[Quête] Dans la Campagne du Soleil

[Taliesin]

-Ça tombe bien, on est pas chevaliers ! s'exclama Edgar. On a tous parié sur votre défaite, et vu les enjeux, croyez-m'en, on va tout faire pour qu'elle advienne ! En ce moment-même, un de nos agents soudoie votre écuyer pour qu'il entre dans le complot...
Il sourit de toutes ses dents, imité par ses collègues. Même Robert se para d'une expression amusée.

[Hubert de Maleval]

Hubert leva les yeux au ciel.
" Je crains que mon écuyer ne soit incorruptible, Edgar. Et elle a déjà prévu de donner une correction à quiconque oserait porter atteinte à mon honneur. Je pense que votre taille ne l'effraiera même pas, vous feriez mieux de vous préparer."
Il se tourna vers Robert.
" Cela me fait penser que Ruth aimerait beaucoup combattre Alban. Elle m'a rappelé qu'il n'était pas rare que les écuyers se mesurent également au cours des tournois. Pensez-vous que cela soit sage ? Je l'ai prévenue que même si vous acceptiez, elle n'aurait sans doute droit qu'à une épée de bois..."
Il jeta un coup d'oeil vers le gamin embusqué aux alentours pour se faire une idée de la manière dont il recevait la proposition...

[Taliesin]

-Houhou ! Ruth la Terrible combattant dans la lice ! Je veux voir ça !
-Là où Ruth passe, les garçons trépassent. Prends garde à tes abattis, Alban !
Le gamin s'était empourpré tandis que son maître, lui, acquiesçait.
-Je n'y vois pas d'inconvénient, et des épées de bois conviendront parfaitement : ainsi n'y aura-t-il aucun estropié si d'aventure ils s'emballent trop durant l'affrontement... Qu'en dis-tu, Alban ?
-Je... fit l'intéressé qui, manifestement, ne savait trop sur quel pied danser. Messire, est-ce que ce n'est pas déshonorable de se battre avec... ben...
-Avec une fille ? Ce qui est déshonorable, c'est de s'attaquer à plus faible que soi. Défier un adversaire capable et bien préparé, quel que soit son sexe, n'est en rien contraire aux valeurs de la chevalerie, n'en déplaise aux traditionalistes.
-Mais les autres... Ils risquent de se moquer...
-Oh, il y aura des idiots pour sourire, oui. Cependant, vu la réputation de Ruth, vu ce qu'elle a déjà démontré sur le terrain d'exercice... et en dehors... je pense que la majorité te trouvera particulièrement courageux.
-Et si... Et si je perds ?
-Il n'y a rien de honteux à être battu par un adversaire valeureux. Si telle chose devait advenir, il faudrait que tu prennes cela comme un encouragement à t'entraîner avec plus d'acharnement encore, pour être victorieux quand viendra l'heure de la revanche. Je t'y aiderai, tu peux compter sur moi. Mais je suis sûr que tout se passera très bien.
Alban, embarrassé par tous ces regards posés sur lui, se mordilla nerveusement la lèvre inférieure puis finit par hocher la tête.
-D'accord. Je veux bien. Ce sera un honneur de porter vos couleurs dans la lice, et je ferai tout mon possible pour m'en montrer digne.
-Tu le seras quel que soit le résultat, je n'ai pas le moindre doute à ce sujet.

[Hubert de Maleval]

" Parfait !" s'exclama Hubert, cherchant la gamine du regard pour lui annoncer la bonne nouvelle.
Il espérait ne pas lui avoir confié une tâche impossible... Un bouclier convenable devait quand même pouvoir se trouver. Il se tourna vers les instructeurs et les toisa, la mine hautaine. Il n'était absolument pas question qu'il les supplie de bien vouloir croiser le fer avec lui.
" Quant à vous... Nous nous retrouverons plus tard."
Il avait maintenant l'intention de se trouver un soldat de métier... Ils étaient normalement relativement nombreux et s'entraînaient l'après-midi, d'après ce que Robert lui avait dit. Restait juste à les dénicher.

