[Quête] La guerre des Plaines brûlantes - la flotte luménienne

[Zaiu]

Zaïu était interloqué à plus d'un titre. D'abord, il n'y a pas de toit sur un navire ! Où donc la demoiselle voulait-elle en venir ? Ensuite, la voila qui parle d'attaches... D'attaches...

A l'évocation de ce mot, l'attitude de jeune elfe changea du tout au tout. Il croisa jambes et bras sur sa chaise en fronçant les sourcils, signe d'une concentration extrême. Et il en fallait de la concentration ! Il fallait d'abord évacué des images parasites quoique plus ou moins agréables d'attaches en ruban de soie, de menottes à moumoutes, de ... Bref... Mais le fond du problème est que, depuis son "échappée", il n'avait jamais pris le temps de réfléchir à ce genre de questions. Certes, l’enchaînement des événements ne lui avaient laissé guère le temps de philosopher, mais voila que, la panse pleine et en bonne compagnie, en relative sécurité, une question existentielle le frappa soudain. Ce que c'est fourbe une question existentielle ! Elle réussisse un coup critique à chaque fois !

En fait, Zaïu n'a plus vraiment d'attaches... Les dernières étaient par trop serrées... Quant à la questions d'en retrouver ...

Il laissa la phrase en suspend, visiblement troublé.

[Kasumi]

Arthur fit des émules parmi les officiers de quart le lendemain matin ou même de nuit. Après un petit défilé de pétitionnaires venus la remercier et la féliciter pour son interprétation talentueuse, la barde put donc reprendre le cours de sa représentation. Miranda, de son côté glissa quelques paroles prometteuses à Zaiu :

- Oh, auriez-vous fui une ancienne conquête ? Une promesse de mariage peut-être ? Ce serait fort romanesque. Mais ne vous inquiétez pas : je ne parlais pas de ce genre d’attaches. Mais plutôt d’un pied à terre plus ou moins permanent. C’est toujours agréable de rentrer chez soi après un voyage, aussi agrémenté de bonnes expériences, soit-il, non ? Qu’en pensez-vous ?

Cette fois, la prêtresse lui avait adressé un clin d’œil. A moins qu’elle ait eu quelque poussière dans l’œil.

[Zaiu]

Une épidémie de poussière dans l’œil devait être sur le point de se déclarer puisque Zaïu rendit son clignement d'oeil machinalement, sans réfléchir. Un peu comme dire "Roger ! Message reçu 5/5", genre il avait reçu un message codé trotro compliqué.

Toujours est-il qu'elle avait mis dans le mille. Pouvait-il y avoir un lien entre cette ancienne affaire et Miranda ? Connaissait-elle tous les chefs de clans de Lorien ? Avait-elle fait une formation initiale en commerce de fourrure ? Les carottes sont-elles cuites ? A toutes ses interrogations mentales, Zaïu décida de leur assigner la même réponse, toujours mentale : "Mais on s'en cogne en fait !". En effet, c'est pas à mille lieues de sa contrée d'origine, en pleine mer, à la veille d'une guerre, qu'on lui chercherait querelle à ce sujet. Quoiqu'il faille toujours se méfier avec le clergé...

Zaïu doit en effet avoir un côté romanesque...

Fit-il avec une moue contrite.

Et certes, avoir un pied à terre, même si c'est une maison sur pilotis, ça doit être pas mal...

[Surya]

La pièce s'était vidée petit à petit, mais il restait les danseurs les plus fougueux, les buveurs les plus invétérés, les insomniaques, et également quelques couples en formation. Pour eux -et eux seuls-, elle ralentit subitement le rythme effréné de ses chants pour se lancer dans une complainte langoureuse à souhait.
Zaïu, c'est le moment d'inviter ta belle à danser, l'exhorta-t-elle mentalement. Elle chercha du regard le jeune Arthur et Soupir, mais ne les vit ni l'un ni l'autre. Ils avaient dû quitter la pièce bien plus tôt. Quoique, en y réfléchissant, elle ne se souvenait pas les avoir vus l'un près de l'autre ce soir-là. Une histoire avortée sans doute...
Ce changement de rythme dut signifier pour nombre de danseurs la fin de la soirée. Les uns après les autres, ils quittèrent la pièce. Mais Surya attendit de n'avoir plus pour compagnie que quelques alcooliques attardés pour cesser de jouer -ce qu'ils ne remarquèrent même pas.
Elle rangea rapidement ses affaires, gestes mille fois répétés qui étaient devenus des automatismes, et quitta à son tour la pièce, discrètement pour ne pas réveiller les deux jeunes marmitons qui avaient fini par s'endormir dans un coin.

