[Quête] Guerre des plaines brûlantes : un certain goût pour la mort

[Althéa]

Luna avait sursauté quand Tempérance avait tendu la main. Il lui était difficile de confier les carnets de son demi-frère à une parfaite inconnue, même si elle lui paraissait digne de confiance. Puis elle se décida.

L'écriture était brouillonne et ramassée, si bien que la prêtresse dut presque rapprocher son visage pour déchiffrer une première bribe.

Voila quelques jours que je suis immobile, là, dans ces montagnes. Je tremble de fièvre et de froid. Autour de moi, la tempête fait rage. Il y a ce lac étrange tout près de moi. Il semble ne pas refléter la lumière des étoiles. Il semble étrangement que les météores tombent sous la surface. Un délire fébrile, sans doute. D'étranges lumières semblent parfois danser sous la surface.

Il me reste mon fidèle carnet, ma plume et mon encrier. Fidèles compagnons qui ne me quitteront pas. Peut-être n'est-ce qu'un rêve, un rêve halluciné. Je n'ose pas m'approcher de ce lac, au point de risquer de mourir de soif. Est-ce pourtant le lieu d'où provient cet incessant appel ? Je dois en avoir le coeur net ...

Une interruption. Une page sur laquelle se distinguent quelques croquis.

"Qui l'eut crut ? Le lac n'était en fait qu'une illusion ... Sous la surface se trouve cette étrange cité. Ici, tout a des proportions immenses et semble défier toutes les perspectives. Ici passent des lumières mortes. Elles ne m'inquiètent pas. L'appel semble provenir d'une sorte de temple. Il se fait plus vif. Je sais que je ne trouverai le repos qu'une fois que j'y aurai répondu. Je dois avancer et cela coûte que coûte ...

D'autres pages noircies encore, attendant d'être lues.

[Dhast]

Ses vacances tous frais payés dans le relatif confort dont bénéficiait l'entourage du conseiller semblaient soudain prendre du plomb dans l'aile. Il ignorait ce qu'il en avait été pour les autres jusqu'ici, mais désormais chacun avait l'air d'éprouver de l'appréhension face à la dangerosité de la mission, hormis, peut-être, Chandara, qui faisait preuve de plus d'aplomb et qui questionnait déjà le manchot sur les détails de la mission. Une fois n'est pas coutume, Brus restait quant à lui silencieux. Il n'avait pas compris le sous-entendu émis par le manchot concernant le rôle de fils que devait tenir le paladin, et il avait des réserves assez proches de celles de ce dernier quant à la façon dont cet homme traitait une affaire si importante. Pourtant, lui qui n'était le fils de personne, se sentait touché par l'attitude de ce père. Dans l'esprit du jeune voleur, si sa raison avait le plus souvent à mener une partie inégale contre sa curiosité, elle cédait, cette fois, face à l'ineffable magnétisme que dégageait l'attitude de ce père envers son fils.

Brus écouta la réponse que celui-ci faisait à Chandara avant d'apercevoir la prêtresse qui avait entamé la lecture du journal.

"Bon, on n'a pas trop l'choix, non? On y va? Faudrait pas traîner, et on aura l'temps d'lire tout ça en route. Je sais pas pour vous mais le temps qu'j'aille chercher Colère et l'reste de mon équipement, j'suis bon."

Brus éprouvait ce sentiment familier de légèreté qui le prenait à chaque début d'aventure. Du reste, celle-ci avait quelque chose de semblable avec la quête d'Eroeh, Chandara était présente au sein d'un groupe au fort pourcentage de personnel ecclésiastique, et la situation était assez proche : un petit groupe paumé dans la nature en direction d'une tour pour y dénicher un type entouré de tout un tas de trucs magiques, avec, pour le piment, plus qu'un groupe de Zhents cette fois, tout un régiment de Mélandiens dans la course. Le voleur lança un large sourire au paladin.

[Arthur de Faisanlys]

Le paladin qui se retrouvait dans une situation inextricable. L’Helmite avait posé mille questions. L’Ilmate avait pris le journal. Le jeune homme était pressé. Luna était dans le coup. Etait-il le seul à voir l’étrangeté de ce qui leur était demandé ? Etait-ce… culturel ? Il avait toujours pensé que les Lathandrites étaient ceux qui suivaient leur cœur avant la loi, c’était presque inscrit dans les textes fondateurs de l’ordre de l’Aster, et les clercs étaient clairement encouragés à agir selon leur conscience avant d’en référer à la hiérarchie. Mais ces Manostiens le surprenaient grandement. Il finit par s’éclaircir la gorge.
« Excusez-moi, mais… Je voudrais être sûr de comprendre… Est-ce que cette mission est… officielle ? Est-ce que vos supérieurs sont au courant ? Je veux dire… Je viens d’arriver mais… personne ne m’a parlé de m’engager dans une affaire clandestine. Je sais à peine qui vous êtes, avec tout le respect que je vous dois, et… En tant que paladin, j’ai des devoirs envers… envers ma patrie, déjà, et ceux qui dirigent son contingent. Je voudrais être certain qu’ils ont donné leur accord à ma participation à votre… mission très louable, par ailleurs. »
Il avait déjà assez d’ennuis comme ça, oh oui.
« Je ne veux pas rompre mes vœux, vous comprenez. Faire mon métier va de pair avec une certaine déontologie. Sur Hélonna, du moins. »
Il avait dit cette dernière phrase avec circonspection, espérant ne vexer personne, surtout pas la jeune Helmite.

