[SCSA] Sans Chaleur, Sans Avenir

[Manfred]

L’angelot adressa un large sourire à Piotr et lui répondit, gaiement :

« Ne t’en fais pas. Le château est triste, mais c’est ici que je peux aider, que je dois aider. Je sais peu de chose sur les autres statues et je crois qu’il en va de même pour tout le monde. De ce que j’ai compris, on fonctionne par groupe, par famille. J’ai entendu dire, d’après les autres enfants, que la fée, le vagabond, l’ogre et la licorne partageaient le même rêve. Le chevalier et le dragon ont le leur. La reine, le roi et le bouffon habitent dans un autre. »

Le bambin ailé se gratta la tête, à la recherche d’autres infos utiles à donner. Pendant ce temps, le chevalier fulminait. Lui, en rose ! Par tous les dieux, il allait montrer à ce lutin mal élevé ce qu’il en coûtait de manquer de respect aux gens.

« C’est assez, lutin ! Chassez ce rose de mauvais goût ou je vous y contraindrais ! »
« Ha oui et comment ? »
« Attendez que je vous mettes la main dessus ! »
« J’attends, j’attends, ha non, je cours, je saute ! Héhéhé ! »

Le farceur disait, le farceur faisait. Une chance pour Benny qu’il doive fuir le chevalier car sans cela, il aurait eu droit à une nouvelle surprise magique. Quoi qu’il en soit, Benoît pu retirer le foulard et Christophe, de retours exposait la situation. Pour l’instant, personne n’était venu les chercher ici mais il ne faisait aucun doute que cela ne durerait pas indéfiniment. Plus ils se préparaient et plus l’ennemi pouvait faire de même. L’angelot reprit :

« A mon avis, les statues les plus méchantes sont déjà réveillées. Enfin, les plus serviables au moins, comme le diablotin... enfin diablotine. » Il sourit. « Pour les autres, et bien faut espérer que ce soit des gens serviables. »

Personne ici ne pourrait donner plus d’information à Pierre. Tout au plus aurait-il différente version de la même réponse. Réveiller d’autres statues, c’était prendre un risque... un risque qui pouvait payer.

[Taliesin]

Déçu de n'avoir pu obtenir des informations plus précises, inquiet de voir certains membres de leur groupe commencer à se chicaner, Pierre se dit qu'ils ne pouvaient pas continuer ainsi. Plus ils resteraient à ne rien faire, plus le désordre grandirait dans leurs rangs et plus leurs ennemis auraient le temps de rassembler leurs forces et de se préparer à la bataille. Bref, il fallait agir, et sans tarder.

-Dites, les amis ! lança-t-il à la cantonade. On fait quoi, pour les statues qui restent ? On en réveille d'autres ? Je crois que ce serait une bonne idée, mais faut pas se tromper ! Est-ce qu'on pourrait pas essayer avec le magicien ? S'il est comme Merlin l'Anchanteur ou comme Gandalf dans Bilbo le Hobbit, il pourrait bien nous aider !

[Althéa]

Bellatrix approuva tout de suite. Un magicien, ça ne faisait pas de mal. Mais deux magiciens, c'était mieux. Enfin ...

"On pourrait peut-être aussi réveiller le génie. Peut-être qu'il pourrait aussi nous donner un petit coup de main aussi. Genre avec quelques vœux."

Même si les génies, elle s'en moquait un peu. Dans un film, il prenait un malin plaisir à exaucer au pied de la lettre ce que les gens demandaient. Et le résultat n'était pas toujours très drôle. ça non.

[Kasumi]

Benoît était toujours furieux de sa tenue actuelle mais il se disait que ce serait toujours mieux que rien pour affronter le froid du dehors. Et il n’avait plus vraiment le choix sauf à perdre leur temps précieux en cherchant à négocier avec le lutin ou en retournant chercher de nouveaux rechanges. Il n’était tout simplement pas envisageable de mettre le groupe en danger pour pareille coquetterie. D’ailleurs, Bellatrix supportait courageusement la même humiliation, ce qui la rendait un peu moins difficile à encaisser…

Quand Cricri exposa les dangers qui leur restait à affronter et que Piotr proposa un plan pour y remédier, il n’hésita pas à donner son avis :

- Je crois qu’il ne faut pas risquer d’éveiller un méchant ou un sale farceur comme le lutin : ça nous retarderait encore plus. Je crois qu’il ne faut pas prendre le risque d’éveiller le roi et la reine sinon ils vont vouloir nous commander ou nous obliger à bien nous tenir. Par contre, je suis tout à fait d’accord pour le magicien : on aura bien besoin de ses tours pour vaincre les autres vilains. Pour le génie, je ne sais pas trop…

[Mornagest]

"Le magicien, ça me plaît bien..." Bon, il ne rappela pas que c'était lui qui avait réveillé le lutin farceur. Après tout, il n'était pas censé savoir qu'il allait se jouer d'eux de cette façon... il fallait dire qu'apparemment, le lutin était plus sympathique avec ceux qui appréciaient sa magie qu'avec ceux qui lui en tenaient rigueur. Mais il ne fit pas le rapprochement entre les deux.

