[Lieu] Sur la route de Lameroy

[Alchem]

Guère plus qu'une sente escarpée aux endroits les plus tortueux, la route de montagne menant à la fière cité naine de Lameroy a le mérite de fournir un chemin direct vers la côte du soleil et la route bien plus fréquentée entre Antelucas et Luménis.

Toutefois, si le chemin en vaut le détour, il faudra savamment préparer son voyage sous peine d'être taxé de témérité pour emprunter cette voie qui mène bien trop près de la Forêt Maudite pour la tranquillité des voyageurs. La route est en outre impraticable une bonne moitié de l'année quand ses cols sont bloqués par les fortes chutes de neige.

***
Alchem, tout en suivant le rythme de la carriole, admirait en silence cette Lameroy de la surface. Imposante, c’était l’adjectif qui revenait le plus souvent en tête. La marque de fabrique des nains était omniprésente dans cette solidité, ce côté fonctionnel, militaire. Toutefois, des villes naines à ciel ouvert, ce devait quand même être très rare. Le spectacle n’en était que plus précieux.

Le gnome se tourna vers la porte désormais ouverte. Voilà, au-delà, il pouvait considérer son voyage vraiment débuté, cette folie vraiment faite. L’aube était là. La lumière venait et le svirfnebelin sentait l’intensité du moment lui donner des frissons.[/I]

« C’est quand même quelque chose... » avoua-t-il, sans qu’on puisse savoir ce dont il parlait exactement.

[Kasumi]

Ses compagnons ne cherchèrent pas à l'interrompre dans ce moment de contemplation et la carriole s'engagea sous la voûte de la porte et s'engagea sur le chemin pavé au-delà. Le voyage d'Alchem commençait pour de bon : il avait quitté la civilisation et tout ce qu'il connaissait pour s'engager sur cette route de montagne. Comme si elle pouvait lire ses pensées, Aleka s'adressa à lui après être remonté à sa hauteur :

- Est-ce la première fois que vous quittez Lameroy ? Vous verrez, la montagne est magnifique en cette saison. A condition d'éviter la neige dans les cols !

[Alchem]

« Oui, c’est la première fois. Pour moi, la surface n’est encore essentiellement que des mots. Je m’efforce à présent de leur donner un sens, une représentation. »

Rien que la neige, tout juste évoquée, n’existait pas dans les profondeurs. Ce n’était là qu’un exemple parmi tant d’autres. Alchem allait aller de découvertes en découvertes. Le danger, pour lui, était de ne pas se laisser distraire. Ce qui s’était passé, la veille, au moment du coucher de soleil, n’était pas à reproduire. Le gnome n’avait plus à baisser sa garde et ce pendant des jours, peut-être des semaines. Il observa le paysage montagnard, le ciel aussi, toujours aussi fascinant. Ses yeux s’attardaient également sur le groupe, les marchands, leurs gardes du corps.

[Kasumi]

La première heure de trajet se déroula sans aucun incident notable et Alchem eut tout le loisir d’observer ses nouveaux compagnons de route ainsi que le paysage montagnard. Par rapport aux souterrains dont il avait l’habitude, l’abondance d’épineux et de plantes grasses de toutes sortes devait le surprendre. La faune inoffensive également car la région regorgeait de petit gibier allant du mulot au chevreuil. Certains traversèrent la route juste devant le convoi sans susciter d’émoi particulier, y compris chez la mule. L’observation des marchands et de leur escorte était moins riche en découvertes et révélations car leurs conversations demeuraient anodines voire inexistantes en ces heures matinales. Ce fut Théodore qui marqua la fin de ce calme apparent en annonçant d’un ton grave :

- Prudence à présent : nous abordons les premiers bosquets de la Forêt Maudite. Même de jour, certaines créatures peuvent en surgir à tout instant.

En réaction à l’avertissement, les gardes se placèrent de chaque côté du chariot en file de trois tandis que les deux marchands se plaçaient devant la mule. Les conversations cessèrent tout à fait et même le svirfneblin sentit la tension monter ainsi que la vigilance de toutes et tous.

[Alchem]

Alchem traversa une période un peu difficile lorsque le jour ce fut tout à fait levé. Il s’était préalablement accoutumé à cette lumière diurne mais cela restait très récent. Il lui fallut de longues minutes avant de ne plus être dérangé. Et même après, il sentait qu’il forçait sur ses yeux plus que d’accoutumé. C’était un prix bien modeste face à l’incroyable spectacle de ce début de voyage.

