[Haute-Forêt] Quête : Racines

[Voyageuse]

Tilmandil grimaça en se retournant brièvement vers Léo, avant de reprendre son sérieux.
- Bon, alors en fait... Il ne se passe rien, c'est ça que je dois comprendre ? Tu n'as vraiment rien vu de particulier, tout est tranquille ? Non, parce que je te rappelle que celui qui est sensé exagérer les choses, c'est tout de même moi.
Il sourit - un sourire bien timide tout de même.
- En tout cas, si je vois quoi que ce soit de bizarre dans cette étrange atmosphère, c'est toi que je réveillerai le premier. Je ne veux pas me couvrir de ridicule devant le genre féminin... Enfin, si tu veux bien que je te dérange pour te demander un avis. Mais va donc te coucher, en attendant que la fée vienne nous déranger...

[Kasumi]

Kasumi afficha cette fois un large sourire contrastant avec la mine inhabituellement sérieuse du barde. Il décida de s’attarder un peu – juste quelques instants – toutefois si Tilmandil ne manifestait pas un goût trop prononcé pour la solitude. Le rôdeur répondit donc d’un ton badin sans faire mine de s’approcher de son lit :

- Tu oublies que je suis moi-même un peu barde ! Et ce n’est pas moi qui l’ai dit ! Mais je me porte volontaire pour être éveillé le premier au moindre soupçon : j’ai bien vu que tu avais peur des remarques et des regards lourds de sens de notre druidesse ! Elle peut se montrer assez intimidante, non ? Et Sylvia n’en donne pas l’air mais elle a aussi son caractère. Un trait charmant de mon point de vue, ne va pas me faire dire ce que je ne pense pas !

[Voyageuse]

- Mais je n'ai rien dit, rien insinué! se récria Tilmandil. Tu m'attribues des pensées qui me sont totalement étrangères, je t'assure !
Il jeta un regard aux feux femmes endormies et baissa légèrement le ton.
- Et, non, je n'ai pas peur des regards de notre druidesse ! De toute façon, elle sait que je suis barde, pas homme des bois. Donc mon incompétence l'indiffère totalement. En revanche, j'ai souvent la sensation qu'elle vous jauge, Sylvia et toi... Tu n'as pas cette impression ?

[Kasumi]

Kasumi jaugea l’elfe en tentant de lire dans son expression s’il cherchait à passer un message dissimulé ou, au contraire, s’il cherchait à obtenir quelque confidence qui lui aurait échappée. Ne parvenant pas à déceler ses intentions réelles derrière son attitude parfaitement innocente, le rôdeur décida de jouer la carte de l’honnêteté : il se souciait assez peu des conséquences en réalité et les cachoteries n’étaient jamais une bonne chose pour assurer la cohésion d’un groupe alors il ne voyait pas de raison de ne pas exprimer ce qu’il avait remarqué lui-même :

- En effet, j’ai surtout l’impression qu’elle désapprouve le temps que nous passons ensemble Sylvia et moi. Peut-être pense-t-elle que cela nuit à notre concentration… Mais même sans cela, je sens la rivalité qu’il y a entre elles et cela ne manque pas de m’inquiéter… Tôt ou tard, cela pourrait tourner au vinaigre et je ne suis pas certain de vouloir me trouver entre elles deux à ce moment-là !

Il avait prononcé cette dernière réplique sur le ton de l’humour mais Tilmandil devait être assez bon juge des émotions pour sentir que son demi-frère s’en inquiétait tout de même.

[Voyageuse]

- Oui, je sens cette rivalité moi aussi. Mais c'est classique, entre deux femelles. Surtout qu'elles sont toutes les deux des femmes des bois, donc sont en concurrence sur ce terrain. Et je vois bien que Sylvia est exaspérée de voir Eärundra toujours si... si parfaitement compétente, toujours maîtresse d'elle-même. Elles ont du caractère, toutes les deux. mais pas le même...
Il sourit.
- Mais je pense que dans le feu de l'action, tout cela devrait s'aplanir. Et oui, je suis un optimiste, ça doit être mon côté lathandrite caché. A croire que j'ai passé trop de temps auprès d'humains luméniens... Et puis aujourd'hui, elles ont bien su coopérer non ? Donc je pense qu'il ne faut pas trop s'en inquiéter... mais tu devrais aller dormir, va. Ou sinon je vais m'imaginer que tu me prends pour un froussard qu'il faut rassurer, ou pour un incompétent qu'il faut seconder... mais je ne nierais pas que la seconde option n'est pas si éloignée de la réalité.