Auraient-ils besoin de plus d'alliés ? Le chevalier paraissait capable, la fée gentille, et l'angelot n'aimait vraiment pas le diablotin. "Après lui, j'pense qu'on s'ra assez pour s'enfuir, non ?"

[Manfred]

Décision fut prise de réveiller le magicien. Il avait les traits classiques d’un Merlin l’enchanteur, ou encore d’un Gandalf. Vieillard au chapeau pointu, appuyé sur un bâton, le voilà désormais de chair et de sang. Le blanc du marbre laissa la place à sa toison argentée et son ample costume bleu nuit. Sa première réaction, face à l’anarchie croissante, fut d’observer en se grattant le menton. Puis, il déclara :

« Un peu de calme ! »

Il frappa le sol de sa canne et une vague d’air luminescente s’en échappa. A son contact, Benny, Bellatrix et le chevalier retrouvèrent leurs couleurs ordinaires. Christophe, quand à lui, redevint visible. Le lutin n’apprécia guère qu’on ose ainsi mettre un terme prématuré à ses farces. Il protesta :

« Mais ça va pas ? Pour qui vous vous prenez ? »
« Pour le magicien, n’est-ce pas évident ? Assez tergiversé. Je sais ce qui se trame ici et vous autres, les enfants, vous avez été fort avisés de recourir à mes services. Grand est le danger. Plus grand encore il sera si vous vous attardez. Le temps joue contre vous. La Dame Noire dispose ses pions pour vous perdre. »

Le sorcier fit circuler son sage regard sur chacun des membres de la petite troupe. Le chevalier, retrouvant toute sa fierté, attrapa son cheval par la bride.

« Alors, en avant. Faisons face à l’adversité. Je peux prendre quelqu’un derrière moi et je présume que la licorne acceptera un, voir deux cavaliers. »

La licorne acquiesça d’un signe de tête. Le lutin, quand à lui, déclara, furieux :

« Vous n’êtes pas drôle ! Je m’en vais ! »

Et il disparut d’un claquement de doigts. La fée commenta :

« Et bien, quel méchant caractère ! Je le savais irritable, mais là... non, c’est pas bien. »

L’angelot s’avança :

« Ma magie blanche peut fournir protection et guérison, mais face à Diablotine et les autres, on ne sera jamais assez prudent. Il me semble avoir entendu dire que nous autres, membres du Domaine des Divorcés, ne pouvons pas en sortir. Après le grand portail marquant la fin du parc, vous serez seuls face aux dangers de la forêt. Etes-vous prêt ? »

HRP : vous avez tous le droit de préparer quelque chose en vue de ce qui s’annonce. Benny peut chercher à l’avance un rituel dans son grimoire (sachant que le sort contre le diablotin n’y est plus). Bellatrix peut dessiner quelque chose avec soin. Christophe peut se bricoler un outil ou une arme. Piotr peut tenter de prévoir une situation afin de l’influencer positivement. J’aimerais aussi savoir ce que vous tenez en main spécifiquement.

[Kasumi]

Benoît était admiratif devant le magicien, exactement à l’image qu’il s’en faisait. Rien d’étonnant à ce qu’il partage son avis de se dépêcher. Heureux de recouvrer son apparence normale et soulagé de voir le Lutin les laisser poursuivre sans lui, le gamin serrait son grimoire mutilé à la main. Les craies qu’il avait ramassées dans la cave étaient répartis dans plusieurs de ses poches pour être accessibles en cas de besoin. Il devait néanmoins garder au moins une main de libre pour monter la licorne ou le destrier du chevalier.

En s’entendant confirmer que leurs alliés ne pourraient pas les aider au-delà de la propriété, le gamin songea que le plus grand danger qui les menacerait si jamais ils parvenaient jusqu’à la sortie seraient les corbeaux de Grincevoix. Il chercha donc dans son grimoire si un sortilège était apte à les protéger contre les furies ailées.

