[Quête] Guerre des plaines brûlantes : un certain goût pour la mort

[Taliesin]

Un pas en direction du torrent. Un deuxième. Un troisième. Lentement mais sûrement, Chandara parvenait à ses fins et, chose presque miraculeuse, y parvenait tout en étant demeurée indemne. Malheureusement, il n'en allait pas de même pour son compagnon : un cri, le bruit d'un corps qui s'affale sur le sol lui apprirent bientôt que Don avait été terrassé. Elle se battait désormais à une contre quatre.

A quelques mètres de là, la main de Brus s'approcha de la sphère, la frôla... et y pénétra sans rencontrer la moindre résistance. Le jeune homme poursuivit donc son geste et il était sur le point de saisir le col du mage lorsqu'un glacial étau se referma sur son poignet.
-Bien joué, tu as presque réussi ton coup,fit l'un des gardes du corps qui avait sans doute obtenu ce poste grâce à son ouïe fine et à sa grande attention. Mais presque seulement. Chef, que fait-on de lui ?
L'intéressé jeta un regard par-dessus son épaule.
-Gardons-le comme otage. Cela obligera le fils Maelwedd a se rendre quand ses efforts désespérés m'auront lassés.

A force de se démener, le paladin était parvenu à se libérer des poignes squelettiques et même à se relever, dominant désormais de haut cette forêt de mains osseuses qui s'agitaient à ses pieds, dérisoires. Çà, c'était pour les bonnes nouvelles. Du côté des mauvaises, outre la situation catastrophique de ses compagnons, on pouvait mentionner le fait que son manteau se trouvait à présent à bonne distance de lui et que, apparemment mû par sa propre volonté, il se dirigeait non vers le torrent, mais vers les Mélandiens...

Si le coup d'arbalète portée par Luna à son adversaire fit beaucoup de bruit, il ne sembla guère lui causer de dommages. En revanche, il le mit dans une colère noire et il leva immédiatement son épée pour riposter de manière définitive. Cependant, se ravisant au dernier moment, il préféra frapper la jeune femme en plein visage, de son poing ganté d'acier, l'envoyant baller dans le vide.
-Bon voyage ! hurla-t-il comme elle chutai, de plus en plus vite, vers les profondeurs brumeuse du gouffre.

[Chandara]

Chandara avait assisté, médusée, aux dernières secondes du combat qui n'en avait jamais été un. L'opposition avait été écrasante de supériorité, leur défaite cuisante, à l'avenant. Don venait tout juste de payer de sa vie la folie qui l'avait vue charger stupidement en espérant une autre issue. C'était presque un soulagement de n'avoir plus à veiller sur lui, de se dire qu'il rejoignait peut-être un monde moins injuste, où la violence dénuée du moindre sens n'était peut-être pas aussi omniprésente. A peine avait-elle encaissé ce premier choc qu'elle avait entendu le cri de Luna et aperçu son corps basculer dans le vide, seconde victime de cette folle mission. A quoi avait donc pensé son père, ce général manostien qui les avait tous envoyé à la mort, sous-estimant les forces adverses peut-être mais choisissant de sacrifier sa propre fille pour une lubie personnelle. La litanie d'horreurs se poursuivit avec la capture de Brus dont elle avait tant espéré qu'il préfère prendre la fuite, qu'il comprenne tout comme elle en cet instant que leur cause était perdue. Mais comment donc s'était-il retrouvé là, en si fâcheuse posture alors qu'elle s'était escrimée à lui laisser une chance de s'enfuir comme Arthur ? Tout cela était vain et même sa défense de tout l'instant pouvait être tournée en dérision : il était évident que les soldats n'avaient cherché jusque là qu'à l'épuiser, sans prendre de risque. Et maintenant qu'ils étaient parvenu à éliminer Don, Luna et Brus, à quoi de plus pouvait-elle s'attendre ? Si elle persistait, elle se laisserait capturée pour subir dieux sait quoi avant d'être de toute façon tuée ou réduite en esclavage. De son point de vue, il valait encore bien mieux mourir ici et maintenant, l'arme à la main ou en se jetant dans le gouffre à la suite de la jeune barde si les soldats ne donnaient pas de signe de vouloir en finir rapidement. Elle n'avait même plus l'illusion de réussir à en blesser un avant le grand saut : jusque-là, leurs tentatives avaient été toutes été de cuisants échecs et il n'y avait visiblement plus aucune raison que cela ne change.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur jura à voix basse en voyant ce stupide bouquin détaler vers les crapules mélandiennes. Ce n’était pas une surprise, une fois dépassée celle de voir un livre se déplacer en entraînant la veste de Brus avec lui. Qui se ressemble s'assemble.
Mais le jeune paladin n’avait pas le temps de contempler les bonds maladroits du tome maudit. Il fallait qu’il agisse. Sans doute avait-il perçu le cri de Luna, la chute de Don… Mais l’adrénaline continuait à le pousser vers l’ultime mission qu’il s’était fixée. Où était cette fichue épée, déjà ?
Il la trouva entre les mains d’une douzaine de mains squelettiques qui ne lui inspirèrent qu’une brusque bouffée de violence et il les piétina avec une frénésie qui ne lui ressemblait pas. Il parvint néanmoins à récupérer son arme puis releva les yeux à la recherche du grimoire fugueur.
Il vit alors Chandara. Les dieux en étaient témoins, elle était si belle. Et vivante. Et près du gouffre. Et il allait poursuivre une pile de pages ricanantes à la place de voler à son secours alors qu’elle avait les lèvres si douces et qu’elle lui avait fait entrevoir quelque chose dont il ignorait l’existence quelques heures plus tôt… Mais elle allait mourir. Et il allait mourir. Et s’il ne privait pas le mage démoniaque du livre, des tas d’autres gens allaient mourir aussi. Ils étaient paladins, elle comprenait, elle s’était sacrifiée pour ça…
Arthur se mit donc à courir derrière l’ouvrage nécromantique, dans l’idée, cette fois, de l’embrocher sur l’épée. Peut-être cela le tuerait-il. Ou bien cela libérerait-il une nuée de fiélons sanguinaires. Mystère. Leur commanditaire leur avait dit de ne pas l’abîmer, mais leur commanditaire était un crétin d’avoir envoyé une bande de bleus pour remplir une mission aussi dangereuse. Il s’était donc peut-être trompé sur le livre aussi.

