[Quête] Montequine

[Galathée]

" Comme je te le disais tout à l'heure, nous devons souvent prendre des décisions qui nous laissent insatisfaits. Mais tu as raison de dire que mon exemple est mal choisi. Il arrive cependant qu'une ressource soit limitée et qu'il soit nécessaire d'opérer des choix difficiles. Enfin... Nous n'en sommes pas là et j'ai promis de te rendre aux autres en relativement bon état demain matin."
Il sourit.
" Tu peux aussi décider de partir, Astrée. Le chemin que Maelwys et Farro ont retrouvé permet de quitter la vallée... par les montagnes, certes, mais de la quitter tout de même. La mauvaise saison s'en est allée. Avec un bon matériel, du ravitaillement et un peu de chance, tu pourrais facilement t'évader. Personne ici n'exigerait de toi que tu restes, surtout si tu prends d'abord le temps d'aider Byron à s'enfuir. Il faut que tu saches que... si tu décides de rester... les décisions prises par le groupe vont peut-être te révolter. Et tu n'es pas une centaure, en cela, ton pouvoir d'infléchir le mouvement sera encore plus faible que celui d'un enfant tout juste né."

[Voyageuse]

"Je sais", murmura Astrée, d'une voix enrouée.
Elle se sentait infiniment lasse. Elle avait trop réfléchi. Elle comprenait les enjeux, les choix possibles... Et elle avait peur de ce qui allait advenir. Elle n'aurait pas droit à la parole, il avait raison. Et pourtant elle aurait tant voulu... elle ne savait plus quoi au juste. Sauver les centaures prisonniers ? Mais comment ? A quel prix ? Quelle était la solution... la plus juste ? Celle qui ferait le moins de mal de part et d'autre ? Jusqu'où pouvait-elle envisager d'aller... contre son propre peuple ?
"Je libérerai Byron, de toute façon. Et ensuite... je verrai. C'est tellement complexe. Et je sais bien que cette guerre n'est pas mienne... et que mon avis n'aura aucun poids."
Pourquoi donc la dryade semblait-elle croire qu'elle avait la moindre chance d'aider à rétablir la paix ici ? Simplement en libérant Byron ? Mais s'il n'apportait qu'une parole de guerre ? Ou alors... pouvait-elle avoir le moindre espoir d'infléchir les choses... côté humain ?
"Je crois que je suis trop épuisée pour réfléchir encore. Il vaut mieux que je dorme...", conclut-elle, d'un ton qui laissait transparaître une tristesse contre laquelle elle ne parvenait pas à lutter.
Et elle n'était pas sûre du tout de parvenir à dormir sereinement après cela.

[Galathée]

Neffen parut s'en rendre compte car il tendit une main fine qu'il posa sur le genou de la jeune femme.
" Ne charge pas ton âme, elle ne le mérite pas." dit-il simplement.
Il se leva ensuite.
" Veux-tu que je te prépare une infusion pour faciliter la nuit ? Ou que je t'ensorcelle ? Ce n'est pas douloureux."

[Voyageuse]

"Je te remercie mais... Je préfère généralement éviter de recourir à des moyens artificiels pour dormir. Enfin, sauf dans des cas vraiment extrêmes."
Elle ferma les yeux, hésitante. Il fallait impérativement qu'elle dorme pour être en état d'aider Byron. Une infusion serait peut-être une bonne chose. Elle était vraiment secouée par tout ça... oui, mais aussi complètement épuisée.
"Je crois que je devrais parvenir à dormir, ne t'en fais pas. J'ai vraiment besoin de sommeil, la nuit dernière a été courte. Donc... je fais confiance à mon corps pour réclamer ses droits et ne pas laisser mon esprit divaguer indéfiniment. Enfin, j'espère... "
Elle sourit.
"Bon, par prudence, je veux bien une infusion mais très légère, pas un somnifère. Un peu de camomille par exemple. Juste de quoi m'apaiser un peu l'esprit pour trouver le sommeil plus rapidement."

[Galathée]

" Ni les plantes, ni la magie ne sont artificielles, fit le shaman avec un sourire mutin. Mais viens donc faire ton dosage toi-même... Je n'ai aucune idée de la quantité requise pour une carcasse aussi minuscule."
Il lui désigna l'endroit où il avait suspendu ses bouquets de simples.
" Je ne suis pas herboriste, ni guérisseur, mais il doit me rester de la camomille quelque part... Hum... Je te laisse chercher. Je vais mettre l'eau à chauffer."