[Taliesin]

Pour sa part, Pierre avait renfilé son manteau et vérifié que la poche intérieure contenait toujours Archimède : d'ordinaire, il plaçait la peluche à côté de son oreiller mais, dans cet étrange cauchemar, il n'était pas impossible qu'elle puisse veiller sur lui d'une autre manière. Ensuite, il s'assura qu'en cas de besoin, il pourrait rapidement brandir sa lampe - transvasée dans une poche du manteau - et son épée - glissée à sa ceinture.

Bientôt, le gamin pensa être prêt. Cependant, il avait encore deux questions à poser.

-Tu veux que je te rende ta boite à outils où tu préfères que je la laisse dans mon sac à dos ? demanda-t-il à Christophe.

Puis, se tournant vers l'Angelot :

-Est-ce que tu veux qu'on te donne quelque chose à enfiler ? Si tu restes comme ça, tu risques de geler, dehors !

Pour le reste, enfourcher une licorne où chevaucher avec le chevalier le tentait beaucoup. Toutefois, il préférait laisser la place à ses amis.

[Althéa]

Bellatrix regarda ses copains. Comme dans ses films, ils approchaient dangereusement du générique final. Ils avaient affronté les grands méchants mais pas tous. Il y avait la plus forte, celle qui apparemment tirait les ficelles ici. La grosse monstresse du film, la pseudo Morticia. Mais comment pouvaient-ils s'en protéger ? Elle eut une petite idée.

Avec lenteur, et toute la précision dont elle était capable, elle dessina ses amis, le plus fidèlement possible, et elle-même. Elle ajouta une sphère tout autour d'eux. Dans sa tête, elle pensa à une grosse bulle protectrice qui pourrait les protéger de ce qui viendrait du ciel ou du sol. Sur le papier, elle s'arrangea que cette bulle irradie d'une lueur bénéfique. Encore fallait-il qu'elle puisse s'activer.

[Mornagest]

"Je préfère l'avoir en main, si tu veux bien. Si je dois m'en servir très vite, je préfère pas perdre de temps à la sortir du sac."

Il avait un peu fouillé les lieux des yeux, cherchant vaguement de quoi faire une arme solide, mais n'avait rien trouvé d'utilisable. Certes, les chandeliers factices qui distribuaient une chiche lumière à l'aide des pauvres ampoules, accrochés aux murs, auraient pu faire l'affaire, mais il aurait fallu pouvoir les attraper - il était trop petit - et surtout, débrancher le courant !

Il sortit donc son plus gros marteau de sa boîte, avec une belle tête en fer carrée. C'était toujours mieux que rien, non ?

[Manfred]

L’angelot sourit à Piotr puis le rassura.

« Ne t’en fais pas, le froid, je ne connais pas ! »

Tous, invités comme résidants, se mirent en marche vers le hall, vers l’attendu et redouté affrontement. Les enfants ne l’avaient vu qu’une seule fois, cette femme, haute, blafarde, sévère, dans sa robe étroite couleur de ténèbres. Pourtant, l’image s’était gravée en eux et ils s’attendaient à la voir, à l’entendre à chaque instant. Elle était le dernier obstacle avant la fin de ce cauchemar. C’était... comme dans les histoires... Chemin faisant, la petite troupe rencontra les pantins précédemment repéré par Christophe. Les jouets furent balayés avec aisance, bien trop d’aisance. Personne ne fut dupe. Et voilà la porte à double battants, voilà le parc baigné de nuit.

L’allée gravillonnée luisait de gel. C’était une large ligne droite, presque phosphorescente sous les rares rayons lunaires. Elle s’étendait, longue, si longue, vers le portail en fer forgé, flanqué des deux statues, les Divorcés. L’allée était encadrée d’arbres squelettiques, d’herbes rachitiques et surtout, d’ombres épaisses. Le parc avait plus belle allure lors de l’arrivée. Ici, pour rien au monde on avait envie de s’y enfoncer. Le blizzard avait cessé mais demeurait un vent mordant. Sa complainte avait quelque chose d’irréelle, de tragique. Les limbes se dévoilaient, se distinguant de plus en plus de cette réalité qu’elle avait vainement cherché à singer. Il n’y avait qu’à observer ce ciel abyssal auquel une main fantaisiste avait accroché ce fin croissant bleuâtre.

