[Lieu] Lameroy - cité naine ouverte

[Kasumi]

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Cité enterrée derrière des portes colossales et infranchissables, c’est ainsi que la plupart s’imaginent la totalité des villes naines. Si cette description correspond à bon nombre d’entre elles pour des raisons tant pratiques que climatiques, la petite cité de Lameroy fait exception à cette vision étriquée de la culture naine. Ici, à la croisée des contreforts des Montagnes de Fer et de la célèbre et terrible Forêt Maudite, le goût des nains pour la pierre s’est exprimé différemment.

Les deux mille habitants composant Lameroy, pour la plupart mineurs comme de juste, ont vite appris à se tourner vers l’extérieur pour assurer leur prospérité. Contrairement à beaucoup de leurs compatriotes, ils voient dans cette politique une façon d’exister et de perdurer et non pas qu’une ouverture aux menaces du monde de la surface. Si près de la Forêt Maudite, la principale menace se présente sous la forme de fantômes et autres abominations de la pénombre. Une menace dont les nains ont vite appris à qu’elle était plus facile à juguler à la lumière du jour que dans les tunnels secrets et tortueux qu’affectionnent tant leur peuple. L’architecture de Lameroyale est donc autant tournée vers l’extérieur avec des bâtiments construits à flanc de coteaux et reliés par des escaliers escarpés que vers l’intérieur de la montagne et ses mines de fer, de plomb et d’autres métaux lourds plus rares.

Ici, le son des marteaux et des fourneaux pour fondre le minerai en lingots se fait donc entendre à l’air libre avant même d’avoir franchi les lourdes portes d’airain fermant la muraille extérieure protégeant la cité.

Autre symbole de cette politique atypique, Lameroy dispose d’un des rares temples humains des royaumes nains, dédié à Lathandre ainsi que diverses divinités alliées du Seigneur de l’Aube. Quelques nains se sont même convertis à la religion dominante dans les régions humaines d’Helonna, signe d’une rare ouverture d’esprit cultivée par l’abondance d’échanges commerciaux avec les cités d’Evendum et surtout d’Antelucas.

[Alchem]

« Et bien, nous y voilà. »

Alchem s’arrêta de marcher et se tourna pour faire face aux trois gnomes qui l’accompagnaient. Deux d’entre eux étaient des compagnons de traque, de bons amis aussi. Ils ne comptaient plus les heures passées ensemble à arpenter les tunnels de l’Outreterre. Depuis des années, ils étaient de ceux qui assuraient la sécurité d’Ornegemme, leur ville natale, ainsi que celle de Belroc, le comptoir commercial souterrain. Le troisième svirfnebelin n’était autre que Bravel, son frère. De tous, il était celui qui cachait le moins bien ses sentiments. On lisait sur son visage la tristesse des séparations, même si ce n’était pas là des adieux.

« Sois prudent Alchem. On ignore presque tout de la surface. »
« Ne t’en fais pas. Beaucoup disent qu’on y vit mieux que sous terre. Et puis, tu me connais. »

Les deux frères se serrèrent la main sobrement. Puis, après une seconde d’hésitation, ils osèrent s’enlacer cordialement.

« Tu vas me manquer. »
« Toi aussi. Prends soin des parents. »

Ils se séparèrent et Alchem salua ses confrères. Peu après, il s’avança vers le virage, le dernier avant de faire face aux portes intérieurs de Lameroy. Au moment de tourner, il pivota et adressa un ultime signe de la main. Puis, il disparu à la vue de Bravel. Dalius, son familier rat, le devançait d’un demi mètre. Il ne s’agissait plus, désormais, d’être discret. Sinon, les sentinelles allaient le prendre pour une menace. Le gnome avançait au beau milieu du large boyau. Il avait jeté sur son épaule un sac de toile. A l’intérieur, il avait de quoi subvenir à ses besoins pendant le voyage qui s’annonçait. Lameroy n’était qu’une première étape.