Le gnome sut déjà qu’il ne regretterait rien. Quitter les profondeurs, c’était sa voie, une étape inédite de son existence. Il ne perdait pas une miette de ce qu’il découvrait. Ces plantes, ces arbres, ces animaux jamais vus... Mais il conserva autant que possible le silence. Quand arriva la mise en garde, cela ne changea pas grand-chose pour lui, puisqu’il était sur ses garde depuis le début. Il prit position à l’arrière du chariot. Il ne dévoila aucune de ses armes. D’ailleurs, à moins que la situation l’exige, il n’avait pas l’intention de se ruer au combat. Les six hommes d’armes étaient là pour ça. Ils devraient être en mesure de repousser tout ce qui pouvait se présenter. Alchem scruta la forêt, mimant une attitude adaptée, c'est-à-dire un rien inquiète. Dalius, lui, perché sur le chariot depuis une heure, redoublait d’attention.

[Kasumi]

Alors qu'il prenait place à l'arrière, personne ne songea à lui en faire le reproche et la question que ne manqua pas de poser Théodore ne reflétait ni l'un ni l'autre :

- Savez-vous vous battre, maître Alchem ? Non pas que nous risquions grand chose mais il est toujours bon de savoir sur quelles compétences compter en cas de coup dur.
- Arrête un peu d'inquiéter notre compagnon ! En plus il fait jour, la Forêt ne surprend que les imbéciles qui s'y attardent en pleine nuit !

[Alchem]

« Ho, vous savez, tout le monde dans l’Outreterre doit savoir se défendre. La vie est à ce prix. N’ayez donc crainte pour ma sécurité. Et s’il me faut mettre la main à la pâte, je le ferais, c’est la moindre des choses eut égard de votre amabilité. »

La présence même de Dalius donnait quelques indications sur les talents d’Alchem, si toutefois quelqu’un avait assez de connaissance pour les interpréter. Le gnome était prêt à dévoiler assez facilement sa magie. Si on ne le prenait que pour un magicien, cela lui irait. De plus, on pouvait comprendre qu’un pratiquant des arcanes se mette en retrait.

[Kasumi]

Théodore se contenta de répondre laconiquement mais sans y mettre le moindre ton de reproche :

- Si nous étions attaqués, il vaudrait mieux que vous montiez dans le chariot, maître Alchem. Nos gardes sont chargés d’assurer la sécurité et ne devraient pas se laisser déborder par les problèmes courants que nous pourrions rencontrer.

Quelques instants plus tard, comme si la mention de problèmes avait attiré l’attention de Beshaba, le véhicule fit une embardée quand une de ses roues passa sur une grosse pierre puis s’immobilisa en travers de la route.

- Bouse ! On dirait que la roue a dégusté.

[Alchem]

« Ha, ça, ce n’est pas de chance », commenta Alchem en observant la roue en question.

Se retrouver immobilisé à côté d’une forêt maudite, pas besoin d’être de la surface pour deviner que c’était de mauvais augure. Pour le coup, même si le gnome le désirait, il ne pouvait vraiment rien faire. Le manuel de la famille, si l’on pouvait dire ainsi, c’était Bravel. Ce dernier aurait pu improviser quelque chose. A l’extrême limite, Alchem pouvait étudier un sortilège adéquate, mais cela impliquait d’attendre le matin suivant. Inutile de le proposer, pour l’instant tout du moins. Le gnome attendit de voir comment l’incident allait être géré avant tout autre action de sa part. Il se contenta de rejoindre le couple à l’avant et de les interroger du regard, l’air navré.

[Kasumi]

Le couple était déjà en grande discussion quand Alchem se porta à leur hauteur :

- Tu crois que c'est réparable ?
- Pas le choix, nous ne pouvons plus retourner en ville.
- On pourrait peut-être laisser le chariot ici pour cette nuit.
- C'est hors de question : je peux bricoler quelque chose en une heure et nous atteindrons tout de même notre étape de la soirée.
- A condition que ça tienne !
- A condition que ça tienne... Et ça tiendra !

Pendant ce temps, les six gardes observaient la forêt toute proche non sans une certaine nervosité.

[Alchem]

Bien. Il était possible de faire quelque chose. Tant mieux. Alchem, quand à lui, tâcha juste de ne pas déranger. L’idée fugace de profiter de l’événement pour examiner la marchandise lui traversa l’esprit. Mais de bien meilleures occasions se présenteraient. Pour l’heure, le gnome imita plutôt les gardes, portant son attention sur cette fameuse forêt.