Musique d’ambiance

Tous s’y étaient préparés. Point de surprise. La voie n’était pas libre. Barrant le portail, elles se dressaient, les statues diaboliques. La sorcière, la mort, le squelette, le fantôme, l’ogre et, derrière, le diablotin. Mais de l’ex femme de M. Larouge ou encore du terrible Grincevoix, aucune trace. Les enfants n’eurent pas peur, peut-être de l’appréhension, juste ça. Descendant le perron, le chevalier se mit sur son fier destrier et dégaina son épée. La licorne vint se placer à son niveau. En fait, répondant au besoin d’une mise en scène convenue, tous se mettaient en place pour ce fatidique face à face. L’angelot répandit lumière et chaleur autour de lui. La fée s’arma d’une aiguille de rose sortit d’on ne sait où. Le bâton du magicien se mit à crépiter. Une lueur venimeuse émana des mains de la sorcière. L’ogre menaça de son énorme gourdin. Le squelette, dans sa sombre armure, défia le chevalier de sa longue épée. Le fantôme gémit, agitant ses chaînes. La mort n’avait rien besoin de faire pour être menaçante, sa seule présence suffisait. Et le diablotin, il se cachait toujours.

Instant d’immobilité. Ultime minute de calme. Et voilà que chaque camp passait à l’assaut. Le chevalier chargea, poussant un « pour la justice ! » vibrant de conviction. La licorne l’accompagnait, suivit de la fée. Le magicien lança une boule de feu qui rencontra l’éclair violacé de la sorcière. Ce fut une explosion, des étincelles en tous sens. Fracas de l’acier contre l’acier. Le sol trembla quand l’ogre abattit sa massue pour écraser la licorne qui déjà s’était écartée. La mort brandit sa faux. Le fantôme s’avançait, à peine gênée par la fée et son aiguille. L’angelot prit un coup de poing invisible dans la figure. Le diablotin ricana et reçu un flash lumineux dans la poitrine. Ces deux là, c’était le grand amour. En tout cas, une chose était sûre, en l’espace de quelques instants, l’affrontement tournait au chaos.

[Kasumi]

Benoît s’attendait à cette confrontation et la mise en scène répondait à ses attentes les plus pessimistes, jusqu’au décor dénaturé qui ne laissait plus aucun doute sur leur captivité dans un cauchemar. Mais au moins avaient-ils réussi à percer les illusions, les faux-semblants, et même l’angoisse de dangers inconnus pouvant frapper à tout moment. Les méchants s’étaient révélés, jugeant qu’il n’était plus temps de jouer à cache-cache.

Mais ils attaquaient en force : leurs alliés ne pourraient pas suffire à surmonter cette difficulté. Les pantins n’avaient été qu’un échauffement sans risque en comparaison. Il fallait donc agir. Mais comment ? Il aurait voulu châtier Diablotine pour l’ensemble de ses méfaits mais il n’avait plus de sortilège contre lui. La Mort le terrifiait et il n’avait aucune idée de comment l’affronter, n’ayant jamais eu affaire à lui. De même, il songea que le Magicien et surtout Bellatrix sauraient composer avec la Sorcière.

Il tourna donc son attention vers les deux morts-vivants du groupe et se mit à chercher quelque sortilège apte à combattre un squelette ou un fantôme. Il n’était pas encore pris dans le chaos des combats aussi était-il urgent d’en profiter tant que c’était le cas.

[Taliesin]

Veillant à rester tout près de ses amis, Pierre avait bien sûr tiré son épée. Pourtant, il ne pensait pas que se jeter dans la bataille soit une excellente idée. Il lui aurait semblé plus judicieux de contourner la mêlée et de se ruer vers le portail : une fois celui-ci franchi, les monstres ne pourraient pas les suivre... Malheureusement, un détail d'importance rendait ce plan fort hasardeux. Leurs alliés étaient cinq, leurs ennemis six, et ce surnombre risquait de se révéler problématique : l'une des méchantes statues serait sans doute moins occupée que les autres et serait donc susceptible de remarquer qu'ils essayaient de fuir, de les prendre en chasse ou de donner l'alerte...

Mais peut-être y avait-il un moyen de renforcer leurs rangs...

-LUTIIIIIIIIN ! cria-t-il à toute force. On a trouvé plein de gens qui adoreraient que tu leur fasses des tours de magie !

Si la créature, sous le coup de la vexation, n'avait pas regagné son rêve, si, par curiosité, elle les avait suivis, il n'était pas impossible qu'elle réponde à son appel.

[Althéa]

La sorcière ... Celle là, elle avait des comptes en cieux - même que ce n'étaient pas les comptes en Suisse que son papa prétendait avoir en cas d'extrême besoin - avec elle. Avec le rouquin et ce qui s'en était suivi, elle lui avait joué un tour qu'elle n'était pas prête d'oublier. Si elle s'aviser à toucher à l'un de ses copains ...

Elle se saisit de son carnet et de son crayon, prête à improviser un dessin si le besoin s'en faisait sentir. Et peut-être que la bulle protectrice pourrait fonctionner. Mais elle n'en était plus si certaine.

