[Quête] Dans lÂ’ombre des merveilles

[Le Façonneur]

Le couloir se prolongeait sur une bonne distance. Les braséros, répartis de façon régulière de chaque côté, engendraient une lumière diffuse, quasi fantomatique. Le silence, si complet, amplifiait chaque son, même le plus infime. Le druide entendait chacun de ses pas sur le roc, chacune de ses respiration, et même le crépitement de sa torche sur le déclin. Une chose était certaine, l’atmosphère de ce lieu n’était pas naturelle.

Maël finit par apercevoir le bout du couloir. Il semblait y avoir ensuite une pièce des plus vastes. Mais, avant cela, il y avait surtout deux sentinelles, adossées chacune contre un des murs. Parfaitement immobiles, l’homme estimait leur taille à plus de deux mètres. C’était des créatures musculeuses armées de grandes haches à double tranchants. Leurs têtes bestiales n’étaient pas tournées vers l’intrus.

[Maël Maëviàn]

Évidemment, l'endroit été gardé. Il aurait été bien naïf d'espérer le contraire. Le druide avait quelques ressources, mais deux adversaires de cette taille semblaient un bien grand défi. S'il y avait conflit, il était loin d'être assuré qu'il serait vainqueur…
Bien sûr, Maël pouvait faire appel à sa magie pour passer entre eux sans qu'ils ne le voient. Mais gaspiller ses sorts n'était pas une excellente idée s'il était possible de faire autrement. D'autant que la curieuse atmosphère des lieux, et que la parfaite immobilité des deux gardes, éveillaient quelques soupçons.

Dans l'immédiat, il décida de ne pas bouger et d'observer, demeurant aussi discrèt que possible compte tenu de la situation. Les créatures allaient-elles se mettre à bouger ?

[Le Façonneur]

Maël attendit ainsi quelques minutes. Aucune des deux sentinelles ne fit le moindre mouvement, même pas le plus infime. Leur immobilité n’avait rien à envier à celle d’une statue. Par contre, le druide entendit un son déchirer le silence. C’était lointain, étrange. Une sorte de cri soupirant, un souffle, quelque chose dans le genre. Impossible d’être sûr de quoi que ce soit, si ce n’était du caractère inquiétant du bruit. Quand il se fut évanouît, le silence revint, tout aussi opaque.

[Maël Maëviàn]

Curieux bruit… mais il faudrait s'en préoccuper en temps utile. Pour l'heure, les deux gardiens étaient un soucis plus immédiat. Mais ils étaient tellement immobiles que Maël doutait qu'ils soient réellement en vie. À sa connaissance, peu de créatures vivantes étaient capables de rester si longtemps sans le moindre mouvement perceptible, et ces deux-là ne ressemblaient à aucune de celle qu'il connaissait. Pour en avoir le cœur net, le druide, demeurant en retrait, envoya rouler ce qui restait de sa torche – toujours allumée, mais qui ne tarderait sans doute plus guère à s'éteindre – en direction des deux gardes. S'ils ne réagissaient pas, eh bien… il avancerait.

[Le Façonneur]

Pas la moindre réaction. Par contre, la torche finit de rendre l’âme. Maël put s’avancer et bientôt constater que les sentinelles n’avaient pas seulement l’immobilité d’une statue, c’étaient des statues. Elles illustraient des monstres inconnus du druide, sorte d’humanoïdes chimériques et torturés... de sinistres œuvres d’art.

Au-delà, une large salle circulaire s’ouvrait. Son plafond, très élevé, était creusé en coupole. Au centre de la pièce, un majestueux arbre de pierre se dressait. Il était illuminé par des lucioles bleutées qui volaient paisiblement autour de ses branches pétrifiées. Les murs étaient bordés par les mêmes braséros que dans le couloir. Trois passages, sans compter celui emprunté par l’homme, partaient de la salle, un à gauche, un à droite, un en face. Ce dernier était nettement plus grand que les autres.

