[Lieu] Une route oubliée

[Hubert de Maleval]

" Je n'en sais rien, dit le paladin. Peut-être pas tout de suite... En même temps, c'est lui qui a pris la décision de te venir en aide et c'était un acte très courageux de sa part... Je pense qu'il sera sensible à ton repentir... et quoi qu'il advienne, les choses évolueront."
Il posa une main sur son épaule et la serra doucement.
" C'est ce que font les amis les uns pour les autres. Je suis certain que dans la situation inverse, tu n'aurais pas hésité une seconde à te porter à son secours. Peut-être sera-t-il furieux, oui... Peut-être. Et tu ne pourras pas vraiment lui en vouloir, mais... Sois patiente, Ruth. Nous verrons."

[Taliesin]

Bruit de tissu froissé.
-FICHE LE CAMP ! LAISSE-MOI TRANQUILLE ! SI TU T'APPROCHES, TU VAS VOIR CE QUE TU VAS VOIR !
Alban s'était brusquement redressé. Il clignait des yeux, son expression était à la fois furieuse et terrifiée.
-Ca commence mal... gémit Ruth en se cachant derrière le paladin.

[Hubert de Maleval]

" Je ne crois pas qu'il te parlait à toi." remarqua Hubert à mi-voix, sans pour autant forcer la petite fille à quitter sa cachette.
Se montrer prudente n'était peut-être pas une mauvaise idée, dans les circonstances présentes.
Le paladin sourit au petit garçon, très calmement, sans pour autant oser le toucher.
" Doucement... Tout va bien... dit-il. Tu es avec nous, en sécurité."
Sans doute aurait-il été préférable qu'ils aient déjà quitté le tumulus, mais Hubert espérait que la vision de ces lieux et du corps de son bourreau ne déstabiliserait pas trop le gamin... Au pire, il était là, et de nombreux autres, pour le soutenir.

[Taliesin]

L'enfant poussa un profond soupir.
-Toutes mes excuses, messire. Je crois que je me suis endormi et que j'ai fait un cauchemar.
Il regarda autour de lui, avisa le Chauntéen en train de soigner un blessé, sortit une main de la couverture et l'examina.
-Oh, messire Barthélemy m'a réparé. Faudra que je lui dise merci.
Brusquement, il pivota, observa Robert, toujours inconscient.
-Il... Il ne s'est pas réveillé ? demanda-t-il, d'un ton angoissé.

[Hubert de Maleval]

" Non, mais ce n'est pas anormal et tu ne dois pas t'inquiéter. Messire Barthélémy dit qu'il aura probablement besoin d'être à nouveau soigné demain avant de se réveiller. Le Seigneur des Tombes a usé de magie sur lui et il est très éprouvé, mais il s'en remettra."
Le paladin ne put s'empêcher de se demander combien de temps Ruth comptait rester tapie dans son ombre, mais il ne la trahit pas pour autant.
" Je pense que dès que Giovanni en aura terminé avec la préparation de cet incroyable butin, nous remonterons à la surface."
Il lui sourit.
" Comment te sens-tu ?"

[Taliesin]

-Ça va. J'ai plus mal nulle part et... ça fait un peu bizarre. Mais je vais pas me plaindre.
Il observa un moment les hommes en train d'emballer leurs trouvailles et un sourire un peu pâlot étira ses lèvres.
-Bon, au moins, il y aura eu un truc utile, dans cette histoire. Même s'il y a pas de trésor dans la cité, peut-être que la communauté pourra rembourser directement la banque, avec tout ça.
Il soupira.
-Mais j'espère qu'on va vite partir, ou que quelqu'un est allé prévenir les autres. Ils doivent rudement s'inquiéter. Surtout Ruth... J'ose pas imaginer.
L'intéressée frémit mais n'osa toujours pas se montrer.