Sa vision en dégradé de gris commença à se colorer à l’approche des torches du poste de garde. Normalement, on allait le reconnaître. Il jouissait d’une petite notoriété, de part ses origines et ses exploits passés. Ensuite, et surtout, ce n’était pas la première fois qu’on le voyait à Lameroy. Il s’y rendait de plus en plus souvent...

[Kasumi]

Alchem aperçut la lumière de deux orbes magiques brillant dans la nuit éternelle du tunnel. Les gemmes enchantées étaient destinées à guider les voyageurs autant qu’à assurer un périmètre de sécurité devant les lourdes portes d’acier donnant accès aux galeries les plus excentrées de Lameroy. Alors qu’il s’avançait dans leur lueur surnaturelle, le svirfnebelin sut qu’il avait été repéré bien que les portes demeurèrent closes. Il avait maintenant l’habitude du protocole des nains mais la voix qui s’adressa à lui était toujours aussi impressionnante, presque intimidante, même quand on la savait amplifiée magiquement :

- Qui revendique l’accès aux salles antiques de Lameroy ? Qui s’avance depuis l’ombre ?

[Alchem]

Les nains savaient être grandioses dans leur ouvrage autant que dans leur façon d’être. Alchem ne pouvait avoir qu’un grand respect pour ce peuple qui, à l’instar du sien, était tant liés à la pierre. Et puis, avec ces gemmes luminescentes et la voix amplifiée, le poste de garde avait de quoi impressionner. Il n’y avait pas de telles choses à Ornegemme qui comptait avant tout sur la dissimulation magique et architecturale. La première fois que le gnome s’était engagé par cette voie, il avait eu des frissons d’excitation. A présent, il s’immobilisait face à l’imposante porte et répondit, fort et assuré :

« Je suis Alchem Murmure, fils de Téâya la grande mystificatrice. Plusieurs fois déjà je suis allé en vos murs. »

[Kasumi]

Les portes s’avancèrent sur des rails parfaitement huilés avant de coulisser lentement. Un son sourd se répercuta quand les lourds battants - désormais ouverts – se placèrent le long des parois de pierre de la caverne.

- Nous vous connaissons, Alchem Murmure. Avancez car l’accès au domaine nain est ouvert aux dignitaires du peuple svirfnebelin.

En approchant du poste de garde, le gnome reconnut les deux tours trapues qui flanquaient les portes proprement dites et soutenant les orbes lumineux. Si un ennemi parvenait à franchir le barrage mortel se déversant de ses créneaux et franchissait les portes, il aurait encore à se frotter aux défenseurs de terrant derrière pour accéder aux anciennes galeries minières. Alchem perçut l’ombre de deux golems imposants avant qu’un nain cuirassé ne vienne à sa rencontre et se mette à parler d’une voix revenue à son timbre normal :

- Bienvenue dignitaire. Puis-je demander ce qui vous amène dans nos salles ?

[Alchem]

On pouvait penser ces précautions un rien exagérées. Les lourdes portes, les défenses, les golems... Mais ce serait nier les horreurs que pouvait vomir l’Outreterre. Pour sa part, Alchem ne put s’empêcher d’observer le poste de garde qui lui faisait une curieuse sensation. Ce n’était pas comme la première fois. Cet endroit, il le connaissait très bien. Mais il savait qu’il pouvait se passer bien des jours avant qu’il ne revienne ici. Portant son attention sur le nain venu le questionner, il lui répondit avec l’amabilité qui s’imposait.