[Dhast]

Il était pris la main dans le sac. Brus grimaça mais ne desserra pas les mâchoires à la provocation du garde. Il ne lui avait pas manqué grand chose, peut-être qu'une attaque directe aurait eu plus de chances d'aboutir finalement. Le cri de Don attira son attention ailleurs. Du côté du gouffre la situation était désespérée. Don venait de s'effondrer, et sous les yeux médusés de Brus, Luna fut projetée dans le vide. Sa gorge se serra, il avait hésité à venir vers elle, et comme sa tentative avait échoué, la barde succombait à son tour. Qu'y avait-il encore à faire? Le roublard se sentait démuni. Il était lui-même prisonnier, Chandara luttait pour sa survie et Arthur... Arthur? Brus écarquilla les yeux lorsque ceux-ci tombèrent sur le paladin qui s'apprêtait à embrocher le livre de son épée magique. Par réflexe, le roublard fléchit les jambes et se protégea de ses bras, ne sachant trop ce qui allait se produire.

[Taliesin]

Arthur eut bien raison de craindre le pire et Brus de l'anticiper. Car, lorsque la lame du paladin transperça la veste et le grimoire qui se trouvait en dessous, un hurlement assourdissant retentit, et du sang se mit à jaillir, d'abord filet, ensuite rivière, enfin véritable geyser dont les flots cramoisis jaillirent vers le ciel, atteignant une hauteur déconcertante avant de retomber, macabre pluie, sur l'ensemble des combattants.
Au sang répondit le sang. Celui de Chandara, cette fois, qui commença à couler par une première blessure infligée par ses adversaires. Puis par une deuxième, par une troisième... Bientôt, comme Don avant elle, la jeune femme s'abattit au sol. Était-elle agonisante ? Grièvement blessée, seulement ? Elle n'aurait su le dire. Tout ce qu'elle savait, c'est que ses forces la fuyaient en même temps que son fluide vital empourprait l'herbe sur laquelle elle reposait désormais... Toutefois, elle n'avait pas encore sombré lorsque retentit une voix, à quelque distance.
-Chef, on a de la visite !
Un nouveau Mélandien venait de faire son apparition, arrivant de l'étroit sentier et de ses ponts.
-Qui ça ? s'enquit le mage.
-Des soldats manostiens. Une vingtaine.
-Très bien. Rassemble le reste de la troupe et dis-lui de se tenir prête à un éventuel affrontement.
L'instant suivant, il reportait son attention sur Arthur. Il était furieux, sans qu'il soit possible de déterminer quoi, du coup porté au livre ou de la venue de renforts ennemis, était la cause principale de sa colère.
-Bon, gamin, ça suffit, maintenant : tu as fait assez de conneries comme ça. Donc soit tu te rends tout de suite, et bien gentiment, soit on dépiaute ton copain jusqu'à ce que mort s'ensuive. Tu as cinq secondes pour te décider.
Évidemment, le copain en question, c'était Brus.
-Cinq. Quatre. Trois...

[Arthur de Faisanlys]