[Maël Maëviàn]

Eh bien… au moins, ces sculptures étaient réussies. Maël avait, certes, perdu un peu de temps à s'assurer qu'il ne s'agissait pas de créatures vivantes ; mais il n'était pas spécialement pressé. Mieux valait avancer à pas mesurés plutôt que de commettre une erreur par sa précipitation. Reprenant l'habitude qu'il avait prise à l'étage supérieur, le druide s'avança en direction du couloir de droite, sur ses gardes. Il avait certainement pénétré dans l'antre de la sorcière, et donc la source des troubles…

[Le Façonneur]

Le couloir ressemblait comme deux gouttes d’eau à celui que Maël avait déjà emprunté. Il y retrouva même les statues, celles-ci illustrant par contre une autre créature, moins intimidante mais plus dérangeante. Il se dégageait d’elles quelque chose de vicier. Mis à part l’aspect esthétique, aucun danger ne se présenta. Le tunnel conduisait à une porte close. Derrière, le druide pouvait entendre un bruit d’ébullition, ainsi que des gémissements...

[Maël Maëviàn]

Le bruit était intriguant – et guère rassurant. Savoir ce qui se passait de l'autre côté de cette porte pouvait être d'une certaine utilité, aussi le druide s'enquit-il de la façon dont il pourrait l'ouvrir. La spécialité de Maël n'était pas de forcer les serrures, mais peut-être l'action serait-elle à sa portée… si encore la porte était verrouillée, ce qui n'était pas nécessairement le cas.

[Le Façonneur]

Maël posa la main sur la poignée en fer ouvragé, l’actionna, tira, la porte commença à s’ouvrir en grinçant. Déjà, pour la discrétion, il fallait faire une croix dessus. Une pièce circulaire apparut derrière le battant. Ce que le druide remarqua à l’instant même, ce fut la marmite qui en occupait le centre. Un feu vif brûlait dessous, jetant de dansantes lueurs sur les murs et les quelques meubles, notamment une table occupée par des épluchures de légumes. Dans la marmite, l’eau bouillonnait furieusement et, au-dessus, était suspendu par les pieds une bien étrange créature. Nue, la tête en bas, elle semblait être un croisement aberrant entre un homme et un animal impossible à identifier. Son corps malingre était couvert d’une fourrure dorée. Sa tête bestiale avait des traits félins. De la base de son dos naissait une queue en panache. C’était cette chose qui gémissait... Lorsque la porte s’ouvrit, la bestiole, qui n’était pas plus grande qu’un enfant, chercha à voir qui entrait. Sa position ne le lui permis pas.

[Maël Maëviàn]

HRP : d'après la description… c'est un genre de chat-garou en forme intermédiaire ?

Quelle que soit cette créature, elle ne méritait sans doute pas un tel traitement. Le druide s'approcha donc aussitôt, observant la façon dont elle était accrochée, et cherchant à déterminer s'il serait plus rapide et plus aisé de la décrocher immédiatement, ou s'il lui serait préférable de commencer par déplacer la marmite bouillante pour que cette partie du supplice, au moins, cesse, le temps qu'il procède au décrochage. Quelle que soit l'option la plus simple, il s'y emploierait sans tarder…

[Le Façonneur]

HRP : pas vraiment. J’ai précisé d’avantage son apparence dans ce message.

Maël passa donc quelques instants à examiner la créature et ce qui l’entourait, afin de savoir comment agir. Tout d’abord, il constata que l’insolite bestiole était plus aberrante quelle le laissait supposer au premier regard. Du chat, elle n’en avait que la tête. Son allure était simiesque, notamment à cause de bras trop longs et de jambes trop courtes. Ses mains et ses pieds, tout en restant poilus, étaient palmés. Sa queue suggérait l’écureuil. Enfin, elle possédait les attributs sexuels à la fois d’un mâle et d’une femelle.

Elle était suspendue par les chevilles. Une cordes, fixée à un crochet au plafond, les liait ensemble. Problème : cette corde était légèrement hors de portée du druide. Non seulement il fallait être très grand pour l’atteindre, mais en plus la volumineuse marmite faisait obstacle. Cette marmite devait peser un poids considérable. Elle était en cuivre, reposait sur trois pieds et était remplie presque à raz bord. Bien sûr, il n’était pas possible de la toucher sans se bruler. Bref. Libérer la chose n’allait pas être si simple... La pièce comptait une table, quelques meubles et, accroché au mur, quelques couteaux et autres outils de cuisine... ou de torture.

[Maël Maëviàn]

HRP : en effet.

Hum. Curieuse créature, et surtout curieux supplice. Déplacer la marmite serait sans doute difficile, à moins peut-être de la renverser, ce qui, compte tenu de la quantité d'eau bouillante, ne serait pas sans danger. Il y avait bien sûr la possibilité d'attendre qu'elle se vide d'elle-même, mais cela nécessiterait que la vapeur continue d'atteindre sa victime, ce qui n'était pas précisément le but du druide. Quant à atteindre la corde… il le pouvait sans doute du bout de sa lance, mais le succès ne serait pas forcément au rendez-vous. Faire tomber la créature dans la marmite ne serait pas vraiment un succès.

