[MP] Histoire : Echo

[Echo]

Gabrielle accueillit sa première remarque avec détachement, presque amusée ; avait-il réalisé qu'il était justement face à une femme ? Lorsqu'il posa sa question, la lieutenante ne montra aucun signe d'agacement mais le sourire qu'elle lui adressa n'augurait rien de bon. Gaston Chambernaud ne le savait peut-être pas encore, mais il venait de commettre une énorme erreur ; Gabrielle allait se faire une joie de mettre les points sur les i.

- En effet, vous n'avez pas tout saisi, répéta t-elle avec patience. Permettez-moi de me présenter à nouveau alors : Gabrielle Lemaçon, lieutenant de police. C'est moi qui suis chargée de l'enquête concernant le meurtre du comte de Rochebois, c'est donc moi qui pose les questions ici, vous me suivez ?

Elle n'avait pas haussé le ton mais la fin de sa phrase sonna presque comme un claquement de fouet.

- Bien, maintenant que les présentations sont faites, revenons-en à votre cas, voulez-vous ? Selon toutes vraisemblance, le meurtre a eu lieu pendant la pièce de théâtre ; avez-vous assisté à la représentation ?

[Smidge]

"Vous savez, je connais très bien votre supérieur..., répondit-il d'un ton à mi chemin entre la plaisanterie et la menace voilée. Je crois bien lui avoir obtenu un taux d'intérêt défiant toute concurrence pour son emprunt immobilier... Ah, oui, j'ai oublié de vous préciser, je suis banquier de métier."

Il sourit nonchalamment.

"Enfin... pour répondre à votre question, donc, j'étais présent du début à la fin pendant le spectacle."

Il la fixa intensément, la défiant littéralement.

Mais on ne la lui faisait pas. Elle soutint son regard, analysant le moindre mouvement de ses muscles.

Ce n'était peut-être que la profonde antipathie qu'il lui inspirait... mais elle ne le croyait pas. Pas tant que des preuves soient venues étayer ses dires, en tous cas.

[Echo]

Excédée, Gabrielle sortit son arme de service, la braqua sur l'homme à la grosse bedaine et lui colla une balle entre les deux yeux, puis deux, puis trois et finit par y vider son chargeur. Dans la salle, plus personne n'osait faire de bruit...

- Et que ça serve de leçon à tout le monde...

Enfin ça, c'était le scénario qui se déroulait dans l'esprit de la lieutenante, imaginant toutes les façons possibles de lui arracher ce petit sourire nonchalant du visage. Elle réagissait souvent très mal aux tentatives d'intimidation mais elle prit sur elle pour ignorer celle-ci et se concentrer sur son enquête.

- Présent du début à la fin, dîtes-vous ? dit-elle en fronçant les sourcils comme si elle avait peine à le croire. A aucun moment vous ne vous êtes éclipsé ? Même pas pour aller aux toilettes, ou encore pour aller trancher la gorge du comte et revenir à votre place comme si de rien n'était ?

C'était une simple provocation ; non seulement elle lui signifiait clairement qu'elle n'avait pas peur de lui, mais elle était aussi curieuse de voir les réactions qu'elle entrainerait.

[Smidge]

Gaston Chambernaud se raidit quelque peu à sa question, comme si quelque part, il avait perçu la menace qui pesait sur lui.

"Je suis peut-être descendu aux toilettes à un moment", lâcha-t-il finalement.

Il marqua une pause.

"Cela ne prouve rien, de toute façon. Et je n'ai pas tué De Rochebois."

Qu'il dise ou pas la vérité, il était à présent aussi énervé qu'elle. Ce qui était déjà en soi une petite victoire...

[Echo]

Bon, au moins il ne se montrait plus menaçant, ce qui était déjà un succès en soi. Peut-être que Gabrielle pourrait reprendre le fil de son enquête à présent, si toutefois cet homme se montrait sincère avec elle - ce qu'elle avait du mal à croire.

- Et le comte, assistait-il à la représentation lui aussi ? Et si oui, à quel moment s'est-il absenté ?

