À l'extérieur de Melandis

[Galathée]

Kerun eut un rire bref et amer.
" Taliesin, je ne suis jamais venu à Melandis. Je n'ai jamais mis les pieds dans une cité hostile, sauf si tu comptes Luménis pendant ses années troublées. Je suis un spécialiste de l'infiltration et du renseignement... à domicile. S'il y a bien un expert de l'infiltration chez les Mélandiens, c'est toi : tu y es entré et tu as mené leurs esclaves à la révolte. On peut difficilement imaginer plus spectaculaire ! Tu auras pu assassiner leur chancelier, au passage, c'est vrai."
Il secoua la tête.
" Je ne sais même pas ce qu'on est susceptible de nous demander aux portes !"
Il soupira puis se massa lentement les yeux.
" Mais nous devons aussi songer à notre arrivée parmi les gens de la Réunion. La Liberté nous aura précédés, assurément."

[Taliesin]

-J'ai affronté leur chancelier sur le champ de bataille, tu sais, dit l'elfe, très sombre. Si je l'avais abattu alors, cette cité serait bien différente, aujourd'hui. Mais voilà, je n'ai pu l'empêcher de se replier : j'ai échoué en cela, comme j'ai échoué dans tout le reste. N'oubiee pas que c'est cela, ma vraie spécialité : l'échec. Ça et provoquer des catastrophes se soldant par des milliers de morts, bien sûr.
Il poussa un profond soupir.
-Pour les portes, on y demande à peu près la même chose qu'à celles de Lumenis : nom, profession, ville ou pays d'origine, raison de la venue à Melandis... Quant à ce que nous ferons une fois ralliée la cellule de la Réunion... Kerun, pour le coup, c'est à toi de décider : tu as des hommes là-bas, sans compter que tu es un représenté de l'autorité luménienne. Moi... Au fond, je ne suis qu'un criminel, un criminel recherché par la même autorité. Alors, je suis vraiment très mal placé pour me prononcer au sujet de Gauthier et de Greta.

[Galathée]

Kerun posa la main sur l'épaule de Taliesin mais ne trouva rien à lui dire. Il se contenta donc de la serrer doucement puis de le relâcher.
" Ces gens ne sont pas sous juridiction luménienne. Ils sont, techniquement, mélandiens. Je ne vois pas ce que ma pseudo-autorité pourrait me permettre. Non, nous serons en infériorité numérique, et nous devrons compter sur ce que nous avons à déclarer pour confondre Gauthier et Greta. Ensuite... ensuite il leur reviendra à eux de décider de leur sort. De plus... Je ne veux pas que mes hommes se révèlent. Leur travail est important, la confiance qu'ils ont gagnée parmi les gens de la Réunion cruciale pour que nous puissions garder un oeil sur leurs activités. Ils ne viendront pas à notre aide sans un ordre direct que je n'ai pas l'intention de leur donner."

[Taliesin]

-Tu ne pense pas que, quoi qu'il advienne, les gens de la Réunion vont de toute façon soupçonner que tu as des hommes parmi eux ? demanda-t-il, dubitatif. Comment connaitrais-tu avec précision l'emplacement de leur cellule, sinon ? Mais admettons qu'ils s'imaginent que les services secrets aient obtenu ces informations grâce à des membres de l'organisation demeurant à Luménis... Ne vont-ils pas s'étonner qu'on ait pu entrer si aisément dans leurs murs ? Parce qu'il faudra forcément que ce soit un de tes agents qui nous ouvre la porte, non ? bien sûr, ils croiront peut-être qu'on s'est infiltrés ; peut-être même que nous devrons nous infiltrer... Néanmoins, je reste convaincu qu'ils se poseront sérieusement des questions.
Il jeta un regard en direction d'Ombeline puis reprit :
-En tout cas, si tu ne donnes pas ce fameux ordre, notre situation sera très précaire. Car nous n'avons aucune preuve pour étayer nos accusations. De surcroît, les gens de la cellule ne nous connaissant pas, ils se fieront forcément à l'avis de l'équipage de la Liberté. Et là, il faut espérer que les liens tissés à Mersant, les services rendus... Il faut vraiment espérer qu'ils feront la différence. Parce que si Constance et Guéric - pour peu qu'il ne soit pas dans le coup - croient la parole de Gauthier et Greta plutôt que la nôtre...