[Taliesin]

Mais Edgar s'avança et le retint par le bras.
-Allons, vous n'avez pas compris que je vous taquinais, même après ce que je vous ai dit ce matin ? Je vais me battre avec vous. Volontiers, même. Car, à parler franc, j'ai parié que vous l'emporteriez. Autant que vous le sachiez. Ça évitera que vous pensiez que j'ai cédé par peur d'être victime de Ruth et de sa redoutable botte secrète. Enfin, plus si secrète que ça...
Quand on parle du loup... La fillette revenait, chargé d'un écu semblable à celui du paladin, si ce n'est qu'il ne portait aucun blason.

[Hubert de Maleval]

Hubert adressa une expression faussement mauvaise à Edgar, puis se porta à la rencontre de Ruth et la délesta du bouclier.
" Alban t'affrontera dans la lice tout à l'heure, Ruth. A l'épée de bois. Sir Robert a donné son accord."
Puis, sans attendre, il ceignit le bouclier et sortit — enfin ! — son épée de son fourreau, avant de revenir vers Edgar, le sourire aux lèvres, muselant son enthousiasme.
" En garde, Monsieur le non-chevalier... Je vais vous faire passer l'envie de vous moquer de moi !"
Hubert avait l'intention, dès que son homologue serait en position, de placer une première attaque. On l'avait assez fait lanterner pour toute une vie !

[Taliesin]

Dommage que son adversaire, lui, ne soit pas aussi pressé...
-Quoi ? Là, tout de suite ? Vous ne préférez pas qu'on choisisse un lieu plus... discret ? Et puis, Ruth n'aurait-elle pas besoin de s'entraîner, elle aussi ? Alban ne va pas manquer de le faire, lui... Alors, je pourrais aider votre écuyer à s'exercer ! Ou lui donner de bons conseils tandis que vous l'affronterez, vous !
-Pas besoin de m'entraîner ! s'exclama la fillette qui jubilait littéralement. Je pourrais le battre même les yeux fermés, avec les deux mains attachées dans le dos !

[Hubert de Maleval]

Hubert ne put s'empêcher de lâcher un gémissement lorsqu'Edgar tergiversa une fois de plus.
" Misère, mais personne ne va jamais me laisser m'entraîner." souffla-t-il pour lui-même.
Il se tourna ensuite vers Ruth. Il avait effectivement l'impression que même sans entraînement, elle ratatinerait Alban... Mais trop de confiance en soi était parfois dangereux. Il jeta un coup d'oeil en direction du soleil, pour se faire une idée du temps qu'il lui restait.
" Allons dans un endroit discret, si vous voulez, Edgar. Mais je pense que je peux m'occuper de ma comparse. Vous, vous êtes pour moi !"

[Taliesin]

L'instructeur soupira.
-D'accord, d'accord... Mais je me demande ce que j'ai bien pu faire pour mériter tant de haine. Et je vous demande, à vous, de pas y aller trop fort, car je dois être en état d'affronter Ted... Si je perds, je devrais me charger de sa fichue marmaille durant une semaine. Toute une semaine, vous entendez ?
Lorsqu'ils eurent trouvé un lieu préservé des regards indiscrets, Edgar arbora une mine de condamné à mort et tira son épée avec une lenteur aussi déprimante que déprimée. Mais, lorsqu'il l'eut en main, il attaqua sans crier gare, faisant preuve d'une déconcertante vivacité et prenant au dépourvu le paladin. Ah, elles étaient déjà loin, ses hésitations factices !