« Bonjour Maître nain. Je quitte les profondeurs pour la surface. Je ne fais donc que passer par votre cité afin de m’aventurer sous le ciel. »

[Kasumi]

Le nain haussa ses sourcils broussailleux et sembla considérer le gnome des profondeurs avec circonspection avant de répondre d’un ton étonné :

- Vous vraiment souhaitez rejoindre la surface ? Rares sont les vôtres à s’y aventurer, vous n’êtes pas sans le savoir. Mais Lameroy est idéale pour ce faire. Vous pourrez y demeurer quelques jours si vous désirez vous acclimater progressivement. Les Lameroyaux sont toujours à l’écoute des nouvelles du monde sous la roche. A moins que votre besoin ne soit trop pressant pour vous attarder…

[Alchem]

La surprise du garde était légitime. Alchem ne connaissait, pour sa part, aucun autre gnome ayant entreprit ce qu’il s’apprêtait à faire. Il répondit sur le même ton.

« Pour ce qui est de l’acclimatation, j’y ai veillé au préalable. Tout du moins puis-je supporter la clarté du soleil. Le projet de partir, je le nourris depuis longtemps. Néanmoins, il me faut avouer avoir glané assez peu d’informations sur la surface. Peut-être devrais-je, en effet, demeurer chez vous un moment afin d’être vraiment prêt. »

Il s’était imaginer ne pas faire de réelle halte à Lameroy. La curiosité le poussait en avant. Toutefois, il s’agissait d’agir avec méthode. Se lancer à l’aventure en parfait ignorant du monde qui allait l’entourer, c’était peu indiqué.

[Kasumi]

Le nain hocha gravement la tête, sans doute partagé entre une bonne part d’incompréhension devant ce comportement inhabituel et une certaine admiration pour le courage et le sens de l’organisation dont avait toujours su faire preuve ce gnome en particulier.

- Souhaitez-vous que nous prenions les dispositions habituelles pour votre logement ? Sinon, nous avons une auberge destinée aux surfaciens si vous souhaitez malgré tout vous acclimater davantage. J’ai entendu qu’un groupe de marchands est arrivé hier soir d’Evendum et a prévu de repartir d’ici un jour ou deux en direction d’Antelucas. Mais ce n’est peut-être pas votre destination ?

Le nain semblait manifester une curiosité dont aucun des Lameroyaux n’avait déjà fait preuve à l’égard de ses projets mais il fallait reconnaître à sa décharge que le départ d’un svirfnebelin n’était pas chose commune. Derrière les deux interlocuteurs, les portes se refermèrent presque sans bruit, condamnant l’accès vers les profondeurs.

[Alchem]

« A vrai dire, je n’ai pour l’instant aucune destination précise. Durant mes passages à Belroc ou ici-même, j’ai entendu diverses choses, mais rien d’assez précis, d’assez détaillé pour faire un choix. Il est impératif que je me renseigne convenablement afin d’être en mesure de décider. Allez à l’auberge dont vous me parlez me parait être un bon début, d’autant plus si des marchands y sont de passage. Où puis-je la trouver ? »

Alchem s’intéressait à la surface depuis longtemps. Mais, paradoxalement, il n’avait réellement envisagé d’y aller que très récemment. L’Outreterre, c’était son univers. Difficile de concevoir l’idée de la quitter alors même que tout indiquait qu’il allait le faire. Son entourage s’était rendu à l’évidence avant lui. Eux avaient observé l’évolution de ses préoccupations et en avaient tiré les conclusions qui s’imposaient. Lui, par manque de recul, en avait été incapable. Mais désormais qu’il avait passé le pas, désormais que tout était clair, il allait faire les choses comme il fallait. Terminé les écoutes occasionnelles et les questions opportunes. Il ne s’agissait plus d’entendre parler du monde comme d’une histoire, mais comme d’une situation concrète où le gnome devait s’inclure. Les affaires de la surface allait devenir les siennes. Il était donc hors de question qu’il reste à l’écart comme il en avait l’habitude.