[Smidge]

Le banquier cligna des yeux rapidement plusieurs fois, et semblait davantage réfléchir que se rappeler...

"Il... il faisait sombre dans la salle, je n'ai pas bien distingué si d'autres personnes auraient pu s'absenter ou pas..."

Son ton avait perdu - au moins momentanément - toute trace de sarcasme.

Y percevait-elle même un soupçon d'inquiétude...

[Echo]

Gabrielle s'était attendu à cette réponse mais elle n'était pas dupe, elle sentait que quelques chose n'allait pas ; il réfléchissait beaucoup trop. Elle fronça les sourcils, et lorsqu'elle fronçait les sourcils de cette façon, c'est qu'elle ne croyait pas un mot de ce qu'on lui disait.

- Vous êtes sûr ? insista t-elle patiemment. J'ai l'impression que vous ne me dîtes pas tout.

Elle s'attendait à ce qu'il démente avec véhémence mais l'inquiétude qu'elle avait perçue dans sa voix l'avait trahi et Gabrielle était maintenant certaine qu'il cachait quelque chose. S'il avait un quelconque lien avec le meurtre, elle finirait par le savoir.

[Smidge]

Gaston Chambernaud la fixa d'un regard inexpressif de longues secondes avant d'entamer une réponse.

"Je... Ce n'est pas..."

Il n'eut cependant pas le temps de terminer sa phrase que les portes du salon s'ouvrirent, dévoilant maître Marquand, un sourire radieux sur le visage.

"Madame Lemaçon ?, lança-t-il à son attention tout en brandissant une épaisse enveloppe. J'ai retrouvé... enfin, nous, avec l'aide d’Émile bien sûr, avons réussi à mettre la main sur le testament du Comte !"

Le majordome le suivit peu après.

"Il se fait tard, poursuivit-il, et peut-être... pourrions-nous conclure cette soirée par sa lecture, et aller tous nous coucher ?"

Un brouhaha d’approbation fit écho à sa question. Gabrielle lança un bref regard à l'horloge contre le mur, qui indiquait minuit vingt.

"Excusez-moi, madame..., l'interpella la cuisinière. Toutes les chambres du château sont occupées pour cette nuit... Il reste bien le canapé du salon, mais il n'y a pas de pièce d'eau à proximité, cela ne sera peut-être pas très pratique pour vous..."

[Echo]

Sauvé par le gong, mais Gabrielle reviendrait à la charge dès que l'occasion se présenterait, le banquier pouvait en être certain. Il était effectivement trop tard pour continuer les interrogatoires et, de toute façon, cette histoire de testament devait être réglée maintenant.

- Oui oui, le canapé du salon, ce sera parfait, répondit-elle distraitement à la cuisinière avant de se diriger vers le maître Marquand et le majordome. Très bien, procédons à la lecture du testament.

[Smidge]

Le notaire s'approcha d'elle et lui présenta l'enveloppe et son sceau, encore intacts.

"Je vais à présent procéder à l'ouverture", déclara-t-il solennellement.

Il décacheta la cire rouge de l'enveloppe, et en tira un papier soigneusement plié, qu'il déplia. Maître Marquand ajusta ses lunettes, et commença la lecture d'une voix claire.

"Je soussigné Monsieur De Rochebois Lucien, né le 7 décembre de l'année 1863, résidant au Château de Rochebois sur la commune de Villeneuve-les-Ilias, déclare être saint de corps et d'esprit à cette date."

Le notaire marqua une hésitation, et plissa un instant des yeux.

Étant sans descendance directe, je déclare officiellement léguer la totalité de mes biens immobiliers, incluant le château et la propriété qui l'entoure, ainsi que toute la fortune sur mes divers comptes bancaires... à la compagnie industrielle d'armement « Schneider Electric »."

Gabrielle avait entendu parler de la "Schneider", une compagnie fabriquant des chars d'assaut blindés pour la guerre. A moins que l'un des invités ici présent n'en soit le président, cela n'allait guère l'aiguiller vers un suspect... Elle poussa un soupir, presque déçue, lorsque le notaire reprit.

