]

Angèle secoua la tête.

"Tu devrais. On connaît tous quelqu'un à Manost. Quelqu'un qui guette de nos nouvelles et qui s'inquiète pour nous. Qu'ils écrivent ou non, d'ailleurs ..."

Elle-même avait envisagé ne pas avoir de réponses. Elle songea à lui répondre, peut-être par deux lettres distinctes. Non. C'était le rendre furieux à coup sûr.


"Il y a sûrement quelqu'un qui pense à toi. Et si tu n'oses pas y aller, j'irai à ta place et porterai ta lettre à Lise pour lui faire lire."

Un mensonge éhonté mais qui, elle l'espéra, aurait peut être le mérite de faire bouger Chandara.

[Chandara]

Chandara s’était d’abord sentie un peu gênée car elle pensait vraiment qu’aucune lettre ne l’attendait et qu’aller vérifier ne pourrait que la décevoir. Cependant, la fausse menace d’Angèle la scandalisa et la fit douter : et si un admirateur secret lui avait laissé un message et qu’il finissait entre les mains de Lise ? Angèle ne pouvait pas être sérieuse mais sa cadette ne pouvait pas courir le risque :

- Très bien, je m’avoue vaincue. Mais il n’y aura rien, tu verras !

Et aussitôt de se mettre en route vers le rassemblement pour mettre fin au plus vite à cette affaire.

[Althéa]

Angèle avait suivi sa cadette des yeux avant de la suivre à distance. Mais comment quelqu'un comme Chandara pouvait-elle douter d'elle à ce point ? Certes, sa famille était peut-être loin mais elle n'était pas seule ! La façon dont elle avait ébranlé Yorven le prouvait aisément. Cette jeune femme était attachante en tous points et ne le savait même pas.

Elle glissa la lettre dans un repli de sa cape et s'assura qu'il ne tomberait pas. Elle ne voulait pas que la missive tombe entre de mauvaises mains. Elle pensa de nouveau à son frère. Le culte de Torm le rendrait-il moins rigide ? Elle en doutait un peu.

[Chandara]

La paladine se fraya calmement un chemin parmi la foule agglutinée, avançant quand une place se libérait plutôt qu’en s’imposant. Finalement, après un temps assez long, elle se retrouva devant l’un des préposés au courrier et demanda presque timidement :

- Je m’appelle Chandara, paladine de Helm. J’imagine que vous n’avez rien pour moi ?

[Lothringen]

Il s'abstint de répondre. Ils ne comptaient plus les soldats pleins d'espoir qu'ils avaient renvoyés, après quelques minutes de vaine recherche, les yeux embués et les mains vides. Ils avaient beau expliquer qu'il n'y avait là QUE le courrier de Manost, que celui des autres villes n'avait aucune chance de rejoindre l'armée, qu'il fallait que la lettre soit partie il y avait une bonne semaine, rien n'y faisait : on leur en voulait personnellement comme s'il y allait de leur faute. Le préposé fouilla donc dans le tas du courrier helmite, et finit par tomber sur un pli un peu froissé, et doté de quelques tâches de... de graisse, ou peut-être de vin, enfin c'était comme si une cuisine toute entière avait utilisé la lettre comme dessous de bouteille, des jours durant. Néanmoins le nom était bien lisible d'une encre un peu passée, sur l'enveloppe : Pour Chandara, paladine de Helm. Pas de nom de famille. Mais ça devrait faire l'affaire.

"Hé bien si !" fit le préposé en prenant une mine triomphale tout en exhibant son trophée.

A l'intérieur du pli, d'une écriture presque enfantine, on pouvait lire :

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Chère Chandara,
Le Loyal et moi même - spécialisés dans l'entretien des héros depuis 140 ans (de père en fils, je ne suis pas si vieux)- vous envoyons cette missive pour vous faire part de toute notre amitié. J'ai voulu pour ce faire vous envoyer un tonneau et un plantureux fromage mais ce dernier a été qualifié d'arme de destruction massive et a donc été interdit. Quant au vin, un jeune paladin a voulu y goûter et est tombé dedans. Je n'ai pas osé lui demander de vous l'apporter. Votre présence nous manque à tous au Loyal Paladin. Même le pelage de Dryade me semble bien plus terne. Votre rire, votre bonne humeur et votre gentillesse nous manquent à tous. J'ai l'impression de vous voir apparaître à chaque personne casquée qui passe. Dans un premier temps, je me précipitais vers lui avant de me rappeler que ce ne pouvait être vous. J'ai arrêté avant d'avoir de gros problèmes. Certains se sont enfuis. Dans tous les cas, je vous le redis, vous nous manquez à tous.