[Hubert de Maleval]

Hubert ne put s'empêcher de sourire et, passant une main dans son dos, il attrapa le coude de Ruth qu'il serra doucement, espérant lui communiquer un peu de courage. Si elle tardait trop, Alban aurait une raison supplémentaire de lui en vouloir.
" Je vais aller voir si je peux donner un coup de main là-bas, histoire d'accélérer le mouvement... Je ne serais pas contre revoir le soleil, moi aussi. Même s'il fait peut-être déjà nuit, en réalité. A errer dans le ventre de la terre, on en perd la notion du temps."
Enfin... Pour qu'il se lève, il aurait fallu que la gamine prenne le taureau par les cornes et affronte son camarade. Il ne pouvait pas la blâmer, mais c'était elle qui avait choisi de venir à sa suite... Il fallait qu'elle assume, à présent.

[Taliesin]

La fillette prit une profonde inspiration et révéla enfin sa présence, tandis qu'Alban écarquillait les yeux, incrédule.
-Heu... Salut, souffla-t-elle.
-Salut, répondit-il.
L'instant suivant, Ruth lui sautait au cou, manquant le renverser et le laissant rouge comme une pivoine.
-Ben ça, Ruth qui fait des câlins, lâcha-t-il, éberlué.
-Et Ruth qui te remercie de l'avoir sauvée. Et qui te demande pardon pour ce qui t'es arrivé à cause d'elle. Et qui jure qu'elle fera plus jamais de bêtises. Et qui... Et qui...
Les sanglots qui affluèrent l'empêchèrent de continuer. Le garçon devint encore plus cramoisi, si telle chose était possible, et commença par lui tapoter maladroitement le dos. Puis, à son tour submergé par l'émotion, il fondit en larmes et la serra franchement contre lui.

[Hubert de Maleval]

Hubert les regarda avec un sourire attendri, sans intervenir dans un premier temps. Ils étaient mignons, tous les deux, mais il ne fallait quand même pas qu'ils submergent la salle sous leurs larmes, aussi, après les avoir laissés tranquilles un moment, il revint s'asseoir près d'eux, et frotta lentement leurs deux dos agités de tremblements.
" Allons, doucement, souffla-t-il à mi-voix, conscient que l'intégralité des personnes présentes dans la salle devaient désormais regarder dans leur direction. Tout va bien, maintenant. Gardez de l'énergie pour le chemin du retour."
Il ne voyait pas bien ce qu'il pouvait dire d'autre. Les enfants, ce n'était pas vraiment sa spécialité. Il se fit soudain l'impression d'être indiscret, à les chaperonner de la sorte. Mais tant qu'ils n'étaient pas un peu apaisés, il répugnait à les abandonner.

[Taliesin]

Les deux gamins finirent par se séparer, par sécher leurs larmes, par regarder autour d'eux.
-Hum... fit Ruth.
-Comme tu dis... répondit Alban.
-Faudra raconter ça a personne, ou alors notre réputation, elle sera fichue.
-On dira rien. Motus et bouche cousue.
La fillette se leva, manifestement rassérénée. Le petit garçon faillit l'imiter mais préféra d'abord se tourner vers Hubert.
-J'ai le droit de me lever, messire ? Ou messire Barthélemy a dit que je devais pas trop bouger ?

[Hubert de Maleval]

Le souci des apparences des deux enfants fit cette fois franchement rire le paladin, mais il comprit rapidement à leur mine qu'ils n'appréciaient qu'à moitié sa réaction, et il tempéra son hilarité du mieux qu'il le put.
" Barthélémy n'a rien dit de tel. Je pense que tu peux circuler à ta convenance... Méfiez-vous cependant de ce que vous dénichez, et dans le doute, allez montrer à Giovanni ce que vous avez trouvé. Il n'est pas rare que ce genre d'endroits abrite des objets maudits dissimulés parmi des choses plus ordinaires. Je pense que nous avons tous eu assez d'émotions pour aujourd'hui."
Puis, il leur tapota l'épaule à chacun et se dirigea vers le barde et son butin. Il ne se sentait pas encore tout à fait vaillant mais il se reposerait une fois sorti de ce trou.

