[MP] Histoire : Ailyn

[Smidge]

Un bruit de porte fit sursauter Sofia à peine avait-elle fini de descendre les marches menant au rez-de-chaussée.

"Oh, c'est vous ?", l'interpella une petite voix du couloir sur sa gauche.

C'était Marjorie.

"Je crois que le repas est bientôt prêt, nous devrions y aller."

Elles suivirent le couloir en direction de l'aile Sud, et tandis que Marjorie ouvrait les portes sur le hall central, elles aperçurent l'inspectrice de police, accompagnée de Mylène, disparaître en face.

Elles les suivirent à leur tour, surgissant dans un salon débordant de monde. Tout le château semblait se trouvait là. Les Chambernaud, les Marquand, le docteur, Nils, et Roland.

"Nous allons sous peu passer à table, leur lança le majordome en tenant ouvertes les portes de la salle à manger. Si vous voulez bien vous donner la peine..."

Tous se levèrent des confortables canapés et fauteuils de cuir, entamant un lent mouvement guidé par une alléchante odeur en provenance des cuisines...

[Ailyn]

Sofia pressa le pas pour rejoindre Emile avant de passer à table.

"Dites-moi, Emile... Monsieur le Comte avait-il un guide sur le jardinage ?"

Elle prit un peu de temps avant d'ajouter :

"Et savez-vous s'il possède une sculpture surnommée "La Tête du Lion" ?"

Elle poussa un profond soupir avant de conclure :

"J'aimerai tellement... me changer un peu les idées. Je suis toujours aussi... bouleversée."

[Smidge]

Émile la dévisagea un instant, pensif.

"Monsieur le compte, un livre sur le jardinage ? Cela m'étonnerait beaucoup. Je ne vois pas ce qu'il aurait à faire avec... Si vous croisez Fernand, il pourrait sûrement vous aider, mais je vous préviens, il n'a pas un caractère facile !"

Il fronça les sourcils d'un air songeur.

"Une tête de lion ? Oui, c'est possible, voire probable. Monsieur le comte collectionnait toutes sortes de choses, vous savez. Mais si vous souhaiter vous changer les idées, nous avons une bibliothèque très fournie à disposition."

Pendant ce temps, les autres invités prenaient place autour de la table de la salle à manger.

[Ailyn]

Il n'y avait que peu de réponses aux questions de Sofia...

Elle finit par s'installer à table, demander une dernière chose à Emile :

"Pourriez-vous me rappeler où se trouve la bibliothèque de monsieur le Comte ?"

[Smidge]

Émile lui répondit en tendant un bras en direction de la petite porte latérale du grand salon, trop occupé à accueillir les invités.

Rapidement, tout le monde ou presque était à table, tandis que la cuisinière apportait les premières entrées.

Il était toujours possible de s'immicer dans les conversations, de les suivre, ou encore d'en lancer...

[Ailyn]

Sofia n'éprouvait aucune envie de lancer une conversation. D'ailleurs, si elle pouvait en suivre une... ce serait pas mal, et ça permettrait d'en apprendre plus...

Elle tâcha d'écouter ses voisins, l'oreille tendue vers les nouvelles pouvant émaner de l'inspectrice.

[Smidge]

Maintenant qu'elle y prêtait attention, l'inspectrice n'était pas là. Et il manquait aussi Mylène. Leur absence ne dura cependant guère, car toutes deux firent leur apparition par les portes du grand salon.

Mylène la gratifia d'un sourire, puis partit s'installer aux cotés de ses compagnons de théâtre. L'inspectrice balaya la table du regard, puis opta finalement... pour la place à côté de Sofia...

La jeune femme tenta de dissimuler son malaise, à tel point qu'elle en sursauta lorsque Marjorie apporta l'entrée à sa nouvelle voisine.

Cependant, l'interrogatoire redouté ne vint pas, et Sofia se détendit quelque peu.

Les conversations n'étaient guère intéressantes, jusqu'à ce que le docteur Dupré - en face d'elle - ne prenne la parole.

"Alors, madame l'inspectrice, lui lança-t-il amicalement, vos investigations portent-elles leurs fruits ?"

Le silence se fit aussitôt sur toutes les conversations.

"Je ne peux pas vous dévoiler les éléments d'une enquête en cours, je regrette, répondit-elle enfin, après avoir lentement posé ses couverts. Quant à savoir si je coincerai le meurtrier..."

Elle marqua une nouvelle pause, qu'elle mit à profit pour balayer la salle du regard.

"...cela ne fait aucun doute."

Le silence s'imposa de nouveau.

