[Bâtiment] L'as à seins

[Echo]

Chance ne laissa rien paraître, ni surprise, ni colère, seulement une petite moue vexée lorsque la jeune femme lui parla de ses « muscles de poulet ». Mieux valait les muscles que le cerveau, eut-elle envie de maugréer.

Elle observait Angèle comme si c'était la première fois qu'elle la voyait, la première fois qu'elle la voyait vraiment. Difficile alors de ne pas ressentir du dégoût devant ce parangon de vertu et de supposée sagesse mais, étrangement, la seule chose que la tieffeline ressentait à cet instant précis, c'était une bouffée de fierté. La fierté d'avoir réussi à traîner une paladine de Manost jusque dans le vomi du pire bouge de Melandis, une prouesse. Elle s'abstint cependant de rire ou de montrer un quelconque signe d'hilarité et c'est d'un ton tout à fait sérieusement qu'elle répondit :

- Ne mentionnez jamais ce que vous êtes et d'où vous venez à qui que ce soit ici, jamais. Quant à la raison de votre présence... je ne veux rien savoir.

Entre une tieffeline et une paladine de Manost, avec qui Melandis était en guerre, ce n'était pas difficile de savoir laquelle des deux finirait le plus vite sur le bûcher. Heureusement pour la jeune femme, Chance n'était pas quelqu'un de très patriotique et elle se moquait pas mal que la ville soit mise à feu et à sang, du moment qu'elle ne faisait pas partie des décombres. Elle éprouverait même sans doute beaucoup de plaisir à regarder la plèbe de Melandis se faire égorger sous ses yeux, mais qu'importe.

- En ce qui concerne les puissances du mal que vous êtes censée combattre, reprit-elle avec une pointe d'ironie dans la voix, je crois que vous avez beaucoup de pain sur la planche. Votre ordre vous a t-il appris que le « Mal », comme ils l'appellent, se cache aussi sous les traits de vos semblables ? Cet endroit grouille d'assassins, de violeurs, d'esclavagistes et, devinez quoi, la plupart sont humains, tout comme vous. Faut-il pour autant penser que votre race mérite d'être éradiquée ?

Chance ne savait pas très bien si la haine que vouaient les humains aux tieffelins était totalement justifiée ; après tout, elle ne connaissait pas ses semblables. Le seul tieffelin qu'elle avait rencontré avait été d'une rare gentillesse avec elle et la seule chose de démoniaque qu'elle avait vu chez lui, c'était sa façon de réveiller les gens.

[Althéa]

Angèle avait levé les yeux vers Chance, presque choquée par son ton vindicatif. Elle n’avait jamais envisagé à quel point sa vision du monde était choquante. La tieffeline brandissait un miroir dans lequel apparaissait toute la brutalité de ses semblables. Mais elle avait parlé de manière générale, non de son expérience propre. Elle écouta un long moment le long réquisitoire de Chance sur les vicissitudes humaines sans intervenir, le visage fermé. Une manière bien à elle de laisser passer les orages. Elle laissa un instant le silence planer au cas ou sa compagne voulait ajouter quelque chose puis …

« J’ai dit qu’il s’agissait des préceptes de mon Ordre. Des grandes théories, des principes. Je n’ai pas dit qu’il s’agissait des miennes. Si j’étais si fanatique, pensez-vous que je vous aurais sortie de la mêlée tout à l’heure ? Pensez-vous que je m’ennorgueuillis de chaque personne à qui j’ai ôté la vie ? Que je serais capable de tuer un inconnu simplement pour un idéal de justice et de pureté ? Si j’agissais ainsi, c’est moi que l’on devrait éradiquer. »

Elle se tut. Elle avait du mal à trouver les mots à cette heure avancée de la nuit. Reprit malgré tout.

« Je ne connais pas de tieffelins à part vous. Et je ne vous déteste pas. Et je ne comprends pas la brutalité des miens. Mais après tout, si vous voulez que nous soyons ennemies »

Elle se leva le temps de défaire le baudrier qui retenait l’épée et le bouclier à son bras. Elle les posa aux pieds de Chance, s’assit de nouveau.

« Allez-y. Si vous voulez venger vos semblables de la bêtise des miens. Je ne me défendrai pas. »

Elle avait relevé la tête. Les tieffelins en haut, l’humanité en bas.

[Echo]

Venger ses semblables ? C'était pousser bien loin la solidarité raciale.

Chance lorgnait sur l'épée que la paladine avait déposée à ses pieds, comme si elle hésitait à s'en servir contre cette dernière.

- Si vous vous imaginez un seul instant que je souhaite votre mort, c'est que vous êtes encore plus stupide que je le croyais...