[Voyageuse]

Astrée choisit, machinalement, les herbes dont elle avait besoin. Juste de quoi s'apaiser un peu. Rien qui puisse lui donner un sommeil trop lourd. Elle espérait ne pas faire trop de cauchemars... mais parfois les rêves peuvent aider à digérer certaines choses, elle le savait aussi.
Elle songea à Reynald. Neffen disait qu'il était convaincu, au fond de lui, de la supériorité des humains. Pourtant un jour, au détour d'une conversation, il était conscient que les hommes se croyaient trop supérieurs aux autres races et voulaient toujours tout régenter à leur manière. Ou quelque chose comme ça. Il avait l'esprit suffisamment ouvert pour comprendre et déplorer cela. Mais... peut-être, comme elle, était-il conscient de ce fait "intellectuellement". C'était autre chose de l'intérioriser sur le plan affectif, c'était peut-être cela que voulait dire Neffen... Quelle décision prendrait Reynald, dans la situation où elle se trouvait ? Nul doute qu'il voudrait aider les centaures. Nul doute qu'il voudrait, aussi, éviter des violences et des morts inutiles, épargner les innocents, autant que possible.
Elle soupira. Peu importait de toute façon : c'était elle, et non lui, qui devait se dépatouiller de cette situation inextricable et faire les bons choix. Enfin, les moins mauvais possibles. Il lui avait dit de suivre son coeur, son instinct... qui actuellement ne lui disait rien du tout. A part qu'elle devait sauver Byron, et pour cela, dormir. A chaque jour suffisait sa peine...
Elle prit son petit bouquet de simples, souriant avec lassitude au shaman. Elle ne pouvait pas lui en vouloir de se montrer un peu brutal. Il voulait juste l'aider à voir les choses sous un angle différent. Mais... c'était épuisant tout de même.
"Je te remercie pour ton hospitalité, Neffen. C'est vraiment gentil à toi de m'accueillir sous ta tente."

[Galathée]

" Je ne sais pas si c'est gentil... C'est normal, en tout cas." répondit le shaman, qui avait disparu derrière un pan de toile, lequel dissimulait probablement sa propre couche.
Elle l'entendit bouger, revenir en arrière et verser de l'eau dans le pot de fer qui frémissait sur le feu.
" Je dois dire que j'ai tellement peu souvent de compagnie que c'est très gentil à toi d'avoir accepté mon hospitalité, aussi."
Il lui porta une bolée d'eau bouillante pour qu'elle puisse y mettre ses herbes.

[Voyageuse]

"C'était un plaisir de bavarder avec toi... Même si c'est un peu... éprouvant, c'est vrai," avoua-t-elle avec une grimace. Mais c'est simplement... parce que la situation l'est."
Elle versa un peu d'eau sur ses herbes et attendit patiemment qu'elles infusent, un peu pensive. Elle se souvenait des paroles de Byron sur la solitude. Et réalisa à quel point la situation du shaman était... bizarre. Effectivement, il pouvait apprécier d'avoir pour une fois un peu de compagnie.
"La solitude ne te pèse pas trop ? Tu es aussi un centaure, tout de même... Et les autres vivent tous ensemble. Dymphéa et Leanne me disaient que tu n'es pas shaman depuis longtemps. Avant tu vivais aussi en communauté ? Ou tu avais déjà un statut à part, je ne sais pas, une sorte de place d'apprenti-shaman ? Parce que ça ne doit pas être simple de se trouver seul après tant d'années à partager la même tente...

[Galathée]

Neffen parut hésiter un moment, la regardant de ses yeux jaunes, puis il eut une légère grimace et se coucha dans la poussière, près de l'âtre.
" Je n'ai jamais vécu avec la harde. Les shamans... sont trop étrangers... Pour toi, je suis un centaure, mais pour eux qui en sont... je suis presque aussi différent d'eux que tu l'es. Oui, j'ai quatre jambes de cheval, mais... ils remarquent nettement plus les choses qui font que je me distingue d'eux. Mes yeux. Ma couleur. La forme de mon visage, de mes oreilles, la manière dont je me déplace, le timbre particulier de ma voix. Si j'entrais dans la tente de nuit, tout le monde se lèverait. Certains n'osent pas me toucher. On dit parfois que ça porte malheur, que c'est un signe de mort."
Il eut un sourire.
" Mais tu étais fatiguée. Ce ne sont pas des choses importantes et elles ne touchent en rien à la guerre... Je vais te laisser te coucher."