[Kasumi]

Tandis que Théodore se mettait aussitôt à l'œuvre, Alchem eut tout le loisir d'observer la forêt. Si elle se contentait d'abord de lui paraître étrange, au fil des minutes la sensation se mua en une certaine nervosité puis en une angoisse inexplicable. Quelque force se dégageait de l'atmosphère et le gnome avait l'impression de plus en plus nette d'être épié.

- J'ai vu quelque-chose bouger, risqua un garde avant qu'un autre ne le démente. Mais une minute plus tard, Aleka intervint à son tour :
- Là, la cime de cet arbre a bougé.
- C'est peut-être le vent, hasarda un autre spadassin.
- Non, il souffle dans l'autre direction. Voyez, ça recommence !

Alchem put noter lui aussi le phénomène cette fois : un arbre à une centaine de mètres de la route venait de bouger frénétiquement l'espace de quelques secondes.

[Alchem]

Nerveux, Dalius alla prendre place aux pieds de son maître. Ce dernier s’efforçait de garder un parfait sang froid, ne sachant que trop bien à quoi menait la perte de contrôle. L’effet de cette forêt, l’angoisse qui émanait d’elle, lui rappela certains phénomènes des profondeurs. L’Outreterre était chargé de magie, particulièrement certains secteurs. Quiconque s’y aventurait était troublé par ces radiations. Les sens, les sentiments, parfois même les pensées, tout cela pouvait dérailler, sans compter que recourir à la magie devenait une entreprise hasardeuse sujette à de stupéfiants imprévus. Quand à l’impression d’être observé... ce fut surtout pour Alchem l’occasion de se souvenir d’une sombre période de sa vie, la guerre contre les Drows. Combien de fois il avait eu la conviction qu’il était vue sans pour autant pouvoir voir ? C’était là le signe annonciateur d’un coup de poignard dans le dos, ou d’une lame venant embrasser la gorge. D’ailleurs, instinctivement, le gnome s’était placé dos au chariot.

Il regardait ces arbres, ces étranges manifestations... et pour la première fois, il sut que son ignorance lui portait préjudice. Il n’avait pas fallut longtemps. Il était incapable de déchiffrer tout ça, incapable de prévoir ce qui allait arriver. Non, il découvrirait le danger quand il se dévoilerait. Dans l’Outreterre, en pareil cas, c’était généralement déjà trop tard. Il considéra ses compagnons de route. Il avait des doutes à leur sujet, mais il n’était plus temps d’y songer. Maintenant, il s’agissait d’être uni. Face à la menace, la bonté d’Alchem reprenait le dessus. Jusqu’à preuve du contraire, ces gens étaient honorables. Jusqu’à preuve du contraire, il se devait de les protéger.

[Kasumi]

Théodore avait cessé ses réparations et revint du côté du chariot où se tenaient Alchem et la plupart des gardes désormais. Le marchand tenait à la main une hache d'armes de taille plutôt impressionnante. Deux des gardes avaient privilégié l'attaque à distance, se munissant d'arbalètes sorties elles aussi du chariot. Aleka semblait concentrée, les yeux dans le vague et s'exprima sans crainte ni sentiment d'urgence.

- Un vieux grizzli noir au moins. Un ours hibou peut-être. Et il vient par ici. Soldats, tenez-vous prêts. Alchem, vous devriez reculer.

La mule piaffa de terreur quand les arbres se mirent à bouger les uns après les autres, se rapprochant droit sur eux. Des craquements de bois annonçait que ce qui s'approchait était massif, très massif. Au point de briser les troncs les plus frêles par son simple déplacement.

[Alchem]

Alchem s’exécuta sans mot dire. Il prit en fait place sur le chariot. De ce point surélevé, il compensait sa petite taille. La chose s’approchait. Elle promettait d’être impressionnante. Néanmoins, le gnome des profondeurs ne fit pas que fixer son avancée, trahie par les arbres malmenés. Ignorant si le monstre était seul, ignorant s’ils avaient à faire à des ennemis doués de stratégie, le fils de Téâya vérifia les autres direction aussi. Une avancée frontale pouvait fort bien cacher une prise à revers.