[Chandara]

Chandara se tourna vers son confrère quand celui-ci sortit de sa réserve pour leur faire part de ses doutes. Le paladin, malgré son jeune âge semblait doté d’un esprit pénétrant, bien davantage qu’elle-même qui n’avait pas réfléchi plus d’une minute au-delà de la mission qui les attendait. Elle se sentit quelque part un peu honteuse de n’avoir pas réfléchi un seul instant aux questions très justement soulevées par Arthur.
Quelle idiote ! Décidément, il me reste énormément à apprendre sur les bases même de la profession… Elle était maintenant partagée entre son enthousiasme affiché avant son intervention, ne souhaitant pas se dédire pour cette mission qui lui tenait particulièrement à cœur et le désir d’abonder dans le sens du paladin, bien plus sage qu’elle-même en plus de ses indéniables attraits physiques. Elle aussi était censée en référer à Eroeh et à sa hiérarchie se rendit-elle compte un peu piteusement. Elle avait vraiment tendance à se comporter en simple aventurière… Elle se creusa la tête à toute vitesse pour intervenir et peut-être ainsi paraître un peu moins immature et plus crédible à ses yeux :

- Je suis d’accord avec Arthur ! Enfin… Je suis enthousiaste à l’idée de tenter votre plan d’autant qu’il me parait très judicieux : un petit groupe sera plus discret et plus habile qu’une armée mais que se passera-t-il si les mélandiens nous devancent au moulin ? Si nous parvenons à nous infiltrer jusqu’à votre fils, le libérons et récupérons le livre, nous serons encore sous la menace de toute une compagnie ennemie. Ce serait vraiment tragique d’en arriver là pour échouer parce que nous sommes trop peu. Avez-vous prévu de soutenir notre retour ? Voire de nous aider par une diversion ? Oh, et une dernière chose si je puis me permettre : je dispose d'un cheval, Brus et ser Arthur également. Est-ce aussi votre cas, Tempérance ? Montés, nous gagnerions un avantage considérable sur nos ennemis...

Pendant tout son discours, elle n'avait pu s'empêcher de guetter les réactions du luménien, en quête de son assentiment.

[Althéa]

Thoenn Boros écouta jusqu'au bout les réticences des paladins. Pas de trace de contrariété sur son visage. Peut-être même une ombre de sourire.

"Il est vrai que je ne me suis pas complètement présenté et que ma requête semble surgie de mon simple cerveau. Il n'en est rien. Pour ce qui est de mon statut je suis clerc helmite et membre du Coeur Radieux et de l'état major de cette armée. Un prêtre privé de pouvoirs qui de toute façon ne lui auraient servi à rien ..."

Il eût un sourire amer qui le rendit presque féroce. Il se tourna en direction des tentes d'où commençait à déboucher un groupe d'hommes d'armes à cheval menés par un autre cavalier. Cheveux grisonnants comme l'autre, la mine compassée. Il porta sur le quintette un air dubitatif avant de descendre de cheval. Un bref salut d'une raideur toute militaire avant de s'exprimer.

"Voici donc votre escorte, Thoenn. Comme vous le devinez sûrement, ils proviennent de différentes compagnies. Des volontaires pour la plupart."

Thoenn hocha la tête.

"Je n'en attendais pas moins de vous, Soren. Soyez en remercié"

Le nouveau venu éluda l'amabilité d'un simple geste.

"Je leur donne deux jours. Pas plus. S'ils ne sont pas revenus, l'armée sera obligée d'avancer. La menace dont vous nous avez fait part ne peut être prise avec légèreté. Mais si vous êtes convaincu qu'ils en sont capables ...
- Ils le seront ...", répondit Thoenn.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur prit la couleur d’un charmant coquelicot lorsqu’il comprit ce qui était en train de se dérouler devant lui. Si seulement il avait eu le bon sens d’attendre cinq minables minutes de plus ! Mais non, il avait tout de suite verbalisé ses inquiétudes et mit en doute le sérieux de l’homme qui les avait convoqués. Décidément, il n’en manquait jamais une pour se faire remarquer. Un petit apprenti paladin dans son genre qui osait exiger des explications de la part d’un officier du Coeur Radieux. Formidable. Il chercha le regard du dénommé Thoenn, espérant lui communiquer son embarras, et ses regrets, de la sorte, et il se promit de se taire désormais et de faire confiance. Au moins, quand la paladine Helmite parlait, c’était pour poser des questions pragmatiques. Lui, il s’empêtrait dans des affaires de principes, alors même qu’il avait embarqué sur un navire luménien contre l’ordre direct de son supérieur. Il était vraiment vraiment mal placé pour faire la morale à qui que ce soit.
Ce qui l’empourpra davantage.
Mais d’un autre côté, il était rasséréné. Oui, ils allaient probablement se faire massacrer par des morts-vivants ou des Mélandiens, ou les deux. Mais au moins, l’armée manostienne était au courant. C’était un soulagement.

[Tempérance]

Elle avait senti l'hésitation de Luna et la gratifia d'un sourire apaisant lorsque celle-ci se décida à lui confier le journal de son frère. Elle survola rapidement les premières lignes.
- Si cela ne vous dérange pas, j'aimerais le garder pour le lire sur la route, dit-elle aux autres. Peut-être pourrons-nous avoir une idée plus précise de ce qui nous attend là-bas...
Deux jours pour accomplir cette mission ? Thoenn avait drôlement confiance en eux, elle espérait ne pas le décevoir. Même si le livre qu'il leur avait demandé de trouver était le plus important, Tempérance mettait surtout un point d'honneur à tout tenter pour ramener son fils sain et sauf.
Elle se tourna vers Chandara, gênée.
- Non, je n'ai pas de cheval. Je fais d'ailleurs une piètre cavalière... Mais je me débrouillerai pour en trouver un, dit-elle précipitamment. Je ne veux surtout pas nous ralentir.