[Galathée]

Kerun pinça les lèvres.
" Entrer dans leur repaire ne sera pas compliqué : ils ont une façade commerciale, un petit comptoir spécialisé dans les contenants en verre, fioles, bouteilles, ce genre de choses. Nous serons tout de suite en contact avec l'un des leurs, à l'intérieur de leurs murs... Mais tu as raison : sans doute serai-je forcé de compter sur l'appui d'un de mes agents. Je peux en griller un seul, c'est sans doute la meilleure chose à faire, même si ce sera un coup terrible pour lui.. de devoir tout abandonner et rentrer à Luménis ensuite. J'aurais vraiment espéré que nous puissions trouver une meilleure solution..."
Il croisa les bras.
" Tu as raison mais... je ne suis pas certain que mon identité et le soutien de mes hommes suffira. La Réunion est une opération clandestine. Ils n'ont pas de raison de penser que je leur veux du bien."

[Taliesin]

-Je sais bien que cette solution n'est pas idéale... dit-il, maussade. En plus, elle risque de donner du grain à moudre à Gauthier et Greta, qui pourront prétendre que, mandaté par les autorités luméniennes, tu as monté un coup uniquement pour nuire à une organisation qui, un jour ou l'autre, a des chances de s'avérer gênante sur le plan diplomatique... Malheureusement, je ne vois aucune autre option. Si nous avions de l'argent, il nous serait possible de nous installer dans une auberge et d'espionner leur boutique, pour attendre que Constance ou Guéric en sortent, ce qui nous permettrait d'avoir une discussion préalable avec eux... Mais voilà : nous ne possédons pas la moindre piécette et, dans ces conditions, nous n'avons d'autre choix que de nous réfugier au sein de la Réunion. D'essayer, au moins.

[Galathée]

" Oui."
Il jeta un oeil vers Ombeline et lui fit signe, puis soupira.
" Il n'est plus temps de tergiverser. A mon avis, par cette chaleur, nous en avons pour une bonne heure de marche avant d'atteindre les remparts..."
La jeune femme revint dans leur direction d'un pas rapide puis tendit sa musette, vide, à Kerun.
" Tenez-la moi comme ça..."
Il s'exécuta sans comprendre et elle se mit à incanter. Une seconde plus tard, la musette était remplie d'une eau claire, apparemment froide, et la prêtresse sourit, fière d'elle.
" Quand on est un peu fatigué, on oublie certaines choses..." se défendit-elle.
Ils allaient pouvoir se rafraichir avant d'entamer la dernière ligne droite.

[Taliesin]

Le barde afficha un large sourire.
-Ombeline ? Si nous creusons un grand bassin à l'ombre des palmiers, pourriez-vous le remplir comme vous l'avez fait pour cette musette ? Par un tel temps, quoi de mieux que se délasser dans une eau fraiche et limpide ?
Puis, redevenu sérieux, attendant que Kerun ait étanché sa soif, il entreprit d'expliquer leur plan à la jeune femme.
-Nous pensons nous rendre ensemble aux portes, en prétendant avoir été victimes d'une attaque de brigands, ce qui expliquera notre dénuement. Je me présenterai comme un marchand, Calanon comme mon garde du corps, et vous... Si vous en êtes d'accord, bien sûr, le plus crédible serait que vous jouiez le rôle d'une esclave... Mais cela ne durerait que quelques minutes.