[Kasumi]

Le rôdeur avait souri au barde en se rendant compte que sa confiance avait déteint sur lui au cours de la conversation. Sans doute y avait-il là quelque influence bardique mais le demi-elfe voulait surtout y voir l’effet des paroles rassurantes d’un frère, une sensation qu’il n’aurait jamais cru pouvoir connaître quelques semaines auparavant. Il fronça cependant les sourcils en l’entendant se dénigrer à nouveau, signe qu’il ne se sentait toujours pas à l’aise ou même à sa place dans cette expédition. Avant de suivre son conseil avisé, il décida de lui consacrer quelques instants de plus, rien qui nuise vraiment à sa nuit de sommeil quoique ce dernier commence à se manifester de façon plus pressante de minute en minute.

- Tu as raison : elles se sont serrées les coudes aujourd’hui et nous avons ainsi pu sauver Léo. Et je sais que chacune mettra ses rancunes éventuelles de côté le moment venu. Et si nous devons d’ici là supporter quelques éclats de voix, je compte sur toi pour apaiser l’ambiance ! Et plus généralement je compte beaucoup sur ton soutien, petit-frère alors il n’y a pas de mal à compter un peu sur le mien. Ce n’est pas ton milieu mais tes compétences ont déjà été utiles et le seront encore, n’en doute pas. Et imagine-toi un peu si j’étais tenu de le mettre à ta place et donner un spectacle : ce serait une catastrophe, non ? Alors moi je dis que tu ne t’en sors pas si mal pour un elfe raffiné et citadin !

[Voyageuse]

Tilmandil rit, s'efforçant toutefois de rester discret et de ne pas réveiller les jeunes femmes.
- Ne te sous-estime pas : je pense que tu t'en sortirais parfaitement tant qu'il s'agit de raconter des histoires ! Tu sais ménager le suspense, enjoliver un peu les choses... ça doit être de famille ! Bon, par contre, même si tu fais parler le bois, je ne t'ai jamais vu chanter, et encore moins jouer de la musique. Donc je ne préjugerais pas de tes talents ou absence de talents dans ces domaines. Mais ce sont de toute façon des talents moins indispensables que savoir survivre en forêt, ton vieux mentor me l'a bien fait comprendre... Mon milieu de survie, à moi, ce sont plus les intrigues de cour... Mais c'est quand même notre père, alors même si mes talents ne sont pas utiles, je ne pouvais pas te laisser partir seul à sa recherche.

[Kasumi]

Le rôdeur décida une nouvelle fois de répondre sur le ton de la plaisanterie :

- Il vaut mieux que tu ne m’entendes jamais chanter ! Ou alors dans un style très particulier et accompagné de loups. Et même comme ça, je ne suis pas certain de trouver un public qui apprécierait…

Puis, après un instant de réflexion, il ajouta d’un ton beaucoup plus sérieux et sincère :

- Peu m’importent les raisons mais je suis content que tu aies décidé de m’accompagner. Cela me permet de mieux faire ta connaissance et c’est vraiment très appréciable, crois-moi !

[Voyageuse]

- Merci, c'est gentil à toi...
Il jeta un coup d'oeil aux braises de leur feu éteint.
- Et dis-moi, toi qui a l'expérience des gardes de ce genre.... Est-ce que je suis sensé ranimer le feu, l'entretenir ? Ça pourrait éloigner, je ne sais pas moi, les bêtes sauvages, les morts-vivants -j'espère qu'il n'y en a pas ! Ou bien est-ce qu'au contraire il vaut mieux l'éteindre pour ne pas attirer de grosses bestioles en colères ? On n'a pas froid ce soir, de toute façon... Et, ajouta-t-il en observant les alentours, je suis sensé faire des allers-retour tout autour du campement pour guetter, ou j'ai le droit de rester tranquillement assis ? Et où me conseilles-tu de me placer ? Remarque, ma question est stupide : je parie que toi, tu fais des va et viens permanents...