[Althéa]

Thoenn n'eut pas l'air de vouloir lire sur le visage d'Arthur, laissant le paladin mariner dans son bouillon de culpabilité et d'embarras. Luna marqua une seconde d'hésitation face à la demande de Tempérance durant laquelle elle eut l'air presque perdu avant de se ressaisir et de hocher la tête.

"Je pense effectivement que vous en apprendrez plus sur le livre. Par contre, pour ce qui est de mon frère, s'il vous plaît, ne le jugez pas."

Une ombre de chagrin s'attarda quelques instants sur ses traits. Puis elle se tourna vers Chandara et lui glissa à mi-voix afin qu'elle seule et la prêtresse puissent entendre.

"C'est fou ce que les paladins rougissent. C'est peut-être parce qu'on voit bien vos joues. Ah mais j'y suis, vous vous êtes rasée, ce matin ?"

Sans lui laisser le temps de répondre, elle enchaîna.

"Je vais chercher Bougre. Il doit être ferré, maintenant."

Une mine contrite en direction d'Arthur et elle partit sans demander son reste. Thoenn se tourna vers Tempérance.

"Effectivement, nous pouvons facilement vous en trouver un."

Il se tourna vers l'un des cavaliers présents qui hocha la tête, éperonna sa monture et repartit en direction du camp.

[Dhast]

Brus n'était pas mécontent d'en savoir un peu plus sur le manchot. Un membre de l'état-major manostien? Le voleur ne se souvenait pas de l'avoir croisé lorsqu'il était en compagnie de Lothringen mais après tout, l'armée était très importante et sans doute n'avaient-ils pas fait le tour de toutes les têtes. Le groupe prenait également des allures plus importantes avec l’agrément d'une troupe de cavaliers. Cependant, ce qui préoccupait le plus Brus c'était le délai de deux jours qui leur avait été accordé. La prêtresse avait avoué ne pas être très bonne cavalière, et lui même ne l'était pas non plus. Tout dépendait donc de la nature du terrain mais il espérait bien être au moulin d'ici au soir. Ce qui leur laissait ensuite la nuit ou la journée du lendemain pour récupérer le livre puis décamper pour laisser la place aux mélandiens. La marge de manœuvre était correcte à condition que rien ne vienne freiner leur avancée. D'ailleurs, le groupe de cavaliers devait sûrement être là afin de s'assurer que "la marge de manœuvre" reste intacte. Brus s'approcha de la prêtresse tandis qu'on allait lui chercher une monture.

"Vous inquiétez pas m'dame Tempérance, je suis sûrement aussi nul à cheval que vous! J'ai failli m'casser l'cou deux trois fois en v'nant de Manost. C'la dit, je préfère que ça m'arrive plutôt qu'à vous, moi j'n'aurai pas de sorts de soin pour vous remettre sur pieds... Bon, j'vais aller chercher l'mien aussi alors."

[Chandara]

Chandara s’était tout d’abord sentie bien bête de ne même pas reconnaître un officier partageant sa foi. Cette lacune était tellement criante et indigne d’une paladine brièvement au service même de l’Ordre qu’elle avait baissé la tête en signe de honte. Oui, elle était étrangère à Manost. Oui elle était encore jeune et inexpérimenté mais cela ne faisait pas des excuses acceptables. Elle aurait dû remédier depuis longtemps à son ignorance de la hiérarchie helmite et n’avait rien tenté pour cela, préférant battre la campagne à la première occasion.

L’arrivée des cavaliers fit quelque peu diversion et elle ressenti une bouffée de soulagement de savoir que leur mission serait appuyée. Mais comment avait-elle pu en douter un seul instant eux qui étaient si jeunes ? Et aller jusqu’à poser la question au général comme si de rien n’était ? Décidemment, Hughes avait eu tort : pour sa crédibilité elle ferait aussi bien de se taire. Quant à assumer un jour le commandement d’un groupe, il y avait de quoi se tordre de rire…

L’échange entre Tempérance et Luna lui échappa quasiment en totalité si ce n’est qu’elle enregistra l’information que cette dernière était la fille de leur commanditaire et la sœur de l’homme qu’ils allaient tenter de sauvé. S’il n’était pas trop tard. Elle éprouva un élan de compassion pour la petite chipie mais s’efforça de le réprimer pour se montrer attentive à la suite des discussions : à défait d’être un meneur, il fallait a minima savoir suivre correctement. Sinon, on devenait pire qu’inutile. Malgré tout, elle mit une seconde à remarquer que la prêtresse s’adressait à elle. Elle devait prendre de la graine de son courage à affronter ses défauts pour le bien du groupe. Elle lui répondit dans un souffle mais avec sincérité néanmoins :

- Je pourrai vous aider et peut-être vous donner quelques conseils si vous les acceptez.

A la remarque mesquine de Luna, elle ne fit pas mine de répondre : elle méritait copieusement toutes ses moqueries au fond. Elle qui représentait une partie de l’espoir de sauver son frère et qui brillait par son incompétence manifeste. Quand Luna et Brus firent mine de partir à la recherche de leur cheval, elle sentit le moment de faire de même :

- Je vais moi aussi chercher mes affaires et ma monture. Je ne serai pas longue…

Elle n’osait même plus regarder en direction du beau paladin, craignant d’y lire du mépris pour ses inaptitudes. Elle n’avait même pas pensé à emmener son cheval à la rencontre. Elle ne devait sa chance qu’au fait que d’autres aient commis la même étourderie de ne pas retarder le groupe. Et lui était déjà parfaitement prêt à partir !