[Galathée]

Ombeline grimaça un instant de colère, puis baissa les yeux avec un soupir.
" J'imagine que c'est pour le mieux... murmura-t-elle d'une voix légèrement tremblante. Devrai-je être attachée ?
— Non. Seuls les esclaves en fuite, récalcitrants ou tout juste capturés sont attachés. Si vous êtes déférente, empressée, si vous prenez garde d'obéir aux ordres, ce ne sera pas nécessaire."
Elle opina du chef, quelque peu rassérénée.
" Nous allons marcher jusque là. Aux portes, seul Belenn parlera. Si on vous pose des questions, attendez d'avoir l'accord de votre maître."
Il était temps de se mettre en route.

HRP : tu peux amorcer la reprise du trajet, je complèterai puis reprendrai le groupe aux portes... Tadam !

[Taliesin]

Il posa une main apaisante sur l'épaule de la prêtresse.
-Courage, vous ne devrez jouer la comédie que quelques minutes.
Après s'être abreuvé à son tour, après qu'Ombeline se soit également rafraichie, il donna le signal du départ. Leur petit trio regagna la route et, d'un pas lent, commença à marcher en direction de la cité. Sous ce soleil de plomb, ils arriveraient aux portes en nage... et à nouveau assoiffés. Mais, de l'avis de Taliesin, cela ne rendrait que plus crédible le mensonge qu'il entendait servir aux gardes des portes, mensonge auquel il réfléchit soigneusement, afin d'être en mesure, le cas échéant, de répondre à toutes les questions qu'on pourrait lui poser...

[Galathée]

Chemin faisant, ils croisèrent quelques cavaliers, pressés, qui les aspergèrent de poussière exactement comme ils l'avaient fait mille fois au cours de leur propre chevauchée. Plusieurs caravanes, équipées pour les grosses chaleurs, passèrent dans l'autre sens, les obligeant à quitter la route pour laisser la place aux lourds chariots bâchés et aux boeufs soufflants. Il y eut aussi une colonne d'esclaves à pied, enchaînés, escortés par quelques hommes revêches perchés sur leurs chevaux caparaçonnés. Aucun des prisonniers n'était elfe, cependant.
Le soleil tapait et rapidement, ils durent adapter leur tenue vestimentaire, renonçant à leurs chemises pour s'en confectionner des chapeaux. Ombeline proposa d'invoquer à nouveau de l'eau, mais Kerun décréta que la route était désormais trop fréquentée et Melandis trop proche pour qu'ils prennent le risque de révéler ses pouvoirs.
Il leur fallut, comme prévu, un peu plus d'une heure pour rallier les portes...

[Mornagest]

En provenance de

Effectivement, le trajet ne fut pas très long : un quart d'heure plus tard, ils se trouvaient à l'abri des regards indiscrets. Du moins le croyaient-ils... les cultistes commencèrent à déballer leur matériel, dont Silmandel ignorait toujours le principe de fonctionnement.

"La première partie de notre expérience sera assez courte. Et peu spectaculaire, à vrai dire... ensuite, ce sera à toi. Nous terminerons ensuite : la dernière étape nécessite que les focaliseurs soient placés avec exactitude, il faut le temps de faire la mise au point..."

Ils semblaient tous assez excités à l'idée de tenter leur expérience. Aucun autre ne parlait, chacun étant concentré sur sa tâche. Ils savaient exactement ce qu'ils avaient à faire, et disposaient les éléments au sol, ou sur de petits supports tels un tabouret, selon un mode bien défini. Ils réglèrent leurs appareils, et enfin, au bout d'une demi-heure de préparatifs, tout de même, le chef entama la première phase de l'opération. Il commença une incantation, longue, à vrai dire. Elle se poursuivit plusieurs minutes encore, mais Silmandel ne pouvait en saisir le sens : la langue qu'il employait lui était inconnue. Peut-être qu'Asmodeus, s'il était dans les parages, aurait pu lui en dire plus...

