[Lieu-dit] Le parc verdoyant de Lumenis

[Voyageuse]

Astrée se rendit immédiatement compte du changement d'humeur de son compagnon. Elle tenta de plaisanter :
- Voyons, ne te met pas dans cet état ! Il ne peut pas être aussi séduisant que toi, c'est impossible, tu n'as donc rien à craindre de sa concurrence!
Avec douceur, elle lui prit la main, se sachant plus douée pour la tendresse que pour la plaisanterie.
- Et puis ce n'est peut-être pas le même que l'autre fois... Tu sais, aux yeux des humains, tous les elfes de lune et demi-elfes se ressemblent un peu...

[Kasumi]

Kasumi retrouva le sourire suite à la plaisanterie et au geste tendre d'Astrée. Cependant, il ne pouvait pas se sortir cette affaire de la tête. Il lui faudrait en avoir le cœur net. Tout en gardant la main tendue dans la sienne, il répondit d'un ton apaisé :

- Ça fait tout de même trop de coïncidence pour être une simple méprise. Mais on sera fixé tout à l'heure. Enfin, si tu veux bien m'accompagner là-bas.

[Voyageuse]

Astrée acquiesça de la tête. Elle voyait bien qu'il était préoccupé, et qu'il n'aurait pas retrouvé la sérénité tant qu'il n'aurait pas éclairci cette étrange coïncidence. Elle le comprenait. Avoir été jeté en prison à la place d'un autre, accusé d'avoir kidnappé une jeune fille, cela n'avait certes rien d'agréable...
- On peut y aller tout de suite si tu veux... Ou bien cet après-midi si tu veux d'abord faire quelques courses ou prendre un bon repas ?
Rassemblant ses souvenirs de la mésaventure, elle se souvint tout à coup qu'ils devaient encore une petite amende, qui devait être doublée ou remplacée par une peine de prison s'ils ne payaient pas dans les quatre mois... Il faudrait qu'ils s'occupent de transmettre la somme là-bas. Mais elle préféra ne pas troubler davantage son compagnon en lui rappelant la chose.

HRP : tu peux poster sur l'esplanade si tu veux, ou ici si tu veux poursuivre la conversation

[Kasumi]

Kasumi était rassuré de voir que sa compagne comprenait sa gêne et son impatience à résoudre cette affaire qui le tracassait. Toutefois, la matinée était trop belle pour la gâcher en se rendant tout de suite aux quais. Le demi-elfe proposa donc de couper la poire en deux :

- Je ne suis pas contre un bon repas dans un des bons restaurants de l'esplanade. Nous serons sur place pour nous rendre au cirque juste après. D'ici là, je veux bien faire quelques courses mais à la seule condition de pouvoir t'offrir un petit quelque chose. Cela fait des semaines sinon des mois que je ne t'ai pas fait de cadeau !

[Voyageuse]

Astrée sourit.
- Oh, c'est vraiment trop gentil à toi... mais tu sais, je n'ai besoin de rien, je suis déjà comblée ! Vraiment, je ne vois pas du tout ce que je pourrais désirer de plus qu'une balade tranquille dans ce parc avec toi...

[Kasumi]

Ainsi fut-il donc fait : les rôdeurs flânèrent sans but apparent sinon que de se détendre après les semaines passées en mer et avant cela, de celles à côtoyer les dangers sans cesse inattendus de l'Île Mouvante. Le rôdeur préleva tout de même sur un massif particulièrement bien fourni une fleur odorante et colorée qu'il piqua avec malice dans la chevelure de sa compagne :

- Voilà, ça te fait tout de même un cadeau bien que cette fleur ne soient pas aussi joli que toi et ne sente pas aussi bon.

L'heure du déjeuner approchait et Kasumi se dirigea tout naturellement en direction de l'esplanade commerçante où il savait trouver quelques petits restaurants valant le détour.

[Voyageuse]

Quête : chercheurs de sens

L'après midi avait filé plus rapidement que prévu, et le crépuscule s'annonçait lorsque Sylveneige et son guide, le mystérieux Gwaric, pénétrèrent dans le parc verdoyant. L'homme n'avait pas prononcé un mot de tout le trajet depuis la taverne, ignorant quasiment sa jeune compagne. Il avait marché d'un bon pas, ne semblant se soucier de rien. ce n'est qu'une fois dans le parc, alors que l'obscurité grandissait peu à peu, qu'il ralentit le pas.
- Vous devez vous demander pourquoi je vous amène ici. Et bien, mon premier objectif, voyez-vous, c'est de vérifier si nous sommes suivis... Si c'est le cas, vous devriez très bientôt entendre un bruit de combat juste derrière nous...
Il la fixa droit dans les yeux, guettant sa réaction.