Arthur était couvert de sang, mais il avait l’impression, jusque là, qu’il n’avait pas perdu une goutte du sien. Il aurait aimé ressentir une once de satisfaction à l’idée d’avoir rempli son objectif, mais il n’était pas certain de savoir exactement ce à quoi il était arrivé… Le paladin manostien semblait mort, Chandara était tombée elle aussi, et Brus… Brus dépendait de lui.
Il aurait pu être tentant, sans doute, de s’empaler héroïquement sur sa propre épée pour échapper au Mélandien, mais Arthur n’avait pas vingt ans et il était Lathandrite. Or les Lathandrites savent que rien n’est jamais perdu, ce qui ne colle pas beaucoup avec l’idée du suicide.
Le mage le voulait lui, probablement pour avoir un moyen de pression sur son père. Ce qui était stupide, parce que le général Maelwedd n’était pas homme à se laisser émouvoir pour si peu. Mais si ça l’amusait de penser qu’il allait pouvoir balader les armées luméniennes, et bien… Arthur n’entendait pas le détromper.
Il ne pouvait cependant pas se livrer sans s’assurer que le mage ne trancherait pas la gorge de Brus tout aussitôt. C’était un Mélandien. Menteur, retors, cruel, pourri jusqu’à la moelle.
« D’abord vous allez le laisser partir, trouva-t-il la force d’articuler. En l’emmenant, elle… »
Il désigna Chandara d’un geste.
« Une fois qu’ils auront franchi le pont et qu’ils auront coupé les cordes, je me rendrai. Pas avant. Mais vous avez ma parole de paladin. J'imagine que même vous, vous savez ce que ça vaut. »
Il reprit le manche de l’épée et la dégagea du bouquin. Il fallait espérer que le mage ait envie de récupérer au moins un de ses deux objectifs en bon état. Sinon…

[Chandara]

Le premier coup avait été douloureux, aussi surprenant que douloureux après ces minutes passées à résister, à s'épuiser. Ces minutes qui avaient parues être des heures, ses dernières, elle l'avait su au moment de s'élancer dans la mêlée. Le second coup était venu juste après, profitant sans doute de l'instant de surprise consécutif au premier sang versé. Le troisième, elle ne le ressentit même pas alors que ses forces vitales l'abandonnait déjà. En cet instant crucial, les événements semblèrent se ralentir alors que ses dernières bribes de conscience s'étendait à son environnement. En un sens, elle ne s'était plus jamais sentie aussi vivante depuis la mort de son dieu. Cette longue agonie qui avait succédé allait prendre fin sur cette herbe souillée mais elle emporterait avec elle plusieurs satisfactions : celle de mourir l'arme à la main comme elle l'avait désiré, celle de ne pas survivre à ses infortunés compagnons et, non moins présente, la fierté qu'elle éprouvait pour Arthur. Arthur qui ne l'avait pas abandonnée comme elle l'avait d'abord cru. Arthur qui était resté pour contrecarrer superbement les plans du mage mélandien. Arthur qui allait sauver Brus, elle en était convaincue. La chute s'éternisa, préservant ses dernières pensées. L'annonce de renfort aurait pu la faire sourire : ils arrivaient trop tard certes, mais peut-être pas pour tout le monde. Mais alors qu'elle heurtait enfin le sol sans vraiment s'en rendre compte, elle refusa de laisser le salut de son cher paladin au hasard de ces combattants tardifs et mal avisés. Non, le luménien méritait mieux. Alors elle songea à l'amour qu'il avait su éveiller et pria silencieusement, en un souffle "Sunie, entendez la force de l'amour que je lui porte et transmettez-la lui. Lathandre, je ne peux plus veiller sur votre serviteur mais prenez mon âme si vous la jugez digne et accordez lui l'espoir que je ressens pour lui et dont il va avoir besoin."

Alors que son corps renonçait à la lutte que son esprit avait repoussé quelques instants, elle accueillit l'inconscience et le néant avec un léger sourire aux lèvres. Les dernières paroles d'Arthur aurait pu la réconforter si elle les avait entendues. Savoir que son corps reviendrait à sa famille aurait peut-être apaisé les pensées qu'elle avait eues pour sa famille, son frère jumeau, notamment.

[Dhast]

Brus s'était attendu à une onde de choc ou à un énorme tremblement de terre. Au lieu de cela, c'est la pluie qui s'abattit sur le groupe. Du moins ce fut sa première impression, jusqu'à ce qu'il baisse les bras et constate, effaré, qu'il était entièrement couvert de sang. D'où provenait toute l'hémoglobine? Le livre était-il détruit? L'ouvrage semblait toujours là, malgré la mare de sang qui l'environnait. Brus eut une pensée pour son blouson, qui, lui, ne s'en remettrait pas. Mais la situation apparut d'autant plus grave lorsqu'un regard vers la paladine lui apprit qu'elle gisait au sol, encadrée par les gardes dont les armes ruisselaient elles aussi de sang. Pour une fois, son désespoir fut complet. Ce fut à peine s'il écouta Arthur tenter de passer un marché avec le mage. Ses pensées allèrent vers le camp qu'ils avaient quitté à Graëlon, au conseiller et à Hugues qu'il aurait peut-être mieux fait de suivre au lieu de désobéir une fois de plus, à leur commanditaire qui paraissait bien loin maintenant et qui ignorait qu'au lieu de retrouver un fils il perdait tous ses enfants. Pouvaient-ils échouer davantage à leur mission? Même ce qu'ils avaient accompli jusqu'ici, affronter les morts-vivants, les Loviates, Hélios et le livre, avait été accompli en vain puisque ça n'avait servi qu'à remettre le livre entre les mains des Mélandiens.