[Arthur de Faisanlys]

Arthur demeura donc sur la colline entre Tempérance, Thoenn et la troupe armée qui devait les accompagner. Comme il avait pensé à prendre son cheval (ainsi que toutes ses très maigres possessions, en réalité, puisqu'il était sensé venir s'installer dans le campement helmite), il décida simplement de l'enfourcher. Filu était, comme de coutume, extrêmement calme, et cela le rasséréna par contagion cutanée. Il se permit même un petit soupir pour relâcher sa tension. Il ne chercha plus à trouver le regard du général manostien, ne chercha pas non plus à faire conversation avec l'Ilmate (il savait désormais que quitte à se ridiculiser, autant le faire en silence) et pendant un bref instant, il se sentit complètement désoeuvré. Dire qu'il était encore à bord de la Vague Déferlante le matin-même et qu'il se retrouvait à présent embarqué dans une mission dangereuse, sans avoir même eu le temps de se poser quelque part. Il frémit malgré lui, effet de la brise printanière, à n'en pas douter. Il valait mieux ne plus penser à tout ça et se concentrer sur les heures à venir. Le moulin, le bouquin, le fils dément. Si le balafré était confiant, et bien... il devait avoir de bonnes raisons de l'être, non ?

[Tempérance]

- Cramponnez-vous bien alors, dit-elle à Brus avec un sourire. Si vous vous rompez le cou, je vais avoir du mal à soigner quoi que ce soit.
Elle ne montait guère à cheval et préférait généralement les longues heures de marche lorsqu'elle devait voyager. C'était certes beaucoup moins rapide mais cela lui permettait d'observer et d'étudier la flore locale afin de trouver de nouvelles herbes pour ses onguents ; mais l'urgence de la situation ne lui permettait pas de flâner en chemin. Elle n'était pas certaine de pouvoir tenir le même rythme que les autres, plus habitués à voyager de la sorte, aussi accepta t-elle avec plaisir les conseils que Chandara pourrait lui donner.
Alors que le petit groupe commençait à se disperser, Tempérance s'approcha doucement de Toenn.
- Je suis désolée, pour votre fils, dit-elle à mi-voix. S'il existe la moindre chance de vous le ramener, nous le ferons, je vous en fais la promesse.
Promettre d'essayer. C'était bien le moins qu'elle puisse faire même si cela lui semblait un peu idiot. Elle avait déjà fait une promesse qu'elle n'avait pu tenir, il y a longtemps ; elle n'avait jamais vraiment oublié.

[Dhast]

Brus avait dégluti, guère rassuré, puis était allé chercher ses affaires. Il revint une quinzaine de minutes plus tard sur le dos de Colère, aux flancs duquel se trouvaient deux sacoches qui contenaient à peu près tout le reste de son équipement, dont quelques provisions qu'il était passé prendre à l'intendance. Il retrouva le groupe sensiblement dans le même état qu'il l'avait laissé. Comme la prêtresse semblait en discussion avec Thoenn et que Chandara n'était pas revenu, Brus décida d'aller tailler le bout de gras avec Arthur, lui aussi jucher sur son cheval.

"Ca va m'sieur Arthur? Maint'nant qu'j'y pense, il m'semble bien vous avoir vu débarqué 'vec le conseiller Longuehune hier matin, à Graëlon. J'y étais aussi, 'vec ceux dans d'en face, mais vous avez pas dû m'voir derrière les armoires d'la garde blanche. Ca a été le voyage? C'est gentil d'être venu, pour sûr. Entre nous, vous la sentez comment la mission, hm?"

[Arthur de Faisanlys]

HRP : heu, pour moi, c'était le matin même, mais on ne va pas s'encombrer de chronologie, je suppose

Arthur était encore plongé dans ses pensées lorsque Brus l’interpella. Il sursauta et espéra que personne ne l’avait cru endormi.
« Ah… Oui, j’étais sur les quais, mais… Vous avez raison, je ne vous ai pas vu. Je dois dire que j’avais un peu la tête… ailleurs, j’imagine. C’est la première fois que je quitte mon pays, vous comprenez, alors je suis… déstabilisé, je suppose. Mais ça ne durera pas, assurément. »
Il eut un sourire qu’il espérait engageant.
« Et la traversée s’est bien passée, merci. »
Son regard tomba sur la petite compagnie.
« Quant à la mission… Et bien… Heu… J’imagine que si messire Boros nous estime dignes de la mener à bien, avec son fils impliqué, et tout le reste… C’est sans doute que nous sommes à la hauteur. Enfin… Qu’il y a quelqu’un à la hauteur parmi nous. »
Ou alors, pour une raison ou une autre, il avait besoin de sacrifier un groupe de jeunes gens, comme appât par exemple, ou pour apaiser une bête démoniaque, ou procéder à un échange contre l'âme de son fils… C'était bien le genre de choses que faisaient les Helmites, non ? Il secoua la tête pour chasser ces pensées désagréables.
« Vous m’avez l’air déjà expérimenté, malgré votre jeune âge. J’ai cru comprendre que vous aviez déjà rempli une mission en compagnie de Dame Chandara ? »

[Althéa]

Thoenn s'était tourné vers la prêtresse et l'avait regardée. Une fraction de seconde, Tempérance avait lu une foultitude d'émotions parcourir ses yeux. Puis de sa main valide, il lui avait tapoté le bras. Un geste affectif qu'il ne se permettait que peu.

"Je vous fais confiance pour cela ... Mais s'il s'avère qu'il n'est plus rien. Qu'il n'a plus rien d'un homme ... Jurez-moi que vous le libérerez. Je préfère le savoir mort que toujours sous l'emprise de ce livre."

Au même moment, Luna montée sur un roussin réapparut à l'autre bout du camp. Sur l'une des fontes de la selle pendait une arbalète, de l'autre coté une épée courte. Elle n'approcha pas directement du groupe comme si elle guettait Chandara.