[Mornagest]

Ils y étaient. La bataille finale, l'ultime assaut, le dernier round d'un combat qui n'avait que trop duré. Le dernier, vraiment ? Et où était Morticia ? Elle devait rôder non loin, surveillant ses sbires, s'assurant qu'il ne lui faudrait pas leur prêter main-forte, sans doute...

Il aurait voulu rester et admirer le spectacle. Car le combat était âpre, épique, sans pitié. Mais cela sonnait comme une représentation de théâtre, avec ces personnages si éclectiques... il aurait voulu retenir son souffle, encourager mentalement ses favoris, applaudir lorsque le rideau de fin se baisserait sur la scène. Il aurait voulu admirer malgré lui l'astuce et la force de leurs adversaires, tenaces et rusés, vicieux et méchants. Il aurait voulu louer la grâce de la fée, le courage du chevalier, la finesse du magicien, la beauté de la licorne, la gentillesse de l'angelot. Il aurait voulu...

Au lieu de cela, il se bloqua net lorsqu'il vit la Mort. La figure de ses cauchemars dans le cauchemar, sa hantise depuis son rêve ignoble, sa plus grande crainte depuis l'épisode du labyrinthe et de la pièce où leurs âmes étaient enfermées.

Immobile, les bras ballants, Christophe menaçait de laisser tomber sa boîte à outils. Il ne put que bredouiller : "Ggg..." puis tourna de l'œil et s'évanouit.

[Manfred]

Christophe s’était effondré, au pire moment, compliquant une situation qui ne l’était déjà que trop. Terrassé par la terreur de la sinistre faucheuse, désormais il lui faudrait l’aide d’un, voir deux camarades pour s’en sortir... alors que chacun allait avoir fort à faire pour préserver sa propre vie. Ainsi soit-il. Il n’y avait que dans les naïves histoires que tout finissait forcément bien.

La Mort, déjà victorieuse malgré elle, s’imposa définitivement l’instant d’après comme le plus effroyable de tous les adversaires. Lorsque retomba sa faux, on entendit l’acier froid fendre l’air en un funeste murmure. Elle pourfendit la licorne comme s’il n’avait s’agit que d’une image. Et cette image, dans un ultime sursaut, s’évanouit, ne laissant rien derrière elle, comme pour le guerrier de lumière créé plus tôt par Bellatrix. La fée fut horrifiée, changeant alors de cible, dardant le noir spectre de son épine vengeresse... mais impuissante. Le fantôme, laissé libre, traversa les rangs des gentilles statues, fondant sur les enfants. L’ogre fit face au chevalier, déjà bien occupé par le squelette.

« Vous êtes foutu ! Foutu et archi-foutu ! Hahahahaha ! » jubilait le Diablotin.

Et voilà qu’apparaissait le lutin, attiré par l’ingénieuse initiative de Piotr. Et voilà qu’il colorait l’ogre en rose. Et voilà que l’ogre, furieux, lui hurla dessus et le prit en chasse, fermement décidé à l’écrabouiller. S’en suivit un flash de lumière, résultat du sortilège de Benoît. Il avait trouvé ce qu’il fallait, il l’avait lancé quand il fallait. Le fantôme, le squelette et même la Mort, dans une moindre mesure, furent repoussés, déstabilisés. Profitant de l’occasion, le chevalier porta un coup fatal à son ennemi d’os et d’acier, le décapitant. Le squelette s’effondra et disparut. Néanmoins, le fantôme reprit son approche, allant droit sur Cricri.

Le magicien, opposé à la sorcière, tenait bon sans prendre l’avantage. Il en allait de même avec l’angelot et le diablotin. L’ogre s’étant éloigné, le fantôme étant intangible, la Mort étant enquiquiné par une fée voltigeuse, le Chevalier se jeta sur la sorcière, la forçant à se replier, elle et le diablotin, toujours aussi prudent. La voie vers le portail était presque dégagée... presque... Or voilà qu’ils se mirent à aboyer, à approcher, les trois molosses, Vorace, Glouton et Morfal. Bientôt, ils seraient là...

[Kasumi]

Benoît avait été horrifié de voir la sombre efficacité de leurs terribles adversaires. Et comme de coutume, Diablotine en avait profité pour se moquer d’eux, pour tenter de les démoraliser. Mais cela ne faisait que renforcer la résolution de Benoît, la volonté d’en découdre avec ces odieux monstres alors que la sortie était toute proche maintenant.