[Kasumi]

Le sourire du rôdeur s’élargit mais il ne put s’empêcher de se demander si les questions de Tilmandil n’avaient pas avant tout pour objectif de prolonger un peu la discussion plutôt que de lui faire partager une partie de son expérience… Ou pire, que sa dernière sortie avait un sens caché plutôt grivois... Sentant toutefois que le barde s’interrogeait sincèrement sur la meilleure façon de remplir la tâche qu’on lui avait confiée, il répondit avec enthousiasme :

- Pour le feu, il vaut mieux prendre l’habitude de l’entretenir quand on n’a pas à économiser le combustible. C’est toujours plus agréable de se réveiller près d’une source de chaleur le matin.

Ce faisant, il ne put s’empêcher de jeter un coup d’œil presqu’inconsciemment en direction du couchage qui l’attendait et se mit à rougir avant de poursuivre :

- Oh, pour le tour de garde, j’aime bien bouger de temps en temps quand on bivouaque en espace ouvert mais ce n’est pas une obligation : l’important est de toujours rester attentif au bruit ou à l’absence de bruit d’ailleurs. Les deux signalent aussi sûrement l’approche de quelque chose d’inhabituel. Fais-confiance aux mille yeux et oreilles de la nature pour t’aider ! Donc tu peux sans problème t’installer dos au feu et composer une chanson à notre gloire ou même sculpter quelque-chose. Moi je ne m’en prive pas pendant mes tours de garde.

Il eut un petit sourire énigmatique avant de conclure d’un ton badin :

- Mais on croirait entendre un de mes vieux professeurs en train de donner un cours. Je ferais mieux d’aller me coucher je crois…

[Voyageuse]

Le barde eut un sourire d'assentiment.
- N'oublie pas que tu es à demi-humain et que tu as besoin de dormir plus que moi... Je vais m'occuper de ce feu, quant à moi, ajouta-t-il en lui tournant le dos pour s'installer près du brasier presque éteint.

Le calme des lieux était rassurant, et le rôdeur ne tarda guère à s'endormir, profitant pleinement de la douce chaleur de sa compagne.
Il fut réveillé par une main sur son épaule. Contre lui, Sylvia n'avait pas bougé. Il faisait toujours nuit et le feu semblait éteint. La température avait baissé de quelques degrés, signe qu'il avait tout de même dormi un certain temps. On devait être à peu près au milieu de la nuit.
- Kasumi ? souffla la voix de Tilmandil à son oreille. Il y a quelque chose... de bizarre.

[Kasumi]

Kasumi ouvrit les yeux dès qu’il sentit une pression sur son épaule et sut que quelque chose clochait. Alors, malgré sa fatigue, il s’arracha aux doux appels du sommeil et dégagea doucement le bras qu’il avait passé par-dessus des épaules de sa compagne. Il roula légèrement de côté avant de se redresser sur son séant et d’ouvrir les yeux pour interroger Tilmandil du regard. Le barde constata qu’il avait déjà saisi son épée laissé à proximité de leur couche.

- J’arrive.

[Voyageuse]

Tilmandil l'entraîna à l'une des extrémités de la bande de terre ferme. Sur leur gauche, le marais s'étendait à parte de vue, jusqu'à une ligne d'arbre au loin, et se prolongeait sons doute au-delà. Il avait l'aspect d'une vaste étendue d'herbes sèches striée de canaux, mais Kasumi savait que le sol en était traître, parsemé de trous d'eau voire de sables mouvants.
Et subitement, arrivé tout au bout de la langue de terre, il vit ce qui avait inquiété son demi-frère : on devinait le départ d'un sentier tracés au milieu des herbes sèches. Trop étroit pour être remarqué à moins d'être parfaitement en face. Mais surtout, illuminé, ponctuellement, de torches plantées sur le sol qui se reflétaient dans l'eau bourbeuse. D'où ils étaient, ils n'en voyaient que trois, espacées de quelques dizaines de mètres les unes des autres. mais il pouvait y en avoir d'autres, au-delà, masquées par la végétation.
- Je te l'avais dit... Il y a toujours des lumières, dans les marais...