[Féérune]

Sylveneige avait marché légèrement en retrait de son guide, plongée dans ses pensées. Elle espérait avoir l'occasion de revoir Streen très prochainement - en fait dès le lendemain, puisqu'elle comptait bien chanter à la taverne. Mais l'idée de Streen, comme quoi il serait bien possible qu'elle ait à quitter la ville rapidement, l'inquiétait.
Que ferait-elle, si elle ne pouvait pas honorer ce petit contrat susceptible de lui mettre le pied à l'étrier ? Et elle n'avait pas eu le temps de payer dame Poikarea. Elle espéra que Streen, ou peut-être Marvin prévienne l'aubergiste et que cette dernière ne se décide pas à vendre ses biens pour payer la chambre.

Elle sursauta quand Gwaric lui adressa la parole.

- Ah ! oui ! enfin, de l'action ! rien ne pouvait me faire plus plaisir !

[Voyageuse]

L'homme eût un sourire qui n'atteignit pas ses yeux : seules ses lèvres s'étirèrent en une mince ligne. Son regard paraissait d'un calme et d'une froideur inébranlables.
- Voyez-vous, nous avons la certitude depuis quelques jours d'être surveillés. Nous n'avons rien remarqué de spécial ce soir... mais si notre espion d'avant-hier est par là, il a dû être bien en peine de décider lequel de nous deux il devait prendre en filature. S'il m'a choisi... et bien il sera mort dans... oh... disons une minute.
Il était difficile de savoir s'il faisait allusion à Jolan, ou s'il prêchait le faux pour savoir le vrai, suspectant la rôdeuse d'être de mèche avec un éventuel espion imaginaire qui les aurait pris en chasse.
Toujours est-il qu'une minute passa, puis deux, sans qu'aucun bruit ne se fasse entendre. Le présumé sharite haussa les épaules.
- Raté pour cette fois... mais peu importe. Nous pouvons poursuivre sans crainte. Dites-moi donc, dame Sylveneige, je me demandais... pourriez-vous m'en dire plus sur la façon dont vous avez connu ce... Streen ?

[Féérune]

L'espace d'un instant, Sylveneige envisagea de faire de Streen un ami de Martin. Martin qui n'était certes plus en état de confirmer ou d'infirmer les mensonges de l'elfe. Mais si les deux frères l'avaient connu, elle était grillée d'emblée.

La rôdeuse pensa que l'affirmation la plus simple serait une demi-vérité. C'était parti.

- Je loge à l'auberge de l'Ombre de l'Arbre, et lui aussi. Nous avons sympathisé, en prenant nos repas ensemble. Lui non plus ne connaît pas Lumenis, donc nous nous sommes baladés dans la ville.

Sylveneige soupira et ajouta :

- Ce n'est pas un gars bien malin, mais il est costaud et sait se bagarrer. Nous avions eu une petite altercation sur la plage, avec des adolescents mal dégrossis et leurs copains adultes (enfin, si peu adultes, en fait...).

Elle rit.

- Ils embêtaient une jeune fille, nous avons pris un malin plaisir à leur casser la baraque... C'était plutôt lâche, de s'en prendre à une petite sans défense... Moi, les lâches, j'adore les énerver. Pas vous ?

[Voyageuse]

Quête : Chercheurs de sens - à Luménis

L'homme haussa les épaules.
- Lâcheté ou courage... Seuls les paladins vantent constamment le second et honnissent le premier. Une fois mort, qui donc se souciera que ça ait été en héros ou en lâche ? Ce n'est ni le courage ni la lâcheté qui garantissent la survie. C'est la force... et l'intelligence. La capacité à manipuler les autres pour arriver à ses fins. Et la volonté de n'avoir aucune faiblesse, donc pour de ne s'attacher à rien. Tout en vain en ce monde...
Autour d'eux, la nuit tombait petit à petit.
- Mais donc, vous ne le connaissez pas depuis très longtemps. C'est bien ce qu'il me semblait. Et il ne vous est jamais arrivé de vous dire... que peut-être il n'est pas celui qu'il prétend ? Que ses motivations et son soi-disant désespoir sont... disons... un peu factices ?