[Hubert de Maleval]

Hubert n'était pas complètement né de la dernière pluie, aussi s'était-il à moitié attendu à ce genre de coups fourrés, mais son agacement grandissant suite à ces multiples délais ne l'avait pas laissé très concentré. Il évita donc in extremis la lame de son adversaire, la bloquant d'un coup de bouclier très peu réglementaire.
" Pas chevalier pour un sou, traître ! s'exclama-t-il. Et si j'ai bien compris, la fichue marmaille comprend ma charmante écuyère dont je n'ai pas eu à me plaindre depuis tout à l'heure ! Je me dois donc de venger l'honneur de Dame Ruth !"
Lathandre, dérouille-moi, je t'en supplie, songea-t-il avant de passer à l'offensive, gardant son bouclier près du corps.

[Taliesin]

Pris au jeu, Edgar en oublia le vouvoiement lorsqu'il riposta, enflammé :
-Moi, un traître, alors que j'ai toujours été honnête avec toi ? Crapule ! Quand je pense que tu t'en prends à ton plus fidèle allié ! Ah, décidément, ton écuyère est trop bien pour toi, il faut que je le lui prouve !
De fait, au cours des premières minutes, l'instructeur eut très légèrement le dessus : à son adresse, qui aurait pu lui valoir de figurer parmi les fines lames de la garde solarcienne, s'ajoutait son entraînement régulier. Cependant, au fur et à mesure que les sensations revenaient, qu'il se réhabituait à affronter un véritable adversaire, Hubert renversa la tendance et, peu à peu, insensiblement, il contraignit l'ancien sergent à abandonner l'attaque pour ne plus faire que parer...

[Hubert de Maleval]

Hubert se sentait bien. Il se sentait vivre. Edgar était un excellent combattant, rapide et intelligent, peut-être pas aussi bon que ses meilleurs officiers à Solarcis, mais le paladin ne le connaissait pas, et devait donc apprendre tout de lui, analyser son style, repérer ses faiblesses et ses habitudes, entrer dans son rythme pour mieux le casser, deviner ses intentions et peu à peu, prendre le dessus. C'était un défi en soi, et un défi qu'il n'avait plus relevé depuis des lustres, et qu'il était heureux de retrouver en lui-même. Oui, il était vieux, mais il n'était pas encore mort.
Il ne voulait cependant pas vaincre l'Edhoran, aussi rompit-il l'affrontement avant que sa supériorité ne devienne trop manifeste. Ils n'avaient, ni l'un, ni l'autre, intérêt à s'épuiser, car le soleil avançait dans le ciel, et bientôt viendrait l'heure où ils devraient rencontrer des adversaires autrement plus motivés. Il profita donc d'un moment où Edgar avait dû reculer pour le saluer.
" Merci, dit-il avec franchise. C'était exactement ce dont j'avais besoin. J'aimerais beaucoup pouvoir travailler avec toi régulièrement... Si tu es d'accord d'affronter encore une vile crapule."

[Taliesin]

Edgar sourit, ce qui ne suffit pas tout à fait à masquer son air maussade. Malgré les précautions prises par le paladin, il était trop aguerri pour ne pas avoir compris quelle issue aurait connu le duel, s'ils l'avaient mené jusqu'à son terme. Et forcément, pour un guerrier, semblable constat n'est jamais agréable.
-Volontiers, dit-il néanmoins. Mais vous... tu auras peut-être meilleur compte à t'entraîner avec Robert. Lui aussi est un combattant au-dessus du lot...
Il sourit à nouveau, plus franchement, cette fois.
-Mais je suis sûr que tu es encore meilleur et que, grâce à toi, je gagnerai mon pari. On va bien s'amuser, dans les jours à venir !