[Voyageuse]

Astrée lui sourit en retour.
"Je sais que ce n'est pas aussi important que la guerre".
Mais ça faisait du bien, aussi, de parler de choses non importantes, pour sortir un peu de ce drame. Elle s'approcha de lui, posa doucement une main sur son épaule avec un sourire amical, un peu mutin.
"Et je vois bien que tu ne leur ressemble pas tout à fait. Mais moi, en tout cas, je sais que ça ne portes pas malheur de te toucher !"
Il était différent aussi dans d'autres domaines. Dans ce qu'il disait. Il ne faisait pas tout à fait partie de la harde, tout en étant l'élément identifiant, le garant de sa mémoire. C'était tellement bizarre...
Elle étouffa un bâillement.
"Bonne nuit, Neffen. Et merci pour ces discussions intéressantes. Peut-être qu'on en aura d'autres, à l'occasion... "
Hum... Était-ce bien raisonnable de souhaiter cela ?

[Galathée]

" Bonne nuit Astrée." répondit-il avec un sourire incertain.
Il ne bougea pas tandis qu'elle se retirait derrière le paroi de toile qui protégeait sa couche. C'est seulement lorsqu'elle l'eut rabaissée qu'elle l'entendit pousser un bref soupir, puis s'affairer autour du feu. Elle devinait, cependant, qu'il essayait de faire le moins de bruit possible, pour ne pas déranger son repos.

[Voyageuse]

Astrée sentait Neffen soucieux. Rude rôle que le sien. Beaucoup de poids sur ses épaules... Il devait s'angoisser, lui aussi, de la suite.
Bien à l'abri derrière sa tenture, elle laissa divaguer un moment ses pensées. Guère optimistes.
Etait-il possible que les centaures et les humains cohabitent à nouveau ? Peu probable. Etait-il possible que les humains acceptent de quitter leur village ? Peu probable. Etait-il possible d'éviter une guerre qui tournerait au massacre ? Peu probable. Elle soupira. La solution la plus équitable, si la cohabitation n'était pas possible, était que les villageois partent. Jamais ils n'accepteraient. On allait vers une guerre, à nouveau. Vers des massacres, peut-être. En tout cas beaucoup de morts de tous les côtés. Et que pouvait-elle faire pour empêcher cela ? Rien, sans doute. Et puis, une humaine ne pouvait deviner ce qui était le meilleur pour la harde. Et puis... jusqu'où pouvait-elle trahir son propre peuple ? Un humain qui trahissait les siens pouvait-il encore se considérer comme un humain ? Non, sans doute, si cela tournait au massacre. Elle devait essayer d'empêcher que tout cela vire trop mal. Elle ne savait plus... Elle voulait juste le moins de morts possibles... Sauver ce qui pouvait l'être. Trouver ce qui était le moins injuste.
Heureusement, les plantes firent leur effet, peu à peu. Elle eut un moment la sensation d'avancer en équilibre sur un fil, de plus en plus fin, de plus en plus instable... un équilibre impossible à tenir. Elle se sentit chuter. Et s'endormit.

[Galathée]

Elle s'éveilla bien tranquillement sous ses fourrures, dans la lumière tamisée du petit matin, au son des bruits de la forêt. La tente était parfaitement silencieuse, elle n'y perçut nul mouvement, nulle respiration, signe que Neffen devait être sorti. Elle n'avait aucun souvenir d'avoir rêvé, et se sentait plutôt bien reposée. Les murmures de la harde lui parvinrent quelques minutes plus tard, distants, ainsi qu'une odeur plutôt forte de pommes cuites et de cannelle.
Puis elle entendit des voix toutes proches.
" On la réveille ?
— On ne sait même pas de quel côté elle dort.
— On peut faire le tour de la tente en murmurant son nom.
— Tu vas lui faire peur, pauvre chérie."