[Chandara]

HRP : en marge de l’action principale.

Chandara se hâta sur le chemin qui la menait entre les tentes du campement helmite jusqu’à celle qu’elle avait partagé ces deux dernières semaines. Elle ne voulait pas retarder le départ du groupe et avait encore à ranger une partie de son paquetage et de son couchage avant d’aller récupérer Kelpie. En outre, elle souhaitait dire au-revoir à Lise, Pandora et surtout Angèle avant de s’engager dans la mission périlleuse qui l’attendait. Quoiqu’en dise le général ou le commandant du détachement de cavalier, leurs chances de réussites étaient minces. Plus minces que leurs probabilités de retour. Et pourtant elle ne comptait pas reculer devant cet état de fait : il fallait simplement s’y préparer au mieux.

En arrivant à sa tente, elle fut donc extrêmement déçue de constater qu’elle était vide de ses occupantes. Etant donné l’heure, elles étaient probablement parties prendre leur petit-déjeuner. N’ayant malheureusement pas le temps de le vérifier, la paladine prit deux minutes pour coucher par écrit ce qu’elle ressentait. Elle n’avait ni le temps ni le courage d’entrer dans les détails mais elle griffonna avec application un mot qu’elle laissa sur un des duvets à leur attention :

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A Lise, Pandora et Angèle,

Très chères amies. Je pars en urgence pour une mission dangereuse et je saisis cette dernière occasion qui m’est donnée de vous remercier. J’ai passé de très agréables moments en votre compagnie chaleureuse et je souhaite que nous puissions en passer d’autres ensembles à la fin de tout ceci.

Pandora, si tout se passe bien, je me ferai un plaisir de venir assister à la cérémonie que donnera Lise en ton honneur. Si je ne le pouvais pas, sache que tous mes vœux de bonheur t’accompagnent. Vous accompagnent.

Lise, avec une maîtresse de cérémonie comme toi, je suis certaine que tout sera grandiose et émouvant. Si je ne peux pas y assister, au moins vous épargnerai-je mes larmes.

Angèle, je m’excuse encore une fois pour l’incident d’hier. Encore une fois, ces quelques jours en ta compagnie me font chaud au cœur rien que d’y penser. J’espère que nous pourrons à nouveau échanger nos souvenirs et j’aurai grand plaisir à le faire avec toi.

A dans quelques jours ou de l’autre côté.

Amitiés,

Chandara.

Après avoir récupéré sa jument morelle et avoir fourré pêle-mêle ses affaires dans ses fontes, Chandara enfourcha Kelpie et se hâta de retourner sur le lieu de rendez-vous, espérant ne pas avoir retardé ses compagnons par son manque criant d’organisation. Et ce qu'elle craignait semblait s'être concrétisé : Luna l'attendait en marge du groupe, sans doute pour lui lancer quelque pique bien méritée sur la lenteur des paladines à se préparer pour la bataille.

[Dhast]

Si le paladin lui parut sympathique en raison de sa situation d'immigré toute récente, il avait franchement l'air de manquer d'assurance, ce que Brus trouva plutôt inhabituel pour quelqu'un de sa profession. Les paladins helmites chérissaient leur fierté comme des enfants leur ourson, mais celui-ci avait surtout l'air de l'avoir égaré. Pourtant son attitude ne présageait rien de ses compétences martiales et peut-être était-il en effet un brave combattant. Le voleur trouva que sa réponse convenait parfaitement pour le lancer sur le sujet.

"Tout juste m'sieur Arthur. On a fait partie du groupe formé pour aller chercher Eroeh, le nouveau grand prêtre de Helm, désigné par Helm en personne! Une sacré mission elle aussi. Je m'souviens encore de not' rencontre 'vec les ogres. M'dame Chandara en a allongé un d'un lancer d'marteau ! Vous auriez dû voir ça !"

Évidemment, Brus racontait tout cela avec beaucoup d'enthousiasme, un enthousiasme bien loin du piteux moral qu'il affichait alors, au moment de la dite rencontre.

"Si vous êtes vous aussi un grand guerrier, je n'vois pas de raisons que ça s'passe mal."

[Tempérance]

Elle avait tressailli, imperceptiblement, et observa Thoenn.
- Je vous le promets, dit-elle gravement. Et cette promesse là était bien plus difficile à faire. Il y avait peut-être des cas où la mort était la réponse appropriée, pourtant elle avait toujours répugné à en arriver là. Certains de ses patients l'avaient déjà supplié de mettre un terme à leur souffrance, et après moult hésitations, elle avait fini par leur offrir la paix à laquelle ils aspiraient depuis longtemps. Mais cela l'avait profondément marqué et l'idée de devoir tuer le fils de Thoenn lui était insupportable.
Chandara venait de revenir, Arthur et Brus semblaient prêts également, elle-même n'attendait plus que l'arrivée de sa monture. Le départ était imminent.

[Althéa]

Luna éperonna son cheval dans la direction de Chandara puis le fit marcher à sa hauteur. Elle regarda autour d'elle pour s'assurer que personne ne se trouvait à proximité puis murmura.

"Vous avez l'air abattue. J'espère que ce n'est pas à cause de moi. Vous savez, quand je suis nerveuse, je deviens exécrable. Je n'aurais pas dû me moquer de vous. Vous savez, ce n'est pas pour rien si mon père vous fait confiance."

Puis elle accéléra en direction des autres. Dans le même temps, Thoenn eut un signe de tête en direction de Tempérance avant de se tourner vers Arthur.

"Je vous donne la responsabilité du groupe. Vous en assurerez la cohésion. Brus, je compte sur votre diligence pour me faire parvenir des nouvelles si l'affaire venait à tourner mal."