[Kasumi]

Le nain se retourna vers la galerie derrière lui avant de donner une série d’indications à Alchem :

- Le plus simple pour vous est de vous rendre jusqu’à la place du marché des profondeurs en remontant par les galeries sud. Une fois sur place, sortez par la porte de la forge, vous avez certainement dû la repérer lors de vos séjours à l’auberge du Filon aurifère. N’hésitez pas à en profiter pour saluer Alruac Poing de fer. Il m’a demandé de vos nouvelles pas plus tard que la veille passée et m'en voudrait si je ne vous demande pas d'aller lui donner de vos nouvelles. Et vous savez qu’il est le mieux placé pour en vous en donner quelques-unes. Bon, peut-être sera-t-il vexé que vous préfériez l’auberge du Sanglier bleu à la sienne mais il comprendra si vous lui expliquez vos raisons.

[Alchem]

« Comptez sur moi. Je vais de se pas le voir. Merci à vous e bonne continuation. »

Ha, effectivement, étant un client assez fidèle du Filon Aurifère, Alchem ne pouvait passer à la concurrence sans observer quelques précautions qu’imposaient la politesse. De plus, Alruac Poing de fer était d’une agréable compagnie. Le gnome, après avoir salué le garde nain, commença à remonter la galerie. Jusqu’à l’auberge, le trajet lui était familier. D’ailleurs, Dalius suivait, éternellement attentif, même en des lieux connus.

[Kasumi]

Alchem avait remonté les antiques galeries toujours parfaitement étayée. Ce passage constituait la principale voie marchande vers l’avant-poste de Belroc. Les nains de Lameroy avaient très vite compris que l’exploitation de cette voie commerciale leur rapporterait bien davantage que le minage d’un ancien filon dont les richesses avaient presque été épuisées au fil des siècles précédents. Ils accordaient ainsi un soin tout particulier à l’entretien de cette galerie, par nécessité autant que par fierté : témoigner ainsi de leur savoir-faire ancestral ne pouvait, de leur point de vue, qu’intimer le respect aux autres clans et autres races empruntant de passage prisé.

Le svirfnebelin ne s’était pourtant pas attardé devant cette nouvelle preuve du génie technique des nains dans sa progression vers les galeries supérieures qui se muèrent bien vite en couloir puis en salles aux proportions grandioses. Quand il déboucha dans la salle du marché des profondeurs, il oublia bien vite les galeries qui paraissaient brutes et frustes à côtés des splendeurs architecturales qui l’attendaient dans cette vaste caverne : de multiples colonnes taillées avec soin à même le roc soutenaient la voûte lointaine et les murs étaient ornés de gemmes, de filons de métaux et même de quelques fresques et sculptures finement ciselées. Une fois le premier instant d’émerveillement passé, le visiteur pouvait s’étonner de l’animation bruyante qui régnait à tous les niveaux de la caverne : les marchands venaient de cités et d’avant-postes lointains pour y négocier leurs richesses. Alchem dut se frayer un passage au travers des rues dessinées entre les boutiques et les stalagmites pour se rendre vers la bordure extérieure de la grotte et le plan incliné qui en faisait tout le tour pour mener à un second niveau surplombant le marché à proprement parler.

Après une demi-heure de marche plutôt harassante, Le svirfnebelin et son fidèle familier atteignirent enfin l’auberge du Filon aurifère, située sur un piton rocheux donnant une vue magnifique de la cité souterraine. En entrant dans l’établissement, Alchem y retrouva l’ambiance chaleureuse qui la caractérisait : un bon feu dans l’âtre, des tables et des chaises légèrement trop grandes mais tout de même confortables et quelques clients attablés autour de bières locales. Le gnome entendit la voix du tavernier avant même de le voir :

- Ceci n'est pas un établissement elfique : les rats ne sont pas admis à l’auberge du Filon aurifère et vous le savez très bien, Alchem Murmure ! Il ne manquerait plus que l’on accepte les svirfnebelins par-dessus le marché !

[Alchem]

On pouvait s’habituer à tout, même aux merveilles de Lameroy. Mais en cet instant si particulier, Alchem avait l’impression de redécouvrir la ville. Il n’était plus ici avec son groupe, en tant qu’escorte de convois commerciaux. Non, il était seul, avec son sac de voyage sur le dos. Il marqua une seconde de pause face au marcher des profondeurs. Il dût l’embrasser du regard avant de reprendre sa route en direction de l’auberge. Quand il en passa le seuil et entendit l’habituel accueil du tenancier, il se fit un devoir de répliquer selon les règles de cette même habitude.