"Cependant... Ce legs ne saurait être validé que si je devais décéder de façon naturelle, et... par conséquent... hem... ennuyeuse."

Maître Marquand se racla la gorge.

"Je cite toujours, bien sûr", précisa-t-il.

Il rehaussa de nouveau ses lunettes avant de poursuivre.

"Si toutefois, je devais trouver la mort par la main d'autrui, je souhaiterai récompenser l'intelligence éventuelle de mes actuels employés, quels qu'ils soient à l'heure où ces lignes seront lues. Cet héritage reviendrait à celui d'entre eux qui parviendrait à trouver le nom de mon assassin - preuves à l'appui - dans un délais de 3 jours à compter de mon décès."

Un silence de plomb recouvrait à présent la salle.

"De plus, poursuivit-il, un trésor se trouve caché dans ma demeure, au château, dissimulé par mes soins. Et celui-ci reviendra au premier qui parviendra à le découvrir."

Le notaire marqua une nouvelle pause, paraissant lui-même abasourdi par sa propre lecture. Quelques murmures commencèrent à s'élever de l'assistance, puis s'évaporèrent aussitôt qu'il eut repris.

"Fait le samedi 31 décembre 1921, à Villeneuve-les-Ilias, en 2 exemplaires, dont un remis sous cachet à Maître Louis Marquand."

[Echo]

Sur le visage de la lieutenante, la perplexité fut progressivement remplacée par l'étonnement le plus complet.

« Si toutefois je devais trouver la mort par la main d'autrui ». Alors il savait ou se doutait de ce qui arriverait.

« Je souhaiterai récompenser l'intelligence éventuelle de mes actuels employés, quels qu'ils soient à l'heure où ces lignes seront lues ». Écartait-il d'office ses employés comme des meurtriers potentiels ?

« Cet héritage leur reviendrait s'il parvenait à trouver le nom de mon assassin - preuves à l'appui - dans un délais de 3 jours à compter de mon décès ». Parfait, c'est exactement ce dont avait besoin Gabrielle, des employés de maison qui se prennent pour des détectives. Elle fronça les sourcils, visiblement contrariée.

« Un trésor se trouve caché dans ma demeure, au château, dissimulé par mes soins. Et celui-ci reviendra au premier qui parviendra à le découvrir ». Et voilà qu'en prime il transformait le lieu de son meurtre en chasse aux trésors. Les invités comme les domestiques ne manqueraient pas de fourrer leur nez un peu partout à sa recherche, qu'il existe ou non. Gabrielle se sentit soudain complétement impuissante, comme si les rênes de cette enquête étaient en train de lui échapper.

- Bien, écoutez-moi tous, dit-elle en s'adressant à l'assemblée. J'invite bien entendu tout ceux qui auraient le moindre indice concernant cette enquête à me le faire parvenir mais je vous demanderai, pour votre sécurité, de ne prendre aucune initiative.

Après tout, le meurtrier était toujours parmi eux, le fait qu'il puisse s'en prendre à quelqu'un d'autre n'était pas à exclure.

- Sur ce, il se fait tard et je pense que vous avez tous besoin de repos. Nous en reparlerons demain.

[Smidge]

Le brouhaha reprit lentement, chacun étant plongé dans ses pensées, et la plupart se dirigèrent en direction des portes du grand salon dans un concert discret de "bonne nuit". Gaston Chambernaud croisa une dernière fois son regard, qu'elle devina rageur, puis disparut avec les autres convives.

Dans le même temps, la cuisinière s'approcha d'elle timidement, et émit un petit toussotement.

"Si vous voulez, je vais vous montrer où se trouve le canapé du salon. Et je vais aller vous chercher quelques draps."

Elle lui indiqua les portes du hall d'entrée, où elle avait déposé son manteau.

"Le petit salon sera moins dans le passage, expliqua-t-elle. Vous y serez plus au calme."

Yvette lança un bref regard nerveux en direction de Marjorie - accompagnée de mademoiselle Stoän, tandis que les deux jeunes femmes s'éclipsaient par le petit couloir à l'opposé des cuisines. Elle l’entendit distinctement jurer, puis secouer de la tête en ronchonnant.

