[Bâtiment] Le Comptoir des Transparences

[Galathée]

" Je veux bien, dit-il avec un sourire. Perceval m'a dit que la bibliothèque, elle était dans le grenier ! Mais ils n'y vont pas souvent, faut pousser une trappe, puis mettre une échelle..."
Soudain enthousiaste, il prit le barde par la main et l'entraîna vers les escaliers.
" Perceval m'a dit qu'il n'y avait pas de rats... mais peut-être des araignées... mais pas des aussi méchantes que dans les jardins de Moandre, enfin, j'espère... Peut-être que je suis immunisé, désormais..."

[Taliesin]

L'elfe se demanda s'il ne vaudrait pas mieux demander la permission avant de se rendre au grenier : après tout, ils n'étaient pas vraiment chez eux... Mais puisque Perceval en avait parlé franchement à Baptiste, ses scrupules étaient sans doute infondés. De surcroît, cette expédition lui offrant une distraction bienvenue - et moins ennuyeuse que la vaisselle -, il aurait eu tort de se priver.
-Je suis certain que les araignées que nous croiserons seront totalement inoffensives. Sinon, on t'aurait mis en garde !
A son avis, c'est surtout de la poussière qu'ils devraient affronter. Et il s'en souciait comme d'une guigne : quand on avait vu le Lac Purulent, tout paraissait d'une propreté incroyable, même le pire gourbi.

[Galathée]

Ils dépassèrent la chambre où ils dormaient, ainsi que quelques portes supplémentaires, puis arrivèrent sous la trappe en question. L'échelle reposait contre le mur, il leur suffit de la coincer dans les deux attaches qui se trouvaient au plafond, et ils purent grimper sans risques. Baptiste passa devant, trop surexcité pour laisser la place au barde. Il avait l'air d'un aventurier sur le point de pénétrer dans une salle au trésor. Il poussa la plaque de bois et se glissa par l'ouverture, Taliesin sur les talons.
Le grenier était vaste, éclairé par quatre fenêtres percées dans le toit pentu. Contrairement à ce qu'avait craint le barde, il n'était que moyennement poussiéreux, mais les traces de pas de ses visiteurs, nombreuses, se dessinaient sur le plancher. Des armoires et des coffres l'encombraient, mais la bibliothèque était située non loin de la sortie et dévoilait environ deux cent volumes, de formats et de couleurs divers. Baptiste s'approcha religieusement puis frôla les tranches du bout des doigts, traçant une ligne dans la grisaille qui les couvrait.

[Taliesin]

L'attitude solennelle de l'enfant le fit sourire. Mais en même temps, il le comprenait : celui-ci avait découvert les livres dans un moment difficile, et leur contenu lui avait permis de tenir le coup durant son effroyable période de servitude. L'elfe se garda donc bien de le déranger en parlant ou en faisant trop de bruit : il se contenta de lire les noms, sur les tranches poussiéreuses. Hasard amusant, il tomba presqu'aussitôt sur quelques volumes des aventures de Lavebrise. Si Baptiste n'arrivait pas à faire un choix, il les lui conseillerait : c'était des histoires intéressantes, amusantes, parfaites pour s'évader un peu, pour améliorer les humeurs chagrines.

[Galathée]

L'enfant demeura longtemps devant les rayonnages, puis fit un pas en arrière et soupira.
" Je ne sais pas choisir... Je n'en ai lu aucun. J'ai envie de tous les lire. Peut-être que je devrais en prendre au hasard... Ou alors je devrais lire des auteurs mélandiens ! Pour m'imprégner de la culture... Ce serait peut-être utile. Mais non. Je ne suis pas certain que j'aimerais ce que je vais y découvrir. Et puis je me suis déjà bien assez imprégné de leur culture."
Il se tourna vers Taliesin.
" Vous êtes barde, vous. Peut-être que vous pourriez m'aider à choisir ? J'en veux... au moins cinq !"