« Est-ce que… sauriez-vous comment je peux vous aider ? »

Tout en parlant, Maël regardait plus attentivement les meubles, espérant y trouver quelque chose d'utile.

[Le Façonneur]

L’aberration tourna des yeux suppliants vers Maël et poussa quelques cris incompréhensibles. Elle semblait douée de conscience, mais peut-être n’était-elle pas capable de parler. Elle manifestait aussi une faiblesse certaine. Elle ne tiendrait plus très longtemps face à ce supplice. Le druide n’était pas beaucoup plus avancé, d’autant plus que son observation de la pièce ne lui apporta pas d’information utile.

« Je serais vous, je ne perdrais pas de temps avec lui. »

L’homme fut surpris par cette voix toute proche. Mais ce n’était que le lapin qui venait d’apparaître sur la table. Ce dernier, Maël l’avait déjà constaté mais désormais cela sautait aux yeux, avait un corps d’hybride, mi lapin, mi humain... et peut-être y avait-il quelque chose d’autre...

« Si vous lui sauvez la vie, il risque de prendre la votre. Un curieux sens de la gratitude... »

Le singe/grenouille/chat/écureuil/humain mâle/femelle ne paraissait pourtant pas méchant, loin de là.

[Maël Maëviàn]

« Aucune créature ne mérite un tel traitement. Au fait, vous n'aviez pas dit que vous préfériez ne pas trop venir de ce côté ? »

L'explication la plus plausible était que cette sorcière s'amusait à métamorphoser les aventuriers de passages, mais d'une manière assez particulière. Ces deux-ci avaient dû en être victimes, et, s'ils s'étaient connus auparavant, une rancœur persistante expliquait peut-être les conseils du lapin. Quoi qu'il en soit, une personne comme Maël ne pouvait simplement pas repartir sans avoir fait son possible pour libérer la créature. Faute d'autre solution, le druide leva sa lance pour tenter de trancher la corde, espérant qu'il pourrait rattraper l'“aberration” avant qu'elle ne tombe dans l'eau bouillante…

[Le Façonneur]

« Je dis des choses, j’en fais d’autres... qui voulez-vous, je suis ainsi ! »

Le lapin eut ce rire fou qui semblait très bien le caractériser. Il observa, amusé, les tentatives de Maël pour libérer l’aberration.

« Vous avez raison, un bain dans l’eau bouillante, ça va lui faire du bien ! Hé, hé, hé ! Je veux absolument voir ça ! Quand on est ébouillanté, la peau elle s’en va toute seule. Vous le saviez ? Et puis, plus une viande souffre avant de mourir, plus elle est bonne à manger ! Vous le saviez ? »

La lance commençait à bien entamer la corde. Le captif avait beau avoir la taille d’un enfant, c’était quand même un enfant, c’est-à-dire un poids conséquent. La marmite était large et haute, le druide allait avoir du mal à se préparer à rattraper la créature. Etait-il bien judicieux de continuer ? Le lapin frétillait d’excitation.

[Maël Maëviàn]

Jugeant que son travail avançait suffisamment bien, Maël cessa son activité sitôt que la corde sembla en mesure de finir par céder elle-même sous le poids de la créature qu'elle retenait. Il défit alors deux des trois harpons qu'il avait avec lui et les disposa prestement, croisés, au dessus de la marmite. Ces simples – quoique fort solides, car destinées à percer le corps de créatures marines particulièrement résistantes – tiges de bois ne formaient sans doute pas un couvercle satisfaisant, mais, tenus par de vaillants bras, elles pouvaient permettre de rattraper l'aberration dans sa chute avant qu'elle ne touche l'eau, et de la faire glisser jusque dans une position où le druide pourrait la tenir plus aisément. Du moins, la chose était théoriquement possible… il avait déjà vu, à bord d'un navire, un camarade réceptionner ainsi un mousse ayant manqué de tomber à la mer depuis les cordages. Bien sûr, la mer, elle, ne bouillait pas, mais d'un autre côté, le sol de ce curieux endroit tanguait moins que celui d'un navire. Il fallait simplement espérer qu'il soit assez adroit et assez fort pour réussir…