« Je croyais que la surface était plus calme que chez nous ! » remarqua le rat, dans son dialecte magique.
« Entre ce qu’on dit et ce qui est... Prends garde. La bestiole va peut-être charger. »
« Je suis prêt, comme toujours. J’observe les environs, comme toujours. La routine habituelle quoi. »

Sentant le danger tout proche désormais, Alchem jugea bon de prévenir ses alliés sur l’aide qu’il pouvait apporter, ceci de façon plus claire. Question de stratégie, d’organisation. Après, ce serait trop tard.

« Pour vous aider, j’ai en réserve quelques sortilèges utiles. »

[Kasumi]

Aleka qui semblait étrangement superviser la manœuvre lui répondit en hurlant pour que sa voix surpasse les bruits assourdissants des arbres qui, déracinés ou simplement brisés, s'entrechoquaient désormais à quelques mètres.

- C'est le moment de les montrer ! Restez en soutien !
- Bon sang, un ours sanguinaire, ajouta son mari avant de se placer entre les soldats.

Et effectivement, il s'agissait bien d'un ours mais du plus gros qu'Alchem aurait pu voir en toute une vie même s'il avait été coutumier de ce genre de plantigrade, ce qui était loin d'être le cas. L'animal mesurait plusieurs mètres de long et marqua à peine un temps d'arrêt en arrivant à la lisière de la forêt. La mule, folle de terreur, traîna le chariot sur le chemin en trouvant des ressources insoupçonnées dans la panique mais elle ne l'emmena pas loin avant que l'essieu fragilisé ne se brise tout entier. Les deux arbalétriers firent feu, ne réussissant qu'à mettre en rage l'ours déjà particulièrement mal léché. En signe d'ultime défi, il asséna une gifle à un tronc de belle taille qui fut sectionné comme s'il se fut agi d'une brindille.

[Alchem]

Lorsque la mule se mit à tirer le chariot, Alchem sauta au sol, suivit par son rat. Désormais, le danger était en vue. Un ours colossal, sans doute aussi fort que grand... Du fait de son entrainement, le gnome des profondeurs sut tout de suite ce qu’il allait faire. Il ne pouvait savoir si c’était la bonne solution, mais au moins il n’eut pas une seconde d’hésitation, que ce soit à cause d’une indécision ou de la peur. D’ailleurs, il n’y avait pas de place pour la peur en cet instant, comme à chaque fois qu’il fallait se battre. Peut-être viendrait-elle après, avec le recul...

Alchem --> Boule de feu --> Ours sanguinaire

Peut-être était-ce disproportionné. La puissance magique du fils de Téâya était plutôt remarquable. Ce déluge de feu risquait de faire bien des dégâts. Peut-être était-ce au contraire risible. Le gnome ignorait tout de cet adversaire. L’apparence, la taille, ce n’était qu’un maigre indice. Quoi qu’il en soit, il fallait essayer avant que l’ours ne soit au corps à corps, avant que ce sortilège ne puisse plus être utilisé car il fallait faire attention aux humains et à leur chargement. Quand Alchem aurait pu se faire une idée à la fois de la puissance de ce monstre et de celle de ses alliés, il serait en mesure de déterminer la réaction appropriée.

[Kasumi]

La boule de feu atteignit son objectif mais cela n'avait rien d'étonnant tant il était difficile de manquer pareille cible. Alchem avait néanmoins perdu quelques précieuses secondes à sauter du chariot et retrouver son équilibre ce qui pouvait l'excuser d'avoir failli atteindre deux des hommes un peu trop avancé. Ceux-ci étaient néanmoins dotés de bons réflexes et purent éviter le retour de flamme contrairement au premier intéressé dont la fourrure s'enflamma. Le monstre accusa le coup, prostré sur ses pattes de devant puis poussa un grondement propre à déloger les rochers de la falaise et chargea droit sur la source de ses maux.

Les autres combattants n'étaient néanmoins pas restés inactifs : Aleka avait prononcé des paroles aux accents sibyllins et Alchem se sentit aussitôt galvanisé par une énergie et une euphorie qui lui donnait à penser que, quoiqu'il tenta, il le réussirait désormais. Les soldats de l'escorte ressentaient certainement la même énergie car ils se ruèrent comme un seul homme sur la bête, la prenant à revers.

Enfin, Théodore prononça quelques mots à voix basse et il parut soudain plus grand et inexplicablement plus fort tandis qu'il se jetait à l'assaut à la suite du monstre en maniant sa hache comme s'il s'était agi d'un jouet.