"Il va sans dire que nous vous souhaitons tout le succès possible", commenta enfin maître Marquand d'un ton obséqieux.

[Ailyn]

L'estomac noué et désireuse de changer de sujet, Sofia laissa un temps de silence avant d'intervenir timidement :

"Puisque nous ne pouvons parler de l'enquête... et notez que je n'y tiens pas, après les évènements d'hier soir..."

La jeune femme eut un frisson et replaça lentement ses lunettes sur son nez.

"... j'aimerai dire combien je trouve cette demeure fantastique et combien ses particularités architecturales me laissent sans voix."

Oui, voilà comment changer le ton de la conversation et se sentir mieux : parler d'un sujet qu'elle maîtrisait.

[Smidge]

"A moi aussi !, approuva Nils aussitôt. On trouve ici des... oeuvres à vous faire froid dans le dos. Mademoiselle peut en témoigner."

Sofia n'était effectivement pas prête d'oublier sa terrifiante découverte nocturne. Un brouhaha d'approbation s'éleva rapidement, laissant échapper ci et là quelques références à ces sordides et obscurs couloirs à colonnades.

"A ce propos, lança le notaire, vous rappelez-vous cette histoire... pour le moins déroutante que nous a raconté Lucien hier soir ? Pensez-vous que ce ne sont... que des légendes ?

[Ailyn]

Agacée, Sofia intervint :

"Allons, le Comte lui-même a admis avoir "romancé" une partie de ses propos..."

Une image lui vint soudain : à nouveau les yeux injectés de sang.

Il ne faisait pas bon parler du père de son enfant. Dès qu'elle aurait... elle ne savait pas encore quoi, elle partirait. Vite. Aussi fugitivement qu'une ombre.

"... Il a toujours aimé les légendes, vous savez."

[Smidge]

Marjorie passa ramasser les assiettes de l'entrée, tandis que sa mère déposait le plat principal. Personne ne releva sa remarque.

"A ce propos, l'interrogea finalement madame Marquand, vous le connaissiez bien ?"

[Ailyn]

Sofia fit de son mieux pour ne pas se troubler. Elle s'était préparée à ce genre de question dès son entrée dans la demeure, et ce n'était pas du tout le moment de flancher.

"Oui, nous étions amis. Vous connaissiez la passion de M. le Comte pour l'art ? Et bien, nous avons fait connaissance il y a une dizaine d'années, lorsqu'il effectuait de nombreux déplacements à Paris. Je suis... spécialisée dans la sculpture, voyez-vous."

[Smidge]

"J'ai l'impression que monsieur le comte était quelqu'un de très polyvalent, commenta Roland. Sculpture, peinture, ingénierie, chimie, physique..."
"C'était aussi une personnalité politique et un fin stratège", ajouta le notaire.

Tout le monde approuva.

Ou presque.

"Sans oublier, l'intimidation, la corruption, les menaces et autres chantages", conclut étonnamment le docteur.

Personne ne répondit.

"Des choses dont l'un de vous a déjà été victime ?", lança innocemment l'inspectrice après plusieurs longues secondes.

Nouveau silence.

"Disons que..., commença le notaire, passablement gêné, ...tout le monde sait plus ou moins ça."

Quelques toussotements firent écho à sa réponse.

"Nous ne devrions pas parler des morts comme ça, conclut enfin Alice Marquand. Ils sont déjà jugés pour leur crime."
"Je ne suis pas sûr que ses victimes s'en satisfassent..., soupira le docteur. Enfin, parlons d'autre chose..."

[Ailyn]

Sofia préféra garder le silence. Elle ne savait pas trop pourquoi, mais elle avait l'impression que son accent de l'Est allait faire tâche dans la conversation. Elle regarda chaque protagoniste s'exprimer sur la question, conservant un visage le plus inexpressif possible. Elle aurait aimé ajouter, comme pour se disculper "je ne le connaissais pas sous cet angle", mais cela lui semblait de trop... et risquait de la couvrir des soupçons de l'inspectrice.
Non, mieux valait ne rien dire. Même pas changer de sujet. Feindre une indifférence teinte d'une incompréhension. Et même... s'effacer. Voilà qui était pour le mieux.

[Smidge]

Roland rebondit à son tour.

"Vous êtes nombreux à être élus à la marie ? J'ai cru comprendre que vous étiez plusieurs."

Gaston Chambernaud haussa un sourcil, et leva négligemment une main.