[Voyageuse]

Astrée sourit. C'était bien agréable de se réveiller en entendant des voies amies. Et finalement, ce n'était pas une mauvaise chose que Neffen soit sorti : cela lui éviterait toute tentation de se lancer dans une discussion qui risquait de s'avérer aussi désespérante que celle de la veille. C'était nécessaire, sans doute, mais elle préférait aujourd'hui garder son énergie aussi intacte que possible pour rendre visite à Byron.
"J'arrive !" lança-t-elle à voix haute à l'adresse des deux "grands-mères".
Si elle les avais comprises, cela signifiait qu'elles s'étaient exprimées en langage commun. Donc, sans doute, elles s'attendaient à ce qu'elle les entende. Ou alors Neffen lui avait lancé un sort à son insu... Non, il n'aurait pas fait ça.
Elle senti son estomac gronder. Elle avait faim, et ça sentait bon aux alentours. Elle s'habilla rapidement et sortit à la rencontre des deux centaures.

[Galathée]

Les deux centaures se tenaient devant l'entrée, à une distance respectueuse cependant, et elles sourirent en la voyant sortir. Dymphéa l'étreignit pour la saluer, tandis que Leanne en faisait le tour, pensive.
" Elle a l'air en un seul morceau, dit-elle.
— Très bien ! Dans ce cas, allons petit déjeuner."
Cette fois, elles entraînèrent Astrée vers la pierre dressée et la rôdeuse vit que des petits groupes de centaures s'y étaient installés, mixtes, cette fois, à droite à gauche. L'ensemble de la harde n'était pas présent, cependant. Un grand chaudron trônait au milieu de cette organisation disparate, dégageant les effluves délicieuses qu'Astrée avait perçues plus tôt. Leanne allait leur servir des bols pendant que Dymphéa s'installait dans l'herbe et faisait signe à la jeune femme de l'imiter. Des regards noirs les frôlèrent, comme toujours.

[Voyageuse]

L'étreinte de Dymphéa lui fit chaud au coeur, et la réaction de Leanne amusa la rôdeuse. Mais elle eut un léger pincement au cœur en songeant à la solitude perpétuelle du shaman. On aurait presque dit... un pestiféré. Était-ce une simple marque de respect en réalité ?
Suivant les deux femmes, elle s'efforçait d'ignorer les regards noirs, sans y parvenir aussi bien que la veille. L'atmosphère lui pesait, davantage encore depuis qu'elle avait discuté avec Neffen. La situation lui paraissait plus inextricable que jamais. Elle doutait de plus en plus de pouvoir faire quoi que ce soit d'utile... et ne savait plus trop ce qu'elle espérait faire d'ailleurs. Et si le peu qu'elle allait tenter amenait plus de mal que de bien ?
Elle s'installa silencieusement près de Dymphéa, perdue dans ses pensées. Elle aurait voulu lui parler de ce qui la tracassait, mais ne savait ni comment aborder le sujet, ni même ce qu'elle voulait lui dire exactement. Et puis la centaure avait déjà bien assez de souci avec Byron prisonnier. Non, il aurait mieux valu qu'elle puisse parler à quelqu'un... d'extérieur à tout ça. Neffen l'était, en quelque sorte, mais il ne faisait que la plonger dans des abîmes de doutes. Et il n'y avait personne d'autre.
"J'ai survécu", finit-elle par dire avec un sourire, pour briser le silence. Mais son ton n'était pas aussi léger qu'elle l'aurait voulu.

[Galathée]

" Il est bizarre mais pas méchant, dit Dymphéa. Nous n'avions pas vraiment peur."
Leanne revenait déjà avec trois écuelles qui semblaient contenir une sorte de gruau de pommes et d'avoine. Elle avait essayé d'en mettre une quantité raisonnable pour Astrée, mais c'était déjà bien trop. Elle se coucha à leurs côtés.
" Bon, malheureusement ça grommelle du côté des guerriers, dit la prêtresse. Ils s'inquiètent de ce qu'Astrée sait de la position du campement de la harde et du risque qu'elle le révèle aux humains.
— C'est ridicule.
— Mais c'est le cas."

[Voyageuse]

Cela n'avait rien de surprenant... Astrée grimaça.
"Je comprends qu'ils se méfient puisque je suis humaine... Ce n'est qu'une fois que je serai de retour avec Byron qu'ils auront confiance. Et encore, ce n'est pas certain."
Elle avala un peu du gruau aux pommes. Un peu étrange. Mais pas mauvais.
Il faudrait au minimum qu'elle libère tous les centaures de Montequine pour qu'ils lui fassent confiance.... Et encore !
Elle réprima un soupir.
"J'espère tout de même qu'ils me laisseront partir... J'ai promis à Byron d'être là..."

