[Quête] Guerre des plaines brûlantes : un certain goût pour la mort

[Chandara]

Entendre Arthur rire de bon cœur raviva la bonne humeur de la paladine qui prit cependant sur elle de retrouver quelque maîtrise de la situation. La blague des enfants leur avait somme toute fait perdre un temps précieux et il n’était plus vraiment temps de tergiverser. Cependant, la jeune femme ne souhaitait pas gâcher ce bon moment qui serait peut-être un des derniers avant qu’ils n’affrontent le terrible mal qui se terrait dans le moulin. Le paladin avait-il tenté une plaisanterie à nouveau en évoquant la destruction de l’épouvantail qui leur garantissait un libre accès ? Soucieuse de ne pas s’y tromper, elle répliqua d’un ton léger ponctué d’un clin d’œil :

- Et vous devriez voir ce dont je suis capable sans mon armure pour m’encombrer !

Elle ne comprit que trop tard combien cette réplique pouvait se révéler inappropriée aussi ajouta-t-elle précipitamment, en arborant une jolie teinte écarlate et dans la confusion la plus totale :

- Euh, enfin quand j’étais jeune avec les vrais épouvantails ! Enfin, euh... eh bien… Nous devrions peut-être nous abstenir de raconter ce passage à notre retour… Ce sera notre petit secret. Oui, et… Je vous laisse passer devant : la voie est libre, vous avez parfaitement raison ! [color=#ff404]Là, juste devant.[/color]

[Arthur de Faisanlys]

Arthur n'avait pas l'esprit mal tourné. Pas du tout. Mais lorsque Chandara mentionna ses prouesses sans armure, assorties d'un clin d'oeil charmant, il vira au pourpre en une seconde.
Non, il n'avait rien imaginé ! Rien du tout !
C'était elle qui...
Bon sang, était-elle fille de Sunie, de succube, de dryade, de Sharess, de quoi, zut, son esprit était troublé et il y avait un nécromant dans ce maudit moulin, par les dieux, était-ce une sorte de mise à l'épreuve de sa résolution ?
Il se détourna posément, comme s'il observait leur objectif, ferma les yeux, pria Lathandre une seconde.
Il faisait diablement chaud dans cette maudite armure.
Elle parlait d'épouvantails. Certes. Il était épouvanté, ça, c'était un fait avéré.
Inspiration.
Expiration.
" Allons-y."
C'était le mieux qu'il puisse faire à la seconde présente.
Aussi se garda-t-il avant d'avancer vers les deux silhouettes calcinées qui avaient été, quelques minutes plus tôt, des gardiens inquiétants. On n'était jamais trop prudent. Même s'il avait la conviction que la réelle menace... marchait juste derrière lui.

[Chandara]

Cette fois, Chandara haussa un sourcil en constatant la réaction assez étrange du paladin, arborant un petit sourire - satisfait ? – tout en s’efforçant de comprendre pourquoi il était soudain si mal à l’aise. C’était certainement leur mission sacrée mais risquée qui l’inquiétait. Oui, ce devait être cela : chaque paladin avait sa propre façon d’anticiper ces moments, quels que soient son entraînement et son expérience… Arthur se dirigeait maintenant résolument vers le moulin, prenant son rôle de commandement très au sérieux. Avait-il détecté quelque aura maudite en ce lieu inquiétant ? La paladine hésitait à le lui demander de peur de commettre quelque nouvel impair après sa tentative d’humour tout sauf réussie.

Finalement, elle se contenta de lui emboîter le pas et de revenir quasiment à sa hauteur en l’observant de temps à autre de biais de peur de donner l’impression de le fixer. Tiens, quel drôle d’expression il arborait… Etait-il en colère contre elle ou bien ? En tout cas ce teint faisait ressortir ses yeux clairs et sa jolie tignasse indisciplinée. Non, mais tu n’es pas censée le fixer comme ça… De quoi tu dois avoir l’air ! Tu devrais regarder où tu mets les pieds plus tôt. Euh oui ! Oui oui. Soucieuse que son attitude n’ait pas jeté un froid qui pouvait s’avérer préjudiciable maintenant qu’ils étaient si proche de la bataille décisive, la jeune femme ajouta d’un ton contrit :

- J’espère que je ne vous ai pas mise en colère. Je sais que j’ai souvent une attitude un peu casse-pied mais je fais des efforts pourtant…
Tiens, qui a parlé ? Avec ma voix en plus ? Oh la la ! Ouf, le moulin enfin ! Ça t’évitera peut-être de t’enfoncer davantage.

[Althéa]

Le vent se leva, faisant de nouveau tournoyer les pales du moulin. Un tour, et un second. Deux grincements. Ils étaient désormais assez près pour voir la porte qui béait et se refermait sinistrement. Un mouvement après l'autre. Une fenêtre donnait sur le dehors. Et autant qu'ils pouvaient voir, il n'y avait personne. Du moins, autant qu'ils en pouvaient juger. Personne non plus ne les attaqua ... Il régnait sur les lieux un silence pesant et de mauvaise augure.

A moins que le nécromancien ait décidé d'aller se promener avec son livre ce qui aurait été fort étonnant ...