Le cheval attendu par Tempérance, un ongre docile arriva sur ces paroles. Il se tut quelques secondes.

"Hé bien, je crois que la route n'attend que vous."

[Arthur de Faisanlys]

C’est moi le chef ? Vous plaisantez ?
Arthur ne put s’empêcher de jeter un coup d’œil rapide derrière son épaule pour vérifier que Boros ne s’était pas adressé à quelqu’un d’autre. Mais il n’y avait personne et de plus en plus de gens regardaient manifestement dans sa direction. Aussi tenta-t-il de museler la stupeur qui devait colorer ses traits, plaça-t-il son poing sur son cœur et s’inclina-t-il respectueusement.
« Nous ne vous décevrons pas, mon général. »
C’était une grande déclaration et il était relativement convaincu du contraire, mais les choses dites avaient leur existence propre et en cela, Arthur venait de prendre un engagement. Faisant volter son destrier rouan, il observa un instant le groupe dont on venait de lui donner le commandement et se demanda si tous ces Dorrandins allaient accepter l’autorité d’un Luménien parachuté dans leur guerre. Il ne fallait plus y songer et faire confiance au général Boros : il tenait à son fils, il prenait les meilleures décisions possibles. Arthur espérait en tout cas que les autres le verraient de la même manière : lui-même n’avait jamais dirigé quoi que ce soit, hormis un groupe de novices de treize ans sur lequel il n’avait jamais réussi à avoir le dessus. Il n’y avait heureusement pas de fortes têtes dans leur escouade, prêtes à saper son commandement au premier écart. En fait, il n’y avait personne qui aurait pu clairement prétendre à ce poste de chef, hormis peut-être la jeune Helmite au tempérament de feu (qui tuait des ogres à coups de marteaux, Arthur ne voulait même pas y songer !) Luna, également, était imprévisible et son attachement au fils maudit la rendrait probablement difficile à canaliser s’ils devaient s’opposer sur une décision. Mais l’un dans l’autre, peut-être ne s’en sortirait-il pas trop mal…
Tu t’emballes, Arthur, il a dit responsabilité et cohésion, pas commandement.
Effectivement. Mais responsabilité, cela voulait très clairement dire que s’il se passait quoi que ce soit, s’ils se perdaient, tombaient de cheval, rencontraient les Mélandiens avant les morts-vivants, en bref, échouaient d’une manière ou d’une autre… Ce serait de sa faute. Formidable.
« Allons-y… » proposa-t-il d’une voix presque forte mais pas encore.
Il réalisa qu’il n’avait aucune idée de la direction à emprunter. Il n’était jamais venu dans cette région du monde et son sens de l’orientation ne pouvait pallier sa méconnaissance du terrain. Aussi espéra-t-il que le chef n’était pas obligé de prendre la tête…

[Chandara]

HRP : Tempérance, j'espère que la leçon d'équitation ne te gêne pas. Sinon, j'éditerai


Luna s’était éloignée avant que la paladine puisse répliquer à sa remarque mais elle se promit d’échanger quelques mots plus tard avec elle. En effet, ce n’était plus le moment de retarder le départ et plusieurs faits avaient retenu son attention : d’une part, le général confirmait l’importance que revêtait le jeune paladin luménien en lui confiant le commandement de leur petit groupe. Cela semblait corroborer son impression d’avoir reconnu un nom célèbre dans son patronyme. Elle se promit d’interroger Brus à ce sujet, lui qui semblait toujours tout savoir de ces choses. Elle aurait très bien pu se tourner directement vers l’intéressé mais, d’une part, elle ne savait pas qu’elle serait sa réaction et, d’autre part, elle devait s’avouer qu’il l’intimidait un peu avec sa forte carrure, ses jolis yeux clairs et l’aura qui semblait se dégager de lui. Arrête de penser à ses yeux où tu vas encore rougir ! Tu n’es plus une fillette tout de même !

Pour se détourner de ses pensées, elle se tourna vers ses compagnons et fixa son attention sur Tempérance qui ne semblait guère savoir comment s’y prendre avec le hongre placide qu’on lui avait attribué. Elle pressa sa jument jusqu’à sa hauteur et s’efforça d’adopter un ton rassurant, tant à l’égard du cheval que de sa future cavalière :

- C’est très simple vous allez voir : vous n’avez que trois choses à savoir pour être une parfaite cavalière : savoir monter, diriger votre cheval dans la direction que vous avez choisie et descendre. Tout le reste comme adopter la bonne allure ou conserver votre dignité dans ces opérations est très secondaire. Voilà, placer vos mains bien écartées la gauche sur sa croupe, l’autre derrière la selle. Maintenant, votre pied gauche dans l’étrier et vous poussez sur les bras, pas sur votre jambe. Voilà, vous allez vous en sortir !

Ser Maelwedd choisit cet instant pour donner l’ordre du départ et elle s’empressa d’obéir pour ne pas miner son commandement dès le départ. Non, elle ne ferait pas sa forte tête indépendante. Elle s’assura simplement que la prêtresse parvenait à trouver son assiette avant de talonner Kelpie.