[Taliesin]

-Je veux bien t'aider, Baptiste, mais... Je n'ai jeté qu'un bref coup d’œil, pour l'instant, et j'en ai pourtant déjà repéré beaucoup qui valent le détour. Alors il faudrait que tu m'aides un peu, ne serait-ce qu'en me disant quels genres t'intéressent... Préfères-tu des traités documentaires, par exemple sur l'histoire, la géographie, les plantes ou les animaux ? Au contraire, as-tu plutôt envie de romans ? Si oui, de quel style ? Aventure ? Épique ? Bucolique ? Ou... romantique ?
Évidemment, le dernier genre était une plaisanterie : il voyait mal le gamin lire des fictions à l'eau de rose.
[color=#FFFF6]-Enfin voilà... Comme je ne te connais pas encore très bien, j'ai besoin que tu m'en dises plus sur tes goûts, afin que je sois en mesure de te donner des conseils qui, je l'espère, ne s'avèreront pas trop mauvais.[/color]

[Galathée]

" Je veux des différents. Peut-être un livre d'histoire... mais pas trop ancien... et puis un livre sur la magie... Il y a un livre sur la magie ? Ou sur les dieux ? Et alors un livre de contes... ou de poésie... De la poésie, j'aimerais bien. Et un roman d'aventures... et puis quelque chose de drôle."
Il compta sur ses doigts.
" Bon, ça fait cinq, je crois, non ? C'est un début... S'il n'y a pas... je veux bien une pièce de théâtre... ou alors un livre de politique... et j'ai aussi toujours voulu lire quelque chose sur Maztica. S'il y a..."

[Taliesin]

L'elfe le dévisagea un instant, éberlué.
-Et bien, tu t'intéresse vraiment à beaucoup de choses. C'est impressionnant, dit-il, sincèrement admiratif. Maintenant, reste à voir si je suis à la hauteur de la mission que tu m'as confiée...
L'instant suivant, il se mit à examiner consciencieusement le contenu des rayonnages.
[color=#FFFFF66]-Oh, les Rêveries combelupines, d'Aubin d'Aprecœur : des poèmes d'un jeune artiste hélonnien, très bien tournés et très touchants, à mon humble avis. Ah, je pourrais encore te réciter "Belle et Bastien", que j'avais envisagé de mettre en musique... Et là... Fichtre, tu es verni ! Mes périples en Maztica, par Alain Quatremain : c'est un explorateur dont les ouvrages font référence parmi les aventuriers. D'ailleurs, j'en ai utilisé quelques-uns... Décidément, cette bibliothèque est une véritable mine d'or ![/color]
Il tendit les deux livres à l'enfant puis, enthousiaste, reprit ses recherches.
-Tobias et la Cité Perdue, ou les exploits d'un jeune fermier solarcien dans les Landes des Sirènes : je ne l'ai pas lu, mais il était très en vogue à Luménis lorsque j'y suis venu pour la première fois, d'aucuns prétendant même qu'il était basé sur des faits réels... Et voici Histoire des Lointaines Contrées de Toril, par Alain de Caux. Ça a l'air bien fait. Très accessible, aussi... Et pour conclure ce quintette sur une note d'humour, je te propose Les Très Passionnantes Aventures du Magicien Lavebrise, le Plus Mauvais Mage de Tous les Temps. Victor a adoré, et moi de même.
En prenant le volume, il sentit sa gorge se nouer. Car il revoyait très bien, dans cette auberge de la Trouée des Chevaux, le petit garçon rire aux éclats en parcourant l'exemplaire que lui avait offert Borgporkniel. Rire aux éclats puis insister pour lui en lire des passages. Ils n'avaient pas tardé à s'esclaffer de concert.
C'était juste avant que le gosse ne soit capturé par les mercenaires... et défiguré par sa malheureuse tentative de sauvetage.

[Galathée]

Le gosse parut subjugué tandis que les tomes s'empilaient dans ses bras, ses yeux s'écarquillant à chaque seconde davantage, reflétant son bonheur à venir.
" Wouah, merci, murmura-t-il. Je suis impatient ! Je vais aller me faire une cabane dans le hangar, je crois, et puis je vais lire tranquillement..."
Il sourit au barde.
" Et vous ? Vous allez rien prendre pour vous ?"