J'espère grandement votre retour.

Votre dévoué

Titoeil.

Merci à Titoeil aka Althéa pour le contenu de la lettre

[Chandara]

Chandara crut tout d’abord que le préposé lui faisait une drôle de blague mais elle ne put plus nier le fait que quelqu’un, à Manost, avait pris la peine de lui écrire lorsqu’elle tint la lettre froissée et tâchée entre ses doigts. L’objet semblait lui brûler les doigts et ses doigts étaient gourds d’incrédulité. Elle ne s’entendit même pas remercier l’homme du courrier avant de battre en retraite. A la fois excitée et anxieuse, elle n’osa pas tout de suite ouvrir la lettre par superstition, comme si la décacheter pouvait révéler quelque supercherie et révéler qu’elle était destinée à quelqu’un d’autre voire la faire tout bonnement disparaître. Angèle se retrouva à ses côtés sans qu’elle se soit rendue compte de son approche car entièrement plongée dans ses pensées. La paladine n’osa pas lui adresser un regard ni faire attention à son expression. N’y tenant plus, elle ouvrit délicatement le pli et, après l’avoir lue à plusieurs reprises, un sourire ravi se dessina sur son visage. Joyeuse, elle referma la lettre avant de porter ses pas en direction de la tente sans un mot, énigmatique.

[Althéa]

Angèle avait observé Chandara à distance pour ne pas la déranger dans la lecture de sa lettre. Et elle l'avait vu sourire ! Une bonne nouvelle sans doute. A moins que ce ne fut pour la personne qui avait écrit la lettre. Difficile à dire. Puis elle était repartie l'air énigmatique, toujours en souriant. Chandara cachait donc bien son jeu.

Elle lui emboîta le pas en direction des tentes. L'expression joviale de son amie ne manquerait pas de susciter des questions, surtout chez Lise. Au moins, elles la laisseraient tranquille.

[Lothringen]

Assises devant la tente, elles trouvèrent Lise et Pandora, côte à côte. Lise tenait Pandora dans ses bras et la berçait doucement, sans mot dire. Quant à cette dernière, elle avait les yeux rougis et ne pipa mot quand elle les vit approcher. Sur ses genoux reposait encore une lettre ouverte.

"Ah, revoilà nos conspiratrices", dit Lise. Si elle remarqua la mine joyeuse de l'une et renfrognée de l'autre, elle ne fit pourtant pas de commentaires. L'état de son amie était sans doute prioritaire dans l'ordre de ses préoccupations. "Vous devriez vous préparer pour l'entraînement, il ne devrait pas tarder. Pour ma part, je n'y participerai pas : j'ai trop mal aux pieds. Quant à Pandora, je crois qu'elle n'est pas d'humeur..."

La prêtresse dans ses bras hocha la tête en signe d'assentiment, tout en étouffant un renifflement.

[Chandara]

Chandara ne put s’empêcher d’adresser un regard interrogatif en direction de Pandora mais la lettre ouverte sur ses genoux révélait sans nul doute que la prêtresse venait de faire face à une terrible nouvelle. S’interrogeant un instant sur l’attitude à adopter face à cette situation, Chandara opta pour la discrétion en parvenant à la conclusion que la prêtresse s’ouvrirait à elles en temps voulu et qu’elle était pour l’heure entre de bonnes mains.

- Très bien, comme vous voulez. Je n’en ai que pour cinq minutes à me préparer.

Tournant un regard interrogatif vers Angèle qui savait probablement mieux gérer ce genre de situation, elle l’invita à la suivre sous la tente. En fait, Chandara avait gardé son armure conformément à la volonté d’Eroeh et son épée ne la quittait plus en dehors de la tente. Elle aurait très bien pu se rendre immédiatement à l’entraînement mais ne put s’empêcher de remettre de l’ordre dans ses vêtements et vérifier sa coiffure, machinalement. Cela n’avait rien à voir avec la présence de Don, ça non !

[Althéa]

Angèle restée seule avec les deux autres posa sur Chandara un regard perplexe en la voyant soigner sa mise en pli. Elle se retourna vers Lise et Pandora. Certaines lettres faisaient du bien et d'autres pas. Elle n'était pas vraiment douée pour consoler. Les larmes la rendaient nerveuse surtout chez ceux qu'elle appréciait.

L'entraînement permettrait à chacun de reprendre ses esprits.

"Je peux faire quelque chose ?", demanda-t-elle simplement.