[Féérune]

- Ah bon ? Non, pas vraiment... Cet homme est ce qu'il est, ni plus ni moins... Franchement, quelle importance ? C'est un beau garçon, il serait un peu moins prude je serais probablement allée un peu plus loin avec lui...

Sylveneige rit.

- Lâcheté et courage, des mots de paladins ? Peut-être, mais je ne mettais aucun jugement dans ce que je disais ; simplement, c'est toujours drôle de jouer un mauvais tour à des types qui font acte de lâcheté, parce qu'ils sont tellement sûrs de leur sale coup qu'ils sont terriblement déçus quand ça rate ! et c'est ça qui me fait rire ! ma façon de détruire, c'est plutôt celle-là... Et c'est tellement comique de décevoir des brutes...

Elle reprit son sérieux.

- Mais je comprends tout à fait qu'on ait d'autres façons de concevoir la destruction. La mienne me paraît assez fine, j'avoue.

[Voyageuse]

- Vous êtes dans l'interaction, dans la relation à l'autre... Ce n'est pas ainsi que je conçois la destruction. Pour moi, elle doit mener au néant... Bon, peut-être, en cherchant bien, puis-je trouver un peu de cruauté dans cette envie de les ridiculiser... Un bon début. Mais le ridicule ne me satisfait pas personnellement. Ce n'est pas assez... radical.
Il la fixa d'un regard intense.
- Et pour en revenir à votre... ami... Alors, c'est juste parce que vous le trouvez beau garçon... Et vous ne vous êtes jamais dit que peut-être, il avait pu vouloir vous séduire à dessein ? Par exemple, parce qu'il a besoin d'une partenaire féminine pour espionner à sa place, sans même le savoir, certaines personnes... ?

[Féérune]

Sylveneige frémit.

- Non. Je ne crois pas. Celui qui a tenté de me séduire, pour me tromper... Pour se servir de moi de façon éhontée, c'est Martin.

L'elfe réfléchit un instant.

- Pourrait-il être le complice de Martin ? Alors même que c'est lui qui... Oh !

Elle sortit pensivement son joli mouchoir ourlé de dentelle et le tritura dangereusement. Mais si le tissu en était fin, il était également solide et résista.

Bon sang, ce type cherchait à lui tirer les vers du nez. Sylveneige ne le craignait qu'à moitié, mais la situation n'était pas vraiment agréable.

... En y réfléchissant davantage, il y avait toujours moyen de se sortir d'un mauvais pas. La rôdeuse sourit largement, dévoilant jusqu'à de charmantes mais féroces prémolaires.

- Mais vous-même, Gwaric, comment en êtes-vous venu à l'adoration d'un dieu destructeur ?

[Voyageuse]

- Oh, comme beaucoup de monde j'imagine... lorsque toute votre vie est détruite par les aléas de l'existence, il ne reste guère qu'à accepter le néant. Je devrais sans doute remercier Beshaba de m'en avoir fait découvrir un jour la puissance... Mais je ne laisse désormais plus la moindre place au hasard, bon ou mauvais, dans ma vie.
Il sourit calmement et jeta un coup d'oeil aux dernières lueurs du crépuscule qui rougissaient l'horizon.
- D'ailleurs, ajouta-t-il sans la moindre émotion dans la voix, à cette heure-ci, je n'ai plus à me préoccuper que votre compagnon soit ou non un espion lathandrite. Il est mort désormais...

[Féérune]

Sylveneige, qui écoutait distraitement Gwaric, le regard fixé sur le magnifique crépuscule qui jetait ses derniers feux sur la ville, sursauta.

- Mort ?

Elle reprit avec quelque difficulté son sang-froid.

- Tué ? Pourquoi donc ? Et comment pouvez-vous en être si sûr ? Tuer un naïf, vous ne pensez pas que c'est une perte d'énergie, que cela n'a pas de sens ?

Froidement elle toisa l'homme.

- Si vous avez fait cela, c'est une erreur. Une très grossière erreur. Une erreur, parce que c'est un homme éminemment utile pour une secte, un personnage candide certes, mais un costaud. Et les costauds, on en a toujours besoin.