[Taliesin]

-Tu as du cran, gamin, répondit le mage à Arthur. Dommage que tu ne sois pas en position de négocier, pas vrai ? Ceci dit, tu as de la chance, car en y réfléchissant bien, cela ne me déplairait pas qu'au moins un de tes copains survive. Il serait ainsi en mesure de raconter à vos chefs incapables avec quelle facilité nous vous avons vaincus, avec quelle aisance nous t'avons capturé... Bref, voilà ce que je te propose : si à zéro, tu t'es constitué prisonnier, je le libère, et il pourra même emporter le corps de la fille, si ça l'amuse. En revanche, si tu n'as pas obtempéré, on lui arrache un œil et on le lui fait gober. Dans les deux cas, crois-m'en, tu pourras constater que les Mélandiens savent tenir parole...
Il se fendit d'un sourire mauvais puis ajouta :
-Bon, où en étais-je ? Ah oui ! Trois. Deux. Un...
Déjà, le garde qui immobilisait Brus approchait une dague effilée de son orbite droite.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur savait, bien sûr, qu’un clerc puissant remplaçait un œil d’un claquement de doigt et d’un peu de lumière. Mais Brus n’avait pas l’air d’être le genre de garçon a avoir les moyens de se payer ce type d’intervention divine. De surcroît, il y avait une pénurie de clercs puissants à Manost, en ce moment.
« Arrêtez ! Je me rends ! » dit-il bien sûr, lâchant l’épée et levant les mains.
Evidemment, les chances étaient élevées que le mage mente et que l’œil de Brus y passe quand même. Mais trois secondes, ce n’était pas beaucoup pour avoir une idée de génie.
« Laissez-les partir, maintenant. »
Il jeta un regard tendu à Brus en espérant que le roublard accepterait d'emporter Chandara, même si elle avait l'air morte, parce qu'elle ne pouvait pas être morte. Il y avait toujours un espoir. Arthur en était convaincu malgré leur situation passablement critique.

[Dhast]

Brus revint à l'instant présent lorsqu'il perçut la dague qui s'approchait dangereusement de son oeil. Les menaces du mage s'illuminèrent instantanément dans son esprit. Par réflexe, il voulut se débattre, mais la proximité de la lame faisait qu'au moindre mouvement involontaire, les conséquences pouvaient être dramatiques. Du reste, Arthur ne laissa pas aux Mélandiens le loisir de mettre leur projet à exécution et se rendit. Ce fut une des rares fois où il eut l'air tout à fait décidé, si bien que Brus ne chercha pas à contester l'injonction de son regard. Quant à Chandara, elle était probablement agonisante, et sachant les liens qui s'étaient créés entre les deux paladins, le roublard ne se sentait pas de refuser la requête d'Arthur. Il attendit la réaction du mage.

[Taliesin]

Deux Mélandiens s'étaient immédiatement approchés d'Arthur pour se saisir de lui, tandis qu'un troisième récupérait son épée. Quant au commandant de l'escouade, il hésita quelques instants avant de hocher la tête.
-Désarme-le puis laisse-le filer, dit-il à son garde du corps.
Pendant que l'homme délestait Brus de sa dague, le mage regarda ce dernier bien en face.
-Tu peux embarquer la fille, si tu veux. Ensuite, fiche le camp d'ici, et ne manque pas de raconter comment les choses se sont déroulées. Oh, et au cas où tu serais du genre téméraire : sache que si tu fais mine de revenir, on t'abattra sans hésiter. Alors ne joue pas au con. Tu ne voudrais pas que notre si gentil, si dévoué paladin ait de la peine à cause de toi, n'est-ce pas ?
D'autres soldats se rassemblaient, à proximité. Au total, Brus et Arthur comptèrent une bonne vingtaine d'ennemis.
-Chef, ils approchent des ponts ! lança le messager.
A nouveau, son supérieur hésita. Finalement, il se tourna vers sa troupe.
-Dites, les gars, ça vous dirait de mettre la pâtée à ces crétins de Manostiens ?
Ce fut un "Oui !" unanime et tonitruant qui lui répondit.
-Parfait ! Nous allons donc nous amuser un peu... Vous deux, saucissonnez Maelwedd et amenez-le à l'écart. Il ne faudrait pas qu'il soit abîmé pendant la bataille : ce serait tellement dommage !

[Dhast]