[Kasumi]

Kasumi se sentit honteux d’avoir manqué ce détail des plus inquiétants pendant ses rondes mais peut-être pouvait-il considérer à sa décharge que les lumières révélant le sentier s’étaient allumées plus tard… Ce qui amenait à une question plus angoissante encore : qui les avaient allumées ? Si la torche la plus proche était à quelques dizaines de mètres, la présence du sentier indiquait clairement que leur petit îlot pouvait être visité pendant la nuit. Dans ces conditions, rester à dormir ici était un grand risque mais celui de retourner sur le radeau pour progresser dans le noir l’était au moins tout autant. C’est donc un demi-elfe soucieux qui répondit à voix basse en entraînant Tilmandil derrière le couvert des hautes herbes :

- As-tu remarqué depuis combien de temps ces torches sont allumées ? Cela me parait une très mauvaise idée de les suivre en tous cas. Et on devrait aller réveiller Eärundra et Sylvia : on ne peut pas rester ici à mon avis…

[Voyageuse]

Tilmandil hésita.
- Je crois qu'elles viennent juste de s'allumer. En fait, j'ai cru voir le reflet d'une flamme dans l'eau, c'est pour ça que je me suis avancé autant, jusqu'au bout de la langue de terre. Mais le reflet n'était pas là avant, j'en suis presque sûr...
Il soupira.
- Il existe des dizaines de légendes qui parlent de lumières dans les marais. Parfois c'est juste un feu pour attirer le voyageur, parfois plusieurs, comme ici. Parfois il s'agit de pièges, parfois d'appels au secours. Il y a de multiples variantes... En tout cas, je pense pouvoir affirmer une chose : ce ne sont pas de vraies torches. Je pense que ce sont des illusions, créées par magie. Je peux me tromper, ajouta-t-il en rougissant, il faudrait aller voir pour en être sûr. Mais dans les contes, ce sont toujours des lumières magiques... Tu as raison, il faudrait peut-être réveiller les filles...
Au moment où ils allaient se décider à revenir vers leur campement, un cri retentit dans le noir. Un cri de détresse. Il venait de quelque part en direction des lumières, apparemment.

[Kasumi]

Kasumi était partagé entre sa curiosité et la prudence élémentaire avant même que ne retentisse le cri d’effroi. Il avait craint la présence d’autochtones potentiellement hostiles mais l’explication de Tilmandil, si elle était un peu tirée par les cheveux, expliquerait pourtant bien des choses. En tous cas, la présence de ces lumières - magiques ou non – imposait de prévenir le reste du groupe afin que tous se tienne sur ses gardes, quitte à sacrifier la nuit de sommeil. Le cri de détresse faillit changer les plans du rôdeur mais, tiraillé entre la compassion et l’esprit analytique qui flairait un piège des plus grossiers, il ne sut pas vraiment quelle alternative choisir. Finalement, il se décida pour une voie médiane entre la possibilité de l’ignorer pour attendre les autres et celle, bien plus naturelle, d’aller voir de quoi il retournait. Il lança donc d’une voix pressante :

- Je vais voir ça de plus près. Reste ici mais appelle les filles et guide-les puis rejoignez-moi. Et surtout, ne me perds pas de vue ! Je vais tâcher de ne pas m’éloigner et de rester visible.

Et aussitôt d’en appeler au pouvoir d’Etincelle plus pour être vu que pour voir cette fois-ci. Si le barde ne cherchait pas à le retenir, il s’avancerait prudemment sur le sentier.