[Alchem]

Les deux marchands pouvaient user de magie ? Alchem en fut surpris, agréablement pour l’instant. Il n’était pas entouré de bleus. Ces gens savaient se défendre visiblement fort bien. Et l’ours, certes impressionnant, ne paraissait pas être une difficulté insurmontable pour le groupe. Aussi n’était-il pas nécessaire que le gnome dévoile davantage de ses talents. Il se contenta de rester hors de portée des pattes griffues, chose plutôt aisée quand il y avait au moins sept personnes derrière lesquelles aller. Et pour la forme, car il serait mal vue de rester les bras croisés, il lança un autre sort.

Alchem --> Projectiles magiques --> Ours sanguinaire

Le plus classique de la magie profane, mais aussi le plus efficace des pouvoirs basiques. Les cinq projectiles valaient facilement le plus cruel des coups d’épée.

[Kasumi]

L'ours hurla à nouveau et faillit happer le svirfneblin avant qu'il ne s'esquive hors de portée derrière sa ligne de défense humaine. Les projectiles associés à plusieurs coups d'épées dans les pattes mirent le monstre à terre et Théodore, d'un coup de hache puissant, lui brisa l'échine. L'ours poussa un râle d'agonie avant de s'affaisser tout à fait.
Hormis le chariot, personne ne semblait avoir été blessé dans l'escarmouche qui n'avait pas dû durer plus d'une minute ou deux. Aleka se porta tout de même aux nouvelles en commençant par Alchem :

- Avez-vous été touché ? En tous cas c'est rassurant de savoir que vous avez... quelques sortilèges à disposition en cas de besoin.

[Alchem]

Après avoir jeté un dernier coup d’œil à la bête terrassée, le gnome s’adressa à Aleka avec une amabilité peut-être un peu moins feinte, un peu plus sincère. Un peu...

« Je n’ai rien. Par contre, j’ai relativement peu de sorts létaux prêts à l’usage. Il ne faudrait pas que cet incident se répète trop souvent. Au besoin, si l’on s’attarde en des lieux hostiles, je prendrais des dispositions plus adaptées. »

Alchem pouvait s’estimer heureux. Il avait aidé sans pour autant se dévoiler totalement. Il pouvait désormais se faire passer pour un magicien conventionnel, gardant secrète la spécificité de sa formation. Toujours garder une carte dans sa manche, au cas où... Dalius se permit une remarque amusée.

« Une heure de voyage, un monstre. On ne va pas trop être dépaysé finalement. »
« J’en ai l’impression. »

[Kasumi]

Une fois rassuré sur l'absence de blessés, Théodore se précipita vers le chariot tandis qu'Aleka tentait de rassurer la mule qui semblait s'être recroquevillée contre le bord pentu du chemin.

- L'essieu est complètement cassé. Et le fond a subi des dégâts aussi. Je peux bricoler quelque chose mais nous devrons ralentir l'allure et réparer plus en profondeur à la prochaine étape.

Un des gardes verbalisa ce que tous se demandaient probablement :

- Cela signifie que nous devrons bivouaquer à côté de la Forêt au moins ce soir.

Théodore se contenta de hocher la tête et d'ajouter qu'ils n'auraient pas le choix. A moins d'abandonner le chargement aux pillards.

[Alchem]

« Puisqu’il n’y a pas le choix, faisons ainsi. Les bivouaques en terrain hostile, je connais. Prenons juste garde à nous choisir un lieu à notre avantage avant que ne vienne la nuit. »

La nuit, un concept nouveau pour Alchem. Il l’avait découvert en même temps que le jour. Cet enchaînement cyclique entre lumière et ténèbres n’existait pas dans les profondeurs. Et c’était bien cela qui troublait le plus les visiteurs, cette perte de repaire, parfois très mal vécue. Le gnome avait entendu dire que la nuit, il y avait d’avantage de dangers, et il le comprenait aisément. On le lui avait bien expliqué à Lameroy. L’ouverture et la fermetures des portes l’illustraient. Ce qu’il se demandait à présent, c’était ce que pouvait réserver cette forêt redoutée lorsque le soleil s’en serait allé. Le point positif, c’était que lui-même était un être du noir. Il serait dans son élément et risquait alors d’être à nouveau utile au groupe. En attendant, Alchem se remit à surveiller les environs.