Brus ne se fit pas prier. Une fois libre, il jeta un dernier regard à Arthur avant de filer vers l'endroit où gisait Chandara. Il tomba d'abord sur Don qui reposait à quelques pas. Son regard tomba sur la dague qu'il tenait toujours en main, et comme il s'était approché pour lui fermer les yeux, il récupéra l'arme discrètement de son autre main et la glissa dans son vêtement. Puis il avança jusqu'à la paladine. Il constata les blessures et le sang qui en coulait, et son cœur se serra en même temps que la colère déferlait dans ses veines. Mais c'était une colère frustrée, qui n'aboutirait à rien. Il ne devait d'ailleurs pas s'éterniser. Les soldats manostiens arrivaient bientôt, il fallait ramener Chandara et les prévenir. Brus se débrouilla comme il put pour charger le corps sur ses épaules, n'ayant pas assez de force pour le porter dans ses bras, et prit la direction du pont, non sans regarder une dernière fois vers les Mélandiens. Ceux-ci se préparaient à accueillir les cavaliers manostiens. Ces derniers tomberaient-ils aussi facilement qu'eux dans leur piège? Brus pressa la pas, s'il était possible, il fallait les prévenir avant qu'ils ne surviennent, c'était leur dernière chance.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur ressentit une brusque bouffée de soulagement, couplée à un vent d’accablement heureusement un rien moins violent, quand il vit Brus soulever la paladine. Elle était gravement blessée, il en était bien conscient, mais il fallait que quelqu’un, là-bas, quelque part, l’aide et la sauve, parce qu’elle ne méritait pas de finir comme ça, fauchée par des brutes, alors qu’ils venaient déjà de donner tant... Il aurait aimé pouvoir adresser un dernier sourire à Brus, quelque chose d’encourageant, d’amical et de reconnaissant, mais le roublard était affairé, et lui-même commençait à avoir du mal à ressentir autre chose qu’une vague angoisse, qui promettait de croître et de l’envahir sous peu.
Mais peut-être les Manostiens viendraient-ils à bout de cette escouade. Peut-être avaient-ils, eux aussi, un mage puissant dans leurs rangs, peut-être feraient-ils ravaler leurs insultes à cette racaille qui les avait piégés. Peut-être.
Sans se soucier outre mesure des liens qu’on entendait lui imposer, il pria Lathandre à voix basse. Une fois que Brus et Chandara seraient en sécurité, il pourrait peut-être essayer autre chose, mais pour l’heure… Il devait leur laisser la latitude de fuir.

[Gaspard Hurlegloire]

« Lieutenant, regardez ! »

Le caporal Rocrive désigna du doigt une forme affalée sur le chemin. D’autres apparurent à mesure que les cavaliers approchaient. Bientôt, il fut possible de discerner le sang, de deviner le carnage... Ici, bien des hommes étaient tombés. Gaspard réduisit l’allure de son destrier, immédiatement imité par ses soldats. Encore un peu, et il put reconnaître les blasons des boucliers.

« Et merde, ce sont des nôtres... »
« L’escorte dont on nous a parlé ? »
« Probable. Je comprends mieux pourquoi ce contre-ordre. Que tout le monde se tienne sur ses gardes ! L’ennemi est peut-être encore là ! »

Arrivaient-ils trop tard ? Le prêtre de Tempus ne voulait le croire. Une fois à proximité du premier cadavre, il mit pied à terre et examina le mort. Une lame avait trouvé sa gorge, un coup bien net, un trépas foudroyant.

« Une heure, peut-être deux », déclara-t-il en se redressant.

Son regard tomba sur le passage escarpé qu’il fallait désormais emprunter.

« On continue sans les chevaux. Vous trois, vous surveillez. Les autres, avec moi ! »

Sur ce, le titan en armure empoigna sa hache et s’avança d’un bon pas. Dans son dos, on tirait les épées et on le suivait, deux par deux, en colonne. C’en était terminé des discussions anodines. La guerre reprenait ses droits. Désormais, il n’y avait plus que le son des respirations, le murmure des mailles et le cliquetis des harnois. Ils étaient deux dizaines. Gaspard Hurlegloire, en tête, se distinguait de sa troupe par sa taille peu commune. Son écu était frappé du symbole de Tempus alors que son heaume, derrière lequel disparaissait son visage, était marqué par d’impressionnantes traces de griffes. A croire qu’il s’était battu contre un chien énorme.

Peu après que les Manostiens eurent passé un premier pont, ils aperçurent quelqu’un qui venait vers eux, quelqu’un qui portait un corps apparemment inanimé, à moins que ce ne soit un autre cadavre. La colonne s’immobilisa. Le prêtre fit encore un pas avant de désignez l’inconnu de sa hache et de s’adresser à lui d’une voix ferme.

« Qui êtes-vous ?! »

[Dhast]

Brus, haletant, continuait d'avancer vers les ponts. Personne ne semblait se soucier de lui. Les Mélandiens étaient-ils à ce point confiant pour le laisser rejoindre les troupes de Manost? Le jeune homme ne chercha pas à en savoir davantage et franchit le premier pont en tâchant de garder un bon pas. Sur ses épaules, le corps de Chandara restait lourd, silencieux et désespéramment inerte. Derrière, leurs ennemis n'étaient plus en vue mais en face de lui apparurent alors les soldats manostiens avec à leur tête un géant, il ne s'agissait manifestement pas de leur escorte mais leur vue était rassérénante. Brus pressa encore le pas. Le meneur l'interpela, il ne se démonta pas pour autant et continua d'avancer à leur rencontre. Il s'arrêta enfin et releva la tête :

"J'suis Brus. Et j'suis bien content d'vous voir. Mon amie a besoin d'soin, vous avez des prêtres? Les Mélandiens sont de l'autre côté du deuxième pont. Ils nous ont tendu une embuscade, ils ont un ami paladin et le livre, il faut à tout prix les récupérer! Mais ils vous ont vus venir, ils vous attendent et ils ont un mage..."