Les pensées de la rôdeuse tournaient en un maelstrom dans sa tête. Streen, mort ? Ce n'était pas possible. Bien sûr, Gwaric mentait, Gwaric tentait ce qu'il pouvait pour la briser, Gwaric la manipulait. Il fallait garder la tête froide, ne pas se laisser aller à la haine qu'elle ressentait désormais pour lui.

Elle s'approcha de lui et posa sa main glacée sur son poignet, dardant ses yeux dans les siens.

- Vous faites donc de telles erreurs ? Dans ce cas, je me demande bien si je dois encore vous suivre.

[Voyageuse]

Un sourire froid apparut sur le visage de l'homme. Et son regard se fit dur.
- Un homme qui clame haut et fort que ses parents en ont appelé à Lathandre pour le maudire, tout ça dans le seul but d'attirer notre attention, est très clairement un menteur et un espion. Et ses affirmations, ensuite, n'ont fait que confirmer cette intuition. Il en savait trop pour quelqu'un qui soi-disant nous croisait par hasard. La seule hésitation que nous avions, c'était vous concernant. Nous étions prêts à vous laisser le bénéfice du doute... Mais en parlant d'erreur, vous venez d'en faire une belle à votre tour...
Il la regarda dans les yeux avec un rictus cruel.
- Qui vous a parlé... de secte ? Je ne me suis présenté que comme simple prêtre...

[Féérune]

- Vous appelez erreur le fait de qualifier les suivants d'un dieu de secte ? mais point du tout, ce n'est que de la pure logique.

Sylveneige s'adossa à un arbre et s'apprêta à donner une démonstration logique exemplaire.

- Un, vous avancez masqué, sans insister sur vos idées mais en mentionnant un dieu de destruction ; deux, votre frère et vous-même vous êtes présentés comme prêtres, sans mentionner de lieu de culte ; trois, les prêtres sans ouailles sont dans leur quasi-totalité des ermites, que par définition on ne trouve pas dans les villes ; quatre, vous avez suggéré des actions contre le temple de Lathandre ce qui implique une certaine clandestinité ; cinq, votre façon détournée d'attirer des adeptes révèle davantage un mouvement secret plutôt qu'un culte ayant pignon sur rue... Je peux m'arrêter là, qu'en pensez-vous ?

L'elfe battit des cils avec une lenteur admirable.

[Voyageuse]

Le prêtre répondit calmement. Froidement.
- Vous extrapolez trop, à partir de trop peu d'informations. Cela vous jouera des tours tôt ou tard. Par exemple, je n'ai jamais dit que mon frère était prêtre, et il ne se présente jamais comme tel... Certes, il l'est, mais depuis peu, il n'a longtemps été qu'un simple fidèle, et c'est avant tout un guerrier. J'ai dit que je croyais en un Dieu de destruction, je n'ai jamais dit qu'il y avait d'autres croyants à mes côtés. Car contrairement à ce que vous imaginez, les prêtres ne vivent pas tous dans des temples. Je suis un simple prêtre itinérant, voyez-vous. Bien sûr, si je sens qu'une personne pourrait être intéressée par la voie que je suis, je prends contact, comme tout prêtre servant n'importe quel Dieu. Et comme tout prêtre d'un Dieu opposé à Lathandre, j'évite de clamer mon obédience dans une cité si clairement affiliée à un dieu ennemi. Ne croyez-vous pas que ce soit normal ? Mon Dieu prône la discrétion, le secret... Clamer à tous les vents ses croyances, c'est bon pour les lathandrites qui se croient probablement immortels; seul le secret protège...
Il haussa les épaules.
- Quoiqu'il en soit, j'hésite de plus en plus à vous en dire plus que ce que vous ne savez déjà. Il y a trop de flou. Mon église a trop d'ennemis par ici pour que je prenne le moindre risque. Je vous sens animée avant tout par la curiosité. Je ne crois pas que vous ayez réellement besoin de mon Dieu, ni qu'il puisse vous apporter quoi que ce soit. Vous vous apprêtez à chanter à la taverne si j'ai bien compris ? Vous êtes donc du côté de ceux qui aiment créer, pas de ceux qui veulent détruire...

[Féérune]

- J'ai naturellement pensé que votre frère était également prêtre, parce que vous étiez ensemble... C'est idiot, je le reconnais.