[Manfred]

Soulagé que le voyage ait été court, puis enthousiasmé par le début des préparatifs, à présent Silmandel commençait à trouver le temps long. Certes, il n’assistait pas tous les jours à des expérimentations magiques d’envergures, car celle-ci semblait quand même d’envergure, mais une demi-heure tout de même, dieu que c’était ennuyeux ! C’était ennuyeux surtout parce que rien de spécial ne se passait. Il avait vu, vu et revu chaque appareil mis en place. Sa curiosité l’avait poussé à tout observer depuis sa place. Là, il estimait avoir remarqué tout ce qui était possible de remarquer. Alors que ces cultistes se dépêchent, il n’avait pas toute la nuit tout de même. Assis, la tête dans les mains, il conservait le silence. Il commençait à repenser à son état, certes stationnaire mais étrange néanmoins, quand le chef de la bande débuta une incantation qu’il ne parvint à identifier. Un regain d’intérêt brilla dans ses yeux. Allez, bientôt, ce serait à lui d’entrer en piste !

[Asmodeus]

Asmodeus était passé tout près de l’échec mais avoir réussi à passer au nez et à la barbe des gardes avait quelque chose d’euphorisant. Presque de quoi masquer les effets de la fatigue qu’accélérer le pas avait provoqué. L’élu divin avait laissé le petit groupe reprendre de cultistes s’éloigner un peu pour reprendre son souffle non loin de la porte, à un endroit d’où il espérait ne pas être vu des gardes ou de ceux qu’il cherchait à surprendre. Deux ou trois minutes plus tard, il reprit sa marche en suivant la direction empruntée par le vaste groupe peu discret. Il escomptait resté caché à proximité pour observer leur rituel et chercher le meilleur moment pour intervenir. Et s’il ne se présentait pas, il aviserait en temps voulu…

[Mornagest]

Heureusement pour la patience de Silmandel, l'incantation finit par s'achever. Effectivement, le résultat n'était pas très impressionnant : à peine les objets dispersés autour d'eux rougeoyèrent-ils pendant quelques secondes avant de retrouver leur état premier.

"Hum. Voilà. Pour résumer la chose, ces objets devaient être activés... ils nous permettront de mieux contrôler les effets de la sphère, qui, tout de même, est assez difficilement domptable.", fit la femme, les sens aux aguets. Les cultistes semblaient presque surexcités à l'idée d'atteindre leur but dans un avenir très proche.

"C'est à toi d'agir, maintenant, mon petit ami. Je vais tenir la sphère pendant que tu utilises ton sortilège. Veille bien à ne pas te tromper lorsque tu lis. Les effets pourraient... pourraient être indésirables pour nous tous."



Dissimulé derrière un banc de sable, Asmodeus n'arrivait pas à déceler les syllabes kabbalistiques que le chef des cultistes avait prononcées. De même que la conversation qui s'en suivit. Néanmoins, il comprit que Silmandel allait pouvoir tenter sa chance pour retrouver sa taille initiale. La chose promettait d'être passionnante...

Il retint de justesse un cri lorsqu'on lui tapa sur l'épaule.

"Toi." fit une voix d'homme derrière lui. "Es-tu un suivant de Cyric ?"

[Manfred]

Enfin ! Le moment était venu ! Tout allait se jouer ici et maintenant... Silmandel fut parcourut par un frisson d’excitation alors qu’il se levait. Jusqu’à présent, son sac lui avait servit de dossier improvisé. Il l’ouvrit et en sortit le parchemin. Ceci fait, il s’approcha de l’artéfact et déplia le papier.

« N’ayez crainte. Je ne suis pas un débutant. »

Ses yeux circulèrent de l’étrange objet sphérique à la formule qu’il allait devoir réciter. Il prit son inspiration, ultime instant avant... une infinité de possibilités. Et si c’était fatal ? Et s’il vivait là sa dernière soirée ? Le souvenir encore net de la mort du grand prêtre lui revint à l’esprit. Jamais rayon ardent n’avait été aussi destructeur... Mais que se passait-il, Silmandel Songevent était-il en train d’hésiter ? La chose était tout à fait extraordinaire ! Quelques jours plus tôt, il eu aurait été autrement.