[Gaspard Hurlegloire]

Dans le dos de Gaspard, il y eut des chuchotements. Le prêtre lui-même aurait eu du mal à cacher sa surprise s’il n’avait pas un casque. Ce Brus, désormais tout proche, était couvert de sang, tout comme celui, ou plutôt celle car il semblait que ce soit une femme, qu’il portait. Que diable s’était-il passé ? Le lieutenant ne tarda guère à en avoir une idée. La réponse qu’il obtint fut plus instructive qu’il ne le demandait pour une première question. Il n’allait pas s’en plaindre. Il abaissa sa hache et dit sur l’instant :

« Je suis prêtre. »

Sur ce, il franchit les derniers mètres le séparant de Brus et posa la main sur le corps inanimé. Son gantelet d’acier fut enveloppé par une lumière d’un blanc bleuté.

Gaspard --> Acier silancieux converti en Soin modéré --> Chandara

Lorsque la lumière ce fut dissipée, le titan en armure retira sa main et reprit la parole.

« Qui est ce paladin ami ? Combien sont les Melandiens ? Et d’où vient tout ce sang ? »

Il y en avait tant que cela ne pouvait qu’en être troublant.

[Chandara]

Si Chandara n'était pas couverte des pieds à la tête par l'immonde hémoglobine qui avait jailli du maudit grimoire pourfendu par son cher paladin, Brus et l'étrange géant auraient pu noter que son teint avait presque immédiatement repris une couleur plus naturelle suite à l'incantation. Mais les choses étant ce qu'elles étaient, ils ne purent que remarquer qu'elle était moins inerte et tentait même de se redresser sur un coude. Puis elle toussa comme l'air envahissait à nouveau ses poumons de manière douloureuse. Enfin, comme on ne refaisait pas Chandara et que celui qui parviendrait à la faire se taire plus de dix minutes n'était pas encore né, elle s'adressa au colosse penché sur lui après avoir ouvert des yeux passablement brumeux tandis que les pensées se frayaient un chemin confus chez la jeune femme encore passablement secouée :

- Vous ne ressemblez pas un ange, vous... Où sommes-nous ? Que... Que s'est-il passé ?

[Dhast]

Brus allait répondre au prêtre lorsque la voix de Chandara les interrompit. Il n'en revenait pas, le soin avait fonctionné et la paladine revenait à elle. De manière un peu maladroite à cause de la masse qui s'animait soudain, le roublard s'agenouilla pour déposer le corps au sol. Il la regarda un instant, un large sourire aux lèvres. Mais la situation imposait au jeune homme de tempérer ses émotions, rien n'était encore fait et le danger était toujours bien présent, aussi se mit-il en devoir de répondre aux questions du prêtre.

"L'sang provient du livre, Arthur, c'est l'paladin, un hélonnien, l'a frappé avec l'épée magique qu'nous avons trouvée dans les souterrains, sous l'moulin. Les Mélandiens sont à peu près autant qu'vous, une vingtaine. Mais je peux vous aider! J'en ai p't-être l'air, mais je n'suis pas blessé."

Puis le jeune homme revint à la paladine. Son état était certainement meilleur mais elle n'était sans doute pas tout à fait remise. Devait-il lui dire pour Arthur? Il avait peur que le savoir prisonnier suffise à remettre la paladine sur pied et à lui donner la force de charger de nouveau tête baissée sur leurs ennemis.

"Nous n'sommes pas loin du moulin. Vous êtes tombée au combat, Arthur s'est rendu en échange de ma libération, et j'ai pu vous emmener avec moi, puis je suis tombé sur...?"

Brus releva la tête, réalisant que le prêtre ne lui avait pas dit son nom.

[Gaspard Hurlegloire]

La remarque confuse de la paladine revenant à elle arracha un petit rire étouffé de la part d’un des soldats dans la colonne. Mais il se tut aussitôt. La situation était loin, très loin d’être détendue. Le prêtre, lui, ne broncha pas. Dans sa tête, il essayait d’assembler les informations pour aboutir à un résultat satisfaisant, un peu comme on met en place les pièces d’un puzzle. Un livre qui saignait plus qu’un bœuf, une épée magique, des souterrains sous un moulin... cette histoire était encore passablement trouble. La seule chose claire, c’était qu’Arthur Maelwedd, la raison de sa présence ici, était aux mains de l’ennemi. Mauvaise nouvelle qui appelait une réaction rapide.

« Gaspard Hurlegloire, lieutenant Manostien », répondit-il d’un ton martiale quand cela fut nécessaire. « J’ai ordre d’assurer la sécurité d’Arthur Maelwedd. Toute aide est la bienvenue puisque visiblement il me faut l’arracher aux griffes Melandiennes. »

Il jaugea du regard les deux individus couvert de sang puis il tendit son doigt en direction du second pont.

« Le moulin est par là ? Les Melandiens aussi ? »

[Chandara]

Chandara avait elle aussi dû consacrer un certain temps à rassembler les informations révélées par les deux hommes et tenter de les lier aux bribes apportées par sa propre mémoire vacillante et confuse. Plusieurs conclusions s'imposèrent néanmoins rapidement : elle avait été blessée, elle était tombée inconsciente et ce Gaspard Hurlegloire l'avait aidé. Mais un fait importait plus que tous les autres et les rendaient négligeables voire insignifiants : Arthur avait été capturé, Arthur était aux mains de ces brutes sanguinaires, Arthur était en danger ! Alors, n'obéissant qu'à l'impulsion de son cœur et de à celle, un peu plus distante en cet instant de sa conscience, elle tenta de se relever tout en essayant de devancer les protestations de Brus ou de quiconque d'autre :

- Moi aussi je sais me battre. Je viens aus...