« J’entends, j’entends Alruac Poing de fer. Alors je m’en vais et vous n’aurez pas de mes nouvelles. »

Mais au lieu de partir, il se dirigea vers le comptoir. Sur son gris visage, le fantôme d’un sourire était apparut. Après tant de visites, il se sentait ici chez lui. Il regrettait déjà de devoir changer d’auberge. Il le fallait pourtant.

« Une bière pour moi. Et, si possible, vos oreilles aussi. »

Venir ici sans boire un coup, ce serait un sacrilège. La boisson naine, il connaissait et appréciait.

[Kasumi]

Le nain derrière le comptoir avait levé une main pour le retenir selon leur rituel habituel mais dès qu'Alchem évoqua la bière, il en sortit une de derrière le comptoir, signe qu'il l'avait déjà préparée à son intention.

- Ah je sais bien que ce chemin depuis les profondeurs, ça creuse ! Et que seule une bière naine peut y remédier. Ce n'est pas comme cet infâme breuvage de mousses aux champignons que font semblant d'affectionner les autres membres de votre espèce. Installez-vous, maître Alchem ! Que voulez-vous savoir ? Les changements de cours de métaux ? Et celui des gemmes : j'espère que vous avez bien pensé à en apporter : les émeraudes ont la cote en ce moment. Et sinon il y a toujours ces histoires de guerre à l'ouest et aussi les forgerons du nord qui font encore des siennes dans les montagnes de fer. Mais j'imagine que ça ne vous intéresse pas vraiment...

[Alchem]

« Notre mousse au champignon réveillerait un mort. Mais n’étant pas encore mort, les bières me suffisent. »

Le rat d’Alchem bondit sur un tabouret, puis sur le comptoir où il prit place, très digne et forcément attentif. Son maître s’installa sur le tabouret, ayant laissé son sac au pied du comptoir. Le mobilier à dimension naine était un peu trop grand pour lui, mais cela restait gérable. Tout était gérable quand on savait comment s’y prendre. Le gnome, avant d’en dire d’avantage, s’autorisa quelques gorgées fort agréables. Le trajet d’Ornegemme jusqu’à Belroc, puis de Belroc jusqu’à Lameroy se sentait dans ses jambes, son estomac et sa gorge. Une fois sa soif un peu étanchée, il reprit :

« Tout ce que vous avez à me dire m’intéresse, vous le savez. Et cela m’intéresse d’autant plus que je me suis décidé à visiter cette surface dont vous me parlez si bien. »

Il en resta là, pour l’instant, guettant la réaction de l’aubergiste.

[Kasumi]

Le nain eut la même réaction étonnée que son compatriote des portes. Sa barbe masquait l'essentiel de son expression faciale mais son silence, durant quelques secondes, était suffisamment inhabituel pour être éloquent.

- Ben ça alors ! Pour une histoire, ça en fera une sacrément bonne ! Un svirfnebelin à la surface. A moins que vous ne me faites marcher ? Non, je vois bien que non. Vous avez choisi votre moment, pour sûr. Avec la grande guerre, les campagnes ne sont guère sûres. Nous sommes loin du front bien sûr mais Lameroy a dépêché une bonne partie de ses montagnards. Les routes ne sont pas sûres. C'est pour ça que les cours augmentent tant mais ce n'est pas si bon pour les affaires. Non, franchement, vous ne devriez pas vous aventurer seul là haut. Il y a bien ces marchands mais ils ne m'inspirent que modérément confiance. En plus ils n'ont même pas choisi mon auberge, les saligauds !