"Suivez-moi", conclut-elle enfin.

[Echo]

Gabrielle regarda les invités disparaître un à un puis se tourna vers la cuisinière.

- Je vous remercie, dit-elle simplement.

Mais elle remarqua son air contrarié lorsqu'elle aperçut sa fille partir en compagnie de mademoiselle Stoän, ce qui intrigua la lieutenante.

- Que se passe t-il ? Quelque chose ne va pas ?

[Smidge]

Elle poussa un soupir.

"C'est ma fille, Marjorie, expliqua-t-elle. Elle était censée dormir avec moi cette nuit, et cette... cette petite impertinente s'est mise en tête de dormir avec cette... étrangère, là, qui est sortie d'on-ne-sait où..."

Elle poussa les portes menant vers le hall, l'invitant à la suivre.

"Marjorie n'est déjà pas très équilibrée... Elle est un peu... enfin, elle se raconte beaucoup d'histoires, vous comprenez. Et je ne veux pas qu'elle ait de mauvaises fréquentations. Encore ce soir, elle nous a raconté n'importe quoi à propos de traces de sang qu'elle aurait vues..."

Yvette secoua lentement la tête, dépitée.

Elle tourna sur leur droite, et toutes deux passèrent devant le vestiaire.

[Echo]

- Visiblement vous ne la portez pas dans votre coeur, pour quelle raison ?

Gabrielle se demandait ce qui motivait l'antipathie flagrante de la cuisinière à l'égard de cette jeune femme mais c'est surtout ce qu'elle lui raconta sur sa fille qui attira son attention.

- Et que vous a raconté votre fille au sujet des traces de sang ? C'est peut-être important...

[Smidge]

"Vous vous rendez compte, répondit-elle, outrée, elle a un enfant, et même pas de mari ! Et puis elle a débarqué comme ça, sans prévenir... Vous trouvez que ça le fait, vous, de s'inviter à une soirée comme ça ? Je ne comprends encore même pas pourquoi le maître ne l'a pas mise à la porte !"

Elle ouvrit la porte du hall sur leur droite, qui donnait dans un salon aux proportions raisonnable - du moins en comparaison avec les autres pièces qu'elle avait eu l'occasion de visiter. Au centre de la pièce se trouvait une table basse, le long du mur droit, un canapé en cuir (qui serait vraisemblablement sa literie de la nuit) et une sorte de commode, et sur le mur gauche, une cheminée, ornée d'une volumineuse - et un peu effrayante - tête de lion en pierre sculptée.
En face, une autre porte, fermée, donnait elle ne savait où.

"En tous cas, ne prêtez attention aux élucubrations de ma fille..., soupira-t-elle. Si vous voulez tout savoir, elle est arrivée en plein pendant l'apéritif toute chamboulée, prétendant avoir trouvé la cabane du jardinier pleine de sang... Bien sûr, il n'en était rien, et Fernand allait très bien... Enfin..."

Elle retira les coussins éparpillés sur le canapé, et les arrangea en guise d'oreiller. Elle ouvrit ensuite le tiroir inférieur de la commode, en déplia une grande couverture, et l'étendit sur le dossier.

"Voilà, tout est prêt. Si vous avez besoin de quelque chose, je suis dans l'aile Nord, mais vous pouvez toujours aller voir Émile, qui dort juste dans la petite chambre à côté de la salle à manger. Bonne nuit madame !"

[Echo]

- Merci, bonne nuit à vous, répondit-elle à la cuisinière.

Dès que celle-ci quitta la pièce, Gabrielle se laissa tomber dans le canapé en soupirant. Et dire qu'elle allait être coincée ici tout le week end... Elle se déchaussa, détacha la ceinture qui maintenait son arme et déposa celle-ci sur la table basse, non loin d'elle.

Doucement, elle sortit de sa poche arrière le calepin sur lequel elle avait noté tous les noms des personnes présentes au château, seuls trois d'entre eux manquaient à la liste mais elle ne manquerait pas de les interroger dès demain. Elle ajouta quelques remarques sous le nom de Marjorie.