[Le Façonneur]

Voilà une idée bien trouvée, le lapin commença même à s’inquiéter. Sait-on jamais, cela pouvait marcher. Mais la corde ne cassa pas d’elle-même, elle se révélait particulièrement robuste. Maël dû encore jouer de sa lance, un peu, juste un petit peu. Ce fut là où elle rompit, alors que l’homme tenait encore son arme en main. Tout de même vif, il eut tôt fait de s’en débarrasser, pour se pencher tant bien que mal sur la marmite bouillante. Il attrapa pratiquement au vol l’aberration, juste après qu’elle ne rencontre les harpons. Ce fut là qu’il prit conscience de son poids, poids saisit en catastrophe, poids tenue pratiquement à bout de bras. La créature avait déjà à demi sombré. La tête, surtout, était sous l’eau. Le druide retenait le malheureux par un bras et une jambes. Il sentait une brulure au niveau du torse. Sous l’effort, sous l’élan, il avait touché le cuivre brulant. Il pouvait poursuivre cet effort, au risque de se bruler d’avantage. Il lui semblait possible, maintenant qu’il était en position, de hisser l’aberration hors de là. Ou bien, il pouvait lâcher et se retirer.

[Maël Maëviàn]

Maël poussa un juron. Il n'était manifestement pas aussi adroit qu'il l'aurait voulu. Mais il était simplement hors de question qu'il abandonne maintenant que les choses étaient en l'état. Se cramponnant, il tenta de toutes ses forces de récupérer la créature, puis de la mettre en sécurité, tentant de faire abstraction de la douleur provoquée par sa propre blessure.

HRP : si je parviens à récupérer la bête et qu'elle semble avoir survécu au traitement, considère que je lui lance immédiatement l'un de mes deux sort de soins modérés. Et si mes propres brûlures semblent grave, je lance l'autre sur moi-même dans la foulée.

[Le Façonneur]

Maël crut bien qu’il n’allait pas y arriver. Il se brûla d’avantage, autant à cause du cuivre que de l’eau. Il dût serrer les dents pour ne pas crier sous la douleur devenue conséquente. Heureusement, ce ne fut pas en vain. Il arracha à une mort certaine la créature, parvenant à la soulever puis à se jeter en arrière où il put la poser au sol. Elle faisait peur à voir. Certes encore en vie, elle avait été sérieusement ébouillantée sur une bonne moitié du corps. Celui-ci était traversé de soubresaut, sans doute signe d’agonie. Déjà au comble de l’épuisement, cet insupportable afflue de souffrance allait sous peu emporter dans l’au-delà son âme torturé.

Le druide eut donc recours à son premier sort de soin. L’aberration parut s’apaiser et ses brûlures semblèrent un peu se résorber. Il était toutefois difficile d’en juger à cause de l’abondant pelage. Chose certaine, elle avait sombré dans l’inconscience, peut-être hors de danger, peut-être pas. L’homme avait également besoin de soin. Il se sentait mal, sans que cela ne soit quand même très grave. Sa peau, au niveau des bras et du torse, avait cloqué. Le lapin, mécontent, commenta :

« Ha, ce que vous êtes débile ! Tant d’effort pour ça, vous gaspillez votre médiocre talent ! Moi qui comptait un peu sur vous pour contrecarrer les plans de la sorcière, ce n’est pas ainsi que vous allez y arriver ! Ce n’est pas ainsi que vous rendrez service à la forêt ! »

HRP : je ne t’ai pas fait lancer le second sort de soin pour te laisser le choix entre te guérir ou guérir à nouveau la créature.

[Maël Maëviàn]

Bon. Le druide lui-même pouvait attendre ; il aurait tout lieu de se lancer tous les sorts de soins à sa portée lorsqu'il serait sorti d'ici. Et s'il ne sortait pas… eh bien, peu lui importait l'état dans lequel se trouverait son cadavre, dans ce cas. Il avait en revanche entreprit de sauver cette malheureuse créature, et ne comptait pas s'arrêter en cours de route. C'était son dernier sort de soin, cependant, et il lui faudrait sans doute se reposer prochainement. Mais l'on aviserait au moment opportun.

« Chaque chose en son temps. Une forêt n'est pas si facile à tuer. »

Maël Maëviàn → soins modérés → créature.