[Hubert de Maleval]

Hubert était un peu désolé d'avoir froissé son compagnon, mais il était en même temps soulagé d'avoir eu le dessus. Soulagé aussi, d'entendre qu'Edgar l'estimait susceptible de battre Robert : cela signifiait que même s'il était défait, leurs niveaux ne seraient pas trop dissemblables. Bien sûr, c'était peut-être seulement de la politesse, mais le paladin préférait ne pas voir les choses sous cet angle. Il espérait aussi qu'il aurait été assez fin pour détecter un mensonge sur les traits du guerrier.
" Je ne comprends pas bien... si tu perds ton pari, tu dois t'occuper des enfants... Mais si tu gagnes... C'est déjà Ted qui s'occupe des enfants... Que devra-t-il subir, dès lors ?"

[Taliesin]

-Pendant toute une semaine, sauf si nous partons entretemps, bien sûr, il devra fournir des bains chauds à chaque fois qu'un membre de l'équipe d'instructeurs ou de leur entourage lui en fera la demande. Vous pourrez donc en profiter, ainsi que messire Albérich. Et on a évidemment inclut Robert : j'espère que ça rendra sa défaite moins rude...
Il croisa les bras.
-Bref, Hubert, tu as intérêt à remporter ce combat. Je sais qu'on regrettera la mer, quand on sera dans les marais, mais quand même, faut admettre qu'on s'y gèle !

[Hubert de Maleval]

" Avec un enjeu pareil, je ne peux que gagner ! annonça joyeusement le paladin, songeant à la reconnaissance éternelle que lui vouerait ensuite Albérich. Mais pour ça, je dois m'entraîner davantage... Je vais d'abord me charger un rien de cette jeune fille, ici... et puis si tu croises quelqu'un qui s'ennuie, sur le terrain... n'hésite pas à me l'envoyer."
Il se tourna vers Ruth.
" Va te chercher une arme, jeune fille. Il est temps que nous préparions notre plan visant à renvoyer Alban dans sa tente."

[Taliesin]

-Vous inquiétez pas, je l'y enverrai pleurnicher en deux temps, trois mouvements ! Mais j'suis sûre que si vous m'apprenez vos bottes secrètes, ce sera en un temps, un mouvement qu'il ira se cacher !
Elle se fendit d'un sourire radieux et s'en fut en courant, débordante d'énergie.
-Qu'elle se méfie quand même... souffla Edgar. C'est pas pour rien que Robert a pris Alban comme écuyer : il se débrouille rudement bien. Bon, quand il est pas tétanisé à cause de sa timidité...
Son visage s'éclaira.
-Là, avec tout ce public, il va pas oser faire le moindre geste ! Ça fait donc un pari gagné d'avance. Parce qu'on trouvera un truc à parier sur eux : ils font partie du tournoi, il n'y a donc pas de raison qu'on s'en prive ! Et sinon, pour continuer à t'entraîner... Je suis pas le seul à avoir misé sur ta victoire. Il y a Poil de Carotte, par exemple... Il voudra bien se battre avec toi, j'en suis certain.

[Hubert de Maleval]

Poil de Carotte, ce satané rouquin qui avait usé de leur couleur de cheveux commune pour se débiner la veille...
" Envoie-moi donc ce Poil de Carotte... Et ne t'en fais pas, je me rends bien compte que je ne vais pas pouvoir rattraper en une heure tout ce qu'Alban a pu observer et apprendre par ailleurs... mais Ruth a raison de vouloir se mesurer à lui. Ce n'est pas parce qu'elle n'est pas née au bon endroit qu'elle ne doit pas profiter de cette opportunité. C'est le sens de cette aventure, après tout !"
Il sourit.
" Mais ôte-moi d'un doute... Si je perds ce tournoi, ce qui est, soyons honnête un instant, plutôt probable... Est-ce qu'on va me donner une chose horrible à faire de surcroît ?"