"J'étais conseiller municipal il y a quelques années", expliqua maître Marquand. Mais je ne me suis pas représenté lors de la dernière mandature. (Il prit la main de sa femme dans la sienne) Entre l'étude, les enfants... et Georgette ! Je n'avais plus un instant à moi."
"Le comte était-il élu lui-aussi ?", poursuivit Roland, sur le ton de la conversation.

Un malaise presque palpable s'installa à sa question.

"Il le fut, répondit le docteur. Il est devenu premier adjoint suite à ma démission. Il a échoué à se faire élire sur sa propre liste à l'élection suivante, et s'est finalement désisté entre les deux tours."

[Ailyn]

Sofia garda le silence, toujours le silence. Ecoutant attentivement la conversation, elle se garda bien d'intervenir. Elle s'essuya lentement la bouche, l'oreille tendue, se demandant quelles avaient été les conséquences de l'élection de Lucien sans oser poser la question.

[Smidge]

Cette nouvelle intervention coupa de nouveau court aux discussions. Décidément, il n'était pas simple de parler de Lucien plus de quelques minutes sans générer un malaise général...

Les conversations s’éteignirent peu à peu, les conduisant finalement au dessert - un brownie au chocolat décoré de fruits frais - apporté par Marie-Madeleine.

"Que diriez-vous d'une petite partie de bridge après le repas ?, lança le notaire. J'ai noté quelques tables à l'étage. Cela nous permettrait à tous de passer le temps, en attendant que... (Il toussota) ...en attendant la fin de l'enquête."
"Avec joie !", s'exclama sa femme.
"C'est une excellente idée !", renchérit Nils.
"Tout le monde sait jouer ?"

Les Marquand et les Chambernaud levèrent aussitôt la main, rapidement imités par le docteur, ainsi que Nils et Roland de la troupe.

"Cela nous fait... un, deux, trois... sept personnes, énuméra-t-il. Une dernière pour compléter une seconde table ?"


[HRP : tu n'as jamais joué au bridge, mais tu as déjà eu l'occasion d'apprendre les règles en lisant des livres. Libre à toi de t'y lancer si tu le souhaites]

[Ailyn]

Sofia s'essuya doucement la bouche, mais ne se lança pas dans les hostilités. Pas question de jouer au bridge tant qu'il y avait tant de mystères à percer dans cette maison !

Tranquillement, elle déclina :

"Oh non, merci, je ne crois pas pouvoir participer. En revanche, je prendrai bien un peu de repos avec un livre ou deux..."

Elle les observa quelques instants, cherchant le meilleur moment pour s'éclipser discrètement, mais pas trop...

[Smidge]

Emile s'approcha d'elle à sa réponse.

"Désirez-vous quelques conseils de lectures ? La bibliothèque est très vaste, et l'on si perd facilement..."

Une voix forte s'éleva de la table.

"Allons, Emile !, lui lança le notaire d'un ton jovial, vous seriez bien partant pour un petit bridge ?"

[Ailyn]

Sofia hésita, mal à l'aise :

"oh, euh, oui : Monsieur le Comte possédait-il des livres sur le Maroc ?"

[Smidge]

"Le Maroc ?, répéta Emile. Euh, oui probablement. Il en possédait sur tellement de choses... Laissez-moi réfléchir une minute, le Maroc, le Maroc..."

Le majordome fronça les sourcils quelques instants en murmurant à demi-mot.

"Ce musulman qui s'est liée d'amitié avec un pape... Léon l'Africain ? Oui. Mémoire de "jenesaisplusqui", dit "Léon l'Africain"."

Il réfléchit de nouveau.

"Les chroniques de la bataille d'Isly aussi, bien que j'ai peur que cela soit un peu dur. C'est un texte militaire..."

Emile compta brièvement sur ses doigts.

"La biographie Abd El-Kader y a trait également, si je ne me trompe pas... Mais sinon, d'un point de vue plus... "touristique", sur la partie supérieure, vous avez l’étagère d'encyclopédie rouge. Un gros tome traite des pays d’Afrique du Nord."

Il la gratifia d'un sourire, et se tourna enfin en direction des autres invités.

"Ecoutez, lança-t-il au notaire, ce n'est pas vraiment dans mes habitudes, et puis je ne voudrais pas m’immiscer dans..."
"Allons, allons ! Billevesées, mon cher !, le coupa maître Marquand. Nous sommes sept, il ne manque plus que vous pour compléter une deuxième table !"

D'autres invités renchérirent, invitant Emile à se joindre à eux.

Au moins, ils semblaient l'avoir oubliée. Et elle avait eu une réponse...

[Ailyn]

Profitant de la diversion offerte par les invités qui avaient étrangement retrouvés le sourire malgré les évènements, Sofia salua Emile :

"Merci bien Emile, profitez-bien de votre partie !"