[Voyageuse]

La lumière diffusée par Etincelle eut pour effet immédiat de faire disparaître les lumières. c'est du moins la sensation qu'il avait. En observant bien, elles étaient pourtant là, mais si ténues qu'on aurait dit des lucioles. Comme si elles ne pouvaient rivaliser devant la lumière de son épée, et préféraient se faire discrète. Le sentier lui-même paraissait à peine visible, à croire qu'il l'avait imaginé : il ne voyait plus qu'une zone d'herbes hautes, avec, certes, un peu de terre ferme qui se glissait entre les touffes d'herbes, mais qu'on ne pouvait pas vraiment qualifié de sentier. Toutefois, lorsqu'il y posa le pied, il s'avéra stable. Il était juste très difficile de le suivre. mais il lui avait paru rectiligne, avant qu'il allume son épée. Du moins, jusqu'à la première lumière, qu'il distinguait à peine.

[Kasumi]

Kasumi décida de continuer à progresser lentement sans faire le moindre effort pour masquer les traces de son passage, bien au contraire. Si pour une raison ou pour une autre ses compagnons le perdaient de vue, – une hypothèse à ne pas exclure compte tenu des circonstances pour le moins étranges - au moins sa trace serait-elle facile à suivre avec une pisteuse comme Sylvia dans le groupe.

Tout en avançant, le demi-elfe espérait toutefois que les renforts ne tardent pas trop à le rejoindre tout en se demandant si Eärundra ou Sylvia penseraient à laisser quelqu’un en arrière pour garder leur radeau, leurs vivres et leur équipement. Il aurait dû le demander à Tilmandil mais il était maintenant trop tard pour cela. Et il se doutait bien que Sylvia n’aurait pas voulu rester en arrière alors qu’il courait au-devant d’un danger incertain. Danger incertain qui se matérialisait par cette lueur faible, celle-là même contre laquelle l’avait mise en garde le barde. Mais la seule destination possible tant que le cri ne se serait pas manifesté à nouveau.

[Voyageuse]

Le marais était redevenu silencieux. A croire que le cri n'était qu'un effet de son imagination. Kasumi atteignit rapidement la première lueur... qui disparut dès qu'il en fut à moins d'un mètre. Elle ressemblait à une torche, mais il n'eut pas le temps de déterminer si elle était tangible. La seconde lueur, en revanche, restait visible. Et la suivante également. Il put donc poursuivre sa progression.
Tendant l'oreille, cherchant à percevoir un bruit évoquant une présence humaine, il n'entendait que les coassements de batraciens, quelques bruissement d'herbes. Rien de bien alarmant. Et puis, un gros plouf, plus loin au-devant. Toujours en direction des lumières. Puis, au même endroit, quelque chose évoquant un cri étouffé, comme quelqu'un qu'on aurait empêché d'appeler. Des clapotis plus forts, comme le choc de quelque chose frappant la surface de l'eau. Et puis, très ténu, bien plus loin... on aurait dit le bruit d'un tambour.
Derrière lui, devinant des bruits, il aperçut au loin deux silhouettes qui s'avançaient à leur tour, précautionneusement, pas à pas. Sylvia en tête, Tilmandil la suivant de près. Ses compagnons avançaient lentement, semblaint avoir bien du mal à distinguer le sentier. Mais les attendre lui ferait perdre beaucoup de temps.

[Kasumi]

Kasumi avait abandonné depuis le début l’idée de surprendre les adversaires se cachant derrière le phénomène aussi leva-t-il plus haut son épée pour aider ses compagnons à le voir un bref instant. Les bruits se refirent plus pressants alors qu’il s’apprêtait à prendre la décision d’attendre son demi-frère et sa belle rôdeuse. Etait-ce une coïncidence ou plus probablement un effet puisant dans son imagination et ses sentiments pour se renforcer et l’attirer plus sûrement dans un piège. Mais le savoir ne permettait pas d’ignorer la faible possibilité que quelqu’un – n’importe qui – se trouve en danger alors qu’il tergiversait. Il accéléra donc le pas pour progressivement adopter une course aussi rapide qu’il jugea raisonnable sans risquer de s’embourber dans quelque défaut du terrain ou perdre de vue la possibilité d’une embuscade.