« Bon, j’y vais. » déclara-t-il après s’être raclé la gorge.

Et il se lança, particulièrement appliqué, articulant chaque syllabe d’une voix claire. Maintenant, les dés étaient jetés !

Silmandel --> Dissipation de la magie (parchemin) --> Silmandel

[Asmodeus]

L’élu divin se tourna vers la source de ce contact avant de songer à répondre. Si celui qui avait posé la question se révélait être un bainite, sa réponse était toute trouvée. Si le doute persistait, il tenterait au contraire de temporiser. Mais lui laisserait-on l’occasion de tergiverser ? La question était somme toute plutôt directe… En tous cas, il espérait que ce délai suffise à Silmandel pour tenter de mettre son plan à exécution. Au moins Asmodeus lui aurait-il laissé tenter sa chance.

[Mornagest]

L'ensorceleur acheva l'incantation. Le sol vibra légèrement sous ses pieds, et il ressentit l'onde dans son corps. Allait-il se désintégrer en milliards de petites particules ? Il eut une vision étrange, celle de son environnement d'un point de vue légèrement plus élevé. Il regarda à terre, puis examina ses mains, ses bras, son corps. Il avait retrouvé sa taille normale ! L'émotion aurait dû s'emparer de lui, mais ce fut la douleur qui prit le dessus. Son doigt lui faisait mal, celui auquel il portait un anneau magique. Ce dernier était rougeâtre et lui brûlait la peau.




Non loin de là, Asmodeus reconnut le symbole du Fléau. Son message avait bien été reçu par les suivants de Baine. Ils étaient sept, d'après ce que l'élu divin put en voir. Leur attitude était méfiante, pour ne pas dire hostile, à l'encontre d'Asmodeus. Tous ressentirent la vibration provoquée par le sortilège de Silmandel.

[Asmodeus]

L’élu divin sentit l’onde de la magie puissante, incommensurable lui traverser le corps, à moins que ce fut celle de la satisfaction de voir son plan se dérouler comme prévu. En apparence en tous cas… La phase la plus aléatoire restait encore à négocier, avec son lot de mauvaises surprises potentielles. Mais il n’était plus temps de s’interroger, de tergiverser :

- Non, je ne le suis pas mais ces hommes qui entourent l’elfe le sont. Et pour le prouver, je vous ai promis de vous montrer ceci. Eux n’osent pas les porter, pas ici…

Il jeta le symbole de Cyric à ses pieds comme s’il le dégoutait. Et ce n’était pas si loin de la vérité.

[Manfred]

C’est tout ? songea l’espace d’un instant Silmandel. Son imagination fertile l’avait poussé à s’attendre à quelque chose de spectaculaire, en tout cas plus que cette onde traversant son corps. La seconde d’après, sa déception se mua en soulagement. Tant mieux ! Il n’avait pas spécialement envi de subir plus qu’escompté. Il remarqua son retour à la normal puis son anneau devenu brûlant. Hâtivement, il retira l’objet puis le tint devant lui, du bout des doigts.

« Zut, j’aurais dû y penser. Il a certainement perdu toute magie. »

Le prix demeurait raisonnable. Sa taille contre un anneau... Il le laissa tomber dans le sable. Quand il serait plus froid, il le récupérera peut-être, rien que pour lancer par curiosité une détection de la magie dessus. En attendant, il se trouvait à l’étroit dans sa tenue de novice.

« Et bien, on dirait que ça a marché. Je vais me changer, j’ai ce qu’il faut. »

Sans vraiment attendre de réponse, il se dirigea vers son sac. Il comptait juste s’éloigner, trouver un semblant d’abri pour remettre son costume d’ensorceleur.

[Mornagest]

Les bainites le regardaient avec méfiance.

"Qu'était-ce ? Si tu tentes de nous jouer un tour, tu le paieras de ta vie, maigrichon. Jure que tu n'es pas fidèle à Cyric. Maintenant."