[Arthur de Faisanlys]

" Mais non, je ne suis pas fâché..." fit le jeune homme, tout en gardant le regard fixé sur les planches de bois branlantes.
La dernière infiltration à laquelle Arthur avait participé avait consisté à suivre un tunnel dans le noir avec tout un groupe d'aventuriers téméraires et d'elfes belliqueux. Il n'avait pas vu grand chose, ils avaient tué quelqu'un qu'ils n'auraient pas dû, et il y avait eu des mages déments en bout de course. Finalement, la routine. Il s'immobilisa cependant un moment devant la porte, interdit, hésitant. Flanquer un grand coup de pied dedans, pour l'arracher à ses gonds, serait le plus sûr et le moins discret. Frapper à l'huis était stupide. Pousser la porte d'une main en tenant son épée de l'autre était la dernière possibilité et si elle était moins bruyante, elle était nettement plus dangereuse.
Que faire ?
Mais agir en paladin, bien sûr.
Plantant rapidement son épée en terre, il incanta afin de détecter la présence d'auras maléfiques au niveau inférieur de la bâtisse.

[Chandara]

Après le contrecoup des combats mais aussi des échanges plutôt gênants qui s’en étaient suivis, le vent qui se levait fit frissonner Chandara qui se rapprocha d’instinct de son confrère. Le froid n’en était pas l’unique raison même si la jeune femme n’osait s’avouer que l’approche du danger et l’aspect sinistre des lieux contribuaient à ce sentiment d’impuissance et de crainte. Une nouvelle fois, comme face au fantôme de la falaise, comme en bien d’autres occasions depuis cette funeste journée ensoleillée au pied du col de Léronde où elle avait senti pour la première fois* son pouvoir la déserter, la laissant vide et vulnérable.

Quand le paladin s’était mis à détecter la présence d’une présence maléfique, la paladine sentit sa conscience vaciller un instant et sentit un frisson la parcourir. Elle chercha désespérément à quoi se raccrocher pour faire face à cette sensation violente. Elle serra le manche de son arme à s’en faire blanchir les jointures mais même ce moyen de se défendre bien dérisoire ne suffisait pas à dissiper son trouble. Mais elle ne pouvait pas décemment s’en remettre au paladin tout concentré sur sa tâche. Arthur la rassurerait, oui. Elle en était convaincue car il était prévenant et compréhensif mais elle ne voulait pas lui donner l’impression de ne pas savoir se débrouiller seule. Et ses interrogations, ses doutes tenaces, ses angoisses étaient trop intimes pour qu’elle songe à s’en ouvrir à lui. Il l’avait écoutée la nuit dernière certes, avait tenté de la rasséréner par son attitude, ses paroles réconfortantes, sa simple présence bénéfique.

Mais ils se connaissaient à peine. Et sa foi inébranlable en son dieu marquait un fossé entre eux. Un fossé qui semblait infranchissable. Lui était auréolé de gloire, de confiance, d’espoir. Elle devrait se contenter toute sa vie de faire de son mieux, d’efforts pathétiques en comparaison. Chandara se détourna légèrement pour tenter vainement de masquer les larmes qu’elle ne parvenait plus à contenir. Pathétique et fragile créature… Lathandre ou qui que ce soit qui ait un peu pitié de moi, faites au moins qu’il ne me voit pas dans cet état !

*Quête : le Poing Levé

[Althéa]

Pas de présence maléfique, du moins pour ce qui concernait le moulin. Rien. Mais un pressentiment leur hurlait qu'ils devaient se méfier car parfois, les apparences étaient fort trompeuses. Pour voir vraiment, il faudrait qu'ils entrent.

Un orage éclata. Roulements de tonnerre, lumières étincelantes. Les pales du moulins peu à peu accélérèrent leur cadence. La porte bailla de nouveau. Et le moulin avait toujours l'air désespérément vide.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur, malgré bien des maladresses, n'était pas un garçon insensible et s'il avait perçu le trouble de Chandara, il aurait sans nul doute suspendu son assaut pour tenter de la réconforter. Mais voilà, toutes ses ressources attentionnelles étaient désormais focalisées sur cette porte et ce qui se trouvait derrière, il avait conscience de son souffle, de son corps, des gonds grinçants, du bois vermoulu, de la danse macabre des pales au-dessus d'eux. Il avait conscience de Chandara, aussi, si pas de son état, comme un picotement sur sa nuque, la sensation d'un regard, mille questions sans réponses, malvenues en cet instant crucial.
Il dégagea son épée de terre, en balança le poids intégralement dans sa main droite, pinça les lèvres, retint sa respiration et poussa la porte.

[Chandara]

Chandara se faisait violence pour reprendre un tant soit peu de contrôle sur elle-même. Elle se morigénait intérieurement de se laisser ainsi aller à pareille détresse alors que toute son attention aurait du se concentrer sur la réussite de leur mission. Elle n’était peut-être plus une paladine helmite mais ce n’était pas une raison pour en rejeter tous les enseignements de vigilance, de dignité et d’accomplissement du devoir.

Certes elle avait toujours eu quelques difficultés à appliquer concrètement ces concepts : ils se heurtaient en partie à son caractère impulsif, enjoué, passionné et à son rapport ambigu avec l'autorité. Mais elle avait trouvé un équilibre à défaut d’une symbiose totale dans la foi qui l’animait autrefois. Cet équilibre, cette harmonie étaient rompus aujourd’hui alors que le mal et le chaos continuaient à perdurer, comme dans ce vieux moulin. Elle n’avait pas le droit de se laisser aller ni même d’afficher aussi clairement sa tristesse. Elle se devait de montrer l’exemple, d’inspirer les autres par sa force de caractère, par une confiance affichée sinon ressentie. Certes elle était seule avec Arthur et ce dernier n’en avait nul besoin, elle en était convaincue, d’autant qu’il semblait concentré sur le moulin et le mal qui l’habitait – les dieux soient loués - mais il faisait face au danger, seul.