[Le Façonneur]

« Certes, mais votre temps à vous est compté, ça je peux vous l’assurer ! » rétorqua le lapin. « Je me demande si vous serez assez fou pour affronter la sorcière ! Ce serait tellement... tellement... tellement digne de vous ! Allez, gros nul, bientôt vous serez aussi moche que lui ! »

Il désigna de la patte, ou de la main, difficile à dire, la créature au sol puis se volatilisa. Voilà désormais Maël seul avec la bestiole à nouveau soignée. Le second sort avait fait son office. L’aberration avait meilleure mine. Le druide pouvait assurer que ses jours n’étaient plus menacés. Mais elle continuait de dormir.

[Maël Maëviàn]

Qu'elle se repose, à présent que ses tourments étaient terminés. Le druide aurait d'ailleurs eu intérêt à en faire autant ; mais quoique les avertissements du lapin ne lui semblent pas devoir être pris à la lettre, il n'était peut-être pas très conseillé de dormir ici. Il poursuivrait donc sa tâche, du moins dans l'immédiat. S'il n'y avait aucune porte pour continuer après cette pièce-ci, il lui faudrait revenir sur ses pas, et s'engager, cette fois, dans le couloir central. Laissant la créature à son sommeil, Maël reprit donc sa marche…

[Le Façonneur]

Il fallut effectivement revenir dans la vaste salle circulaire avec, en son centre, l’arbre de pierre et ses lucioles bleutées. Par contre, lorsque Maël s’approcha du couloir central, il perçut du bruit, des voix, deux voix. Elles étaient encore lointaines, mais s’approchaient, venant justement du couloir central qui, pour rappel, était le plus vaste de tous. L’une des voix, hargneuse, était celle d’une vieille dame.

« J’ose espérer que tout est prêt, ou il va t’en cuir ! »

L’autre était caverneuse, impressionnante et pourtant paraissait intimidée.

« Ho, maîtresse, vous êtes revenue plus tôt que prévue... »
« Pas d’excuse ! Aucune excuse ! Jamais ! Tu obéis et tu la ferme, tas de fientes ! »

Le druide avait encore un peu de temps pour réagir. La pièce était plongé dans la pénombre mais peut-être pas assez pour dispenser de la nécessité de trouver une cachette, si se cacher était l’intention de l’homme. Le plus simple était de se dissimuler derrière un braséro. Ou alors, il pouvait retourner dans le couloir de droite. Gagner celui de gauche, ou même aller jusqu’à l’arbre le ferait passer devant le couloir central et donc le rendrait visible depuis ce dernier.

[Maël Maëviàn]

La sorcière, sans doute. Et un serviteur qui ne semblait pas particulièrement bien traité. Le druide n'était pas un spécialiste de la discrétion, qui plus est dans un environnement qui était loin de lui être naturel ; mais ce qu'il pourrait apprendre en observant la maîtresse des lieux avait de bonnes chances de s'avérer instructif. Il gagna donc le brasero le plus proche, dans le but de se dissimuler derrière lui, en s'efforçant d'être aussi silencieux que possible.

[Le Façonneur]

Maël s’était caché de son mieux et les voix continuait de s’approcher.

« Nous avons déjà commencé à la préparer, maîtresse. Ce ne sera pas long, je vous l’assure. »
« Je l’espère bien ! Mon temps est si précieux ! »

Bientôt, la vieille, qui sans doute était la sorcière, pénétra dans la salle. C’était visiblement une humaine à l’âge très avancé. Bossue, maigrichonne, noueuse, elle avait de longs cheveux gris qui tombaient dans son dos et sur ses épaules d’une manière anarchique. Une robe brune, très sobre, la couvrait et un bâton lui permettait de marcher. Le serviteur qui l’accompagnait était une créature énorme, massive et tout aussi aberrante que celle sauvée par le druide. Il y avait en elle de l’ours, du lion, de l’éléphant et de l’homme. Elle avait des mains mais marchait à quatre pattes. Un linge blanc, noué autour de sa taille, lui faisait un pagne. C’était son seul vêtement. Ni lui, ni la vieille ne firent attention à l’intrus derrière le braséro. Ils se dirigeaient vers le couloir de gauche, l’un de ceux que n’avait pas exploré Maël.