Elle s'éclipsa rapidement, prenant le chemin de la bibliothèque, évoqué précédemment...

[Smidge]

Sofia se leva et s'éclipsa discrètement en direction du grand salon. La petite porte sur la gauche que lui avait indiquée Emile était légèrement entrouverte, et donnait sur un bureau.

La pièce ressemblait passablement au bureau de Lucien, mais beaucoup plus impersonnelle. Secrétaire, étagère, armoire... Et un téléphone accroché au mur.

En face, une autre porte donnait cette fois-ci sur la pièce qu'elle cherchait : la bibliothèque. Ce n'était pas la pièce la plus vaste du château, certes, mais ses murs entièrement tapissés de livres la rendaient tout de même impressionnante. Sous la fenêtre, un canapé et quelques fauteuils confortables esquissaient un espace de lecture séduisant. En face encore, la pièce donnait sur un couloir sombre et inquiétant, qui n'était pas sans rappeler celui aux colonnes inquiétantes... [qui connecte le grand salon et le hall d'entrée]

[Ailyn]

Sofia se précipita dans la bibliothèque sans attendre mais s'arrêta pour regarder les étagères. Visant principalement l'encyclopédie à reliure rouge indiquée par Emile, elle ne voulait cependant rien rater d'important.

[Smidge]

Les étagères dans le bureau ne contenaient pas de livres. Seulement des classeurs étiquetés, ainsi qu'une machine à écrire.

La bibliothèque en revanche débordait d'ouvrages en tous genres, et y débusquer une quelconque "reliure rouge" n'était pas si évident.

Elle n'eut cependant pas le temps de fouiller plus longtemps que des bruits de pas - ou plutôt de course - s'élevèrent du couloir au fond de la salle. Quelqu'un venait.

"Marjorie ! Arrêtez-vous !", s'écria une voix en écho.

Les bruits de pas se rapprochèrent, suivis d'un nouvel avertissement.

[Ailyn]

Inquiète, le coeur battant soudain, Sofia se dirigea rapidement vers les bruits de pas et les injonctions qui fusaient depuis le couloir.

[Smidge]

Il s'agissait effectivement de Marjorie, qui semblait plus que jamais paniquée. La jeune fille s'était soudainement arrêtée et retournée à la seconde injonction.

"Mais enfin, lui lança l'inspectrice qui arrivait à sa hauteur, qu'est-ce qui vous a pris ? Vous voulez bien m'expliquer ?"
"Je... Je..., bégaya la jeune fille, le souffle court. Je devais... j'avais une course urgente à..."

Elle s'arrêta et poussa un soupir.

"Vous allez me demander où j'étais hier soir au lieu de préparer les chambres, non ?", demanda-t-elle d'une petite voix.

La discussion avait lieu dans le couloir, à quelques pas du seuil de la pièce. Pour le moment, aucune des deux ne semblait l'avoir vue.

[Ailyn]

Sofia se réfugia à l'abri, tâchant de ne pas se faire remarquer. Elle avait envie d'intervenir, mais elle sentait confusément que ce n'était pas encore le moment.

[Smidge]

"Exact, répondit l'inspectrice. Et vous, vous allez me dire la vérité."

Sofia s'était légèrement éloignée en direction du bureau, demeurant ainsi suffisamment près pour entendre la conversation, mais suffisamment loin pour ne pas être repérée.

"En fait..., répondit Marjorie d'une voix tremblante. En fait, je ne voulais pas obéir à ma mère. Nous nous sommes disputées à cause d'une histoire de chambre... Et je voulais voir... les acteurs, la pièce de théâtre... Du coup, au lieu de les suivre pour faire les chambres, je suis discrètement montée par les escaliers..."

Elle marqua une légère pause, et reprit.

"Et à un moment, le maître... Le maître est venu me trouver, et m'a demandé d'aller chercher... son coupe-papier. Je me suis exécutée... et c'est peu après que j'ai entendu des cris, et que j'ai trouvé madame Sofia, à côté du corps..."

[Ailyn]

Le coeur de Sofia retrouva une course plus lente. Il était temps de se calmer, et de poursuivre dans le même chemin qu'auparavant : percer le mystère des sphères.

Gardant l'oreille tendue, et restant tapie au même endroit, elle observa à nouveau les rayons, cherchant à apercevoir les fameuses reliures rouges. Elle se déplacerait mieux dès le départ de l'inspectrice et de Marjorie. Et si quelqu'un entrait, elle pourrait toujours prétexter être à la recherche d'un livre...