- Tenez fermement les rênes mais ne tirez pas dessus tant que vous ne voulez pas vous arrêter ou changer de direction. Je peux rester un moment à côté de vous si vous voulez…

[Tempérance]

Arthur avait paru surpris que la responsabilité lui soit confiée ; il avait pourtant l'air d'un jeune homme tout à fait capable. Peut-être manquait-il simplement de confiance en lui.
Tempérance s'approcha du hongre qu'on lui avait attribué, presque intimidée par la taille de celui-ci. Elle le caressa doucement, autant pour le rassurer lui que se rassurer elle-même. Heureusement, Chandara ne tarda pas à venir à son secours, lui donnant quelques conseils pour monter sans trop de mal. Une main derrière la selle, une main sur la croupe, un pied à l'étrier, voilà. Elle commença à se hisser mais perdit l'équilibre et son pied resta coincé dans l'étrier. Heureusement que ses fesses étaient là pour amortir la chute...
- Je vais bien, je vais bien, dit-elle précipitamment. Elle se redressa rapidement et fit une deuxième tentative en mettant davantage de force dans les bras. Non sans mal, elle réussit à monter le hongre et à passer sa jambe de l'autre côté mais resta presque allongée sur lui, n'osant plus bouger un muscle. Le plus dur était passé, il ne restait plus qu'à rester sur son dos tout le long du voyage, une partie de plaisir...
- Merci, dit-elle à Chandara. Elle s'efforça de lui sourire mais elle n'était visiblement pas très rassurée. Heureusement, le cheval se montra calme et docile et elle ne tarda pas à se redresser, le dos bien droit. Bon, maintenant je n'ai plus qu'à prier pour ne pas tomber... Néanmoins, la présence de Chandara à ses côtés la rassurait un peu.

[Chandara]

Chandara fut désolée pour la première tentative ratée de la prêtresse. Mais Tempérance était persévérante et parvint à ses fins à son second essai : plutôt pas mal pour une débutante. La paladine lui adressa un sourire encourageant quand elle parvint à tenir en selle et à faire avancer son cheval. Pour ne pas la gêner devant les autres membres du groupe bien plus à leur aise, elle baissa le ton de la voix pour lui donner de nouveaux conseils :

- Bien, tu t’en sors très bien ! Essaie de te détendre : des épaules puis du bassin. Ton cheval ne cherchera pas à te faire tomber et puis l’herbe est bien grasse ici donc c’est idéal pour apprendre.

Du coin de l’œil, elle remarqua que le reste du groupe et de leur escorte prenait un peu d’avance mais elle ne voulait pas brusquer la prêtresse. Elle allait bientôt gagner en assurance, elle en était certaine. Bon, elle chuterait encore une ou deux fois avant d’apprendre à tenir correctement en selle et maudirait probablement son dieu de la faire tant souffrir une fois qu’elle aurait démonté mais c’était la seule façon d’apprendre.

[Althéa]

En effet, la cohorte commençait à s'ébranler lentement. Luna se dégagea du groupe et remonta à contresens jusqu'à elles.

"Je viens fermer la marche avec vous.", dit-elle avec un petit sourire.

Elle montait avec une certaine habileté trahissant l'habitude. Elle se plaça de façon à laisser Tempérance entre elle et Chandara, prête à saisir les rênes au cas où. Mais pour ne pas indisposer la prêtresse, elle décida de parler d'un tout autre sujet.

"Je ne sais pas si vous connaissez la région de Graëlon, mais elle est tout à fait étrange. Une vraie région à fantômes. D'ailleurs, pas plus tard que cette nuit, des soldats ont vu une ombre tomber de la falaise pour s'abattre dans la mer. Et ils ont entendu crier ... Et puis, il y a cette histoire d'orphelinat ... D'ailleurs, nous le verrons quand nous serons plus haut. Une histoire à avoir la chair de poule. Est-ce que vous voulez que je vous la raconte ?"

[Chandara]

Chandara rendit son sourire à la jeune femme qui les avait rejoints en sécurisant l’air de rien la progression chancelante de la prêtresse. A elles deux et vu les efforts déployés par cette dernière, elles réussiraient bien à faire d’elle une cavalière passable d’ici à la halte du soir. Et bavarder un peu pour passer le temps nécessaire à cet apprentissage n’était pas pour lui déplaire. Toutefois, la paladine restait attentive à Tempérance, prête à réagir en cas de panique d’elle-même ou de son cheval. Encourageante la proposition de Luna, elle lui répondit d’un ton enthousiaste :

- Non, je ne connais guère cette région mais j’ai toujours adoré les histoires de fantômes ! Mais avant cela, pourriez-vous satisfaire ma curiosité et me révéler votre nom ? Nous n’avons pas pris le temps de faire connaissance convenablement.

[Althéa]

Luna hésita un peu. Bien sûr, les autres connaissaient son prénom qui n'étaient pas vraiment son prénom. Bien sûr, Chandara risquait de rire. Et il était possible que Tempérance ne la regarde plus de la même façon. Mais c'était un risque à courir. Et elle s'en remettait toujours ...

"Lais Ursula Nalia Amalia ... Mais vous pouvez m'appeler Luna, c'est bien plus simple comme ça."

Petit silence buté.

"Je vous défends de rire."

[Dhast]

Le groupe s'était peu à peu reformé et Thoenn Boros avait fini par donner le signal du départ, les plaçant sous l'égide du Luménien. Malgré la surprise visible de celui-ci, la solennité et la sobriété dont il faisait preuve avait quelque chose de noble, un château de sable contre la marée rougissante du ridicule, qui lui montait régulièrement aux joues. Quant aux responsabilités qui lui incombaient, à lui Brus, le voleur n'avait pas la moindre idée de la façon dont il s'en acquitterait si le cas se produisait, mais comme il restait un éternel optimiste, cela ne le préoccupait pas plus que ça. D'ailleurs, le départ fut donné dans la foulée. Le groupe se scinda vite en deux, et Brus se retrouva en tête en compagnie d'Arthur, tandis que la gente féminine se retrouvait à l'arrière pour initier ce qui serait certainement une conversation à bâtons rompus. Comme le paladin n'était guère causant, Brus reprit la discussion où il l'avait laissée :

"Alors m'sieur Arthur, vous n'm'avez pas répondu tout à l'heure, vous êtes un grand guerrier? Racontez-moi ça un peu, vous avez déjà participé à des batailles? Des combats? Parce que de mon côté je vous l'dis tout net, on m'a bombardé éclaireur, mais c'est qu'la deuxième fois d'ma vie que j'mets les pieds à la campagne. Alors c'est pas la peine de m'demandez d'trouver un point d'eau ou une piste, enfin j'imagine que c'est c'que font les éclaireurs, habituellement."