[Voyageuse]

Il était cependant assez difficile de progresser rapidement sur le sentier. Tout d'abord, celui-ci était extrêmement étroit. De plus, alors qu'il apparaissait net lorsque Kasumi le regardait loin devant lui, il semblait devenir beaucoup plus flou lorsqu'il se trouvait éclairé par l'épée. Derrière lui, il vit que Tilmandil avait pris la tête, avantagé sans doute par sa vision elfique. Sylvia devait ronger son frein de ne pouvoir guetter les dangers les environnants. Mais même ainsi, ils avançaient vraiment plus lentement que lui.
A deux mètres devant lui, la seconde lumière s'éteignit brutalement. Au loin, la troisième brillait. Il en devinait une quatrième, une cinquième même. Et aussi bizarre que cela paraisse, plus elles étaient loin, plus elles paraissaient briller fort.
La troisième s'éteignit à son tour, comme les deux précédentes. Il n'avait rien repéré d'anormal sur les côtés, et les bruis de clapotis -ou peut-être de lutte- avaient cessé. Les tambours, eux, se faisaient plus audibles.
Et ce fut alors derrière lui qu'il entendit un "plouf". Se retournant, il vit qu'une seule des silhouette restait apparente : celle de Sylvia, penchée au-dessus des herbers, tendant le bras sans doute pour venir en aide à Tilmandil. Et il s'aperçut, surtout, que le sentier derrière lui, celui-là même qu'il venait d'emprunter, disparaissait dans une brume épaisse, blanchâtre à quelques mètres derrière lui. Voilà qui expliquait la lenteur de ses compagnons.

[Kasumi]

Kasumi se rendit alors compte qu’il mettait ses compagnons en danger en les entraînant à sa suite d’autant plus que le sentier qu’il suivait semblait se désagréger derrière ses pas, rendant leur progression quasiment impossible. Sa loyauté leur revenait avant toute chose et il était intenable de continuer de progresser seul en les poussant vers le cœur des marais et une noyade de plus en plus probable à chaque mètre parcouru. Il s’arrêta donc net et recula autant que le sentier le lui permettait tout en appelant Sylvia en mettant les mains en porte-voix sans plus de soucis de discrétion, angoissé qu’il était par la chute de l’elfe :

- Il n’y a pas de mal de votre côté ? Vous pouvez avancer ? Je vous attends !

[Voyageuse]

- Non, ne t'en fais pas !
Il vit Sylvia se redresser, tirant à bout de bras un Tilmandil trempé jusqu'aux os... et apparemment frigorifié.
- On ne voit plus le sentier, il a complètement disparu ! On va arriver, mais il faut qu'on avance lentement, qu'on tâte le terrain ! Tu devrais continuer sans nous attendre, peut-être, si vraiment tu penses qu'il y a quelqu'un en danger... Sauf si tu sens un danger devant...
Comme pour ponctuer ses paroles, un nouveau plouf se fit entendre, suivi d'un bruit de lutte, plus net cette fois-ci. Il semblait provenir des alentours de la lumière suivante, guère plus loin...

[Kasumi]

Un peu rasséréné de savoir que Sylvia et Tilmandil n’avaient pas trop de dommage et qu’ils pourraient continuer à progresser, le rôdeur suivit à nouveau l’instinct qui le poussait vers l’avant et non pas la petite voix pourtant bien convaincante qui s’époumonait au fond de son esprit pour lui hurler que c’était un piège, qu’il suivait des lueurs trompeuses, magiques, destinées à le perdre. Et que la seule victime au bout du chemin était lui-même et peut-être ses compagnons s’ils tentaient de le secourir… Et pourtant, même sachant tout cela, il décida de poursuivre vers la prochaine lumière, juste la prochaine. Ensuite il s’arrêterait qu’il ne trouvait rien. Mais il y aurait forcément quelque-chose, non ? Tous ses sens ne pouvaient pas le tromper autant quand même, si ?

[Voyageuse]

La lumière suivante s'éteignit, comme les précédentes, lorsqu'il s'en approcha. A nouveau, il n'y avait plus le moindre bruit. Des tambours au loin, très loin, à peine audibles, mais de plus en plus nets pourtant. Et la brume continuait de le suivre.
Il s'apprêtait à poursuivre encore un peu lorsque son regard fut attiré par un morceau de tissu bleu, accroché à un buisson d'épineux au bord du chemin, quelques mètres plus loin. Juste à côté du buisson, quelques traces de pas. Des pieds nus apparemment. Qui s'éloignaient du sentier, juste de quelques mètres. jusqu'à un trou d'eau, plus précisément. il n'y avait rien d'autre.