[Taliesin]

Lorsqu'il entendit ses pas, le barde abandonna à regrets l'examen d'un petit miroir qui avait l'air de beaucoup l'amuser.
-Ah, Hubert, j'espère que vous êtes en pleine forme, parce qu'on va avoir besoin de tout le monde pour transporter ce merveilleux trésor ! Ce serait un crève-cœur, n'est-ce pas, d'abandonner quoi que ce soit... En ce qui me concerne, comme mes muscles atrophiés m'empêchent de soulever de lourdes charges, je serai contraint de parer ma personne d'une infinité de bagues, de bracelets, de colliers, de torques, de pendentifs, de courones, de diadèmes... Puisque je déteste l'ostentatoire, je vais vivre une véritable épreuve. Mais, ma foi, si c'est pour le bien commun...

[Hubert de Maleval]

" Je comptais porter Robert, en fait, dit le paladin avec une grimace, en désignant le chevalier resté derrière lui. Mais si le tumulus est sécurisé, j'imagine que rien ne nous empêche de faire des allers et retours pour venir chercher tout ce que vous pensez utile d'emporter, Giovanni."
Tout en parlant au barde, il ne put s'empêcher de chercher Ruth et Alban du regard. Peut-être était-ce une mauvaise idée de leur avoir lâché la bride, mais en même temps, personne ne semblait s'inquiéter de dangers potentiellement présents dans la salle, et ils avaient besoin de se changer les idées... Il voulait toujours sonder le gosse, aussi, mais ne savait pas exactement quand le faire pour ne pas le blesser.

[Taliesin]

Le paladin ne vit les enfants nulle part, ce qui n'était guère étonnant, l'endroit étant pour le moins encombré... Et puis, Alban avait sans doute préféré s'éloigner au plus vite du cadavre de son tourmenteur.
-Pour Robert, nous avions d'abord pensé lui bricoler un brancard en utilisant des lances et l'une des jolies tentures qui ornent les salles précédentes, répondit Giovanni. Mais ça, c'était avant que nous découvrions une magnifique chaise à porteurs... Notre Loup Blanc regagnera donc la colonne avec l'apparat des rois de jadis !
A regret, il déposa le miroir sur la pile des objets magiques.

[Hubert de Maleval]

" J'espère qu'il n'y a rien de maudit dans tout ce fatras..." murmura le paladin avant de faire un pas en arrière.
Où donc avaient déjà disparu les enfants ? Peut-être aurait-il dû se fendre d'une instruction du type : "et ne vous éloignez pas trop" ? Il sourit au barde, fit volte-face, et de l'air le plus détaché possible, essaya de les retrouver... à la vue, à l'ouïe, n'importe quoi... Il était conscient que c'était sans doute un excès de précaution : après tout, les gosses avaient été éprouvés, eux aussi, ils n'allaient pas chercher les ennuis pour le plaisir, mais... cet endroit le mettait mal à l'aise. Il avait du mal à croire qu'une entité démoniaque d'envergure avait pu vivre ici des années, peut-être des siècles, sans que rien de son domaine ne soit vicié.

[Taliesin]

Moins de deux minutes plus tard, il entendait leurs voix, provenant de derrière une colonne située sur sa droite.
-...pas une blague ? T'as vraiment utilisé ma botte secrète ?
-Je te jure.
-Et ça a donné quoi ?
-J'ai cru que je m'étais cassé le pied.
-Oh, mince...
-En même temps, j'ai été idiot. Parce que les squelettes, ben, tu vois...
-Oui, je crois que je vois.

[Hubert de Maleval]

Hubert grimaça en entendant les enfants bavarder innocemment à l'abri de leur colonne. Il se faisait vraiment l'impression d'une mère poule inquiète alors même qu'aucun des deux gosses n'était sous sa responsabilité. C'était Albérich qui avait amené Ruth jusque là, ne pouvait-il pas s'en occuper, plutôt que de faire le brave homme auprès de ce barde en pleine représentation ?!
Les bardes, songea Hubert en grommelant.
Bon, avec Robert dans les vapes, Alban était peut-être quand même plus ou moins sous sa garde officieuse. Il décida de se trouver un endroit où il pourrait continuer à surveiller les deux gamins sans pour autant être sur leur dos. Il n'avait pas besoin d'écouter leur conversation, non plus. Il était vraiment temps qu'ils repartent. Il avait faim, vaguement mal à la tête, et juste envie de se coucher quelque part pour dormir.