Elle ne put néanmoins pas achever sa phrase qu'elle retombait lourdement sur les fesses, la tête emplie par un tourbillon nauséeux. Elle mit quelques secondes à calmer l'impression de tanguer et à trouver la force de parler à nouveau :

- Laissez-moi juste une seconde. J'ai juste perdu un peu de sang mais je serai d'attaque dans un...

La paladine s'était évanouie doucement aux pieds de Brus et elle ne dû qu'à ses bons réflexes de ne pas s'être - proprement - affalée de tout son long dans la boue du chemin.

[Dhast]

"Ben ça."

Brus regarda, un peu sceptique, la paladine qui venait de s'évanouir. Il ne savait pas s'il devait s'inquiéter pour son état ou se réjouir du fait qu'au moins, elle ne prendrait plus aucun risque. Mais Gaspard Hurlegloire avait encore des questions et le roublard y répondit :

"Le moulin est dans la plaine après l'second pont, oui. Les Mélandiens nous ont cueilli devant, ils y sont sans doute toujours. Je peux vous servir d'éclaireur. Que fait-on pour Chandara? Vous pensez que ça va aller? C't'une chance que vous soyez là, qui vous envoie?"

[Gaspard Hurlegloire]

Gaspard avait également regardé la paladine défaillir. Cette fois, point besoin de heaume pour masquer ses émotions, car il resta tout à fait de marbre. Il ne l’estimait plus en danger. Et même si elle l’était encore, il n’était plus raisonnable qu’il lui accorde du temps ou de la magie. Les priorités étaient ailleurs. Ses yeux se portèrent vite sur Brus, puis au-delà du pont. Instinctivement, il était tenté de dire à ce Brus de s’occuper de la femme et d’attendre sagement. Après tout, le prêtre ignorait tout de lui, y compris sa fiabilité. Mais un premier groupe de Manostien s’était déjà fait massacrer et l’ennemi avait pour lui la connaissance du terrain. Le lieutenant réfléchit rapidement avant de déclarer :

« Je tiens mes ordres des instances militaires Manostiennes, mais là n’est pas la question. L’un de mes hommes va conduire votre amie en arrière, où elle sera en sécurité. Vous, faites un repérage rapide. Je veux déjà être sûr de pouvoir passer se pont sans mauvaise surprise. Essayez aussi de localiser les Melandiens mais encore une fois, faites vite. Je ne vais pas attendre longtemps. »

[Dhast]

"Bien m'sieur Hurlegloire."

Brus hocha simplement la tête et fit volte-face. Il y avait peu de chances que les Mélandiens aient mis quelque chose en place en si peu de temps, mais on n'était jamais trop prudent. Le roublard retourna vers le pont par lequel il était venu, et entreprit de déceler les traces de pièges ou de toute autre embuscade. Ce n'était pas son point fort mais il avait au moins quelques repères et le pied leste. Une fois au bout du pont, il faudrait se faire discret et tâcher de repérer les positions mélandiennes. Brus se demandait bien ce qu'ils avaient préparé. Pour tout dire, n'en voir aucune trace ne le surprendrait qu'à moitié.

[Gaspard Hurlegloire]

Gaspard regarda Brus s’éloigner. Puis, quand le roublard fut assez loin, il se tourna vers ses hommes et déclara, toujours aussi sec.

« Quelqu’un pour porter cette femme vers nos chevaux. »

Un arbalétrier sortit de la colonne et s’avança vers Chandara.

« Faits vite et explique à nos gars ce qu’il en est. Ensuite, tu reviens ici. »
« Oui lieutenant. »

Le prêtre refit face à ses soldats alors que le volontaire commençait à redresser la paladine.

« Je veux quelqu’un de discret en éclaireur. Martin, vous serez très bien. »

Le dénommé Martin sortit à son tour de la colonne.

« Tu vérifies juste le pont. Ce sera assez. »

Le passage du pont était trop risqué. Gaspard ne pouvait confier le sort de sa troupe à un inconnu.

[Chandara]

Alors que l'arbalétrier sorti des rangs pour emporter Chandara la soulevait, la jeune femme s'agita entre ses bras et se mit à marmonner comme en proie aux affres d'un rêve ou d'un cauchemar pour le moins confus :

- Non Luna, pas les pieds ! File d'ici maudite chatte ! Je vais me réveiller, juste dans un instant. Et pas un mot à Arthur sur mes sous-vêtements ou bien !

Le discours était pour le moins édifiant mais l'infortuné soldat n'eut pas à en subir davantage que déjà la paladine papillonnait des yeux et cherchait à se débattre faiblement.

- ... instant. Je me suis juste relevée juste un peu trop vite. Hé ! Où m'emmenez-vous, malotru !? La bataille est de l'autre côté !