Sans un mot de plus, elle se détourna et commença à s'éloigner.

- Reprenez votre arme et votre bouclier, vous en aurez sûrement besoin si notre mission tourne mal. Enfin, si toutefois vous êtes capable de faire abstraction de mes cornes pendant encore quelques heures.

[Althéa]

En la voyant partir, Angèle se releva aussi vite qu'elle le put. Son pied buta contre son bouclier et elle trébucha, se retint sur les mains, laissa échapper un "Merde" et se redressa. Gênée, elle regarda du coté de Chance pour s'assurer qu'elle n'avait rien entendu.


"Chance, s'il vous plait, attendez-moi ..."


Elle eut du mal à réajuster épées et bouclier, maudit quelques instants ses mains tremblantes. L'épisode de la taverne et la dispute avec Chance l'avaient éprouvée. Plus qu'elle l'avait pensé. Si sa nature tieffeline l'avait déstabilisée, elle l'avait moins impactée que ses propos. Cette haine solidement implantée pour tout ce que l'on pensait être engendré par le mal. Aurait-elle attaqué Chance si elle avait été une tieffeline anonyme et si on lui avait promis que ce meurtre serait un pas vers le triomphe du bien ? Ce n'était pas impossible. Elle en frissonna. Elle pressa le pas pour arriver à sa hauteur.

"Écoutez, je me suis comportée comme une idiote. Et j'en suis désolée ..."

[Echo]

Angèle s'était peut-être comportée comme une idiote mais c'était bien la première personne qu'elle rencontrait qui était prête à le reconnaître. Chance avait peut-être surestimé l'aveuglement des paladins ou alors la jeune femme était l'exception qui confirmait la règle. La tieffeline penchait pour cette seconde option.

- Malgré tout, vous n'avez pas hésité à me venir en aide tout à l'heure, après avoir vu ce que j'étais.

Puis elle sourit lorsqu'elle ajouta :

- Bon d'accord, vous avez peut-être hésité quelques secondes mais je l'ai à peine remarqué. Bref, je... je crois que... des remerciements s'imposent.

Et visiblement, Chance n'était pas quelqu'un qui avait l'habitude de remercier les gens ; les occasions se faisaient sûrement rares.

- Je vous remercie, souffla t-elle comme si elle espérait que personne n'ait rien entendu.

[Althéa]

"Je n'aurais pas dû hésiter.", répondit Angèle plus doucement encore.

Elle se retourna vers Chance, eût un sourire maladroit. Elle ne savait pas quoi ajouter d'autre. Que dire après leur échange ? Elle avait peur qu'un propos maladroit vienne briser le fragile équilibre. Et elle avait eu son content d'émotions pour la nuit. Elle se sentait fatiguée, à vif. A cette heure avancée de la nuit, ses perceptions devenaient différentes, lointaines et émoussées. Distordues comme par l'ivresse. En résultait comme un sentiment d'euphorie. Elle espéra que leur mission allait se conclure vite sans quoi l'effet lénifiant du sommeil émousserait ses capacités. Un danger pour Chance et pour elle.

"Notre ami nain et ses amis se sont peut-être décidés à aller dormir. On y retourne ?"

Elle passa machinalement le doigt sur la blessure qu'elle avait refermée sans grande difficulté. Ce n'était pas une plaie très grave. Elle en avait vu d'autre. Mais ce qui l'inquiétait était le fait qu'à cause d'elle, la prochaine imposition des mains serait moins puissante. En cas de blessure sérieuse, elle allait avoir du mal à totalement la soigner. Mais personne ne serait plus touché, non ?

[Mornagest]

La ruelle était presque déserte, hormis les deux dames en train de discuter, et les pavés glissants et gras d'une journée passée à être foulés par des bottes crasseuses, endommagées ou au mieux usées. Le calme régnait donc, et seul la rumeur lointaine des activités intra-tavernes laissait savoir que la nuit ne faisait que commencer. En cette heure, seuls les inconscients, les assassins et les ivrognes s'aventuraient dans de tels coupes-gorges sans crainte d'être eux-mêmes la cible d'un crime crapuleux, pour quelques piécettes, ou même gratuitement. C'était sans doute la seule chose gratuite à Melandis : la violence.

Un autre occupant se trouvait non loin des deux femmes. Il se glissait dans les ombres, silencieux, attentif, les sens aux aguets. Il s'arrêtait très régulièrement pour scruter l'obscurité déjà bien présente, guettant la moindre menace potentielle à son encontre. Puis il reprenait son chemin, s'approchant inexorablement du porche sous lequel les deux femmes avaient temporairement élu domicile. Il les aperçut enfin, s'arrêta aussitôt pour les considérer avec attention. Intéressantes... il repartit rapidement vers elles, toujours sans le moindre bruit. Ses pas feutrés le menèrent jusqu'aux devant des deux dames, puis il s'arrêta une fois encore et agit promptement, rapidement, instinctivement. Il vint se frotter à la botte de Chance en émettant un ronronnement sonore aussi soudain qu'apaisant.