De tout ce petit monde, les seuls qu'elle ne suspectait pas encore étaient les quatre acteurs venus pour l'occasion. Difficile de faire un bilan de cette soirée, Gabrielle n'avait pas encore énormément d'informations et elle se sentait de toute façon bien trop fatiguée pour réfléchir posément.

Elle s'allongea sur le canapé, les yeux rivés sur l'horrible tête de lion sculptée au dessus de la cheminée et laissa ses pensées s'égarer. Peut-être qu'il n'y avait pas un mais plusieurs tueurs, peut-être qu'ils s'étaient tous mis d'accord et que le meurtrier n'était autre que le malchanceux qui avait tiré la courte paille.

Elle finit par fermer les yeux et essaya de s'endormir.

[Smidge]

Comme dans toutes ces anciennes maisons, il ne se passait pas cinq minutes sans qu'un bruit suspect ne vienne perturber la relative accalmie des éléments au dehors... Craquements, grincements, sons étouffés... Pour quelqu'un qui aurait un peu d'imagination, il pouvait se passer n'importe quoi derrière ces portes immenses...

Et cette tête de lion qui semblait la fixer avec ses yeux morts...

La fatigue la rattrapa cependant plus vite qu'elle ne l'aurait pensé, et Gabrielle finit enfin par fermer les yeux, son esprit vagabondant aux péripéties irréelles de la journée...


[HRP : C'est la nuit. Chaque personnage doit se reposer suffisamment pour être en forme le lendemain, mais il est cependant aussi possible d'agir pendant cette période. Un temps plus long sera laissé aux joueurs dans cet intervalle, afin qu'ils aient le temps - le cas échéant - de réaliser leurs actions entreprises. Si vous voulez simplement que votre personnage se repose, attendez mon prochain post, qui indiquera le matin.

Mais ce n'est pas tout !

Sur la période nocturne, vous pourrez - si vous le souhaitez - poster "inutilement", simplement pour brouiller les pistes, et faire penser aux autres joueurs que "quelque chose" se passe au château Une fois, deux fois... autant que vous le voulez. Je répondrais bien sûr en conséquence, pour donner le change. Le matin venu, ces posts seront supprimés, et l'histoire reprendra son cours normal.
Si toutefois un évènement imprévu devait se produire pendant votre nuit, un (vrai, cette fois) post vous en informerait, et vous serez libre de réagir comme pendant la journée.]

[Smidge]

Gabrielle s'éveilla lentement, plusieurs sons aigus et répétés parvenant à ses oreilles. "On" s'agitait dans la salle à manger non loin. Au dehors, par la fenêtre, un pâle soleil commençait à poindre au-dessus des arbres en une aurore bleue orangée.

Quelle heure était-il ? Gabrielle jeta un bref coup d’oeil à sa montre, dans la poche de sa veste sur le fauteuil : 7h15.

Elle s'assit péniblement sur le canapé, et s'étira douloureusement, accusant quelques courbatures à la nuque et au dos. Elle n'avait pas dormi autant qu'elle l'aurait souhaité - en particulier pour un samedi matin - mais elle n'avait guère le choix.

La tête de lion au-dessus de la cheminée ne l'avait pas quittée des yeux (bien que moins menaçante de jour), mais elle avait fini par s'habituer à sa présence.

Enfin, elle se frotta les yeux encore collés de sommeil.

[Echo]

La nuit dans le canapé n'avait pas été sans conséquences, Gabrielle sentait déjà quelques courbatures dans sa nuque et son dos. Elle avait également l'impression de n'avoir dormi que deux heures, tout au plus, ce qui ne manquerait pas de jouer sur son humeur. L'esprit toujours un peu embrumé par le sommeil, elle se redressa et commença à rassembler ses affaires.

Une fois ses chaussures à ses pieds et son arme à la ceinture, elle se dirigea vers la salle à manger ; apparemment elle n'était pas la première debout.