C’était inacceptable, impardonnable. Alors reprends-toi ! Tu ne vas pas restée plantée là comme une fillette qui a besoin d’être dorlotée. Sois forte ! Si ce n’est pas pour toi, fais-le au moins pour lui ! Il a plus que jamais besoin de soutien. Chandara fit tous les efforts nécessaires pour mettre un pied devant l’autre et se placer de manière à le suivre ou à bondir pour l’aider si un danger jusque là invisible jaillissait de la bâtisse. Elle avait son arme en main, elle avait un semblant de résolution qui l'animait et la concentration du paladin déteignait tout de même un peu sur elle. Pour les larmes qui devaient lui strier le visage, elle ne pouvait qu’aggraver les choses en tentant de les essuyer aussi invoquerait-elle la pluie qui commençait à tomber ou la poussière du moulin pour justifier de ses yeux rougis si Arthur l'interrogeait. La pénombre ferait le reste. C’était un mensonge bien sûr mais il valait mieux que de s’apitoyer, que de détourner le fier luménien de son devoir ou pire, de le déconcentrer à un moment aussi décisif où il pourrait se retrouver blessé par sa faute. Elle osa s'exprimer d’une toute petite voix presque couverte par les bruits de la tempête :

- Je suis juste derrière vous. Vous voyez quelque-chose ?

Elle aurait pu regarder par la fenêtre mais il était maintenant trop tard : cela l’éloignerait trop d’Arthur, le laissant seul exposé à l’infamie qui se terrait dans le moulin, quoiqu'en fassent penser les apparences.

[Althéa]

Le moulin était vide. Une tour de bois circulaire bâtie autour d'une énorme meule érodée par le temps. La charpente supportant le mécanisme des ailes était solide. Du travail honnête fait pour résister à l'usage du temps. Dans un coin, des sacs de farine éventrés et probablement pourris depuis longtemps.

Sur le sol, de la boue et de la poussière de farine déposée depuis longtemps. Et c'est dessus que les deux paladins purent repérer des traces de pas dont l'aspect laissait à penser qu'elles étaient récentes. Quelqu'un avait marché ici, et pas depuis longtemps.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur avança, circonspect, la lame baissée. Il demeurait cependant aux aguets... et un peu confus. Il s'immobilisa au centre de l'espace, veillant à ne pas marcher sur les traces de pas, et se tourna vers Chandara.
" Ben y'a rien." dit-il avec un haussement d'épaules.
Il remarqua alors la mine tendue de la jeune femme, les sillons que les larmes avaient tracés dans la poussière, et demeura interdit une seconde, ne comprenant pas pourquoi elle était dans un tel état. Avait-elle peur ? Ou bien était-elle déçue de trouver le moulin vide ? C'était peut-être la pluie du dehors, mais la pluie visait vraiment bien, dans ce cas... Non, elle avait pleuré.
Et brusquement, il comprit.
C'était exactement comme avec Soupir. Il s'était écarté d'elle et elle en était bouleversée. Parce qu'il s'était comporté indignement, comme un goujat, peut-être, et elle avait tous les droits d'être furieuse, même s'il ne savait pas ce qu'elle voulait, ni pourquoi, et qu'il avait sincèrement très peur d'elle, et... Non. Ça ne pouvait pas être ça. Une aussi jolie fille avait d'autres lièvres à courir qu'un garçon mal dégrossi dans son genre. Elle n'allait pas s'offusquer pour si peu.
Sincèrement, il ne voyait pas.
" Heu... Vous... vous allez bien ?" demanda-t-il finalement, à défaut d'autre chose, oubliant un moment qu'il était planté au coeur de ce qui était, selon leurs informations, l'antre du Mal.

[Chandara]

La paladine était restée sur le pas de la porte, aux aguets, les yeux balayant la pénombre du moulin à la recherche de ce qui pourrait menacer tandis qu’Arthur explorait consciencieusement le moulin apparemment vide. Mais il n’y avait rien ici, apparemment aucun danger prêt à surgir pour chasser les importuns. Apparemment du moins. La paladine était de plus en plus perplexe de cette apparente tranquillité. N’y aurait-il eu les enfants morts-vivants, la funeste Dame Blanche, le Chevalier fantôme et sa veuve déjantée en sus d’une atmosphère à couper au couteau, la jeune femme se demanderait s’ils ne s’étaient pas trompés de moulin. Mais voilà, les indices ne laissaient tout de même pas de place au doute et si l’ennemi se terrait, se cachait, il n’en était que plus pernicieux. Absorbé par ses réflexions, elle sursauta quand Arthur s’adressa à elle et se méprit quelque peu sur le sens de ses paroles :

- Oh, eh bien… Je… Je réfléchissais à tout ça. C’est à n’y rien comprendre, non ?

Puis, autant pour détourner l’attention sur ce qu’elle savait si visible que pour éviter de passer pour une parfaite idiote, elle se dirigea de manière circonspecte jusqu’aux sacs à demi éventrés et se pencha pour recueillir un peu de farine dans ses mains, la frottant au creux de ses paumes pour en chasser la boue. Sans se retourner, elle parla du ton le plus sérieux :

- L’ennemi se cache à nous, Arthur. Ce n’est guère honorable mais peut-être devrions-nous songer également à un camouflage.