[Echo]

Chance ne répondit pas et observait le visage d'Angèle comme hypnotisée. Une petite bête noire, semblable à une fourmi, était sortie du col de la jeune femme et remontait lentement sur sa joue. L'insecte finit par atteindre son oeil et se glissa entre le globe oculaire et la paupière, sans que cela ne semble perturber la paladine. Comme si c'était le signal qu'elles attendaient, une myriade d'autres petites bêtes imitèrent la première et les yeux d'Angèle furent bientôt noyés sous une masse noire et grouillante.

Zed n'avait pas menti, voilà qu'elle commençait à avoir des hallucinations. La tieffeline resta stoïque, du moins aussi stoïque que possible face à cette vision d'horreur. Instinctivement, elle porta ses mains à ses propres yeux et se mit à les gratter comme si elle espérait y chasser quelque chose. Mauvaise idée. Ce geste ne fit qu'accentuer l'horrible impression de démangeaison qu'elle ressentait maintenant partout sur son corps. Elle se mordit la langue et fit un effort pour garder ses bras le long du corps. Combien de temps pourrait-elle faire semblant d'être dans son état normal avant que la paladine ne se doute de quelque chose ? Elle respira bien à fond et tenta de calmer les battements de son coeur.

Elle sursauta lorsqu'un gros chat se frotta à sa botte avec un ronronnement sonore.

- Ooooooooh, cooooomme il est miiiiiignoooooooon !

Elle se pencha vers lui, oublieuse des fourmis qui rongeaient le visage d'Angèle et de ses démangeaisons, et le caressa derrière les oreilles. Visiblement, le matou appréciait le traitement puisqu'il ronronna de plus belle. Pourtant quelque chose n'allait pas avec ce chat, sa tête était étrange, il lui semblait qu'elle s'allongeait, se transformait. Elle continua de le caresser distraitement, puis, subitement, éloigna sa main comme si elle venait d'être mordue par un serpent. Elle recula prudemment.

- Mais ce n'est pas un chat... c'est... c'est un rat, un très gros rat !

Elle aurait du se douter que c'était ni plus ni moins qu'une autre hallucination, mais elle ne pouvait nier ce qu'elle avait sous les yeux : un rat immense, des poils hirsutes et une queue pareille à un gros ver. Terrorisée, la tieffeline grimpa à la hâte sur un très gros tonneau.

- C'est un gros rat, faîtes-le partir, faîtes-le partir !

Elle regardait la main avec laquelle elle l'avait caressé comme si elle s'attendait à la voir se nécroser sous ses yeux.

[Althéa]

Angèle, totalement étrangère à l'univers occulte des drogues et autres joyeusetés, ne reconnut aucun des symptômes. L'esprit embrumé de sommeil, elle ne remarqua pas le regard de Chance et prit le frottement d'yeux pour une simple manifestation de fatigue. Ce n'est que lorsqu'elle commença à s'extasier sur le chat venu quémander des caresses qu'elle commença à percevoir un léger malaise. Le ton enjoué sonnait faux. Elle ne sut pas vraiment se l'expliquer. Une légère fausse note qui ne la gêna pas plus que cela. Quoi ? Chance n'aimait pas vraiment les chats ? Il n'y avait pas de quoi en faire un drame.

Elle-même se méfiait de ce genre de bestioles. Elle avait déjà du mal à se lier à ses semblables, alors avec les animaux ... Mais elle n'avait objectivement rien contre les chats. Du moins ... Elle commença à sentir un petit chatouillement du coté de sa narine gauche. Puis de sa narine droite. Elle contint avec peine un éternuement. Voila, cela recommençait. Encore et encore. Elle ne s'y ferait jamais. Le chat, indifférent ronronnait de plus belle.

Elle sursauta en voyant Chance retirer brusquement sa main et reculer. C'est alors que la situation bascula dans l'irréalité la plus totale. Au début, elle crut à une farce. Chance venait-elle réellement de prendre le chat qu'elle caressait quelques secondes plus tôt pour un énorme rat ? Son regard perplexe passa de la tieffeline au chat puis du chat à la tieffeline. Le félin n'avait pas changé d'apparence et Chance avait l'air terrorisée. Le temps qu'elle éternue de nouveau, sa compagne était grimpée sur un gros tonneau et la priait de le faire partir.