Sylveneige sourit faiblement.

- Vous savez, je dois créer et chanter pour une raison simple : j'ai besoin d'argent. Et chanter le soir dans une taverne me laisse la journée de libre pour faire ce que j'ai envie... Si je devais faire autre chose, ce serait certainement beaucoup plus contraignant.

L'elfe soupira.

- Ah évidemment, si vous me proposez quelque chose qui me permette de ne pas travailler, ou encore moins... Mais hélas, je ne saurais pas vivre d'amour et d'eau fraîche ! pour tout vous dire, logeant à l'auberge, j'ai une chambre à régler. Accessoirement, ce peut être une parfaite couverture, chanter... Et on apprend tant de choses simplement en tendant l'oreille au bon moment...

[Voyageuse]

L'homme eût un sourire presque amusé... si on oubliait le fait que ses yeux ne souriaient pas.
- L'argent... c'est un bien piètre objectif, ne trouvez-vous pas ? Le pouvoir en est un autrement plus réjouissant... qui lui est souvent lié, certes, mais pas toujours dans le sens qu'on pourrait croire. Cela dit, vous n'avez pas tort sur un point : les bardes sont bien placés pour espionner nombre de secrets plus ou moins utiles...
Il planta brutalement son regard dans le sien.
- Mais je suis surpris, très surpris, que la mort de votre ami ne vous touche pas plus que ça. Ca me donne à songer que vous n'avez été, tout ce temps, que deux comédiens jouant un rôle...

[Féérune]

- La raison en réside encore dans la logique... Vous ne pouvez pas être certain qu'il est mort, ni blessé, ni même en danger, d'ailleurs.

Sylveneige soutenait le regard de Gwaric, mais son regard devint froid.

- Donc, si vous savez que mon compagnon est en danger de mort, c'est que vous en êtes indirectement responsable... Mais vous ne pouvez pas savoir qu'il est mort... Ni que votre frère ou les comparses qui l'ont mis en danger sont encore en vie !

L'elfe sourit légèrement, dents serrées.

- Et moi, qui connaît les capacités de mon compagnon, je peux vous affirmer qu'il s'est défendu comme un dragon... Et qu'il n'est pas sûr du tout que ses attaquants soient encore de ce monde.

Le sourire de Sylveneige se fit plus franc.

- Et enfin, s'il ne parvient pas à s'en sortir, c'est qu'il ne vaut pas la peine que nous nous soucions de lui, non ?

Oh boudiou, que c'est dur ! songeait la rôdeuse. Mais il faut bien tenter d'infiltrer cette fichue secte coûte que coûte !

[Voyageuse]

L'homme eût un sourire ironique.
- Et bien, il me semble clair que vous vénérez Tymora, peut-être sans même le savoir... Ou son équivalent elfique. Ce qui est plutôt logique pour une espèce de barde comme vous l'êtes. Parce que pour avoir tant de foi dans le fait que votre compagnon ait pu survivre... soit vous le considérez comme un surhomme, soit vous comptez sur sa chance. Je sais parfaitement qu'il n'est pas un surhomme, c'est donc la seconde option qui s'impose, à moins que vous ne soyez particulièrement naïve ou aveugle. Mais puisque vous croyez tant en la chance, je crains que vous ne soyez une très mauvaise recrue pour la déesse que je sers... Nous ne faisons jamais confiance à la chance. Nous ne croyons qu'en nos propres actions... Et j'ai un peu de mal à vous croire quand vous dites que s'il est mort c'est qu'il n'en valait pas la peine... après l'avoir tant défendu.

[Féérune]

- Tout se mérite, quand on est brave... Il est brave, du moins c'est ce qu'il m'a semblé... Et pourquoi ne pas défendre les forts, de temps en temps ? Vous serez de mon avis, les faibles ce n'est pas la peine...

Sylveneige étouffa un petit rire.

- Sauf pour décevoir des balourds ! comme la petite histoire que je vous ai narrée précédemment...

Elle reprit son sérieux.

- Ca me fait du bien de discuter avec vous... J'en ai oublié pas mal de soucis. Pour Tymora, je ne sais pas, pour tout vous avouer je ne suis aucune divinité... Pas trouvé celle qui convienne à mon ressenti... Pas vraiment cherché jusqu'à présent... C'est peut-être pour cela que je crois en la chance...