Puis, prise d’une impulsion aussi irrépressible que juvénile, elle se passa les mains sur le visage et se tourna pour présenter une face blanchâtre au paladin avant de répliquer d’un ton qui se voulait caverneux :

- Ne suis-je pas terrifiante en princesse spectrale ?! Venez vous déguiser aussi, mon jeune paladin captif si vous l’osez ! Puis nous chercherons où nous mènent ces traces de pas.

[Arthur de Faisanlys]

Cette fille était... Folle. A. Lier.
Etait-ce la manière manostienne de gérer son angoisse ? Arthur n'y comprenait rien. Mais il avait peur. Et il avait l'impression que contrarier la démente qui lui faisait face ne lui apporterait rien de bon.
" Si... si vous pensez que c'est utile... demoiselle fantôme..." répondit-il en faisant un pas en avant.
Il avait envie de s'enfuir en courant, c'était donc un exploit.
Il s'immobilisa un instant, dévisageant ce visage charmant mais désormais... passablement répugnant.
C'était peut-être une forme de bizutage, tout bien réfléchi. On arrachait un jeune paladin à son armée, on le faisait passer au travers d'épreuves invraisemblables, jusqu'à attaquer un moulin complètement vide, pour voir jusqu'où son obéissance le menait. C'était un test, voilà. Peut-être parce qu'il était le fils du général. Peut-être même était-ce le général lui-même qui avait tout manigancé pour l'humilier une dernière fois et le voir raccrocher son épée.
Ou peut-être Chandara était-elle en train de craquer.
Oui. C'était plus probable.
Il eut un sourire qu'il espérait apaisant, fit un pas supplémentaire vers elle, désormais désolé, et tendit la main pour lui toucher l'épaule.
" Chandara, calmez-vous... Tout va bien se passer... Nous allons nous en sortir, je vous le promets."

[Chandara]

Chandara ne pouvait s’empêcher de fixer le visage d’Arthur, d’y lire toutes les émotions qui s’y succédaient : incrédulité, désappointement, peut-être une part de pitié aussi. Non ce n’était pas ça qu’elle lisait dans son regard un peu triste, de la compassion plutôt, de l’incertitude aussi. La jugeait-il ? Que lui avait-il pris d’agir de la sorte, si sottement ? Elle avait voulu masquer son angoisse. Et pourtant il persistait à lui adresser ce sourire si charmant, si apaisant qu’elle n’osait s’y soustraire. Elle restait figée, tout son bloqué dans sa gorge, incapable d’exprimer des pensées chaotiques, confuses, indécises et changeantes.

Quand il posa sa main sur son épaule, elle ne perçut pas le sens de ses paroles, juste son ton confiant, plein d’espoir. Et toute la tension trop longtemps contenue, bridée, cachée, s’exprima en un tremblement violent, en un sanglot qui libéra un flot de larmes intarissables qui eut rapidement raison de son grimage. Plutôt que de se dérober, elle choisit une autre forme de fuite, d’abandon, et sans se soucier des conséquences. Elle bondit en avant pour se réfugier contre le plastron du paladin, refermant ses bras autour de lui et enfouissant ses pleurs trop longtemps inexprimés contre sa poitrine. Sa voix se fêla en une pathétique tentative de se libérer :

- Je… suis désolée.

[Arthur de Faisanlys]

Bien sûr, il devait être honnête, c'était lui qui avait fait le premier pas. Et ce qui était en train de se passer n'était que la conséquence logique de ce premier pas. Il referma donc les bras sur le corps tremblant de la jeune femme. Son armure lui paraissait complètement déplacée mais il louait Lathandre qu'elle fut là, formant un bienheureux rempart entre cette superbe créature et son organisme malavisé. Il fallait déjà qu'il étouffe toute imagination. Les paladins n'ont pas besoin d'imagination. C'est une perte de tissu cérébral, un gaspillage d'énergie mentale tout juste bon pour les bardes.
Non. Les faits.
Il y avait un nécromant fou quelque part, sans doute sous leurs pieds, et Brus et Luna rampaient aussi quelque part, peut-être directement vers son antre, et ils seraient sûrement heureux d'avoir un coup de main. Et pour ça, Arthur avait besoin de Chandara. Il avait besoin qu'elle soit forte et fière et sûre d'elle et impétueuse comme elle pouvait l'être, et peut-être un rien moins bavarde, mais ça c'était un détail, quand on y réfléchissait bien.
Il la relâcha doucement, espérant qu'il ne lui avait pas fait mal, avec ses gantelets et son plastron d'acier.
" Ne soyez pas désolée. La nuit et la journée ont été difficiles. Je sais que vous ne vous attendiez pas à vous retrouver coincée avec un homme de peu d'expérience, étranger de surcroît... Mais nous ne nous en sortons pas si mal... Essayons... de suivre ces traces... Je suis certain que vous serez de retour parmi vos pairs très bientôt."
Il réalisa qu'il avait une main dans ses cheveux et la retira précipitamment, choqué par sa propre audace, avant de reculer très légèrement. Il ne voulait pas qu'elle ait l'impression qu'il la repoussait, pas alors qu'elle paraissait si ébranlée, mais il leur fallait continuer. Ils étaient vulnérables, dans un endroit potentiellement dangereux. Il était certain, aussi, qu'elle recouvrerait un peu de son allant dans l'urgence.