Un peu paniquée, elle commença à grommeler un "Non de non, elle va se ..." avant de se raviser. Non, elle n'allait pas se laisser aller à perdre pied. Cela n'arrangerait en rien la situation. Elle prit le temps de respirer quelques secondes. A part elle-même, elle n'avait croisé aucune personne en état de panique. Mais quelque chose lui disait que la peur n'était pas seule en cause. On ne basculait pas en une fraction de seconde, ce n'était pas possible. Et c'est cela qui l'effrayait le plus. Mais alors quoi ? Elle y penserait plus tard. L'important était de faire descendre Chance de son tonneau, et vite.

Elle fit un pas vers sa compagne avant de se raviser. Le temps qu'elle grimpe à son tour, elle risquait de tomber et de se faire mal. Mieux valait-il peut-être faire partir la source de la peur.

"Chance, c'est un chat, je vous assure. Rien qu'un chat. Je vais le faire partir."

Maîtrisant un éternuement, elle attrapa le matou comme elle le pouvait et le déposa doucement devant le porche. Elle montra à Chance ses mains vides.

"Vous voyez, il est parti. Vous pouvez descendre, vous savez."

Mais Chance, plongée dans la contemplation horrifiée de sa main ne sembla pas l'entendre.

"Chance ?"

Elle respira encore pour se calmer, hésita quelques secondes puis ...

"D'accord, à moi l'escalade de tonneaux ..."

Et elle commença prudemment à monter ...

[Mornagest]

Le matou était encore un peu visible depuis le point d'observation de Chance, et lui-même la regardait avec curiosité. En général, il ne provoquait pas de telles réactions. Soit on le dédaignait dès le début, soit on le repoussait d'emblée, soit on le caressait puis lui proposait éventuellement un morceau de viande ou du lait. Ici, la créature à deux cornes semblait s'affoler subitement, comme si elle s'était rendue compte qu'elle avait bien à faire à un chat, et non à un... chien ? Bizarre.

"Ah ah !" fit-il en esquissant un semblant de sourire sur son visage félin. "Oups..." Il se plaça en retrait sous le porche, histoire de se cacher vraiment, cette fois.

[Echo]

- Je vais attraper la peste bubonique, je vais attraper la peste bubonique, répétait-elle en se balançant d'avant en arrière. Ou le typhus... Je vais mourir, je vais mourir. Pourquoi est-ce que ça m'arrive à moi ? J'ai toujours été gentille. Elle eut un instant d'hésitation. Bon d'accord, peut-être pas toujours...

Elle gémissait comme si elle était à l'agonie, pressant fermement le poignet de sa main " infectée ". Angèle avait beau lui affirmer que l'horrible rat n'était plus là, Chance n'en croyait rien ; elle pouvait voir ses yeux de rongeur qui la fixaient sournoisement depuis le porche, des yeux rouges flamboyants comme des torches.

- Mais qu'est-ce que vous faîtes ? demanda t-elle à la paladine lorsque celle-ci commença à escalader les tonneaux pour la rejoindre. Je ne crois pas que ce soit une bonne idée...

Effectivement, le bois du tonneau était détrempé et n'inspirait pas vraiment confiance ; de plus, Chance n'avait aucune envie de se retrouver face à la jeune femme et à son visage grignoté par des millions de petites bêtes. Elle respira à fond et ferma les yeux ; l'état de panique dans lequel elle s'était trouvée quelques minutes plus tôt semblait passé, elle se contenta de rester assise et d'attendre que son cauchemar veuille bien prendre fin.

[Althéa]

Durant une seconde, Angèle bascula dans l'irréalité la plus totale. D'un coté, Chance dont l'esprit semblait s'être envolé avec le vent du soir et qui était en plein délire. De l'autre coté, le chat ou le rat - tout dépendait du point de vue - qui soudain se mit à oublier de se cantonner au miaulement pour prendre une voix d'homme avant de se reprendre. Pardon ? Oui, le chat avait parlé. Pas ronronné, ni feulé, ni roucoulé. Mais parlé.

Elle oublia alors qu'elle se trouvait en équilibre précaire sur un tonneau, se redressa vivement et bascula ... au sens littéral. Au moment même où Chance lui suggérait que ce n'était pas une bonne idée. Elle tenta de se rattraper au tonneau devant elle, juste à coté de celui sur lequel s'était perché la tieffeline mais sa main glissa. Elle réussit à se raccrocher une fraction de seconde avec son autre main mais entraîna le tonneau en équilibre précaire dans sa chute. Par miracle, c'est sur ses pieds qu'elle atterrit et non sur la tête avant de chuter lamentablement sur les fesses. Elle réussit à éviter de justesse le tonneau qui se brisa à coté d'elle, l'éclaboussant de piquette.