Un bon moyen de vérifier l'obédience d'Asmodeus. Un dieu, même fou, punirait un de ses prêtres s'il osait ainsi le renier devant des représentants d'un autre culte. Et s'il était encore en vie après cela, les bainites se feraient une joie de rectifier cette erreur...




Silmandel alla s'abriter derrière l'un des accessoires les plus volumineux que les cultistes avaient amenés avec eux, faute de meilleur endroit. Après tout, il n'était pas si prude que cela, et même si l'un d'entre eux le voyait nu, qu'importait ? De toute manière, ils étaient déjà tout à leurs préparatifs pour la suite des opérations : un sac rempli de composants de sortilèges aussi coûteux que rares était maintenant déballé et son contenu soigneusement disposé sur un drap en soie déployé à même le sol. Ils pourraient ainsi se servir rapidement de ce dont ils auraient besoin durant le rituel magique.

[Asmodeus]

L’élu divin s’était attendu à cette demande somme toute parfaitement logique. Bien que les risques de vengeance du dieu dément ne soient pas nulles, Asmodeus décida de ne pas tergiverser, faisant confiance à son dieu pour intervenir si jamais il se retrouvait en difficulté :

- Je ne suis pas un servant de Cyric, ça non ! Mais il ne faut pas tarder à intervenir : il se prépare du vilain on dirait.

Pour faire bonne mesure, il alla jusqu’à cracher au sol en direction du symbole.

[Manfred]

Effectivement, Silmandel n’allait pas parcourir des kilomètres rien que pour se changer. Une fois fait, il prit un instant pour s’observer, l’air très satisfait. Son long manteau, ses mitaines, ses bottes... oui, ça c’était lui, l’ensorceleur, l’aventurier. Jouer l’enfant, c’était drôle, il ne pouvait le nier, mais il tenait quand même à ce qu’on lui accorde un minimum de crédit. Désormais, à sa taille normale, les choses revenues dans l’ordre, il n’avait plus à se cacher sous un rôle. Bref, il était ravi. Sa curiosité eut donc tout le loisir de s’exprimer lorsqu’il vit que l’expérience n’était pas terminée. S’approchant du chef des cultistes, son sac sur le dos, tenant la bride d’une main, il l’interrogea :

« Quel est la suite du programme ? »

Et son curieux état, cet étrange mal-être, s’était-il volatilisé sous le coup du sort amplifié ? Et Asmodeus, où était-il, que faisait-il ? Quand fallait-il agir ? Un signe, il n’attendait que ça car pour lui, la suite du programme, c’était voler l’artéfact.

[Mornagest]

Les bainites se détendirent un peu, en l'absence de courroux divin venant frapper l'insolent. Il annonçait des échauffourées sous peu, et il ne mentait pas : un long murmure se faisait entendre, maintenant, tandis que le chef des cultistes reprenait le rituel destiné à quelque sinistre but. L'un des bainites écarquilla les yeux.

"Du thayen ancien. Quelqu'un est en train de réciter une incantation..." Le silence se fut de leur côté tandis qu'il essayait d'en savoir plus. Il hocha la tête à mesure qu'il comprenait le sens global des phrases occultes prononcées par le cultiste. "Un démon... ils veulent en convoquer un, ou l'asservir, ou... il faut agir, maintenant ! Ces fous vont nous détruire, s'ils réussissent !"

Le groupe de bainites s'élança dans le sable, glissant et pataugeant. Ils n'avaient pas conscience de la présence de l'artéfact non loin d'eux...

Silmandel venait de poser sa question à la femme, tandis que le chef recommençait à baragouiner des choses incompréhensibles pour l'immense majorité des gens. Un cri lui gâcha la réponse, et il vit plusieurs individus se jeter dans le cercle des cultistes, déclenchant une mêlée dans laquelle coups de poings et de pieds s'échangèrent rapidement. Le rituel fut interrompu, le chef ayant été distrait, et reçu un coup de poing en plein visage.