Il se sentait toujours incapable d’affronter directement la Mort ou la Sorcière, le Fantôme était intangible et avait résisté à son rituel. Diablotine, cette saleté, était toujours intouchable du fait de la page déchirée dans sa poche. Et il n’avait pas le temps de tenter de la déchiffrer malgré tout : il y avait plus urgent, un danger plus concret. Le gamin consulta à nouveau son grimoire pour y trouver comment repousser une meute de chiens méchants. Il ne pouvait pas se soucier de Christophe, tombé en pâmoison pour le moment. Pas tant qu’un monstre ne cherchait pas à s’approcher de lui en tous cas.

[Taliesin]

En constatant que Christophe s'était évanoui, en découvrant que la Mort se dirigeait vers lui, Pierre ne réfléchit pas : il s'interposa, l'épée brandie. Bien sûr, il ne ferait pas le poids face à cette terrifiante créature. Cependant, il n'imaginait même pas laisser son copain sans protection.

Et puis, il y eut les aboiements, et le gamin se crut défaillir de terreur et de désespoir mêlés. Avec de tels renforts, leurs ennemis ne pourraient que triompher...

Il ferma les yeux, tenta de faire le vide dans son esprit, de se concentrer.

Les chiens... C'était ceux de monsieur Larouge : malgré leur apparence sauvage, ils lui obéissaient au doigt et à l’œil. Or, monsieur Larouge, contrairement à son ex-épouse, ne leur avait fait aucun mal. Mieux, il les avait aidés, en leur remettant non seulement l'indispensable journal, mais aussi le rituel pour réveiller les statues bienveillantes. Alors... N'était-il pas possible qu'il ait ordonné à ses chiens d'accourir, non pour s'en prendre à ses amis ou à lui-même, mais bien à leurs ennemis ?

Pierre voulut y croire. Il y crut, même. Si ce cauchemar avait été une histoire, s'il l'avait lue dans un livre, semblable retournement de situation l'aurait fait jubiler. Oh oui, jubiler, c'était bien le mot.

[Althéa]

Bellatrix se pencha sur Cricri. Visiblement, la mort avait mortellement un impact mortel sur lui ... Bref, ça faisait beaucoup de mort. Mais pour ça, elle avait sa petite technique. Elle retroussa la manche du gamin de façon à découvrir son bras ou plutôt, le gras de son bras. Et puis, rassemblant ses petites forces et tout le sadisme dont elle était capable se mit à pincer le plus fort qu'elle pouvait. Elle espérait que cela marche comme la dernière fois. Et assez vite. Parce que de poids mort, le gamin risquait de devenir vraiment mort.

Elle entendit les chiens et faillit se figer dans son geste. Les deux molosses de tout à l'heure. Au contraire de Pierre, elle ne se souvenait plus de qui les dirigeait. Et même, c'étaient peut-être les chiens à mémère plutôt qu'à pépère. Elle était terrififée.

[Mornagest]

Malheureusement, Christophe ne paraissait pas ressentir la douleur dans l'évanouissement, et il resta immobile malgré toute la cruauté potentielle de Bellatrix instillée dans son geste vengeur et sadique.

[Manfred]

En effet, Christophe resta inerte, les yeux ouverts, fixes, perdus dans une indicible terreur. Là où son esprit vacillant était allé se perdre, la Mort y était. Cruel était le sentiment d’impuissance. Bellatrix commença à le ressentir. Les trois molosses s’approchaient. On distinguait déjà leurs formes puissantes, leurs foulées animales et avides. Perturbé, stressé, Benoît ne trouva rien cette fois, son grimoire lui présentant inutilement une formule pour chasser... les chats. Epée brandit, Piotr allait sous peu faire face à la Mort et au fantôme. Même la chaleur de l’angelot semblait refluer face au froid surnaturel du sombre spectre à la faux. Ce dernier était si grand... si implacable. Il avançait lentement, mais inexorablement. Et le fantôme, plus discret, glissait sans bruit si ce n’était celui de ses chaînes.

Maintenant, les chiens étaient là. Ils se jetèrent sur la sorcière et le diablotin. Etait-ce la le fait du vœu de Pierre devenu réalité ? Etait-ce la volonté de Vincent que de les aider à ce point ? Au premier étage, à la lueur d’une fenêtre, se dressait la silhouette du maître des lieux. Droite, digne, nul ne vit son léger sourire. Partagé entre amusement et mélancolie, il observait le dernier acte de la pièce. Il était beau, jugeait-il, cet acte, cette pièce. La sorcière fut dévorée. Le diablotin se volatilisa avant de subir le même sort. D’un coup de faux, la fée suivit la licorne. L’angelot usa de ses pouvoirs pour maintenir à distance le fantôme. Le chevalier et le magicien concentrèrent leurs efforts sur la Mort. Mais la Mort continuait d’avancer malgré tout. Quand à l’ogre et le lutin, ils avaient tous les deux disparus dans le parc, comme les chiens passés en trombe.