Elle resta quelques secondes stupéfaite. Le temps que son postérieur diffuse un message de douleur dans tout le reste de son corps et qu'elle réalise ce qui venait de lui arriver. Puis, tout doucement, elle laissa échapper.

"Bordel ..."

Fichtre, ça faisait mal. Elle en était quitte pour ne pas pouvoir s'assoir avant quelques jours. Un bleu. Un de plus. Elle espéra qu'elle n'avait rien de cassé. Elle sentit monter un flot de colère.

"Bordel de merde à la con zut alors !"

Elle avait crié. Cela la soulagea un peu. Elle prit le risque d'étendre ses jambes. Rien de ce coté là. Pour le reste ... Non, rien de brisé non plus. Tout semblait à sa place. Elle regarda le chat bavard, puis la tieffeline en plein délire, et fut prise d'un fou rire incontrôlable.

[Mornagest]

Le chat passa brièvement la tête, ayant raté la scène mais clairement entendu la paladine jurer comme un charretier. Décidément, elles étaient amusantes, ces deux dames... il avait bien fait de venir leur rendre visite. Il ne put s'empêcher d'approcher de la paladine et de la regarder d'un air compassionnel - autant qu'un chat pouvait faire montre de compassion, donc d'un niveau proche du zéro absolu.

"Rien de cassé ?" finit-il par laisser tomber, avant de se reprendre une nouvelle fois. "Euh... miaou ? Ronron ? Miaou meooww ?"

[Echo]

Chance n'avait pas vu la chute, elle l'avait seulement entendue. Lorsqu'elle ouvrit les yeux, la paladine était sur les fesses, sa chemise blanche maculée de tâches de vin. Sa réaction ne tarda guère : tout comme Angèle, la tieffeline se mit à rire à n'en plus finir, se tenant les côtes alors que de petites larmes perlaient au coin de ses yeux. Même si elle était d'un naturel moqueur, la drogue n'était pas tout à fait étrangère à son brusque accès d'euphorie. Elle en oublia même la mort prématurée qui l'attendait et l'horrible rat qui la guettait depuis le porche.

- Ahahaha ! Vous êtes vraiment pas douée ! dit-elle entre deux éclats de rire.

Une autre voix s'éleva non loin d'elles, ce qui coupa brusquement toute trace d'hilarité chez la tieffeline, surtout lorsqu'elle prit conscience que c'était le rat qui avait parlé. Enfin, le chat. Oui, c'était de nouveau un chat à présent, étrange... Chance ne réagit pas ; à vrai dire, elle faisait tout son possible pour ne pas réagir, persuadée que ce n'était là qu'une hallucination auditive de plus. Une fois, elle s'était retrouvé à parler avec un homme tout une nuit durant avant de s'apercevoir - une fois la drogue dissipée - que le pauvre bougre était mort depuis des mois. Heureusement, il n'y avait eu aucun témoin et Chance s'était contentée d'ajouter cet événement à la liste des grands moments de solitude de son existence.

Cette fois, elle ne tomberait pas dans le panneau ; elle ignora délibérément le chat.

[Althéa]

La question du chat avait coupé court à toute forme d’hilarité. Elle répondit d'abord.

"Non, rien de cassé, merci."

Avant de se rendre compte compte qu'elle venait de parler à un chat. A un chat qui parlait certes comme un humain. Mais à un chat.

"Dites, vous n'êtes pas supposé miauler, vous ?"

Elle changea de position, grimaça, leva la tête vers Chance.

"Et vous, vous ne pourriez pas descendre de là-haut ? Vous commencez à me faire un peu peur."

Pas de colère dans la voix. Une certaine lassitude peut-être. A cette heure de la nuit où la réalité laissait la place au rêve, sa raison ne se rebiffait plus et elle se sentait prête à tout accepter. Du moins dans les limites du raisonnable. Elle parvint tant bien que mal à se remettre debout et s'approcha de Chance.

"Je peux vous aider à descendre, si vous voulez."

[Mornagest]

"Eh bien, euh..." fit-il pour toute réponse, avant de voir la blonde se redresser et appeler la cornue. Pourquoi pas ? Après tout, cette dernière semblait se percher aussi bien qu'un chat, tout en haut d'un arbre, mais nécessitait deux échelles et une fracture de la jambe pour en redescendre. Crétins de chats. Toujours était-il que la blonde ne faisait plus attention à lui, et qu'il en profita pour reluquer honteusement ses fesses rebondies tandis qu'elle se tournait vers la tieffelin. Il allait sans doute s'attarder un peu plus ici qu'il ne l'aurait pensé de prime abord. Bon, évidemment, son surmoi félin était démasqué, mais cela n'avait pas d'importance : il pourrait filer rapidement si le besoin s'en faisait sentir. Et pour l'heure, ce n'était pas le cas.