[Kasumi]

C’était la première trace d’une présence intelligente et surtout d’une présence matérielle… Et même si s’écarter du sentier était chose dangereuse dans un marais et de nuit, il ne put s’empêcher d’aller examiner le morceau de tissu, en toucher la texture comme pour se raccrocher à sa solidité là où tout le reste - y compris le sentier – semblait appartenir au domaine de l’imaginaire. Chemin faisant, il examina également les traces de pas, tâchant d’en apprendre un peu plus sur leur propriétaire : humain, elfe ou autre chose ? Et surtout à quel point il ou elle était massif… Il était déjà tout près du trou d’eau quand il se força à prendre une minute pour réfléchir aux indices qu’il avait réunis.

[Voyageuse]

Les traces de pas étaient peu profondes et plutôt petites. Peut-être un enfant ? Un elfe de petite taille ? Un halfelin ? En tout cas, quelqu'un de plutôt petit et de léger. Le morceau de textile ne lui évoqua rien de particulier, en revanche. On aurait dit... de la soie peut-être. Un tissu léger et de qualité. Et il n'y avait aucun autre indice visible.
Enfin, presque aucun. Des bulles crevaient la surface de l'eau, à côté de lui. De plus en plus grosses, de plus en plus rapprochées. Comme si la chose qui en était à l'origine se rapprochait de la surface.
Et soudain, il le vit : cela ressemblait à un gigantesque serpent jaillissant d'un coup de l'eau, mais un serpent muni de courtes pattes. Un peu comme un lézard géant peut-être. Et l'une de ses pattes maintenait une silhouette, petite et féminine, qui luttait de son mieux pour se dégager. Le serpent émit un sifflement de rage, et s'apprêta à replonger.

[Kasumi]

Kasumi ne prit pas un instant pour réfléchir, laissant le soin à ses réflexes martiaux de prendre le relais de son esprit surpris et passablement embrouillé par le manque de sommeil et la suite de manifestations mystérieuses. Il dégaina son épée et porta un coup de taille d’un même mouvement, espérant toucher le bras ou l’épaule où ne se trouvait pas la victime de l’immonde créature des marais. Viser l’autre bras aurait été trop risqué mais il espérait néanmoins que le choc suffise à arrêter le monstre ou, au moins, à lui faire lâcher sa proie.

- Lâche-là où je te découpe en filets !

[Voyageuse]

Le choc lui fit savoir qu'il avait touché sa cible. Mais trop légèrement, trop superficiellement. Le serpent replongea avec un sifflement de rage, entraînant avec lui sa victime au plus profond du trou d'eau... qui devait être véritablement très profond. Ou alors communiquer avec autre chose ?
Quelques secondes plus tard, il émergeait à nouveau, juste derrière Kasumi, d'un autre trou d'eau. Il était... extrêmement en colère. Il lança violemment sa proie au sol et fonça droit sur le rôdeur. Celui-ci voyait moins de la moitié de son corps, et pouvait estimer qu'il faisait au moins six mètres de long. Il avait une estafilade sans gravité à l'épaule droite, et une lueur meurtrière dans le regard.

[Kasumi]

Kasumi n’eut pas le temps de jeter plus d’un regard à la victime qui avait violemment heurté le sol. Il ne pourrait pas lui porter assistance tout de suite et sa seule chance de le faire était de concentrer toute son attention sur le combat qui s’engagea sans surprise contre l’ignoble créature reptilienne. Au moins n’avait-il plus à retenir ses coups et, au vu de la faible blessure qu’il avait à peine réussi à lui faire subir, ce ne serait pas un luxe. Contre un monstre si massif, la seule possibilité était de faire preuve de davantage de mobilité pour éviter d’être capturé ou même broyé. Le demi-elfe dégaina donc sa seconde épée avant de tenter une esquive. S’il réussissait à prendre la charge de vitesse, il tenterait de porter un coup. Mais l’essentiel était surtout de ne pas en recevoir pour le moment…