[Althéa]

Non ce n'était pas possible. Pourquoi est ce que ça ne marchait pas ? Cricri était-il en train de perdre la partie ? Non, ça n'allait pas se passer comme ça. Elle allait le ramener, et s'il fallait par la peau des roustons. Si le pinçage ne marchait pas, il y avait peut-être une autre solution.

Elle releva un peu la jambe de pantalon du gamin jusqu'au mollet et le mordit aussi fort qu'elle le put. Elle n'y croyait pas trop, mais on ne savait jamais.

[Mornagest]

Il grogna dans son inconscience, mais ne se réveilla pas. C'était insuffisant, ou alors, son état était plus profond qu'ils ne le pensaient dans un premier temps...

[Kasumi]

Voyant l’horizon se dégager. Monsieur Larouge et ses molosses leur offraient peut être une opportunité unique de s’en sortir. Benoît décida de passer à l’action à son tour, rejoignant Bellatrix et s’emparant de Christophe par les épaules.

- Vite, aide-moi, Bella’ ! A deux on doit pouvoir le traîner jusqu’à la grille. Les monstres sont tous occupés.

Ne restait qu’à espérer que la Mort et le Fantôme, seraient trop occupés avec le Magicien, le Chevalier et l’Ange pour les prendre en chasse. La grille était encore très loin après tout, et après… Mais non, il ne fallait pas penser à la suite : l’important était de donner du courage à Bellatrix et de sauver leur copain tomba avant le combat.

[Taliesin]

Effectivement : s'ils voulaient se sauver, c'était maintenant où jamais. Pierre se rapprocha donc encore plus de ses amis et raffermit sa prise sur la garde de son épée.

-Si un méchant s'approche, j'essayerai de l'empêcher de vous faire du mal. Mais si Christophe est trop lourd, Benny, dis-le. Je prendrai ta place et toi, tu nous protégeras avec les sorts de ton grimoire...

Avisant Tony, qui gisait désormais par terre, il se rappela subitement ce qu'avait dit leur copain désormais évanoui.

-Attendez ! Faut qu'on le mette sur la tombe de la petite fille... lança-t-il en récupérant l'ours en peluche. Je sais pas où elle est, Christophe il a juste dit qu'il y avait des fleurs blanches, dessus. Mais je suis sûr que Tony va nous indiquer la direction...

Il fallait juste espérer que la sépulture était en dehors du parc. Sinon, les choses s'annonçaient très, très compliquées.

[Althéa]

Bellatrix attrapa Cricri par les pieds. S'il ne se réveillait pas avec ce qu'elle venait de lui faire, c'était qu'il risquait de se réveiller tard, voire trop tard, voire même pas du tout. Et ça, elle préférait ne pas y penser. Pierre s'était rappelait de la promesse que leur copain avait fait à la petite fille. Et c'était important. D'autant plus que cette petite fille là, par l'intermédiaire de Tony leur avait rendu un bien fier service. Ils lui devaient au moins cela.

"Tu as raison, Pierre.", dit-elle en commençant à reculer en portant Christophe avec Benny.

C'est qu'il pesait lourd, en fait. Un poids de cheval mort, comme qui dirait.

[Mornagest]

Il ne garderait pas grand-chose dans sa mémoire de ce passage de leur affreuse aventure, sinon un cauchemar aussi bref que violent. La Mort le traquait, dans une sorte de labyrinthe, une fois encore, dans lequel les murs paraissaient intangibles, et au travers desquels il pouvait voir. Mais il ne parvenait pas à les traverser pour échapper à la redoutable faux du personnage. En revanche, ce qu'il voyait, tout autour de lui, le glaçait : des spectres d'enfants, d'adultes, de tous types, de tous âges. Tous se lamentaient, le mettaient en garde de ne pas se laisser rattraper par la Mort, sous peine de finir comme eux. Il courait, trébuchait, se cognait, pleurait et se décourageait. Et la Mort finit par l'avoir... il se sentit alors ballotté, secoué, et il ne contrôlait absolument plus ses mouvements. Dans le monde réel - ou dans le cauchemar collectif qu'ils vivaient - ses copains le tiraient du mieux qu'ils pouvaient pour l'amener au-dehors de ce maudit parc. Mais il était trop profondément évanoui pour arriver à s'extirper de son ignoble songe.