[Chandara]

Chandara reprit lentement son souffle et sentait la tête lui tourner un peu et ses yeux lui piquer encore, assaillis par les larmes, la pénombre et la poussière résiduelle. Elle se sentit soudain honteuse de s’être laissée aller ainsi mais cette impression ne s’imposa à elle que lorsqu’Arthur la repoussa doucement, avec sa délicatesse coutumière. Tant qu’il la serrait dans ses bras, elle s’était sentie en sécurité, apaisée. Ses soucis et ses angoisses y avaient trouvé une porte de sortie, n’avaient plus eu à être contenus, enfouis, étouffés. Mais maintenant la réalité reprenait ses droits et avec elles, les urgences, le besoin d’expliquer aussi. Elle devait offrir au moins cela au jeune homme si prévenant en retour… pour sa patience, son empathie. Elle se passa une main sur le visage et leva des yeux rougis mais toujours aussi charmants vers le paladin :

- Merci… Merci pour tout Arthur. Oui, nous nous en sortons bien mais c’est avant tout grâce à vous. Vous vous en sortiriez même certainement bien mieux sans moi qui vous retarde sans cesse. Et vous n’êtes pas étranger. Pas plus que moi. Vous venez peut-être d’une ville lointaine mais moi aussi alors ne vous qualifiez pas d’étranger. Vous faites preuve de bien plus de compréhension que mes « pairs ». Je ne sais même pas vraiment ce que ça veut dire d'ailleurs. J’ai toujours été le vilain petit canard boiteux, celle qui sortait toujours du rang. Vous avez largement pu le constater. Et maintenant, je ne fais même plus partie de l’Ordre, je ne suis que la dernière pièce rapportée à un culte désuet, moribond, désabusé. Une pièce sacrifiable que l’on envoie vite au loin à la première occasion. Alors non, je ne suis pas pressée de rentrer. Je préfère… rester avec vous.

Ces derniers mots étaient tellement étouffés qu’ils étaient à peine audibles comme si la paladine n’avait pas osé les prononcer vraiment, leur donnant par la même plus de sens. Elle se redressa cependant et esquissa même un pauvre sourire, signifiant qu’elle était à nouveau prête à se mettre en route, à affronter leur destin.

[Arthur de Faisanlys]

Les paroles de Chandara prirent Arthur au dépourvu. Il songea alors seulement à la perte de son dieu et à la douleur indicible que cela devait être, pour quelqu'un lui ayant consacré sa jeune vie. Lui-même vivait avec l'étincelle de la foi en lui, perpétuellement, comme une sorte de couverture spirituelle dans laquelle il pouvait toujours retourner se blottir. Il comprenait qu'elle souffre de cette désertion divine, et il ne voyait pas bien comment la soulager, mais il avait du mal à suivre le reste de ses paroles. Avait-elle déchu d'une manière ou d'une autre, avant même le trépas de Helm ? Ou bien avait-elle été renvoyée de l'Ordre pour un manque de discipline — il pouvait l'imaginer sans difficultés ? Quelque chose lui échappait manifestement, mais ce n'était pas le moment d'élucider ces questions. Il pouvait cependant au moins la rassurer sur un point.
" Ne dites pas de bêtises. Je ne m'en sortirais pas mieux sans vous. Sans vous, je me serais jeté de la falaise, cette nuit, et les poissons seraient en train de se repaître de mon cadavre. Je n'oublierai pas ce que vous avez fait pour moi, Chandara. Vous ne serez jamais un vilain petit canard à mes yeux."
Comment pouvait-on même penser une chose pareille d'une femme aussi magnifique ?! Ces Manostiens devaient avoir de la boue dans les yeux. Evidemment, à force de les garder ouverts en omettant de louer le Dieu de la Lumière, on se les abîmait...
" Je ne voudrais pas d'autre compagne pour mener cette mission. Venez à présent. Nous montrerons à vos pairs qu'ils vous ont mal jugée."
Les joues en feu, il se détourna, cherchant à suivre les traces de pas jusqu'à une trappe ou une porte dérobée qui leur permettrait de poursuivre leur exploration.

[Chandara]

Les paroles douces et compréhensives du jeune-homme avaient rasséréné Chandara. Certes, elles ne présentaient qu’un aspect de la vérité, sous un jour favorable qui plus est, mais la paladine sentait la sincérité d’Arthur quand il les lui adressait. C’était de cela dont elle avait avant tout besoin, elle s’en rendait maintenant compte comme d’une évidence. Une sincérité qui lui redonnerait un peu de confiance en elle. Une présence affectueuse et désintéressée, compatissante sans être condescendante. Cela ne réglerait rien de ses problèmes de spiritualité mais elle pourrait au moins apprendre à compter un peu plus sur ses propres forces. Les appréhender avec confiance. Et qui sait… trouver un jour les ressources d’envisager plus sereinement sa terrible perte. D’en faire le deuil, peut-être de la dépasser.

Sous le regard favorable du paladin, elle se sentait un peu plus capable, un peu moins fragile ou stupide. Evidemment, ce n’était sans doute qu’un leurre dicté par la nécessité, l’urgence de se reprendre compte tenu de leur situation. Mais elle avait envie de lui donner raison, de lui montrer que ce qu’il était sans doute le seul à voir en elle pouvait devenir vrai. Que lui importait comment ses pairs la jugeaient ? Le soutien d’Arthur était bien plus concret, bien plus palpable, bien plus important à ses yeux que les opinions éculées des vieux barbons qui l’avait exclue quand elle avait hésité à prendre une décision si intime, contre sa conscience et qu’on cherchait à lui imposer avec violence, sans prendre de gant.