[Taliesin]

Les gamins continuèrent à bavarder paisiblement tout en procédant à de minutieuses recherches, tâche qui semblait les amuser autant l'un que l'autre. Malheureusement pour eux, la zone avait été déjà largement explorée, si bien qu'il ne trouvèrent pas même une vase précieux. Sans se décourager, Alban fit une proposition qu'Hubert n'entendit pas. Ruth parut hésitante, lui posa une question puis acquiesça. Alors, ils se dirigèrent vers le bout de la salle, là où s'était déroulé l'ultime affrontement. Ils firent un écart pour éviter le cadavre du Seigneur des Tombes, s'approchèrent du trône...
...et se faufilèrent derrière celui-ci, disparaissant à la vue.

[Hubert de Maleval]

Hubert n'avait vraiment pas la tête à jouer à cache-cache avec les enfants, aussi décida-t-il de risquer l'impopularité en allant les rejoindre pour leur demander de rester dans un rayon limité autour de lui, et visibles. Il se déplaça sans hâte, malgré la pointe d'agacement qu'il ressentait. Il croisa malgré lui le regard d'Albérich qui, toujours non loin de Giovanni, l'observait, manifestement circonspect. Sans doute dut-il percevoir quelque chose car il se mit en marche vers lui. Si c'était pour le relayer, le paladin ne demandait pas mieux. Mais il allait d'abord coincer les gosses.

[Taliesin]

Les enfants avaient enfin fini par mettre la main sur quelque chose. Cependant, à voir leurs mines dépitées, ce n'était pas exactement ce à quoi ils s'attendaient.
Hubert ne savait pas comment - la chance, sans doute -, mais ils avaient ouvert un compartiment secret situé à l'arrière du trône, en avaient tiré un coffret, ouvert ce dernier...
...et découvert à l'intérieur non de l'or ou des joyaux, des parures ou des artefacts magiques, mais des parchemins et de vieux manuscrits.
-Le savoir est un trésor, murmura Alban, peu convaincu.
-Ouais, on va dire ça, soupira Ruth.

[Hubert de Maleval]

Hubert s'appuya au trône et leur sourit.
" J'en connais qui vont vous laisser choisir ce que vous voulez dans l'autre trésor, remarqua-t-il. Ne touchez rien, c'est plus prudent."
Il tourna la tête.
" Giovanni, laissez donc ces breloques et ramenez votre joli minois ! Les enfants ont découvert quelque chose qui devrait vous faire plaisir."
Enfin, c'était peut-être du ressort de Barthélémy et de Gabriel, tout bien réfléchi, mais le barde serait à même d'en juger. Albérich était arrivé derrière son épaule, toujours hésitant. Hubert frémit malgré lui en le sentant approcher. Il allait falloir qu'il lui parle, chaque minute écoulée rendait la chose plus difficile.
" Qu'est-ce qu'ils ont trouvé ? demanda le Luménien, d'un ton tranquille.
— Ton rêve. Du papier."
L'ancien clerc lui décocha une grimace éloquente, mais ils se sourirent, et le paladin relâcha sa respiration.

[Taliesin]

Parvenu sur les lieux, le barde examina avec attention et intérêt les documents antédiluviens.
-Pour de l'écriture ancienne, c'est de l'écriture ancienne... constata-t-il. Spontanément, je dirais que certains de ces textes sont de nature magique, qu'ils permettent d'apprendre ou de lancer des sortilèges, et que les autres sont des récits. Toutefois, cela dépasse largement mes compétences, il faudra montrer ça aux membres les plus érudits de la communauté.
Il s'interrompit, souleva un parchemin, saisit quelque chose entre ses doigts et le brandit à la vue de tous.
Il s'agissait d'une gemme finement taillée, d'une gemme dont émanait une lueur mouvante, violacée, malsaine.
-Barthélemy ? Vous auriez un instant ?
L'intéressé le rejoignit. Observa l'objet.
Ils échangèrent un regard. Acquiescèrent.
-Un phylactère, dit le Chauntéen.