[Taliesin]

-Tu sais, Alban est fils de meunier, dit l'instructeur sur le ton de la confidence. Enfin, était, avant que les Rouges ne fassent brûler le malheureux dans son propre moulin. Alors les probabilités pour que ce gosse devienne un jour écuyer étaient minces... Lui aussi doit sa chance à la communauté.
Il abandonna sa gravité passagère pour retrouver sa bonhomie coutumière.
-Pour les paris, c'est un peu compliqué. D'une part, il y a ceux qu'on prend tout le temps quand on se mesure les uns aux autres : les perdants sont toujours chargés de gérer la marmaille, sauf Ted, bien sûr, pour lequel on invente des trucs nouveaux à chaque fois. On a décidé de faire pareil aujourd'hui, même si les duels seront publics... D'autre par, il y a les paris exceptionnels liés au tournoi : je pense qu'on n'est pas les seuls à s'être choisi des champions et à avoir fixé des enjeux... Bref, toi, tu n'auras rien à faire, sauf si tu paries avec Robert, ou sur le résultat du combat entre vos deux confrères. Ou entre les écuyers, évidemment !

[Hubert de Maleval]

La mention du terrible deuil qui frappait l'écuyer de Robert laissa un moment Hubert sans voix. En même temps, il n'ignorait pas que les guerres morféennes aient fait de nombreuses victimes, dans toutes les strates de la société hélonnienne, mais c'était autre chose de l'affronter en face. Ils devaient être des dizaines, dans la communauté, à avoir vécu des choses similaires. Robert lui-même avait perdu beaucoup, il le savait. Il se sentit un instant envahi d'une honte assassine, comme il était à nouveau confronté à sa propre inertie pendant cette période noire de l'île. Il était resté assis sur ses fesses à Solarcis, loin de tout, n'avait jamais vu le moindre garde rouge, la moindre canaille, et personne n'était mort autour de lui. Ce n'était pas tout à fait vrai. Sire Armand, de la Commanderie luménienne, lui avait écrit, comme il le faisait depuis des années, sans faillir, et lui avait nommé les paladins fauchés. Hubert en connaissait la liste par coeur. Même s'il les avait quittés au grand galop, refusant de se retourner, refusant d'attendre qu'ils intercèdent en sa faveur, refusant de retrouver l'ou ou l'autre à Eredhun, refusant tout en bloc, en somme, il se souvenait de chacun de ses frères d'armes avec précision. Leurs manies, leurs traits, leurs histoires.
Mais ce n'était bien sûr pas la même chose que de voir son père brûler dans un moulin ou son écuyer se faire massacrer sur un champ de bataille. Et Hubert était certain que Robert avait perdu beaucoup plus que ça.
Mais Edgar avait continué, revenant à des considérations plus triviales. Le paladin tenta de raccrocher, mais il avait l'esprit ailleurs.

" Je crois que j'ai plus ou moins suivi, fit-il. C'est compliqué, vos affaires... Vous devez avoir une sacrée habitude pour vous y retrouver. Mais cela signifie-t-il que si Robert gagne, c'est toi qui devras t'occuper des bains chauds ? Parce que du coup, ça rend la chose nettement moins critique pour moi... Surtout si j'ai aussi droit au lot de consolation du perdant..."
Le paladin n'imaginait pas parier sur les écuyers et ne voyait pas comment il aurait pu deviner qui de Fontbrune ou d'Argencourt était le meilleur à la joute. Il avait d'ailleurs l'impression qu'il devrait peut-être intervenir comme soigneur de manière inopinée pendant leur affrontement. Mais par contre, peut-être pouvait-il imaginer proposer quelque chose à Robert... En même temps, c'était une tradition qui lui était complètement étrangère et il imaginait mal oser contraindre le chevalier déjà vaincu à réaliser une tâche stupide en sus. Il se demanda à nouveau s'il ne devait pas prévoir de perdre ce tournoi.

[Taliesin]

-Ouais, si tu perds, moi et tous ceux qui t'avons choisi, nous serons de corvée d'eau chaude. Je te dis pas l'horreur... Et je te dis pas comme nous t'en voudrons d'avoir trahi notre confiance ! Mais, rassure-moi, ça n'arrivera pas ?
Il l'observa, parut réfléchir.
-Je vais proposer aux autres qu'on parie la même chose pour les écuyers. Ainsi, même si tu perds, Ruth sera là pour rattraper le coup, et à nous les bons bains !