[Galathée]

" Nous n'allons pas leur en laisser la possibilité, fit calmement Leanne. Mais je pense qu'il serait bon que tu ne t'éternises pas.
— C'est dommage que Neffen se soit justement volatilisé... Mais c'est typique.
— Il ne faut pas qu'ils pensent que nous doutons de leurs intentions, voilà tout. Une fois que tu as avalé ton petit déjeuner, tu rassembles tes affaires, tu sors par derrière et tu files..."

[Voyageuse]

Astrée soupira. L'absence de Neffen, étrangement, ne la surprenait pas. Un peu comme s'il voulait la laisser seule face à ses responsabilités... ou ne pas prendre parti, ni pour ni contre, devant la harde ?
"D'accord, c'est ce que je vais faire... Et est-ce que je repars par le même itinéraire que celui que j'ai pris à l'aller ou bien est-ce qu'il y en a un plus court ? D'un autre côté, ce n'est pas un itinéraire fait pour les centaures donc il est sans doute plus sûr."
Partir comme une voleuse ne l'enchantait pas spécialement. Elle aurait aimé parler un peu, encore, à Dymphéa. Mais elle le ferait au retour. Peut-être auraient-ils davantage confiance alors... Pas sûr cependant.

[Galathée]

" Quel chemin as-tu emprunté pour venir ? demanda Leanne.
— Le chemin de la rivière, répondit Dymphéa.
— Hum. Je pense que tu gagnerais du temps et de l'énergie, en passant par la pinède, dit la prêtresse.
— Je pense aussi. Byron t'a indiqué un chemin discret, au cas où tu serais prise en chasse, mais ce n'est plus nécessaire. Je te l'indiquerai une fois que tu seras prête. Le soleil te suffira pour te guider. Dépêchons-nous."
Et ils continuèrent à manger sans rien ajouter.

[Voyageuse]

"Je ferai attention à ne pas laisser de trace. Rien qui puisse leur permettre de remonter jusqu'ici..."
Mais il valait mieux ne pas s'éterniser en effet. Elle avala rapidement sa part du gruau aux pommes, ou du moins une bonne moitié de son assiette.
"Je vais aller préparer mes affaires, si ça ne vous dérange pas de vous occuper de la vaisselle... Ah, pendant que j'y pense... J'aurais bien voulu emmener quelques provisions pour Byron, je ne sais pas si vous pouvez en prendre un peu en cuisine. Sinon, je trouverai bien un gibier quelconque une fois dans les bois."
Elle sourit. Un sourire un peu anxieux tout de même. Elle courait le risque d'être prise, bien sûr, mais surtout, elle craignait de ne pas réussir à faire évader Byron.
"En tout cas, merci à toutes les deux pour votre aide. On se retrouve juste derrière la tente de Neffen ? Dans une dizaine de minutes ?"

[Galathée]

" C'est parfait, dit Dymphéa. Et surtout... pas de mine de conspiratrice, et pas d'air pressé... Il ne faut pas qu'ils aient la puce à l'oreille !"
Leanne continua à manger comme si de rien n'était, tandis que la centaure blanche prenait l'assiette d'Astrée pour la glisser sous la sienne.
" Je trouverai quelques provisions. De la viande lui fera assurément du bien."
Ensuite, elle se leva, et partit vers la tente de vie, dans le sillage d'un autre centaure, mine de rien.

[Voyageuse]

Astrée resta assise encore quelques instants, l'air tranquille, avant de se lever à son tour et de saluer la centaure blanche.
"A bientôt, Leanne... Et merci !"
Elle se dirigea vers la tente de Neffen, sans se presser, sans même regarder alentours si on l'observait, laissant glisser sur elle les regards noirs. Son sac serait vite prêt : elle n'avait pas déballé grand-chose de ses affaires hier, sachant qu'elle repartirait le lendemain. Elle se demanda un instant s'il ne valait pas mieux en laisser une partie ici. Son gros sac n'était pas très discret. Mais si jamais, pour une raison ou une autre, elle devait prolonger son absence, son matériel lui manquerait... Et puis son sac n'était pas si lourd, elle l'avait déjà allégé au maximum avant de fuir Montequine. Elle attendrait le dernier moment pour sortir, désireuse de ne pas attirer l'attention en attendant trop longtemps avec son sac.