[Galathée]

Albérich sentit les cheveux se hérisser sur sa nuque, et Hubert fit un pas en arrière, la main déjà posée sur le manche de son épée.
" Il faut le détruire rapidement..." souffla le Luménien, en s'écartant malgré lui du trône.
Le paladin s'était tourné vers le corps affalé du Seigneur des Tombes, comme s'il s'attendait à le voir se redresser brusquement dans la seconde.
" Une liche, bordel de merde..." lâcha-t-il à mi-voix.
Les phylactères n'étaient pas toujours très solides... Peut-être qu'un bon coup de masse suffirait à le faire voler en éclats. Si celle de Gabriel était trop ordinaire, sans doute Giovanni avait-il déniché une arme magique susceptible d'y parvenir dans les trésors de la créature. Quoi qu'il en soit, il ne fallait pas tergiverser...

[Taliesin]

-Un volontaire ? s'enquit le barde, qui tenait l'objet du bout des doigts, avec une répugnance manifeste.
-Moi, dit Alban en s'avançant d'un pas.
Son teint vira à nouveau au cramoisi lorsqu'il fut la cible de tous les regards.
-Il... Il a failli tuer messire Robert, et il m'a fait du mal, reprit-il d'un ton moins assuré. Alors... Je sais que la vengeance c'est une mauvaise chose. Mais là, ça serait utile, non ? Et je crois que ça me ferait du bien... Donc voilà...

[Galathée]

" C'est une bonne idée." dit Hubert.
Une bonne idée ?! s'insurgea Albérich sans oser le verbaliser.
" Mais je reste dans ton ombre. Et messire Barthélémy peut peut-être surveiller."
Le paladin chercha quelque chose puis baissa les yeux sur Albérich.
" Ta masse ?
— Je l'ai laissée en haut. Sur mon cheval.
— Tu plaisantes."
Il secoua la tête, embarrassé.
" On m'a interdit de descendre dans le tumulus tant qu'il y avait du danger alors j'ai pensé...
— Mauvaise excuse. Il y a toujours du danger."
Hubert balaya aussitôt la salle du regard, sans plus soucier du teint cramoisi de son voisin.
" Gabriel ! Nous avons besoin de vous !"

[Taliesin]

Le phylactère fut déposé au sol.
Gabriel remit sa masse à Alban, qui grimaça sous son poids.
Ils formèrent un cercle tout autour, prêts à intervenir en cas de besoin.
A deux mains, l'écuyer souleva l'arme bien trop grande pour lui.
L'abattit.
Une fois. Deux fois.
Sans résultat.
Indifférent à la couverture qui glissait de ses épaules, aux muscles tremblants de ses bras, le garçon s'acharna.
Au quatrième coup, une infime fêlure apparut sur la gemme.
Au cinquième, elle devint fissure.
Au sixième, le phylactère vola en éclats.
Un vent violent, glacial, balaya la salle, soufflant torches et flambeaux.
Un cri strident, chargé de haine, résonna sous les voûtes de pierre, vrillant les tympans.
Libérée de son carcan, la lumière violacée s'étendit, devint nappe de brume luminescente qui enveloppa l'assistance avant de s'élever vers le plafond.
De disparaître.
Plus rien.

[Hubert de Maleval]

L'ombre avait failli les tromper, se régénérer en silence, pour mieux surgir à nouveau. Mais l'ombre avait trouvé son maître et s'était dissipée dans l'air froid, malgré sa fureur et sa haine. Il fallait espérer qu'ils en resteraient là.
Et à présent, il faisait complètement noir.
" Bien joué." commenta néanmoins Hubert d'un ton alerte, en replaçant la couverture sur les épaules du petit garçon.
Il desserra ses doigts du manche de la masse avant de se tourner vers Ruth. Avec la disparition de la lumière violacée, plus personne ne voyait rien.
" Et bien, votre curiosité nous aura sauvé la mise, et à celle des prochains voyageurs à emprunter la route."
Il revint ensuite vers Giovanni. Gabriel ne tarderait probablement pas à rallumer les torches.
" Je pense qu'il serait temps que nous remontions, même si vous devez abandonner trois quatre merveilles derrière nous. Vous viendrez les rechercher la prochaine fois que vous passez dans le secteur, ça vous fera une promenade."