Sa bouche s'ouvrit et il bava.

[Manfred]

Il devint vite évident que Benoît n’était pas la personne idéale pour aider Bellatrix. En revanche, ses sortilèges avaient déjà fait leurs preuves face aux fantômes et même un peu face à la mort, les deux seules monstres encore sur l’allée. Aussi, il échangea sa place avec Pierre, suivant d’ailleurs la proposition de celui-ci. Ensuite, tant bien que mal, le groupe se mit en mouvement vers le portail, portail que Tony désignait de la patte. La tombe de Sophie devait être hors du parc. En tout cas, pour l’instant, c’était Benny qui tenait la peluche, arrivant à se débrouiller avec son grimoire ouvert, prêt à l’usage.

Les bonnes statues redoublèrent d’efforts, les mauvaises également. Le fantôme fut vite écarté. La mort dû être contournée. Diablotin et sorcière revinrent à la charge. Un éclair diabolique manqua de peu Bellatrix. Piotr eut droit à un coup de poing invisible en plein visage. Rien de grave mais les deux enfants lâchèrent Christophe à cause de l’assaut. Le garçon évanouît commençait à se débattre, en proie à ses horribles cauchemars. Mais déjà le chevalier était là. D’un coup d’épée, il pourfendit la sorcière, mettant en fuite pour de bon le lâche démon. Puis, il alla aider Bellatrix et Pierre. Avec sa force d’adulte, le trajet en fut considérablement facilité.

Franchir le portail ne représenta même pas une difficulté. Certes, il était clos et verrouillé, mais il offrait assez de prises pour être escaladé et n’était pas très haut. Benoît, Pierre et Bellatrix le franchirent. Une fois tous les trois de l’autre côté, le Chevalier issa Christophe et le leur remit. Voilà, c’était fait, ils étaient hors du parc. Aussitôt, la Mort et le fantôme se volatilisèrent. L’angelot, le magicien et le chevalier se rassemblèrent devant les grilles de fer forgé et souhaitèrent bonne chance au petit groupe. Plus loin, dans les ombres du parc, entre les arbres nus, on devina l’ogre toujours en train de poursuivre le lutin facétieux. Enfin, à cette fenêtre éclairée, il y avait cette silhouette silencieuse, celle du maître des lieux.

Maintenant, il ne restait plus qu’à traverser la sombre forêt. Le début du tortueux sentier n’était qu’à quelques mètres. Après, il y aurait le car, après ce serait la fin... Mais où était l’ex-femme de M. Larouge ? Où étaient l’ignoble Grincevoix et ses légions de corbeaux ? Cet affrontement trop prévisible entre les statues, son dénouement assez rapide... n’était-ce pas trop facile ?

[Kasumi]

La sortie de la sinistre demeure enfin ! Et ils étaient tous en vie et presque saufs ! Il était cependant encore bien trop tôt pour se laisser aller à l’euphorie de la victoire. Il restait le bois à traverser, le bois où ils avaient fait la connaissance de Grincevoix et de ses cruels alliés à plume. Le gamin brida aussitôt ses pensées de peur que le simple fait de l’évoquer ne suffise à invoquer l’horrible bête.

Baissant ses yeux sur la peluche, il tenta de déterminer la direction à prendre pour rejoindre la tombe de son ancienne propriétaire. Malgré la terreur et la hâte de quitter cet endroit maudit, ils se devaient d’accomplir cette dernière tâche.

[Taliesin]

Pierre fit ses adieux à leurs alliés, les remerciant avec chaleur pour toute l'aide qu'ils leur avaient apportée. Puis, remarquant pour la première fois que monsieur Larouge se tenait à une fenêtre du château - jusqu'ici, le gamin n'avait guère regardé dans cette direction -, il lui adressa un salut de la main.

Malheureusement, comme leur petit groupe n'était pas encore tiré d'affaire, comme s'attarder ne pourrait qu'empirer les choses, il finit par se détourner et baissa les yeux sur Christophe, toujours inanimé.

-Tu es prête, Bellatrix ? Faut qu'on le soulève à nouveau... Franchement, si j'avais su qu'il était si lourd et qu'on devrait le porter, je lui aurais demandé de pas manger, pendant le dernier repas ! Ou alors de pas cacher plein d'outils dans ses poches !

Il plaisantait pour tenter de détendre l'atmosphère. Pour tenter de se détendre lui-même, aussi. Car s'il avait bon espoir qu'ils parviennent à s'en tirer, il savait qu'il leur faudrait affronter encore bien des épreuves avant d'arriver au bout de cet horrible cauchemar.