[Alchem]

« N’ayez crainte pour ma sécurité, Alruac. Je sais surveiller mes arrières. Et puis, il me faut bien avouer que les troubles m’attirent. La route commerciale vers Belroc n’a jamais été aussi sûre, en profondeur j’entends. Cela fait des années qu’on n’a pas vue l’ombre d’un Drow et mêmes ces vermines de gobelins évitent le secteur. Il faut se rendre à l’évidence, je rouille. »

Alchem vida un peu plus sa chope puis, la déposant sur le comptoir, il laissa Dalius y mettre son museau.

« Si, en plus de faire du tourisme, je peux me rendre utile, je ne demande pas mieux. Quoi qu’il en soit, en parlant d’auberge, je vais aller au Sanglier Bleu. Croyez bien que ce n’est pas pour me faire plaisir, c’est par nécessité. M’aventurer sous le ciel, cela va me changer. Autant débuter en douceur en profitant de ce que Lameroy peut offrir. Et puis, cela ne m’empêche nullement de revenir ici régulièrement pour vider un verre ou deux, tant que je serais en ville. Vous savez combien j’apprécie cet endroit. »

Voilà, c’était dit. Ne restait qu’à espérer que le nain le prenne bien. Bien sûr, le gnome ne comptait pas partir tout de suite. Il avait des choses concrètes à demander à l’aubergiste, notamment au sujet des gemmes et aussi... de ces fameux marchands.

[Kasumi]

Alors qu’il nettoyait une chope, l’aubergiste suspendit son geste à la mention du Sanglier Bleu et Alchem put lire une expression incrédule aussitôt remplacée par de la déception dans le regard du nain. Bien évidemment, il pouvait se tromper sur ces expressions : les différences culturelles compliquant sa tâche d’interprétation. D’autant qu’Alruac ne garda pas le silence bien longtemps :


- Ça j’espère bien ! La bière de cet empoté de Fierbois ne vaut guère mieux que celles des humains. Mais bon, il est vrai que ses chambres sont plus douillettes. En tous cas pour les grandes personnes. Mais pour revenir à ces dangers… Nous avons eu à déplorer la disparition de plusieurs petits convois dans les contreforts. Pas moins de deux le mois dernier. C’était du jamais vu vous pouvez m’en croire : les brigands sont devenus plus téméraires ou alors les choses qui viennent de la forêt. Même vous devriez vous en garder : il n’y a pas grand-chose de naturel qui vit dans ces bois. Et même une bonne partie qui ne vit pas du tout.

[Alchem]

Forcément, l’aubergiste ne pouvait sauter de joie en apprenant qu’il allait perdre un client fidèle. Néanmoins, Alchem estimait s’en être plutôt bien sorti. Il s’empressa de continuer la discussion.

« Deux convois... Et bien, on chasse les problèmes d’un côté et ils surgissent de l’autre. Hélas, mes gars ne peuvent rien contre ces fripouilles qui n’osent pas mettre le nez dans une grotte. Mais je ne doute pas que Lameroy finira par les avoir. »

Sur ce, le gnome se baissa pour attraper son sac. Il en sortit deux bourses de cuire qu’il posa sur le comptoir. De la première, il sortit quelques pièces, de quoi payer deux verres de bière. Implicitement, donc, il en demandait un second. L’autre bourse, il l’ouvrit. Elle contenait des pierres précieuses de taille, de couleur et de qualité variées.

« J’ai ça comme gemme. Que me disiez-vous à ce sujet ? J’aimerais en obtenir un bon prix, cela facilitera mes affaires. »

[Kasumi]

Alruac comprit immédiatement l'allusion et s'empressa de remplir une nouvelle chope : des mois de complicité avaient rendu la plupart des échanges verbaux inutiles et le nain se targuait de savoir lire dans les humeurs de ses clients, surtout des plus fidèles. Tout en posant la choppe sur le comptoir, il émit un petit sifflement à la vue des pierreries dévoilées par le svirfneblin :

- Je vois que vous avez fait bonne récolte ! Ah, si mon genou ne me faisait pas tant souffrir, je serais bien retourné avec vous dans les galeries. Mais mon auberge est une maîtresse bien exigeante. En tous cas, vous devriez aller voir Ulfric Toisegrise à sa boutique : il cherchera à vous acheter les émeraudes et les rubis à une fois et demi le tarif normal mais ne les lui cédez pas à moins de deux. Il protestera peut-être mais il finira par vous les prendre. Quant aux lapis-lazulis et les grenats, vous devriez les conserver pour la route : le cours en vigueur n'est pas très bon.