[Smidge]

Un courant d'air glacial la saisit brutalement lorsqu'elle ouvrit les portes du hall. La pièce dallée de marbre dégageait un froid sibérien digne d'une véritable banquise. Sans demander son reste, Gabrielle bondit en direction de la salle à manger.

"Oh, bonjour madame !", la salua la cuisinière à peine avait-elle refermé les portes derrière elle.

Une agréable odeur de brioche dorée emplit ses narines, et une douce chaleur émanant des cheminées dans les deux coins l'enveloppa rapidement. Yvette, Marjorie, et une autre domestique plus âgée qu'elle avait aperçue la veille lors de son premier interrogatoire, s’attelaient à préparer le petit-déjeuner.

"J'espère que vous avez bien dormi !, ajouta-t-elle, enjouée. Le petit-déjeuner est prêt !"

Elle désigna la table, déjà bien garnie de nombreux et appétissants pains, brioches, jambons, et autres mets en abondance.

"Si vous désirez quelque chose en particulier, n'hésitez pas à demander à Marjorie."

Elle émit un léger toussotement.

"Si... hem... Si vous souhaitez prendre une douche... La... salle d'eau commune devrait être libre à cette heure-ci. Dans l'aile Nord. Je pourrais vous y conduire si vous le souhaitez."

Yvette la salua, et s'éclipsa en direction de la cuisine.

Dans le même temps, Marjorie poursuivait ses allers et retours, déposant à chaque passage quelques couverts de plus autour de l'immense table. L'autre domestique en revanche, s'était discrètement approchée d'elle, dans une étrange moue ridée, et la fixait d'un intense regard interrogatif et suppliant.

[Echo]

- Bonjour, dit-elle encore un peu endormie en entrant dans la salle à manger.

Lorsqu'elle sentit l'odeur de la table garnie, son estomac lui rappela douloureusement qu'elle n'avait rien mangé la veille au soir. Même si une bonne douche lui aurait fait le plus grand bien, pour l'heure elle avait surtout besoin d'un bon petit déjeuner, avec du café, beaucoup de café...

- Merci, je m'y rendrais sûrement plus tard.

Sans attendre, elle prit place autour de la table et enfourna une brioche dans sa bouche qu'elle avala plus qu'elle ne mâcha. La deuxième domestique, à qui elle n'avait pas eu l'occasion de parler la veille mais dont elle avait retenu le nom, s'était rapprochée d'elle. Elle avait l'impression qu'elle souhaitait lui parler sans oser le demander directement. Gabrielle lui adressa un sourire pour la mettre en confiance.

- Oui ? Est-ce que je peux vous aider ?

[Smidge]

La domestique était assez âgée, petite - rabougrie aurait été le mot - et ses cheveux blancs étaient attachés en une courte queue de cheval très serrée. Elle rappelait à Gabrielle sa grand-mère.

"Je... Bonjour, madame..., bégaya-t-elle d'une petite voix chevrotante. Je m'appelle Marie-Madeleine Laurent... Je ne travaille pas ici d'habitude, et je devais juste venir aider pour la journée d'hier et la matinée..."

Elle marqua une pause, cherchant visiblement ses mots.

"Je n'ai rien à voir avec..., enfin, avec tout ça. Je ne connaissais absolument pas Monsieur le Comte jusqu'à la semaine dernière, et je... J'aurais voulu savoir si je pourrais rentrer chez moi aujourd'hui... ?"

Elle pâlit plus encore, comme terrifiée par sa propre audace.

[Echo]

Gabrielle avait espéré qu'elle venait la trouver pour lui parler d'un indice important qu'elle aurait trouvé, ou encore pour lui avouer quelques anecdotes croustillantes concernant les domestiques ou les invités du château, ce ne fut malheureusement pas le cas. Après les récents événements, elle pouvait comprendre que la domestique n'ait pas très envie d'être mêlée à tout ça. Hélas pour elle, Gabrielle n'avait pas vraiment l'intention de commencer à laisser ses suspects s'éclipser, même les vieilles dames apeurée et apparemment innocente.

- Si vraiment vous ne pouvez rien apporter à mon enquête alors nous en resterons là mais je n'en sais malheureusement pas assez pour vous permettre de repartir maintenant.