[Galathée]

Il ne lui fallut pas attendre très longtemps avant d'entendre craquer les feuilles mortes derrière la toile de la tente. Elle y retrouva Dymphéa, chargée d'un petit sac de toile.
" Voilà, j'ai mis juste de la viande séchée, je pense que ça lui suffira. Quelques jours de jeune, ça n'abat pas un homme de sa taille."
Elle eut un léger sourire, très furtif.
" Viens, nous allons passer par les bois pour rejoindre la piste de la pinède. C'est un chemin plus direct, qui te mènera tout à l'ouest de Montequine, mais il est moins fatiguant que celui de la rivière, tu verras. Marchons tranquillement, cependant. Nous sommes encore tout près de la harde et nous risquons de croiser du monde en forêt, ne fut-ce que les ramasseurs de bois ou de champignons..."

[Voyageuse]

Astrée acquiesça.
"De toute façon, rien ne presse, j'ai toute la journée devant moi... Et on a bien le droit de faire une petite promenade en bavardant."
En parlant de champignons, elle se demandait ce que Neffen avait continué à bricoler le soir, une fois qu'elle était couchée ? Encore ces champignons à cuisiner ? Pour s'ouvrir... à ceux qui l'avaient précédé ? Bon, cela ne la concernait en rien de toute façon.
Ses pensées, bien vite, revinrent à la guerre. Et à sa mission du soir.
"J'espère que Byron arrivera à fuir. Je ne sais pas encore comment je pourrai l'aider exactement. Neffen m'a dit qu'il était beaucoup plus rapide que n'importe quel centaure, donc son plan a de bonnes chances de fonctionner. A condition qu'il ait réussi à gagner la confiance des humains pour qu'ils le laissent sortir. Mais sinon... je trouverai un autre moyen."
Elle avait peur, aussi, des conséquences qui s'ensuivraient. Surtout depuis sa discussion d'hier soir. Neffen avait dit que les décisions prises pourraient la révolter. Et pourtant... elle devait libérer Byron.

[Galathée]

Dymphéa acquiesça.
" J'imagine que le plus difficile pour lui sera d'échapper à leur vigilance. Il a beau être rapide, s'il est entravé d'une quelconque manière, il sera très diminué... L'équilibre d'un centaure n'est pas aussi facile à conserver qu'on le croit, une fois qu'il est au galop... C'est un art qui doit se développer en même temps que la musculature..."
Elle invita Astrée à descendre doucement une pente couverte de fougères, vers un petit ruisseau qui glougloutait en contrebas.
" Sans compter la précision d'un carreau d'arbalète ou d'une flèche... La course est sa seule défense, ce n'est pas un guerrier. Bon, il est vrai qu'un centaure peut toujours user de son poids..."
Elle s'immobilisa soudain et se tourna vers Astrée, puis décrocha une besace de son côté et l'ouvrit. Elle en sortit un vêtement replié, bleu gris, et le tendit à la jeune femme.
" J'imagine qu'il est nu, dit-elle alors, les yeux baissés. Si tu parviens à le libérer... S'il parvient à s'enfuir... Il ne voudra pas retrouver la harde dans... dans l'état dans lequel les humains l'ont mis. Alors si tu pouvais lui donner ça... Je t'en serais très reconnaissante."

[Voyageuse]

"Bien sûr !"
Elle prit le vêtement et le rangea dans son sac.
"Je n'avais pas pensé à te le demander... Je comptais lui donner une couverture, mais ce n'est pas pareil, c'est sûr."
Elle sourit avec douceur.
"Je vais réussir à le sortir de là... je verrai si je peux faire une diversion, je ne sais pas comment. Il y a six sentinelles dehors. Je peux aussi tirer quelques flèches pour les dissuader de le poursuivre. Je verrai, ça dépend à quelle distance des bois il se trouve."
Difficile de faire des plans alors qu'elle ne savait absolument pas de quel endroit exact il allait s'enfuir. Pourvu qu'ils lui détachent les bras, qu'il puisse garder son équilibre...
Elle soupira.
"J'appréhende ce qui va se passer ensuite, lorsqu'il apportera la parole de Sheldon. Peut-être qu'il pourrait lui parler, le faire changer d'avis au sujet des orques, mais ça me semble difficile. Et je ne pense pas que ce soit une bonne chose... "
Elle grimaça.
"Mais je sais bien que je n'ai aucun moyen d'empêcher ça. Mon avis n'aura aucun poids. Et la situation est tellement complexe... Je n'arrive pas à avoir un avis tranché sur ce ce qu'il faudrait faire. Peut-être parce que ça m'est encore difficile de bien appréhender tout ça. Ou, comme le dit Neffen, parce qu'il n'y a pas de bonne solution."