Prenant conscience de qui la portait et qu'il ne s'agissait vraisemblablement pas d'un ennemi, Chandara ouvrit enfin tout à fait les yeux et reprit d'un ton un peu plus assuré après avoir davantage réfléchi à sa situation, quelques secondes du moins, ce qui était déjà un effort louable.

- Reposez-moi à terre, ça va aller mieux. Je peux me battre ! Surtout si mon Arthur est encore en danger !

Elle lorgna l'arbalète que portait son "sauveur" en se disant qu'il pouvait bien s'en passer quelques instants. Il avait une épée aussi, après tout, contrairement à elle qui avait perdu son marteau elle ne savait où. Et elle devait aussi reconnaître ne pas être en état de se ruer dans la mêlée sinon même à tenir debout par ses propres moyens.

[Gaspard Hurlegloire]

Le soldat, d'abord amusé, tourna ensuite un regard interrogateur vers Gaspard. Jusqu’à présent, il n’avait fait que quelques pas et se trouvait donc toujours relativement proche de son supérieur.

« Lieutenant ? »
« Quoi ? »
« Elle veut rester. Elle dit qu’elle peut se battre. »
« Foutaise ! J’ai pas de temps à perdre avec ces conneries ! » gronda le colosse en armure.

Si Chandara voulait rester, visiblement elle allait devoir être plus convaincante face à l’incommode prêtre de Tempus.

[Chandara]

Une lueur dangereuse brilla dans le regard de Chandara, tout à fait éveillée cette fois que ce soit pour répondre à l'impolitesse de ce guerrier fruste et rustre à son égard ou tout simplement parce qu'il y avait trop en jeu pour qu'elle se contente de rester en arrière pendant que d'autres iraient en découdre. Comme elle était déterminée et n'entendait pas laissait son seul regard de frustration convaincre ce géant à tête de bois, elle s'approcha de lui, chancelante, mais cherchant à lui montrer qu'elle pouvait tenir debout seule. Cela réclamait l'essentiel de ses forces pour l'heure mais elle soupçonnait que le combat ne s'éterniserait pas de toute manière. Si d'autres devait mourir en essayant de sauver Arthur, elle voulait en faire partie, tout tenter pour le libérer et le retrouver ou tomber en essayant.

- Je ne vous retarderai pas, au contraire. Vous aviez prévu de vous passer d'un de vos hommes et bien il pourra vous accompagner. Je ne peux plus marcher à côté de vous, cela vous ralentirait mais je peux vous suivre à courte distance et utiliser une arbalète. Je suis habile, vous ne le regretterez pas. C'est ma mission de paladine, vous ne me dissuaderez pas !

Son regard était désormais brûlant d'intensité et si une telle chose n'était pas matériellement impossible, les spectateurs de la scène aurait pu jurer que la jeune femme toisait le géant comme si elle pouvait le regarder de haut.

[Gaspard Hurlegloire]

Le regard de feu de la paladine rencontra le regard d’acier du clerc. Dès lors, les murmures naissants parmi les rangs Manostiens s’évanouir et la tension parut monter d’un cran. Gaspard faisait désormais tout à fait face à la femme chancelante. Elle lui tenait tête, elle, qu’il pouvait envoyer à terre d’une pichenette ? Tous attendaient son coup de gueule, son refus aussi tranchant que sa hache. Mais il y avait de la détermination dans l’attitude de Chandara, ce qui donnait du poids à ses propos. Les paladins n’étaient pas connu pour céder facilement.

« Martin, confiez-lui votre arbalète », finit par ordonner le lieutenant. « J’espère effectivement que je ne le regretterais pas », ajoutât-il à l’intention de Chandara.

Puis, il se détourna, sans même attendre de réponse. Pour lui, l’affaire était close. Martin, resté en arrière, s’approcha de la paladine et, en silence, lui confia arme et munitions. Ensuite, il lui murmura :

« Vous devriez vous reposer avant que les éclaireurs reviennent. »

[Chandara]

La paladine attendit que la montagne d'acier ne s'éloigne pour se saisir de l'arme et des munitions confiées par le dénommé Martin. Elle lui adressa un sourire et, si par fierté elle n'avait pas tenu à remercier le lieutenant qu'elle avait défié un instant plus tôt, elle dédia un sourire au soldat qu'elle dépossédait ainsi et lui adressa quelques mots amicaux : "Merci Martin, j'en prendrai soin" avant de s'asseoir plutôt lourdement sur un rocher, mettant à exécution le conseil qu'il lui avait prodigué. Maintenant qu'elle n'avait plus à soutenir le regard de Gaspard Hurlegloire et que ce dernier lui tournait le dos, il n'était plus tout à fait nécessaire de paraître plus forte qu'elle ne l'était. Et souffler quelques minutes avant qu'il ne soit temps d'agir n'était pas une si mauvaise chose bien que ce qu'il advenait peut-être en ce moment à son compagnon d'infortune la révulsait et que tout en elle brûlait de ne plus attendre, de le libérer, de lui faire savoir qu'elle allait bien, de le ramener à elle. Mais que faisaient donc ces éclaireurs ?! Que faisait donc ce brave Brus ?