L'elfe lissa ses cheveux et cilla avec délicatesse.

- Qu'est-ce que la croyance ? Comment se manifeste t-elle ? Sujet purement philosophique, me direz-vous, mais croire en la chance ou croire en une divinité... Finalement c'est assez proche, comme sentiment... Mais quelque chose est intervenu dans ma vie, qui fait que j'ai besoin de m'appuyer sur autre chose que la chance... Quelque chose de plus sûr, de plus noble, de plus efficace enfin.

Soudain Sylveneige retint un tremblement, les larmes lui vinrent aux yeux.

- E-e-excusez-moi.

Elle sortit de nouveau son petit mouchoir au liséré de dentelle.

- Tout remonte, tout à coup... Savez-vous ce que c'est que s'être crue aimée, d'avoir follement aimé, puis se retrouver trahie... D'être obligée de se battre - et ce n'est pas une figure de style, c'est au sens propre du terme - contre celui qu'on aime encore, l'homme qui ne veut plus qu'une chose, vous tuer ?

L'elfe tamponna ses yeux.

- C'est mon compagnon qui m'a sauvée, seule je ne parvenais qu'à me défendre en parant les coups, mais je n'étais pas assez efficace pour attaquer... C'était un maître-lame, Martin... Ce compagnon dont vous me dites qu'il a été tué, j'espère qu'il ne l'a pas été et j'espère en même temps que si... Je l'admire pour m'avoir sauvée, je le hais pour avoir tué mon amour, même si Martin me menaçait... Je ne peux m'empêcher de penser que j'aurais pu peut-être le faire revenir à de bons sentiments à mon égard, qu'un miracle aurait pu avoir lieu...

Sylveneige pleurait.

- Bon sang, pourquoi avez-vous fait remonter tous ces souvenirs, tous ces regrets ?

La rôdeuse se laissa glisser à terre et s'assit, la tête entre les mains. Le petit mouchoir était trempé.

Ce n'est pas si difficile de se mettre dans tous ses états, pensa l'elfe, il suffit juste d'imaginer que Streen a vécu le pire... Bon sang de bois, ça ira mieux quand j'aurais la certitude qu'il s'en est sorti.

[Voyageuse]

- C'est bien confus tout ça, fit remarquer l'homme avec une légère ironie dans la voix. Donc si je comprends bien, ce... Streen... vous a sauvée en tuant votre ex-petit ami. Qui voulait vous tuer... et qu'en fait vous voulez le voir mort pour tirer un trait sur toute cette histoire, en un sens. Je vois...
Ils furent interrompus par des bruits de pas derrière eux. Sann venait de les rejoindre. Les deux hommes échangèrent un regard, le plus jeune fit un petit signe, l'aîné acquiesça d'un air dubitatif. Puis il se tourna vers Sylveneige.
- Et bien votre ami est béni de Tymora apparemment...
- Il est surtout un espion, et nous en avons maintenant la preuve.
- Il ne survivra pas bien longtemps, maintenant que nous connaissons son identité. Cela dit, vous qui dites vouloir le voir mort... vous allez certainement pouvoir nous y aider.

[Féérune]

Sylveneige les regarda en écarquillant les yeux. Incroyable, on pouvait donc être étonné sans ciller...

- Vous vous méprenez. J'ai dit que je ne suis pas sûre de mes sentiments à son égard : tantôt je me jetterais à son cou pour m'avoir sauvée, tantôt je le hais pour avoir tué Martin... Est-ce suffisant pour désirer sa mort ? Je ne crois pas.

L'elfe se reprenait petit à petit.

- Mais s'il vous a espionnés dans le but de vous nuire, s'il m'a lui aussi trompée en se servant de moi... Alors je suis d'accord avec vous, il mérite un châtiment.

La rôdeuse réfléchissait.

- La mort, c'est un peu radical... Mais monter une machination et le faire désigner comme coupable, histoire qu'il croupisse quelque temps en prison... Ca lui apprendrait qu'on ne se moque pas impunément de nous ! et qui sait, il pourrait revenir à de meilleurs sentiments à notre égard et nous servir enfin avec une fidélité renforcée par son petit séjour en geôle...

Sylveneige regarda pensivement Sann.

- Vous comprenez, un costaud pareil, c'est tout de même bien utile.