[Taliesin]

La lumière revint.
Dix minutes plus tard, ils étaient partis.
On avait installé Robert dans la fameuse chaise à porteurs qui, toute ostentatoire qu'elle fut, présentait au moins l'avantage d'être pratique.
Quant au trésor, on l'avait déposé dans des vases, emballé dans des tentures, glissé dans toutes les poches disponibles, pour les plus petits objets. Bien sûr, il s'était avéré nécessaire de laisser certaines choses en arrière. Mais comme l'avait dit Hubert, ils pourraient toujours revenir. Et puis, ils emportaient l'essentiel.
Lorsqu'ils quittèrent les appartements privés du Seigneur des Tombes, lorsqu'ils parvinrent près du sinistre autel de pierre, Alban avait frémit sans pourtant flancher et, sa main serrant très fort celle de Ruth, il avait entrepris de descendre le monumental escalier.
Ainsi débuta leur long périple vers la surface.

[Hubert de Maleval]

Hubert avait hésité, puis renoncé, à en profiter pour parler un peu avec Albérich. Ils étaient chargés tous les deux, et lui-même n'était pas tout à fait certain de savoir quoi lui dire. Aussi se glissa-t-il dans l'ombre d'Alban et Ruth, histoire de garder un oeil sur eux. Le Luménien semblait avoir compris le message et n'essaya pas de rester en arrière avec eux, s'intercalant plus haut dans la colonne.
Au moment où ils atteignirent l'autel, Hubert veilla à ce qu'Alban, à tout hasard, soit dans la sphère d'influence de son aura, mais il se garda bien d'intervenir d'une quelconque manière : Ruth avait la situation en main, tout semblait se dérouler pour le mieux entre les deux enfants, ce qui était touchant à observer.
Lorsqu'ils atteignirent la salle où s'était déroulé le premier combat, le paladin songea cependant soudain à quelque chose, et se dirigea vers Barthélémy, avant de changer d'avis - il était Chauntéen — et de porter ses pas, rapides, vers la tête de la colonne. Il faillit aller vers Albérich, puis renonça et se rabattit sur Gabriel. Il ne savait jamais trop bien ce qu'il pouvait encore demander au Luménien sans le vexer ou le blesser. Il espérait que s'il surprenait leur conversation, il n'en prendrait pas ombrage.
" Gabriel, je voulais vous demander..."
Il prit une profonde inspiration.
" Vous savez que... vous êtes arrivé à point nommé et je ne vous en remercierai jamais assez, mais... je pensais à ces guerriers morts-vivants que nous avons combattus et qui gisent ici, désormais. Si vous étiez arrivés quelques minutes plus tard, Robert et moi-même en aurions probablement fait partie et... Je me demandais si nous pouvions faire quelque chose pour ces âmes... Est-ce que la mort de la liche suffit à les libérer ? Ne devrions-nous pas... je ne sais pas... leur offrir une sépulture ou prononcer quelques mots ? Quand je pense à ce qui aurait pu m'arriver... Je ne peux pas m'empêcher de m'en émouvoir."

[Taliesin]

-Et bien... Comme vous le savez, certains morts-vivants ne sont que des carcasses vides, ranimées par magie, tandis que d'autres conservent au contraire tout ou partie de leur conscience. Pour savoir à quelle catégorie appartenaient ceux-ci, il faudrait les examiner, essayer de découvrir si les rituels d'inhumation qui ont présidé à leurs funérailles sont la cause de leur retour, ou s'il n'est imputable qu'à la seule malveillance de leur seigneur. Mais, dans tous les cas, je pense pouvoir affirmer que leur âme est désormais en repos. Ce qui n'empêche pas que nous les remettions dans leurs sarcophages et prononcions une oraison en leur mémoire. Si tout le monde s'y met, cela pourrait ne prendre que quelques minutes.