[Galathée]

Dymphéa secoua la tête en pinçant les lèvres.
" J'imagine que trouver la bonne solution, ou la moins pire, passe par faire la liste des choses sur lesquelles nous n'imaginons pas de transiger. Mais même là, nous ne sommes pas d'accord... Je crois qu'il n'y a aucun point sur lequel nous pourrions tous nous retrouver. C'est ça qui est terrible. Et en cela... la harde n'existe déjà plus, Leanne a raison. Cette situation extrême a déchiré les liens serrés qui soutenaient notre communauté. L'échec de Sheldon, ce n'est pas d'avoir vu des dizaines des nôtres disparaître, c'est de ne pas avoir su préserver notre esprit commun au travers de l'épreuve."
Elle haussa les épaules.
" Mais c'est un garçon très jeune, comme Byron, comme Neffen. En cela, nous sommes mal servis. Ils sont courageux et pleins d'énergie, mais il leur manque, ah... le recul, simplement."

[Voyageuse]

"Oui, sans doute qu'ils sont trop jeunes... J'imagine que quelques mauvais choix ont été faits, et que Sheldon n'a pas su apaiser les tensions qui naissent forcément en temps de crise. Je ne crois pas qu'il soit d'un caractère conciliant... mais tu vas me dire que ce n'est pas son rôle. "
Elle grimaça.
"Et je ne sais pas si dans ton peuple on écoute les conseils des anciens... Sans doute un peu comme chez nous, pas assez : les jeunes parlent fort et croient savoir, et foncent dans la direction qu'ils ont choisie. Enfin, peut-être pas Neffen : il comprend la complexité de la situation... mais son rôle n'est pas d'agir. Mais aujourd'hui, même Leanne et toi, qui êtes les plus anciennes, vous n'êtes pas d'accord sur ce qu'il faut faire, donc vous ne pourriez même pas conseiller efficacement les plus jeunes."
Comment elle, simple humaine, pourrait-elle avoir une idée claire de ce qui était le mieux pour la harde, alors que les centaures eux-mêmes n'étaient pas d'accord sur le sujet ? D'autant qu'elle souhaitait également préserver le maximum de vies... dans les deux camps. Ce qui influençait sa perception des choses. Etait-il possible de sauver la harde sans bain de sang ?
"Et moi qui aimerais vous aider, j'ai peur de ne faire qu'aggraver les choses en tentant d'agir. Ma perception des choses est certainement faussée, je ne suis pas une centaure. Et mes priorités ne sont pas forcément les vôtres puisque j'aimerais qu'il y ait le moins de violence et de morts possibles. Et donc... je ne sais pas si c'est une bonne idée que je me mêle de votre guerre, si ça ne sera pas pire. Mais puisque le hasard m'a conduite ici et m'a fait connaître Byron, je sais que je dois, au minimum, l'aider à s'évader. Je ne sais pas si je pourrai utile à quoi que ce soit d'autre ensuite. Et pourtant j'aimerais, sincèrement..."
Est-ce qu'elle pourrait, peut-être, intercéder auprès des villageois, négocier ? Est-ce que la menace d'une nouvelle guerre contre les orques pourrait les faire plier ? Rien n'était moins sûr.
Elle haussa les épaules et sourit -un peu tristement- à Dymphéa. Neffen avait beau lui dire de ne pas se charger à ce point de ces préoccupations, elle ne pouvait s'empêcher de tourner le problème dans sa tête pour tenter de savoir quel rôle elle pouvait ou devait ou ne devait pas y jouer. Elle devinait que Dymphéa ne pourrait pas la conseiller, peut-être moins que le shaman encore. Mais elle avait besoin de dire ses doutes à voix haute.
"Bon, je ferais mieux de me concentrer sur ma priorité du jour j'imagine..."