[Echo]

Allons bon, voilà qu'Angèle se mettait à répondre au chat. Soit ses hallucinations étaient plus graves qu'elle ne l'avait pensé, soit la paladine avait consommé plus qu'une simple bière dans le bouge où elle l'avait trainée. Elle penchait pour la seconde option.

- Je n'avais pas compris ce qui avait déclenché votre crise de panique, tout à l'heure, dit-elle doucement, comme si elle se parlait à elle-même. Mais tout s'éclaire maintenant : vous êtes complétement défoncée !

Comment avait-elle pu ne pas le remarquer plutôt ? Pourtant Angèle était loin d'agir comme une personne saine d'esprit depuis tout à l'heure. Tout concordait : l'hystérie, la crise de panique et la brusque bouffée d'euphorie... Il était même probable que le cas d'Angèle soit encore plus grave que le sien. La tieffeline s'était toujours plus ou moins figuré que les paladins ne touchaient pas à la drogue ; comme quoi les préjugés ont la vie dure des deux côtés de la barrière.

- Bon, qu'avez-vous consommé exactement ? soupira la tieffeline. Vous avez fumé des petites feuilles rouges ? Sniffé de la poudre blanche ? Ingurgité quelque chose ? Allez-y, videz votre sac, j'en ai vu d'autres vous savez...

[Althéa]

"Mais je n'ai rien mangé ..."

Voila au tout début ce qu'Angèle parvint à répondre avant de comprendre ce qu'insinuait Chance. Lorsqu'elle saisit le fond de son propos, elle s'arrêta net et la fixa, figée dans la perplexité la plus totale. Alors Chance qui au travers de toutes ces expressions imagées et hautes en couleur était en train de lui dire qu'elle pensait qu'elle se droguait ? Mieux que ça, qu'elle était totalement défoncée. Elle grimaça involontairement. Une bouderie teintée d'un étrange sourire des jours où elle était à court de mots.

Mais elle se reprit car elle venait de comprendre. Chance plaisantait, voila tout ! Certes, elle-même n'aurait pas plaisanté à propos de la drogue, cette sordide source d'oubli. Mais après les tentations des dernières heures ... Il lui vint dans l'idée de marcher dans son sens.

"Non, je ne consomme rien. Par contre, je viole des pâtisseries."

Elle réalisa mais trop tard qu'elle avait parlé trop vite et que cette idiotie qu'elle utilisait comme sorte de code avec Théodora, totalement sortie de son contexte risquait d'avoir quelques conséquences fâcheuses.

"Oubliez ça, s'il vous plaît. Faites comme si je n'avais rien dit."

[Mornagest]

"Alors là... moi qui croyais avoir déjà vu plein de choses bizarres, j'avoue que vous me surprenez !" marmonna le chat, toujours en spectateur discret mais insistant. Il savourait l'échange entre les deux dames, pour curieuses qu'elles étaient, elles ne paraissaient pas très dangereuses. Les apparences étaient parfois trompeuses, il était bien placé pour le savoir... mais quiconque parlait de viennoiseries sexuellement abusées ne pouvait être totalement mauvais, si ?

"Votre amie a l'air encore plus atteinte que vous", fit-il à l'adresse d'Angèle, tout en s'approchant d'elle et en cessant de regarder une certaine partie de son anatomie.

[Echo]

- Euuuuh, je ne veux rien savoir.

Ce n'est pas que la vie sexuelle des paladins n'était pas intéressante – au contraire, elle lui sembla même très intéressante après cet aveu – mais la conversation commençait à devenir très, très étrange. Trop étrange pour la tieffeline pourtant habituée au glauque et au scabreux. Elle essaya de repousser les images qui commençaient à envahir son esprit, sans grand succès, et frissonna d'horreur.

- Non, vraiment, ne dîtes plus rien...

Elle jeta un regard assassin au félin qui la toisait du bas de son tonneau et se retint de lui balancer sa botte pour le faire décamper. Il ne fallait pas réagir, faire comme si elle n'entendait rien, c'était plus sûr.

- Et débarrassez-moi de cette sale bête pleine de maladie. Je ne descendrais pas tant qu'il sera là !

Et sur ces paroles, elle croisa les bras, lançant un regard de défi à ladite sale bête. Visiblement, elle n'était pas pressée de descendre...