Autour de l'ensorceleur, les prêtres des deux confessions commençaient à prononcer de nouvelles incantations. Le spectacle allait en valoir la peine...

Bainite ---> force du colosse ---> bainite

Décuplé par l'artéfact, le sort rendit le prêtre d'une taille colossale : il faisait maintenant le triple de sa taille normale, et sa stature était celle d'un géant des tempêtes. Il resta un instant sans comprendre ce qui venait de lui arriver. Lorsqu'il serait remis de son émotion, il frapperait avec une force terrible, à coup sûr...

Femme ---> colonne de feu ---> autre bainite

La cultiste envoya littéralement une tempête de feu s'abattre sur la tête de son adversaire le plus proche. Celui-ci se transforma en torche vivante, et son corps, ses os se consumèrent entièrement en l'espace de quelques secondes seulement. Ses restes se résumaient à une poignée de cendres brûlantes...

Pendant ce temps, Asmodeus était resté en arrière, surpris par l'enchaînement des événements.

[Manfred]

Chouette, de la baston ! Enfin, non, ce n’était pas une nouvelle vraiment bonne. Certes excité par la tournure des événements, Silmandel n’en avait pas pour autant oublier la présence de l’artéfact. L’effet démesuré de chaque sort le lui soulignait. S’il était prit pour cible par qui que ce soit, il était mort. Pire, il pouvait décéder des seuls dégâts collatéraux d’un sortilège. Rester ici, c’était du suicide.

Où était Asmodeus ? Certainement pas loin. Son plan avait fonctionné. Que faire ? Voler l’artéfact, c’était maintenant ou jamais. Le désordre était autant un atout qu’un handicap. Avec les risques, énormes, démesurés, c’était tout ou rien. Songevent réfléchit vite. Il chercha du regard l’objet sphérique. Il était là, pas très loin, pas tout à côté non plus, tentant, menaçant. Que ferait-il d’une telle chose ? Il était sensé la donner à l’élu divin, c’était ça l’arrangement à la base. Risquer sa vie pour le vieux grincheux ? Non merci ! Et garder la sphère pour lui ? A quoi bon, il avait eu assez de problème comme ça pour ne pas en rajouter, pas tout de suite en tout cas. Sa taille retrouvée, son but à atteint, il n’avait plus rien à faire ici.

Oui, la leçon des cartes merveilleuses avait portée ses fruits, l’inconscience de l’elfe s’était modérée. Il n’y avait plus ses compagnons d’aventure pour le retenir, c’était à lui de dire stop. Sans demander son reste, ayant déjà son sac sur l’épaule, il entreprit de s’écarter, de fuir. Que tous ces fous s’entretuent sans lui. A la limite, avec du recule, avec de la distance, rien n’empêchait de surveiller, de guetter une occasion plus raisonnable.

[Asmodeus]

Le plan qu’Asmodeus avait concocté semblait étonnamment se dérouler comme il l’avait espéré malgré les nombreuses variables qui avaient été en jeu. Cela encouragea l’élu divin à faire preuve de davantage d’impétuosité qu’à son habitude. Malgré le résultat des sorts qui semblaient prendre des proportions considérables, Asmodeus sentait son heure venue. Il devait faire preuve de prudence au milieu de ces fous et profiter de la confusion en croisant les doigts pour ne pas être pris dans les feux croisés. Récitant rapidement deux incantations, l’élu divin décida de miser sur la discrétion plutôt que sur la force brute :
Asmodeus -> Brume de dissimulation -> Asmodeus
Asmodeus -> Sanctuaire -> Asmodeus
Si ses sorts fonctionnaient sans effet secondaire, l’élu divin tenterait de se précipiter vers l’artefact et de le dérober avant de s’enfuir avec lui. Un plan simple. Mais loin d’être sans danger à son grand dam…

[Mornagest]

Silmandel s'effaça prudemment, tant la bataille faisait rage. L'un des cultistes venait littéralement d'exploser dans une gerbe de sang et de morceaux de tripes qui collaient partout, y compris sur les ustensiles du rituel, et les autres protagonistes du combat. C'était tout simplement répugnant. Les survivants se lançaient des sorts de protection, ou d'attaque qui provoqueraient sans doute très rapidement d'autres dégâts très importants. La panique commençait à gagner les combattants, et les poussait à faire un peu n'importe quoi. Enfin, plus que d'habitude, en réalité.