[Hubert de Maleval]

Ça devenait trop embrouillé pour lui. Mais ce n'était pas très grave : il était plus ou moins certain qu'une fois le tournoi terminé, on viendrait lui expliquer ce à quoi il avait droit et ce à quoi il était condamné. Apparemment, il y aurait de l'eau chaude. C'était parfait.
" En voilà une bonne idée. Mais si Alban est si doué, tu pourrais doublement perdre... Ce serait malheureux."
Hubert retira son heaume et passa une main dans ses cheveux humides. On suait terriblement dans cette armure. Il se demanda si les bains seraient organisés dès le jour même.

[Taliesin]

-Il est très doué... quand il est à l'aise. Or, là, je doute que ça soit le cas... Enfin, j'espère quand même qu'il réussira à se défendre un peu, et que Ruth sera bonne joueuse. C'est un chouette p'tit gars, ce serait dommage que son premier tournoi soit une catastrophe absolue...
Il jeta un regard par dessus l'épaule du paladin.
-Voilà ton écuyère qui revient. Avec une épée courte à l'air on ne peut plus affûtée ! Je te laisse avec elle : moi, je dois m'entraîner encore pour être sûr de vaincre Ted. Si, après avoir préparé la petite, tu es encore en un seul morceau, rejoins-nous, on te trouvera d'autres adversaires.

[Hubert de Maleval]

" Tu dois m'envoyer Poil de Carotte, souviens-toi !" lança le paladin, avant de saluer Edgar d'un geste et d'attendre le débarquement de Ruth.
Ce que le guerrier lui avait appris sur Alban le mettait mal à l'aise, il avait l'impression que la chose digne à faire était de demander à Ruth de le ménager. En même temps, comment expliquer à une gamine de dix ans aux appétits belliqueux qu'il était honorable de laisser son adversaire prendre l'avantage. Il n'en avait pas la moindre idée. Entre Robert qui craignait pour son autorité et Alban qui manquait de confiance en lui, qu'était-il supposé faire ? Il aurait bien aimé avoir Albérich auprès de lui pour le conseiller en la matière. Bien sûr, Marthe, et d'autres, supposaient qu'il pourrait faire en sorte de perdre, ce qui rendait la chose plus complexe, mais Edgar avait l'air de penser qu'ils étaient de niveau équivalent... Il soupira et sourit à Ruth au moment où elle arrivait à sa hauteur.
" En garde, jeune fille. Montre-moi ce dont tu es capable !" annonça-t-il joyeusement.
Il verrait ensuite comment la convaincre de laisser Alban prendre ses marques. Pas au point qu'il la vainque, cependant... Il y avait des limites.

[Taliesin]

Outre une épée courte, la fillette avait ramené une rondache, bouclier qu'utilisaient les enfants lors des entraînements, car plus adapté à leur stature. Lorsqu'elle se mit en position, Hubert nota que la manière dont elle le tenait, de même que la façon dont elle brandissait son arme, étaient quasiment irréprochables, signe que Ted étaient un bon instructeur et Ruth, une élève douée. Et quand, obéissant sans la moindre hésitation à sa demande, elle passa à l'offensive, il put admirer sa technique, que l'on pouvait aisément résumer : l'attaque à outrance. La gamine, avec une énergie, une rapidité et une détermination surprenantes, faisait pleuvoir les coups à un rythme si effréné que son adversaire, qui avait à peine le temps de les parer, devait être très doué pour ne serait-ce que songer à riposter...