Quand il l’invita à la suivre, elle le fit sans aucune hésitation, un sourire aux lèvres et bien déterminée à ne pas le décevoir une fois de plus. Son regard brilla un instant d’une lueur nouvelle, un peu rêveuse quand elle songea à certaines de ses paroles de réconfort. Sans doute choisie au hasard mais pourtant si agréables ! Il ne me trouve pas vilaine ! Ce n’est pas ce qu’il a dit… Oui mais il ne voudrait de personne d’autre que moi… Qu’est-ce que tu vas t’imaginer !? C’est juste pour la mission. Demain il s’enfuira en courant rejoindre les siens. En plus je suis certaine qu’il dit ça à toutes les jeunes-filles en pleurs qui viennent se jeter dans ses bras. Et à voir comment il s’en sort, ça doit arriver souvent alors ne va pas te faire des idées !

Elle savait qu’elle n’oserait jamais partager de telles réflexions avec lui. Cela ne ferait de toute façon qu’embarrasser davantage le jeune paladin et ce serait franchement abuser de sa patience. Mais elle se devait au moins de le remercier, à voix basse mais avec ferveur, juste pour lui montrer que ses encouragements lui avaient gagné une alliée un peu plus fiable et plus confiante désormais :

- Merci Arthur ! Vous êtes quelqu’un de vraiment formidable et [de terriblement charmant] … je pèse mes mots. Pour une fois, ça vaut mieux. Ne laissez jamais personne vous faire penser le contraire ou je ferai une affaire personnelle de lui botter l’arrière-train, qui que ce soit ! Et vous savez que j’en suis capable alors c’est une promesse, ne l’oubliez pas ! Mais pour l’heure, nous avons un moulin à débarrasser du mal qui le souille. Avec vous pour m’épauler, je sais que nous pouvons y arriver.

[Althéa]

A bien regarder les traces de pas, du moins les plus récentes, les deux paladins se rendirent compte qu'elles approchaient toutes, et cela sans nul doute possible des sacs de grain. L'éparpillement de la farine au sol à proximité de l'endroit laissait à penser qu'on déplaçait le sac éventré assez souvent. Il y avait sans doute une piste de ce coté.

Puis, à l'opposé des sacs, il découvrirent une petite porte à l'aspect grevé par le temps mais tout à fait solide. Sur quoi devait-elle bien donner ?

[Arthur de Faisanlys]

Décidément, cette fille était cyclothymique : elle s'était déjà relancée dans une grande déclaration. Mais Arthur commençait à la connaître : c'était sa manière naturelle, exaltée, de s'exprimer. Et cela voulait dire qu'elle reprenait du poil de la bête. Tant que c'étaient des mots, c'était contrôlable, il décida donc de ne pas s'en inquiéter dans l'immédiat.
" Bien sûr que nous allons y arriver." dit-il cependant.
C'était plus prudent.
Bon.
Il y avait une issue d'un côté, et probablement une autre sous les sacs. La petite porte menait sûrement au tunnel de Luna et Brus, et le nécromant gisait sous la farine. Posant un moment son épée, il entreprit donc de déplacer ce qui bouchait leur vue, et leur progression, au risque de s'offrir une tête semblable à celle de l'Helmite.

[Althéa]

De la farine vola en tout sens mais même s'il l'avait voulu, Arthur ne ressembla en rien à un spectre blafard. Son armure saupoudrée de blanc perdit simplement un peu de son lustre mais rien de bien notable. Par contre, les sacs soulevés dévoilèrent une trappe. A l'origine, elle descendait sûrement sur une cave mais compte tenu des récentes activités autour du moulin, on pouvait deviner qu'il y avait en dessous bien plus que cela.

Autour d'eux régnait toujours un silence presque palpable. Et s'ils cherchaient le nécromant il était - comme l'avait présagé Arthur - tapi en dessous.

[Chandara]

Alors qu’Arthur était occupé à déplacer les sacs de farine qui menaient assurément à une issue secrète, Chandara s’approcha de la petite porte pour l’observer de manière circonspecte. Ils ne s’étaient pas concertés mais il n’y avait pas vraiment la place de manipuler à deux les sacs qu’Arthur était tout à fait assez fort pour dégager. La paladine sentait également la distance qu’il semblait vouloir mettre entre eux après les effusions incontrôlées de tantôt. Et comment lui en vouloir du reste ? Elle chercha à obtenir son avis, soucieuse de ne pas engendrer quelque catastrophe incontrôlable alors que le paladin était occupé ailleurs :

- Voyez-vous une objection à ce que j’essaie d’ouvrir cette porte ? Mais peut-être vaut-il mieux que vous la contrôliez avant ?

Pour l’heure, elle ne voyait aucun mal à tenter de déterminer si d’autres traces y menaient et surtout si une serrure la fermait ou non de ce côté. S’ils pouvaient éviter un crochetage à Brus et Luna, ce serait toujours autant de temps de gagné. En se tournant vers Arthur, elle constata néanmoins qu'il avait fait une découverte et l'en félicita :

- Bien joué ! Vous avez du flair. Et donc, la trappe ou la porte ? Que préférez-vous ?