Asmodeus n'était pas en reste : ses sortilèges furent affectés. La brume de dissimulation couvrit une zone énorme autour de lui, et même lui n'y voyait plus goutte ! Silmandel fut également entouré de brouillard aussi épais qu'impénétrable, et c'était à peine s'il voyait le bout de son nez. Le sortilège de sanctuaire ne fonctionna tout simplement pas, en apparence tout du moins. Peut-être avait-il été affecté d'une autre manière...

De nouveaux cris vinrent ponctuer la scène. Des cris de douleur, d'agonie, de fureur, et ... de plaisir ? Les deux aventuriers préférèrent penser qu'ils se trompaient sur ce dernier point.

[Manfred]

Plus de visibilité... Des sorts déments en tout sens... Des bruits à faire froid dans le dos... Le chaos devenait tel que Silmandel ne regretta pas un instant sa fuite anticipée. Il ne cessa surtout pas de s’éloigner. Pour s’orienter, il s’assura simplement que la rumeur du combat restait dans son dos. Chaque pas de plus, c’était une chance de moins d’être désintégré, ou pire.

Mais... qu’était-ce donc ces cris de joie ? En pareille situation, ce ne pouvait être que malsain. L’ensorceleur, tiraillé par sa curiosité, risqua un regard en arrière, même si c’était vain. Le brouillard à couper au couteau devait tout occulter. Regarder, néanmoins, c’était tout ce que pouvait se permettre l’elfe.

[Asmodeus]

L’élu divin n’avait pas prévu d’être affecté si nettement par la brume ce qui en soi aurait déjà grandement complexifié l’atteinte de son objectif : comment repérer l’artefact avant même de songer à s’enfuir avec alors qu’il n’y voyait pas à un pas devant lui ?

Pire encore, la sensation de bien être et de sécurité qui accompagnait habituellement son recours à son second sortilège était totalement absente, laissant libre champ à son angoisse d’être atteint par un des sorts d’attaque incontrôlable qui fusait sur le théâtre des opérations.

Asmodeus était suffisamment avisé pour reconnaître quand une situation ne tournerait pas à son avantage. Il décida donc de s’éloigner du gros des combats avec l’espoir ténu de pouvoir revenir défaire les éventuels survivants quand ils auraient épuisé leur répertoire. Il s’éloigna donc loin des cris et autres manifestations sonores indéfinissables.

[Mornagest]

Ni l'elfe ni l'humain ne pouvaient plus rien y voir, désormais, au sein du combat qui faisait rage. Les sorts, décuplés par l'artéfact, prenaient des proportions tout simplement apocalyptiques, et il leur semblait qu'il devait maintenant y avoir plus de belligérants qu'avant le début de la bataille. L'un d'eux avait-il convoqué...

Un bout d'aile gigantesque, rouge sombre et couverte d'écailles, dépassa de la zone embrumée. Des imprécations maléfiques fusaient de toutes parts, et des cris abominables de souffrances atroces s'élevaient, emplissaient le silence pesant du désert. Une entité quelconque avait sans doute été appelée, et elle s'affairait maintenant à se repaître des corps et âmes des prêtres et cultistes présents.

Bien que peu versé dans les plans maléfiques, Asmodeus n'avait pas trop de risques à parier qu'il s'agissait d'un démon puissant... ou d'un diable, peut-être. En tout cas, sa taille était impressionnante. Car, en levant la tête, l'élu divin se rendit compte que, certes, son aile droite dépassait de la brume, mais également le haut de sa tête... à quatre mètres du sol.