Brus conclut ces suppositions sur un haussement d'épaules sceptique. Il était en effet incapable d'appréhender le terrain en milieu naturel, d'autant plus qu'il ne connaissait pas le chemin et que la guide était à l'arrière. Cependant, et malgré l'air détendu qu'il affichait, cela ne l'empêchait pas de conserver toute sa vigilance, la présence d'éclaireurs de l'armée ennemie ou de tout autre danger était désormais loin d'être improbable.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur était soulagé d’avoir Brus à ses côtés plutôt qu’une des filles à laquelle il n’aurait sans doute rien trouvé à dire. De plus, l’adolescent paraissait ravi de mener la conversation, ce qui lui évitait de devoir se creuser les méninges pour trouver quelque chose à dire. Comme de coutume, la présence de Filu le détendait imperceptiblement, repoussant les inquiétudes loin sous la surface. Il ne put s’empêcher de sourire aux dernières paroles de Brus.
« Et bien nous serons deux : je n’ai jamais été chef de rien avant aujourd’hui. J’ai juste supervisé l’instruction d’un groupe de novices à la commanderie, de temps en temps, mais on ne peut pas dire que ça ait été un formidable succès… De chouettes gamins, cela dit, j’imagine qu’il faut avoir un bon fond pour se lancer dans la carrière de paladin, sinon ça n’aurait pas beaucoup de sens, mais sans la moindre notion de discipline… En même temps, je suppose que ce n’est pas inné, qu’on a une forme de sauvagerie en nous, fondamentale… »
Il croisa le regard de Brus et s’empourpra. Il s’était de nouveau emballé à raconter n’importe quoi. Il sourit, embarrassé. Etait-ce vraiment une bonne idée de raconter à un homme placé sous son commandement qu’il n’avait en réalité aucune notion en ce domaine ?
Peut-être était-ce mal inspiré, mais en même temps, et c’était à son sens beaucoup plus important, un paladin ne ment pas. Alors c’était soit se taire et ignorer les questions, ce qui aurait été très impoli, soit dire les choses comme elles étaient.
« Mais pour répondre à votre question… Je n’ai participé qu’à une seule mission d’importance avant celle-ci. Je ne suis pas certain de pouvoir vous la raconter car c’était une affaire très secrète et j’ai des raisons personnelles de ne pas vouloir me brouiller avec le gouvernement luménien. »
Il assortit sa déclaration d’un petit haussement d’épaules.
« Et vous ? Appartenez-vous à un corps de l’armée manostienne ? Ou bien êtes-vous… une sorte de mercenaire ? »

[Dhast]

Brus n'était pas certain de bien saisir la portée des hypothèses psychanalytiques formulées par Arthur mais il acquiesça tout de même. Quant à son expérience de chef, elle était vraiment minime, mais Brus ne voyait personne dans le groupe, hormis peut-être Chandara, qui puisse se targuer d'en avoir une, alors le paladin ferait l'affaire, pourvu qu'il fasse preuve d'un peu de fermeté. En revanche, le voleur capta avec un petit sourire l'allusion aux raisons personnelles qui poussaient le paladin au silence. Il venait enfin de remettre la fois où il avait déjà entendu le nom de famille d'Arthur et la personne qui y avait été associée, et les propos tenus par Thoenn Boros plus tôt achevaient de mettre en lumière les liens qui unissaient effectivement le paladin à une partie du gouvernement luménien. La question suivante d'Arthur élargit ce sourire :

"Moi un mercenaire m'sieur Arthur? répondit Brus franchement amusé. Je n'suis ni l'un ni l'autre en fait, quoique... Je fais partie d'une guilde de Manost, et plus récemment j'étais au service de m'sieur Lothringen, le conseiller. Final'ment Luna est v'nue me trouver, comme nous tous j'imagine. Je n'suis peut-être pas un éclaireur d'talent, mais j'sais me montrer discret. Et puis vous savez, j'en ai eu un d'ogre, aussi! Enfin presque, c'était juste avant qu'le sort s'dissipe. Vous n'devinerez jamais comment, il s'est étouffé avec une bille que j'lui avais envoyée dans la gueule!"

Et Brus se mit à rire à ce souvenir.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur ne put s'empêcher de rire à son tour.
" Etouffé avec une bille ? Avec la grande gueule qu'ils ont, j'aurais imaginé leur gosier un peu plus large ! s'exclama-t-il. Mais vous êtes donc extrêmement adroit ou béni de Tymora, ou sans doute un peu des deux. Je crois que je vais rester avec vous."
Il sourit à son interlocuteur, espérant qu'il ne se formaliserait pas d'une once de camaraderie dans ce monde de brutes.
" Mais vous vous êtes donc engagé dans cette aventure sur seule base volontaire. Je dois dire que c'est très noble de votre part. Il en faudrait davantage comme vous."
Il jeta un regard en arrière pour vérifier que les dames suivaient toujours. Rassuré, il en revint au jeune homme.
" Et je suis sûr que vous êtes un éclaireur de talent, ou que vous le deviendrez. Nous avons Lathandre et Tymora à nos côtés. Il ne peut rien nous arriver."
Tranquillisé par son cheval et la beauté du paysage autour de lui, il n'était pas loin de le croire.