[Alchem]

« C’est noté. Décidément, vos conseils me sont toujours aussi précieux. »

Alchem rangea son or et ses gemmes, puis entama sa seconde chope. La première venait d’être terminée par Dalius qui désormais s’essuyait les moustaches par de petits gestes de la patte.

« Et à propos de ces marchands qui sont allés au Sanglier Bleu. Que pouvez-vous me dire à leur sujet ? Je risque de les voir alors autant être renseigné. »

Savoir pour prévoir, une règle qui s’appliquait dans tous les domaines.

[Kasumi]

Le nain se lissa la barbe, signe qu’Alchem avait fini par associer à une marque de nervosité chez lui :


-Des drôles en provenance d’Evendum d’après ce qu’ils ont annoncé. Je ne les ai pas rencontré personnellement mais vous savez que j’ai des yeux et des oreilles partout. Les marchands sont un couple de camelots humains. Ils sont venus négocier toutes sortes d’ustensiles et de produits de base au marché et les ont échangés contre une petite quantité de gemme et un chargement de minerai. Ce qui m’a un peu mis la puce à l’oreille, c’est qu’ils voyagent avec une escorte conséquente : pas moins de six gaillards si j’ai bien compris. C’est prudent en ces périodes troublées mais ça doit revenir cher pour un chargement de si peu de valeur. A moins que ça ne dissimule autre chose…

[Alchem]

Alchem, après avoir reposé sa chope, se massa l’arrête du nez. Un petit tic chez lui trahissant le fait qu’il réfléchissait. Il lui en fallait peu pour attiser sa suspicion, surtout si une personne de confiance lui soumettait des éléments suspects. Six gardes du corps pour deux marchands et un chargement de peu de valeur... Qu’en penser ? Au fond, il aurait bien aimé ne pas avoir à se poser la question. Son propre départ avait déjà de quoi l’accaparer. Avec un peu de chance, les marchands avaient eu vent des disparitions de convois et avaient pris des précautions, rien de plus. Mais ce n’était là qu’une supposition.

« Mouais, faut peut-être creuser... finit par lâcher le gnome en reprenant sa bière. J’irais leur causer, pour me faire mon avis. Et si jamais il y a vraiment anguille sous roche, j’en aviserai qui de droit. »

La chope vidée, Alchem se leva. Dalius sauta à ses pieds, prêt au départ.

« Bon, je ne m’attarde pas. Je vais voir Ulfric, puis je file au Sanglier Bleu. S’il n’y a plus de chambre là-bas, je reviens chez toi. De toute façon, je reviendrais, ne serait-ce que pour bavarder. »

Si Alruac ne le retenait pas, Alchem allait lui dire en revoir et gagner, comme il l’avait dit, la boutique de Toisegrise.

[Kasumi]

L'aubergiste salua le svirfnebelin mais ne chercha pas à le retarder davantage. Du reste, plusieurs clients entrés entre temps réclamaient déjà son attention quand Alchem quitta son établissement pour porter à nouveau ses pas vers le marché. La boutique du joailler se trouvait heureusement tout près du niveau supérieur, idéalement placée en bordure de la passerelle. Ce n'était pas la première fois que le gnome des profondeurs y pénétrait mais on ne pouvait pas appartenir à sa race et demeurer insensible aux dizaines de gemmes de grand prix exposées aux quatre coins de la boutique. Un golem veillait cependant, dissuadant toute velléité d'en regarder une de trop près. Depuis sa propre poche par exemple.