[Voyageuse]

Quête : Chercheurs de sens - Luménis

- Le "nous" n'est pas de mise, intervint froidement l'aîné des deux frères.
- Vous croyez vraiment pouvoir vous considérer comme des nôtres ? Vous ne manquez pas de culot. D'ailleurs... je serais curieux de savoir ce que vous mettez derrière ce "nous".
- Cela dit, vos idées ne sont pas inintéressantes... Comment vous y prendriez-vous, concrètement, pour le faire croupir en prison quelques temps ?
- Parce qu'il faut bien admettre que c'est la seule chose intéressante de votre discours. Le reste, l'idée qu'il pourrait changer d'opinion à notre égard alors qu'il est affilié aux paladins de Lathandre... et bien ma parole, c'est d'une naïveté affligeante.
- Ou le preuve que vous êtes complice depuis le début peut-être... Et ce n'est pas la première fois que cela m'effleure l'esprit...

[Féérune]

Sylveneige sourit, un sourire retenu mais cependant honnête. Un long cillement appuyé, d'une perfection remarquable, accompagna ce sourire.

- Vous êtes méfiants. Je le comprends et pour tout dire, cela me plaît assez. Ce que je mets derrière ce "nous" ? C'est très simple : vous et moi. Non pas vous "avec" moi, notez bien. Je suis tout à fait consciente que vos précautions impliquent que je ne fasse par partie de votre groupe - enfin, pas encore.

L'elfe leva un sourcil - mais bon sang de bois, d'où venait cette manie ? songea t-elle.

- Lathandre, dites-vous ? Mais pourquoi donc Lathandre ? Gwaric me parlait de Tymora, vous, Sann, croyez donc que mon compagnon est lathandrite ? J'aimerais assez connaître les raisons qui vous poussent à penser cela. Pour ma part, j'aurais juré qu'il n'était absolument pas intéressé par une divinité, quelle qu'elle soit. Je peux me tromper, bien sûr, mais alors pourquoi aurait-il tenté de souiller les vitraux du temple de Lathandre ? Et rappelez-vous qu'il a fini en prison, sur ce coup-là.

Sylveneige battit frénétiquement des cils, plus par concentration que par tentative de charmer les deux frères.

- Quant à vous dire comment faire emprisonner quelqu'un... Désolée. De même que vos secrets vous appartiennent, mes idées vous appartiendront si je suis des vôtres. Fèrr tréïdd, comme on dit en Halruaa.

[Voyageuse]

Les deux hommes ne parurent guère s'émouvoir de son discours. ils se contentèrent d'échanger un regard.
- Il a sans doute accepté de souiller les vitraux parce qu'il cherchait à gagner notre confiance pour nous espionner.
- Tout à fait. Et il le fait pour le compte des lathandrites. Un paladin de Lathandre est venu à son secours et j'ai entendu le début de leur conversation ensuite... Ce qui ne veut pas forcément dire qu'il est lui-même lathandrite, je vous l'accorde. Ce peut être un simple mercenaire.
- Aucun doute sur ses commanditaires, sur sa mission ?
- Aucun.
- Alors le faire moisir en prison ne sera pas une bonne idée... Ils l'en sortiront.
- S'ils ne l'en sortent pas, il peut aussi se laisser convaincre qu'ils l'ont trahi.
- Oui, si c'est un simple mercenaire. Pas s'il est réellement de leur côté. Non, pour moi la mort est une meilleure option. Plus sûre.

[Féérune]

- Je pense qu'il faut plutôt qu'il se rende... Disons, utile...

Sylveneige réfléchissait à toute vitesse. Boudiou de boudiou, s'ils me demandent de tuer Streen, je fais quoi ? Si au moins je pouvais le cacher quelque part... L'envoyer vérifier que Lumi est bien soigné, tiens... Mais pourquoi se met-il toujours dans des situations impossibles ? Il ne sait pas mentir, il en fait trop... Et ces deux frères sont beaucoup plus intelligents que lui...

- Excusez-moi, je pensais... Je pensais qu'on pourrait plutôt le manipuler - enfin, pour vous, Sann, c'est grillé - disons que je pourrais le manipuler contre les lathandrites... En lui donnant une mission contre eux, en apparence pour eux... J'ai besoin de réfléchir posément à une idée, mais il serait possible de faire coup double.