[Arthur de Faisanlys]

Tout à sa trappe, Arthur n'avait pas remarqué le manège de Chandara. Leur objectif était là en dessous, il le sentait comme une certitude douloureuse et effrayante, comme un poids sur ses épaules, un étau dans sa poitrine. La seule réelle question était : fallait-il attendre les autres ? Luna était sa soeur, c'était leur meilleur atout pour le convaincre de se rendre et de renoncer au livre, sans doute était-il illusoire d'imaginer, même, l'affronter sans cet avantage...
Puis l'Helmite parla juste derrière lui, le saisissant si bien qu'il fit un bond, et se retourna pour la regarder.
" Ch... Chandara..."
Il s'approcha d'elle, la saisit par le poignet, et baissa le ton.
" Il faut... il faut que vous parliez moins... enfin moins fort... Nous sommes dans l'antre du nécromant... A présent que le sac de farine est déplacé... Il ne faut pas qu'il nous entende, comprenez-vous ? Je crois... que nous devrions attendre Luna et Brus."
Il jeta un oeil au-dessus de son épaule.
" Oui, nous pourrions vérifier qu'ils ne sont pas là-derrière..."

[Chandara]

Prise à défaut à nouveau, Chandara ne réalisa même pas que le paladin l’avait saisie par le poignet. Ses paroles exprimaient une réprimande du reste fort justifiée qui la glaça plus encore que l’aura de terreur provenant de la trappe et la perspective terrifiante d’avoir à s’engager sous terre, en dépit de leur choix d’itinéraire. Baissant les yeux sur son poignet, elle prit conscience qu’Arthur avait cherché à la retenir de faire une nouvelle sottise probablement. Sans oser le regarder, elle répliqua d’une voix qu’elle espéra étouffer au mieux :

- D’ac.. D’accord. Je vais essayer.

Mais sa remarque concernait-elle le fait de se taire ou d’ouvrir la porte ? Ou même les deux ? En tous cas, sans un mot de plus elle se tourna vers la porte après avoir dégagé doucement sa main, cherchant une poignée ou un système d’ouverture.

[Althéa]

La porte qui ne posa aucun problème pour s'ouvrir donnait sur l'extérieur. Peut être une autre sortie pour charger les sacs. Dans tous les cas, ils ne virent rien derrière, à part d'autres herbes hautes ainsi qu'un des torrents, non loin en contrebas roulant furieusement les cailloux dans son lit. Ils purent remarquer également d'autres départs de tunnels, érigés trop aléatoirement pour devoir leur présence à une main humaine. D'autres terriers, donc.

Ce qui les concernait donc les attendait sous terre.

[Chandara]

Chandara referma la porte aussi doucement qu’elle l’avait ouverte de sorte à laisser le moins de trace visible de leur passage. Autant ne prendre aucun risque de plus même s’il était probable que Brus et Luna finirait par déboucher par l’une de ces entrées de terrier. Elle se tourna ensuite vers Arthur et, après avoir pris une inspiration comme pour rassembler courage et volonté, elle chuchota à nouveau, un peu indécise :

- Ne devrions-nous pas dégager la voie ? Si le nécromant est juste de l’autre côté, nous mettrions nos amis en danger. Si ce n’est pas le cas, autant reconnaître le terrain, non ?

Bien entendu, sa suggestion était probablement idiote mais elle tenait tout de même à donner son avis, quitte à décevoir une fois de plus les attentes d’Arthur. Tout était mieux que de rester inactifs à laisser davantage monter l’angoisse.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur était un peu désolé d'avoir recommandé le silence à la jeune femme. Il avait toute confiance en ses capacités martiales, en son courage et sa détermination, mais il doutait parfois de ses capacités de jugement, voire de sa santé mentale. Franchement, quelqu'un qui le trouvait "formidable" devait avoir un léger souci de perception du monde, non ? Mais c'était peut-être juste de la gentillesse, une façon de parler. Les paladins se doivent d'être honnêtes, mais ça ne veut pas dire qu'ils n'ont droit qu'à 200 mots de vocabulaire. Et puis il comprenait de mieux en mieux qu'elle soit éprouvée et il ne pouvait que se morigéner d'y avoir été si peu attentif jusque là.
Ne la traite pas comme une grande malade, se recommanda-t-il cependant, les gens n'aiment jamais ça.
Non, il fallait que rien ne change... et l'idée de parler moins fort, si le nécromant était juste sous leurs pieds, n'était pas complètement stupide. Bon, bien sûr, ils en avaient peut-être encore pour des kilomètres de galeries...
" Ne pensez-vous pas... si le nécromant est le frère de Luna... qu'elle est la plus à même d'en obtenir la reddition ?"
Il n'avait pas peur de cette trappe, non, mais si la jeune barde débarquait pour les trouver aux côtés du cadavre de son frangin, Arthur était prêt à parier qu'il y aurait des larmes, et plus...

[Chandara]

La paladine comprenait la remarque d’Arthur à défaut d’y avoir pensé elle-même et donc l’impérieuse nécessité de baisser le ton, voire d’échanger le moins de paroles possibles tant qu’ils étaient à l’intérieur de la bâtisse. Et par là-même, potentiellement à proximité d’oreilles hostiles. Elle sentait aussi que le paladin, soucieux de ne pas la brusquer, faisait son possible pour lui adresser ses conseils et ses consignes avec tact. D’un certain point de vue, ce n’était pas très flatteur de penser qu’il considérait qu’elle ne pourrait pas affronter une critique directe, surtout quand elle était justifiée comme à présent.