[Hubert de Maleval]

Hubert ne chercha dès lors pas à riposter. Elle était douée, mais il était beaucoup plus grand et son épée beaucoup plus longue : rien qu'en tendant le bras, il aurait pu la faire trébucher. Il se contenta donc de lui opposer un bouclier ferme jusqu'à ce qu'elle soit forcée de ralentir son rythme. Les gosses avaient évidemment beaucoup d'énergie, nul doute que cela prendrait un certain temps.
" Ruth, on se calme ! lança-t-il en désespoir de cause. Ne t'épuise pas inutilement !"

[Taliesin]

La fillette s'interrompit immédiatement et recula d'un pas.
-Pardon, m'sire... dit-elle, à peine essoufflée mais un peu embarrassée. Je faisais juste ce que vous m'aviez demandé, vous montrer de quoi j'suis capable...
Elle sourit de toutes ses dents.
-Et j'étais capable de continuer encore un bon moment ! Des heures et des heures, même !

[Hubert de Maleval]

" Et j'ai bien vu ! s'exclama-t-il. Asseyons-nous un moment, tu veux bien ?"
Le paladin s'installa dans l'herbe, ce qui lui permit au passage de vérifier que les articulations de son harnois étaient souples, puis fit signe à la gamine de venir le rejoindre.
" Tu te bats comme une louve, je suis très impressionné, dit-il, honnête. Cependant... Je pense que nous devrions songer à... adopter une approche un peu différente pendant le tournoi. Comme tu le sais, un tournoi, c'est aussi un spectacle, pas seulement une occasion de combattre. Si tu attaques Alban de la même manière que tu viens de m'attaquer, ce sera certes très efficace, mais ça risque... de se terminer très vite. Les gens pourraient être déçus. Je pense que pour la qualité de votre duel... et pour qu'il reste dans les annales... Il vaut mieux que tu le laisses un peu prendre ses marques avant de le... ratatiner. Edgar m'a dit qu'il risquait d'être très impressionné par la foule... Et j'imagine que tu ne le seras pas tellement... Donc je pense qu'il serait... chevaleresque de lui laisser une ouverture, tu vois... qu'il puisse offrir un peu de résistance... avant que tu ne le battes, bien sûr."

[Taliesin]

Ruth fit la moue, visiblement peu convaincue.
-Mais, m'sire... S'il est tellement impressionné qu'il ose pas bouger, et que moi, je dois pas le battre tout de suite, ça voudrait dire que je devrais rester sans rien faire super longtemps, jusqu'à ce qu'il arrive à faire au moins une mini attaque ! Le public, il risque pas de trouver ça hyper ennuyeux ? Est-ce que ça serait pas mieux si je me battais normalement et si on faisait... heu... plusieurs manches ? Peut-être qu'à la troisième ou la quatrième dérouillée, Alban il comprendrait qu'il doit se secouer s'il veut pas avoir trop la honte...

[Hubert de Maleval]

" Je ne suis pas certain que ça puisse marcher comme ça. Parfois, quand on est mortifié, on le reste, et ce n'est pas la prise de conscience qui nous permet d'agir sur nos travers... Mais tu connais Alban mieux que moi."
Il soupira. Jamais il n'aurait dû aborder ce sujet avec Ruth : c'était déjà difficile à comprendre, mais alors à appliquer... Surtout qu'effectivement, hormis les mises en garde d'Edgar, Hubert ne savait rien de l'écuyer de Robert. Il aurait été vil d'inciter Ruth à se découvrir pour réaliser ensuite qu'Alban en profitait aisément jusqu'à la défaire. Il imaginait de surcroît, sans peine, que le chevalier était en train de donner de bons conseils au petit garçon pour qu'il ne soit pas paralysé. Un bon verre de vin ferait peut-être l'affaire, par exemple.
Hubert prit appui sur le sol pour se relever.
" Ecoute. Je propose que nous reprenions. Bats-toi comme tout à l'heure, mais toutes les quatre à sept attaques, garde-toi pour laisser une ouverture à une éventuelle riposte."