[Althéa]

Les joues commençant à virer au vermillon et l'esprit totalement mortifié, Angèle resta un long moment sans répondre. Dans son crâne, un monologue intérieur venait de s'engager.

*Non, je n'ai pas dit ça. Si, je l'ai dit. Pourquoi est-ce que j'ai dit ça ? Mais pourquoi est-ce que j'ai dit ça ?*

Elle n'osa pas lever les yeux sur Chance. Le moment de solitude était complet et avait l'air de vouloir se prolonger pendant un long moment. Peut-être aurait-il mieux valu qu'elle tombe dans le tonneau ou se casse une jambe plutôt que de laisser les mots sortir de sa bouche. Alors, en désespoir de cause, elle se tourna vers le chat, les bras croisés.

"Vraiment ? Je ne crois pas. Je ... Je ne viole pas les pâtisseries. Mais je vous réponds."

Elle se tourna de nouveau vers Chance qui avait l'air de vouloir prendre ses quartiers sur le tonneau, se retourna de nouveau vers le chat.

"Je crois que vous lui faites peur. Dites, vous ne voudriez pas reculer, juste le temps qu'elle descende ? Ce n'est pas que je m'ennuie avec vous, mais il commence à faire un peu froid et il se fait tard."

[Mornagest]

"Oh", fit-il simplement. "Je vois. Elle est allergique, peut-être ? Pourtant, quand je me suis frotté à elle, tout à l'heure, elle n'a pas bronché. Enfin, si elle n'aime pas les chats, ça ne fait rien, j'ai l'habitude qu'on me chasse à coups de pierres, dans ce coin... alors, vous m'êtes sympathiques ! Puisque vous ne l'avez pas encore fait... Bref, je m'exécute."

Il disparut à nouveau sous le porche, dans un coin d'ombre, où il était maintenant pratiquement invisible. Son pelage intégralement noir l'y aidait beaucoup, évidemment.

[Echo]

- Vous devriez arrêter de parler à ce chat. Ça commence comme ça et ensuite vous vous retrouvez à parler à toutes sortes de choses, comme des objets, ou des morts... Faîtes-moi confiance.

Elle s'assura que l'horrible greffier n'était plus dans les parages puis descendit agilement de son tonneau ; la drogue avait peut-être émoussé sa santé mentale mais apparemment pas ses réflexes. Elle lança un regard prudent en direction d'Angèle.

- Je ne suis pas une pâtisserie, on est bien d'accord, hein ? Même si des hallucinations vous font croire le contraire. Donc, inutile de tenter votre chance...

Elle plissa les yeux, très sérieuse. Après tout, elle savait mieux que personne qu'on était capable de tout lorsqu'on était sous l'emprise de la drogue. Elle-même s'était retrouvée dans des postures ô combien compromettantes plus d'une fois. Mais c'était une autre histoire...

- Je vous ai à l'oeil, d'accord ?

[Althéa]

Le visage fermé, rougissant de plus belle, Angèle avait croisé les bras et avait reculé du coté du porche. Et elle avait maugréé.

"Honnêtement, si et je dis bien si, j'avais eu tendance à commettre des attentats à la pudeur sur des gâteaux innocents, vous n'auriez pas été mon genre."

Elle ne mentait pas, quoi qu'un petit peu. Il y avait un elle ne savait quoi dans les yeux de Chance ... Mais il y avait Alma, la mission du Façonneur et le retour à Manost qu'elle avait commencé à planifier. Et Tyr, elle était une paladine sérieuse !

"Vous ne voulez pas oublier cette histoire de gâteaux, la classer simplement dans les phrases malheureuses ? Dans celles qui n'ont plus de sens sorties de leur contexte ?'

Elle baissa la tête, contempla un instant ses chaussures.

"Je crois que j'ai faim et que je suis fourbue ... La seule chose que vous pouvez craindre est que je ferme les yeux et que je m'endorme sur place."

[Le Façonneur]

Quête : Le Panier Joufflu

Tout d’un coup, voilà que dans la venelle un bruit de pas retentissait. Il était lent, lourd. Une silhouette se profilait d’entre les ombres d’une nuit de plus en plus épaisse. C’était quelqu’un de petit, de trapu. Un nain ? Peut-être. Mais alors, se pouvait-il que ce soit l’odieux Fugar ? Des grommellements, l’individu était de fort méchante humeur. Mais il ne semblait pas encore avoir remarqué les deux femmes et le chat bavard...

[Echo]

Une phrase sortie de son contexte, bah voyons ! Comme s'il existait des contextes où le viol de pâtisseries était une activité tout à fait normale. Angèle était folle à lier, ça ne faisait plus l'ombre d'un doute. Mais cela amusait beaucoup la tieffeline...