La boutique ne comptait pas de client pour l'heure aussi le dénommé Toisegrise était-il affairé dans l'atelier la jouxtant, examinant une émeraude de taille impressionnante. Il ne leva pas la tête mais leva une main en direction d'Alchem, signe qu'il l'avait aperçu.

- Un instant, je crois avoir décelé une imperfection.

[Alchem]

Alchem, silencieux, se contenta d’attendre. Son regard se détacha bien vite de Toisegrise pour sauter d’une gemme à l’autre. Que de pierres magnifiques ! Que de couleurs superbes ! Que de reflets confondants ! N’était-ce point la preuve que la terre était la plus belle des merveilles ? Elle offrait tout. La vie, la matière, la richesse, la beauté. Les svirfnebelins avaient un faible pour les rubis, qui d’après les légendes leur avaient donnés naissance. Alchem ne faisait pas exception sur ce point. D’ailleurs, un rubis, il en avait un autour du cou, sous ses habits. C’était le cadeau de son frère. Celui-là n’avait pas de prix. Il finit par s’emparer de la bourse contenant ses gemmes, afin de gagner un peu de temps quand le commerçant en aurait terminé avec son émeraude.

[Kasumi]

Le nain poussa un soupir de soulagement et s'exclama avec joie :

- Ah non, ce n'était qu'un reflet ! J'ai cru à une bulle d'air. Bon, bon, que voulez-vous ? Vous venez acheter ou vendre ? Parce qu'on n'a déjà tout ce qu'il faut mais comme vous êtes un bon client, je veux bien vous débarrasser d'une ou deux de ces émeraudes. Pour le prix normal du marché puisque j'en ai reçu tout un arrivage et encore je vous fais une fleur mais je suis de bonne humeur avec cette pierre qui a révélé un bon potentiel !

[Alchem]

La réponse du gnome des profondeurs ne se fit pas attendre.

« C’est pour vendre, enfin c’était. A ce prix, je pense que je vais voir ailleurs. Navré de vous avoir dérangé. »

Il était sûr de lui, mais aussi, très aimable, comme il se devait. Il fit mine de quitter la boutique, tout en attendant quand même la réaction de Toisegrise.

[Kasumi]

Le nain changea immédiatement d’attitude, craignant sans doute de voir filer un bon fournisseur à la concurrence.


-Attendez ! Si vos gemmes sont en bon état – ce dont je ne doute pas vous connaissant - je dois pouvoir faire un petit effort supplémentaire. Cela me permettra d’honorer une commande que j’avais un peu oubliée et vous n’aurez pas à faire un sacré bout de chemin pour en obtenir un vil prix. Laissez-moi les regarder et je vous dirai si je peux monter jusqu’à, disons, une fois et demi ce que je vous en ai donné la dernière fois. Mais attention, à ce prix je ne fais quasiment pas de marge !

[Alchem]

Ha, c’était déjà mieux. Il était terrible ce Toisegrise. A croire que pour lui, le marchandage était un rituel, un passage obligé, presque une marque de respect envers clients et marchandises. Un prix, une gemme, après tout, cela devait se mériter, non ? Par chance, à ce jeu là, Alchem était bon. Du moment que son ami Alruac Poing de Fer lui donnait les tendances en vigueur, le gnome n’avait qu’à laisser s’exprimer son talent d’acteur. L’art du faux, c’était une composante importante de sa profession. Il para son visage d’une expression indécise et répondit.

« Une fois et demi ? Je ne sais pas. Elles m’ont données du mal, et puis, j’en ai de très belles, trop pour si peu... Regardez donc celle-là si vous doutez de ce que j’avance. »

Alchem ouvrit la bourse, fouilla à l’intérieur un bref moment, puis il exhiba un rubis de toute beauté. Il n’avait certes pas l’expertise du nain en matière de gemmes, mais il en avait quand même vue toute sa vie pour faire un choix assez sûr.