Mais ce n’était pas le point de vue de Chandara. Elle louait plutôt ses efforts de diplomatie comme étant des preuves de sa délicatesse et de ses qualités humaines. Et elle le sentait également ouvert à la discussion concernant la manière d’accomplir leur mission. Il ne cherchait en tous cas pas à lui imposer la sienne comme tant de paladins helmites de sa connaissance, comme presque tous à bien y réfléchir. A l’exception des rares avec lesquels elle avait fini par s’entendre lorsqu’on y songeait sous cet angle. Se faisant, elle eut une petite pensée nostalgique pour Angèle, fidèle de Tyr et pourtant plus proche d’elle que n’avaient pu l’être ses pairs. Elle se demanda fugacement si son aînée avait bien reçu son mot griffonné à la hâte avant son départ précipité. L’avait-elle lu ? Que devenait-elle à présent ?

Chassant toutefois bien vite ces pensées parasites, elle en revint à son idée et, soucieuse de respecter les consignes du paladin - à sa façon du moins - elle désigna la porte du moulin pour l’inviter d’un geste à sortir. Puis, sur une impulsion, elle lui saisit le poignet pour l’entraîner à sa suite tout en lui adressant un regard avec lequel elle espérait lui faire comprendre que c’était important, et non une de ses nouvelles lubies.

Dehors, ils pourraient parler plus librement de la suite des opérations et… d’autre chose. Elle ne pouvait plus reculer à présent : elle devait se montrer honnête avec lui, même si elle éprouvait une terrible honte à l’idée de lui révéler ce qu’elle devait. Une nouvelle tache indélébile sur son honneur, une nouvelle défaillance coupable, une nouvelle preuve de son inutilité sans doute. Mais elle n’avait pas le choix car aussi rudes soient les conséquences sur la façon dont Arthur risquait ensuite de la percevoir, elles ne seraient pas aussi terribles que si elle se taisait et perdait le contrôle au pire instant : la mission était trop importante, elle ne pouvait pas risquer de la mettre en péril, ni ses compagnons, ni surtout le fier paladin qui lui avait accordé sa confiance. Elle ne devait pas se taire, pas comme cette fois où elle avait du quitter discrètement Manost avec un groupe d’aventuriers, à la recherche de l’élu divin, Eroeh.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur ne comprit pas vraiment ce qui se passait, mais quand Chandara l'entraîna vers l'extérieur, il se laissa faire. Bon, il pleuvait, mais ce n'était pas la première fois depuis son arrivée en terre dorrandine, et les paladins étant ce qu'ils sont, il n'attraperait de toute façon rien. Il devinait qu'elle voulait parler et comme ils n'avaient rien de mieux à faire d'ici à l'arrivée de Brus et Luna, pourquoi pas... Il espérait juste qu'elle éviterait de lui faire encore des compliments embarrassants et que, quoi qu'elle raconte, cela contribuerait à ramener un sourire sur ses lèvres. Elle avait l'air sérieuse, trop sérieuse, et curieusement... cela ne lui allait qu'à moitié. C'était étrange, pour une paladine helmite, à bien y réfléchir... Mais Arthur l'aurait davantage imaginée servant Sunie ou même... ou même Lathandre, à bien y réfléchir. Mais on ne choisit pas où on naît. Sans doute aurait-il été helmite, lui aussi, s'il était venu au monde en ces contrées...

[Chandara]

La pluie avait au moins pour effet positif de faire partir les dernières traces de farine qui maculait le visage de la jeune femme à défaut de toute la boue… Mais ce n’était bien évidemment pas pour cela qu’elle avait entraîné le paladin à l’extérieur. Ici, ils pourraient parler un tout peu plus librement qu’à l’intérieur. La paladine patienta toutefois quelques secondes comme si elle avait besoin de réunir son courage pour ce qu’elle s’apprêtait à dire ou à faire. Puis, elle se retourna vers Arthur et leva timidement son regard vers lui avant de parler à voix basse, fidèle à ses consignes avisées :

- Arthur… Je suis d’accord avec vous en ce qui concerne Luna. Nous avons besoin qu’elle nous rejoigne avant d’affronter son demi-frère. Mais nous ne sommes même pas certains d’où débouchera le tunnel. Qui sait si ce n’est pas dans la cave du moulin, s’ils ne nous ont pas devancés pendant que nous combattions ? Je serais d’avis d’ouvrir discrètement la trappe et voir au moins où elle mène… Juste nous assurer que nous ne les laissons pas seuls face au danger…

Elle marqua une pause et baissa les yeux en se sentant rougir de confusion avant de reprendre d’une voix encore plus faible :

- Cela m’amène à une autre chose que vous devez savoir sur moi… Je ne l’ai encore jamais avoué à personne mais… Mais je crois que je peux vous faire confiance. Vous incitez les gens à la confidence. Nous ne savons pas ce que nous allons trouver sous cette trappe mais au cas où… Je sais que vous allez certainement me prendre pour une espèce de cas désespéré pour la profession ou même une folle mais je ne supporte pas l’idée de vous mettre en danger par mon silence. Voilà, c’est délicat à avouer mais je ne supporte pas… les souterrains. Depuis toute petite, je panique rien qu’à l’idée de m’y retrouver coincée… Je crois… que si je reste près de vous, je pourrai peut-être surmonter ma peur, me contrôler, ne pas trop vous retarder. Mais si vous préférez que je ne vienne pas, je comprendrai. Et si je viens et que je vous mets en danger, il ne faudra pas que vous hésitiez à prendre des mesures…