[Kasumi]

Deux des hommes vinrent aider Théodore sur sa demande pendant que les autres se répartissaient le long de la piste pour prévenir toute nouvelle mauvaise surprise. Cela ne laissait qu'Alika pour venir tenir la conversation à Alchem :

- Vous feriez bien de vous reposer cet après-midi. Je pense que nous essayerons de nous relayer dans le chariot afin de pouvoir veiller une partie de la nuit. J'ai bien peur que cela s'avérera nécessaire. Alors autant disposer de quelques sorts à ce moment. Et les vôtres nous seront aussi utiles que ceux dont nous disposons déjà.

[Alchem]

« Pourquoi pas. Faisons ainsi. »

Se reposer ? Au milieu de personne douteuse ou, plus exactement, pas tout à fait sûres ? C’était effectivement possible, car quand Alchem dormirait, Dalius veillerait. Le familier, même s’il ne payait pas de mine, avait sauvé la vie de son maître plusieurs fois. Il était un peu son ange gardien en plus d’être un vrai ami. Le gnome se demandait à présent s’il ne devait pas ajuster son arsenal magique quand il en aurait l’occasion. Et si oui, comment. Etait-il raisonnable de vraiment se faire passer pour un mage ? Ne serait-ce pas s’exposer ? Tout était dans la modération, la juste mesure. Dès lors, il commença à réfléchir à cette question.

« Et bien, notre voyage ne commence pas de la meilleure façon qui soit... Heureusement que vous disposez d’une solide garde », fit remarquer Alchem sur le ton de la conversation.

[Kasumi]

Aleka lui adressa un sourire rassurant avant de répondre d'un ton confiant :

- Ce n'est pas la première fois que nous faisons ce trajet ni notre première miss.. livraison avec ce groupe et cette route réserve toujours des surprises. Peut-être l'a-t-elle fait plus tôt que d'habitude. Ou peut-être suis-je trop optimiste ! C'est la lathandrite qui parle en moi, je suppose...

[Alchem]

Elle s’était reprise. Avait-elle voulu dire mission ? Alchem nota dans un coin de son esprit ce fait forcément sujet à attiser ses suspicions. Mais il n’en fit pas cas pour l’instant, préférant s’attarder sur un autre point, dit ouvertement celui-là.

« Lathandrite ? Servez-vous Lathandre ? Etes-vous prêtresse ? »

Il n’avait pas oublié qu’elle avait fait usage de magie. Il s’agissait sûrement de magie divine.

[Kasumi]

Aleka eut la bonne grâce de rosir légèrement de s'être ainsi laissé démasquer si facilement. Elle décida tout de même de répondre sur un ton badin "Comment une marchande pourrait être prêtresse à moins de servir Waukyne peut-être ?" avant d'ajouter d'un ton plus grave et sincère : "Vous avez raison : je suis désolé d'avoir dû avoir recours à un tel subterfuge mais nous ne pouvions pas savoir à qui se fier. Les temps sont troubles. Je comprendrais que vous préfériez rentrer à Lameroy pour repartir avec un autre groupe même si vous avez démontré que vous êtes honorable."

[Alchem]

« Revenir à Lameroy ? Pour l’instant, j’aimerais juste comprendre, enchaîna Alchem. Vous savez, certains, en ville, se sont posés des questions sur vous. Un chargement de peu de valeur pour six hommes d’armes... Soyez franche, que faisiez-vous à Lameroy ? Et que comptez-vous faire ensuite ? »

Il demeurait aimable, estimant qu’il obtiendrait plus de résultats ainsi, surtout avec une personne bien disposée à son égard. S’il parvenait, dès à présent, à élucider le mystère débuté par les propos d’Alruac, il pourrait s’estimer satisfait.

[Kasumi]

Aleka tourna le regard pour chercher celui de son compagnon mais Théodore était présentement occupé sous le chariot aussi la prêtresse prit sa décision seule et annonça, au bout d'un court instant de réflexion et d'un ton qui paraissait sincère :

- Nous sommes venu dans le but d'enquêter sur les disparitions récentes de convois. Et nous nous sommes dit que le mieux serait de paraître en être un. Et aussi de faire parler de nous en ville. Vous avez mordu à l'hameçon et je m'en vois désolé car vous n'êtes pas celui que nous recherchions. Sans doute s'agit-il toutefois de bandits ou, a minima d'une recrudescence des non morts qui auraient prospéré avec la raréfaction des patrouilles. Excusez-moi d'être si directe mais vous ne semblez pas être un simple marchand non plus mais nous n'aurions pas dû vous entraîner dans cette mission sans vérifier votre identité...