« Par contre, après elle, nous n’aurons plus d’autre cobaye. »
« D’autres curieux finiront par venir jusqu’ici. Le lapin y veille. Et au besoin, j’irais en chercher. »

[Maël Maëviàn]

« Les troubles ont toujours attirés les gens de votre genre. »

Les paroles de l'elfe lui étaient soudainement revenus en mémoire. Était-il possible que ce soit là l'unique raison pour laquelle ces bois ne connaissaient pas la paix ? Des maléfices lancés dans le simple but de répandre des rumeurs qui attireraient les aventuriers, afin de les capturer et se livrer sur eux à d'étranges expériences, dont ces créatures chimériques étaient sans doute le fruit ?
Quant à cette « elle » dont ils parlaient, il y avait de fortes chances qu'il s'agisse de la jeune elfe disparue. Si telle était le cas, elle n'avait donc pas encore subi la terrible transformation. Et il faudrait faire en sorte, si possible, qu'elle ne la subisse pas. Maël fit donc son possible pour suivre discrètement les deux êtres. S'il avait la possibilité d'intervenir, il devrait le faire.

[Le Façonneur]

L’endroit ne regorgeait pas de cachettes et les couloirs en ligne droite ne se prêtaient pas vraiment à la discrétion. Maël pouvait suivre de près la sorcière et son serviteur mais alors il prendrait un réel risque d’être repéré. Le moindre bruit trop fort de sa part, le moindre regard en arrière de la part du duo et c’était fait. Par contre, il ne risquait pas de les perdre. A l’inverse, il pouvait les suivre de loin, juste à l’oreille. Cette méthode bien plus sûre pouvait lui faire perdre leur trace, si jamais le complexe s’avérait être un dédale complexe.

[Maël Maëviàn]

En cas de besoin, sacrifier son collier actuel lui permettrait de créer un brouillard masquant la vue de façon quasi-immédiate ; dans cet environnement, cela pouvait s'avérer utile, surtout au cas où il attirerait involontairement l'attention. Néanmoins, il choisit tout de même de rester prudent, et de garder une distance raisonnable entre la sorcière et lui. Étant donné ce qu'il savait déjà de l'endroit, il lui paraissait peu probable que ce petit couloir mène à de nombreux embranchements. C'était un risque, cependant…

[Le Façonneur]

Maël laissa s’écouler quelques instants avant de sortir de sa cachette. La plus que probable sorcière et son serviteur avaient disparus dans le couloir de gauche, couloir que se mit à suivre le druide. Il ressemblait beaucoup à la voie de droite et, effectivement, il ne semblait pas donner sur beaucoup d’autres chemins. En fait, lui-aussi conduisait simplement à une porte. Celle-ci claqua bientôt en se refermant. Le duo venait de la passer. L’homme put s’approcher d’elle sans risque d’être vue. Derrière le solide panneau de bois, il perçut une discussion.

« Alors, ma belle, on a fait de beaux rêves ? » disait la vieille.
« Diablesse ! Vous ignorez qui je suis ! Vous aurez de gros problèmes ! Mon père accrochera votre sale tête sur une pique pour vous apprendre les bonnes manières ! » rétorqua une voix féminine, adulte, que ne connaissait pas Maël.
« Tiens donc ? Vous n’imaginez pas le nombre de personne qui en cet instant nourrissent le même désir. Et pourtant, je suis toujours en pleine santé. »
« Votre chance tournera ! »
« Il ne s’agit pas de chance, gamine, mais de talent. Bon, ce n’est pas tout cela, mais mon temps est précieux. J’ai une grande œuvre à réaliser et vous en serez l’instrument. Enfin, c’est beaucoup dire. Plutôt une pierre, une simple pierre dans l’immense édifice de mon génie créatif ! Fini de la préparer ! »

La femme voulu répliquer mais on dût la bâillonner.

[Maël Maëviàn]

Le moins que l'on pouvait dire était que la sorcière n'avait pas une piètre idée d'elle-même, ni de son œuvre. Mais de quoi qu'il s'agisse, ce n'était sans doute pas une œuvre justifiant que l'on traîta ainsi un être intelligent. Maël se sentait le devoir d'intervenir… mais que faire, pour ne pas risquer de se jeter dans la gueule du dragon sans rien arranger à la situation ? Il fallait agir avec calme, faisant abstraction de l'urgence qu'il devinait. Ses mains cherchèrent l'ouverture de la porte. Simplement entrebailler celle-ci, aussi discrètement que possible, lui permettrait déjà d'évaluer les réactions. Si personne ne réagissait, il lui serait possible de jeter un œil dans la pièce, et peut-être d'y pénétrer sans être remarqué. Dans le cas contraire, eh bien… il aviserait.