D'ailleurs, c'était l'occasion de la questionner...

- Vous ne connaissiez pas le comte et pourtant vous êtes venue prêter assistance aux domestiques du château, pourquoi ?

[Smidge]

Une ombre de déception parcourut son visage ridé.

"Je... J'ai vu l'annonce dans le journal. C'était bien payé, et comme mon mari n'est plus là, vous voyez... Enfin, je comprends. Je resterai à votre disposition si vous avez besoin..."

Elle émit un petit toussotement.

"A ce propos, d'ailleurs... Je n'ai toujours pas touché la somme convenue... Mais maintenant que monsieur le Comte est... enfin, n'est plus... Je ne sais pas trop à qui m'adresser..."

[Echo]

- Je ne sais pas non plus, pas à moi en tout cas, répondit Gabrielle qui n'aimait pas trop la tournure de la conversation. Si elle la laissait continuer dans cette voie, la vieille dame lui demanderait bientôt de l'argent. Mais parlez-moi plutôt des événements de la veille. Vous n'avez rien remarqué d'anormal ? Avant le meurtre, je veux dire...

[Smidge]

La vieille dame la regarda en écarquillant les yeux, et parut un instant ne pas comprendre sa question.

"Je ne sais pas... Je ne connais pas grand monde, je ne sais pas..."

Elle réfléchit un moment.

"Yvette et sa fille m'ont semblées un peu tendues je crois... Mais je ne sais rien de plus..."

Elle demeura silencieuse un instant.

"Si vous n'avez plus besoin de moi, je vais vous laisser finir votre petit-déjeuner."

[Echo]

Oui oui, merci, répondit-elle distraitement en reportant son attention sur son petit déjeuner. Elle aurait bien aimé qu'un témoin du meurtre vienne dénoncer l'assassin, ou mieux, que l'assassin vienne se rendre de lui-même. Elle n'aurait alors plus qu'à lui passer les menottes, le conduire au poste et retourner chez elle pour profiter de son week end déjà bien entamé. Mais ce serait trop facile...

Maussade, elle trempa quelques morceaux de brioche dans son café puis avala celui-ci d'une traite. Elle avait besoin d'une douche maintenant, une douche brûlante, histoire de bien la réveiller. Elle quitta donc la table et demanda à Yvette de la conduire vers la salle d'eau la plus proche. Elle ne tenait pas trop à garder ses vêtements de la veille sur le dos, surtout qu'elle avait passé la nuit avec, mais elle ne voyait pas très bien à qui elle pourrait en emprunter...

[Smidge]

"Je vais rester ici pour finir de préparer le petit-déjeuner, ordonna discrètement la cuisinière aux deux autres domestiques, et au cas où madame aurait besoin de quelque chose. Allez à la buanderie vous occuper du linge, j'arrive."

Marjorie et Marie-Madeleine acquiescèrent et s’éclipsèrent aussitôt.

Gabrielle termina son petit-déjeuner en vitesse, et interpella Yvette, qui se proposa aussitôt de lui servir de guide.

"Je vous en prie, suivez-moi..."

Elles n'avaient pas atteint la porte qu'une jeune fille d'une vingtaine d'années qu'elle n'avait pas encore aperçue entrait, seule, dans la salle à manger. Elle portait une ample chemise de nuit bleu foncé, et ses longs cheveux châtains et bouclés lui cachaient une bonne partie du visage. Elle les salua d'un murmure rauque sans relever la tête, et leur fila s'asseoir à la table sans demander son reste.

"Madame... ?", interrogea la cuisinière en l'invitant à la suivre.

[Echo]

Elle ne répondit pas à la jeune fille, trop occupée à essayer de discerner quelque chose sous cette masse de cheveux bouclés qui lui cachait le visage. Il ne lui semblait pas l'avoir vu la veille mais elle supposa que la jeune femme faisait partie de la troupe d'acteurs. Elle aurait sûrement le loisir de la questionner plus tard.

Sans un mot, elle suivit la cuisinière.