[Kasumi]

La soirée s’était plus ou moins éternisée, faisant subir des conséquences douloureuses proportionnellement inverses aux aventuriers. Avec le matin, une surprise les attendait tous cependant. Et même deux surprises dans le cas de celui qui avait le plus veillé : Zaiu se réveilla complètement nu et sans être du tout assuré de se trouver dans ses quartiers. Un beau mal de crâne achevait de le désorienter mais au moins était-il seul.

Mais revenons à cette surprise… En rejoignant le mess au compte-goutte, les aventuriers y trouvèrent une table qui n’y était pas la veille. Elle était encombrée de magnifiques armures : plusieurs harnois de maître, une chemise de maille et une magnifique armure de cuir. A côté de chaque pièce était déposée une enveloppe portant le nom de son nouveau propriétaire mais même sans cela, leurs proportions parfaitement adaptées à chaque membre du groupe les désignaient tout aussi clairement.

Plus tard, quand tous furent réunis autour de leur petit déjeuner, l’amiral vint justifier cette dépense :

- Puisque vous vous êtes mis au service de Luménis pour cette campagne, j’ai tenu à ce que vous puissiez bénéficier du meilleur équipement défensif à notre disposition. Ces armures ne sont pas magiques mais nos meilleurs artisans - en dehors de maître Dorian qui avait bien droit à cette surprise lui aussi - y ont prêté la main. Leur matériau est le plus léger et le plus résistant disponible. Et il sera toujours possible de les faire améliorer par la suite par quelque enchanteur de talent. Une dernière chose avant de les essayer : je tiens à ce que vous soyez tous en forme demain aux aurores pour notre débarquement. Vous avez donc quartier libre pour le reste de la journée. Profitez-en bien !

Et ainsi la journée et la nuit passa jusqu’au moment venu pour leur convocation, juste avant l’aube.

[Arthur de Faisanlys]

D'ici...

Il avait vogué sur une mer tranquille, le regard perdu dans les vagues innombrables, tâchant de ne penser ni au passé, ni à l’avenir. Ce n’était pas facile. Le passé était chaotique et le futur incertain.
Jusque là, il n’avait pas réellement songé à ce qui se produirait lorsqu’il rentrerait. Il n’avait plus de cheval, juste une armure cabossée et une montagne de doutes. Des cauchemars, aussi, qui l’avaient envahi alors que la houle agitait son navire, à la nuit. Fracas des corps, odeur du sang, la morsure de la scie contre la peau de son poignet, des zombies et la brume, des épouvantails, la silhouette d’un Loviate, d’un nécromant, d’un capitaine mélandien, de tous ces cavaliers qui chargent, qui frappent, qui chutent, qui tuent, qui meurent.
Les paladins n’ont pas peur, jamais peur, pas même des ombres au creux des ténèbres.
Pourtant qu’était-ce sinon la peur ? Ce souffle court, ce cœur tambourinant contre ses côtes, cette sueur sur ses tempes, cette envie de crier que l’on réprime tout juste pour ne pas alerter les voisins de dortoir ?
Il avait envie, besoin de rentrer chez lui. Se réfugier quelque part, le temps de panser toutes ces blessures.
Son père qui n’était plus son père mais qui l’avait blessé au plus profond de lui-même.
Il conjurait la lumière du soleil dans la cour de la commanderie, caressant les visages et les armures, le sable blond, la croupe des chevaux, le tranchant des lames.
Il invoquait l’atmosphère chaleureuse du réfectoire, le rire sonore d’Othon, les grimaces d’Enguerrand, les histoires invraisemblables d’Horatio, la délicieuse cuisine de Walter.
Il pensait à des yeux verts ensorcelants et une chevelure rousse, frôlait ses lèvres du bout des doigts à l’endroit où elle l’avait touché, imaginait son corps, son sourire, sa voix, et se demandait s’il n’avait pas commis l’erreur la plus grossière de toute son existence en partant… ou en la laissant rester.
Mais il était trop tard et il fallait espérer. Les regrets ne sont pas lathandrites et s’il était une chose dont il demeurait persuadé, en ces temps incertains, c’était que l’aube viendrait.

Et ainsi l’emporta le navire, de journées mornes en nuits agitées, des champs de bataille à sa cité natale, et quelque chose en lui frémit quand il aperçut enfin la silhouette lumineuse de Luménis.