- Je ne pense pas avoir ma place dans la catégorie des gâteaux innocents, de toute façon, dit-elle en haussant les épaules.

Chance faillit ajouter qu'elle ignorait sûrement tout ce qu'un tieffelin était capable de faire avec sa queue, auquel cas elle n'aurait sûrement pas été aussi intransigeante quant à ses préférences, mais un bruit de pas non loin d'elles coupa court à la conversation – et ce n'était pas plus mal.

La tieffeline porta un doigt à ses lèvres, intimant à sa compagne de ne pas faire de bruit. Puis, tout doucement, elle attrapa sa manche pour la tirer avec elle derrière un énorme tonneau.

[Althéa]

Quête : le panier joufflu

Elle avait failli répondre qu'elle n'aimait pas les gâteaux innocents, ce qui n'aurait pas manqué de l'enfoncer d'autant plus dans l'univers glauque des pâtisseries scabreuses. Mais les bruits de pas et les grommellements coupèrent court à toute velléité de parole. Quelqu'un approchait. Quelqu'un de mécontent. Était-il possible qu'un poivrot de l'as à seins ait décidé de venir poursuivre les réjouissances ? Ou était-ce le nain tripoteur qui les cherchait depuis tout ce temps ?

Il s'agissait plus probablement d'un inconnu qui n'avait rien à voir avec elles mais comme l'avait signifié Chance en l'entraînant à l'écart, il valait mieux se montrer prudentes. Derrière le tonneau, elle avait croisé les bras, frileuse et s'était concentrée sur sa respiration. En cas de nécessité, elle serait prête à réagir. Encore fallait-il qu'elle se réveille un peu. Déjà, éviter de regarder Chance.

Guettant le silence, elle espéra que les pas et les jurons s'éloignent et disparaissent, tout comme leur propriétaire. Et le plus vite possible.

[Le Façonneur]

Quête : Le Panier Joufflu

Un nain, c’était bien un nain qui venait par ici. Ça, il n’y avait plus de doute possible. Quand à savoir si c’était bien le dérangeant Fugar, c’était une autre histoire. L’individu ne sembla pas repérer qui que ce soit et poursuivit sa route comme si de rien n’était. Il passa juste devant les tonneaux, grommelant dans sa barbe fournie. Il était accompagné par une odeur de sueur qui, en ces lieux sordides, était loin d’être insupportable. Alors qu’il était au plus près, il fut possible d’entendre quelques mots intelligibles parmi les protestations incessantes.

« ...non mais ho... ...il peut pas venir comme tout le monde... ...et forcément, c’est moi qui doit m’en charger... »

Le nain portait sur son dos un sac de toile et, à sa ceinture, l’éclat fugace d’une arme apparut l’espace d’un instant. Déjà, il s’éloignait...

[Echo]

[Quête : Le Panier Joufflu]

Chance suivait le nain du regard, la respiration bloquée ou si faible qu'on ne pouvait plus l'entendre, mais il semblait de toute façon bien trop absorbé par ses pensées pour remarquer quoi que ce soit. L'idée qu'il puisse s'agir de leur ami tripoteur traversa fugacement l'esprit de la tieffeline ; cela aurait été vraiment trop beau mais tous les nains se ressemblaient, impossible pour elle de distinguer celui-là d'un autre.

Alors qu'il s'éloignait, elle jeta un oeil sur sa voisine de planque. Difficile de dire si elles avaient toutes deux pensé à la même chose mais, d'un geste de la tête, Chance lui proposa de le suivre.

[Althéa]

Quête : le panier joufflu

Elysée, Baator, Outreterre, Carcères ... Le nain passait tout près ... Ysgard, Arborée, Pandémonium ... Et il s'était en allé ... Angèle laissa là son exploration planaire pour se tourner vers Chance qui semblait désigner la direction par laquelle le potentiel tripoteur avait disparu. Elle la dévisagea quelques secondes sans comprendre. Quoi ? Elle voulait le suivre ? Elle faillit secouer la tête avant de se raviser. S'il s'agissait bien de Fugar, il pouvait leur être utile de savoir où il allait de façon à ne pas se retrouver inopinément sur sa route.

Elle décrispa un à un ses doigts et s'aperçut au passage que sa main gauche enserrait fermement une des manches de la tieffeline. Une autre manifestation de panique qu'elle avait du mal à contrôler. En général, ce qu'elle attrapait était tout à fait innocent et dépourvu de conscience et elle avait souvent des objets pour le cas où dans ses poches. Mais là ... Elle retira sa main le plus doucement possible en espérant que si elle ne disait rien, Chance ne remarquerait rien non plus.