[Taliesin]

-Si si, bien sûr... répondit Taliesin, s'arrachant à ses souvenirs.
Sans réfléchir, il s'empara du livre qui voisinait celui qu'il venait de donner à Baptiste.
-Les tribulations d'un mage en Kara-Tur. Un autre opus des aventures de Lavebrise, particulièrement réussi, si j'en crois les critiques.
En réalité, il doutait qu'il parviendrait à lire. Mais comme on ne savait jamais, il allait tenter le coup. Et, à tout hasard, il continua à examiner la bibliothèque, au cas où un autre bouquin attirerait particulièrement son attention.

[Galathée]

La bibliothèque était pour le moins éclectique, manifestement composée au petit bonheur la chance, en fonction des opportunités. Il y avait peu d'auteurs luméniens, davantage de manostiens, un certain nombre de mélandiens, mais surtout des fééruniens. Sans doute était-ce nécessaire, afin qu'une éventuelle descente sur le comptoir ne révèle pas d'affinités trop claires avec le continent voisin. Il y avait des recueils de contes et chants de nombreuses régions du monde, de bardes divers, dont Taliesin avait entendu parler, pour la plupart. Les ouvrages philosophiques et politiques étaient pratiquement absents, tout comme les manuels de magie. Peut-être étaient-ils conservés par les mages, dans leurs chambres. La grande majorité renvoyait à des passe-temps inoffensifs ou était de la fiction tout aussi neutre. Avec une collection de livres horrifiques mélandiens qui n'étaient sûrement pas à mettre devant tous les yeux.
Mais Bastien s'éloignait déjà et contemplait l'échelle avec circonspection, se demandant sans doute comment la descendre, les bras chargés, sans se casser la figure ou larguer lourdement son fardeau.

[Taliesin]

S'en rendant compte, le barde renonça à trouver un autre livre et le rejoignit.
-Attends, on va régler ce petit problème pratique... Tu peux poser les livres ici, s'il te plait ?
Ils auraient pu faire des allers-retours avec un unique opus dans une main, on regagner le rez de chaussée pour y trouver un sac. Mais ne souhaitant ni briser l'élan du gosse, ni retarder le moment où il pourrait enfin se plonger dans la lecture, il opta pour une solution magique.

Taliesin --> Manipulation à distance --> Livres

-Voilà ! dit-il tandis que la pile se soulevait du sol. Tu n'as qu'à descendre en premier : je te les enverrai ensuite.

[Galathée]

" Wouah !" fit Baptiste en regardant les livres voler.
Il s'engagea ensuite rapidement sur l'échelle et se plaça à la réception, bras repliés pour recevoir son trésor.
" Est-ce que vous croyez que ce soir, vous pourrez chanter quelque chose ? Ça fait longtemps que je n'ai pas vu un barde... une éternité, même... Je me souviens plus de la dernière fois."
Il s'empourpra ensuite.
" Enfin... Je demandais ça comme ça... Je comprendrais que vous ayez pas envie. C'est pas obligé, évidemment."

[Taliesin]

Taliesin hésita. S'il choisissait des chansons reflétant son humeur, ça allait pleurer dans les chaumières, ce qui ne serait certainement pas très indiqué... D'un autre côté, il pouvait se faire violence, opter pour des morceaux joyeux qui, peut-être, influenceraient son propre état d'esprit. Par ailleurs, comme Meloenn ne serait pas là, comme il n'y aurait donc aucun risque pour que les choses dégénèrent, c'était sans doute le moment où jamais.
-Il faut voir ce que les autres en pensent, mais... pourquoi pas, répondit-il. Et s'ils sont d'accord, j'aurai intérêt à répéter un peu : je n'ai eu que peu d'occasions de m'adonner à la musique, ces derniers temps.
Répéter... Autre occupation bienvenue.
Enfin, sauf si on avait besoin de lui pour quelque mission.

[Galathée]

" Super !" s'exclama Baptiste en sautillant sur place, alourdi par ses bouquins.
Il attendit sagement que le barde redescende avant de poser ses livres par terre pour l'aider à dégager l'échelle. Il reprit ensuite son butin et sourit timidement au barde.
" Merci beaucoup de m'avoir choisi tous ces livres, dit-il, sérieux. Je les lirai attentivement et je vous dirai ce que j'en ai pensé."

[Taliesin]

L'entrain du garçon faisait plaisir à voir. Quand à sa solennité, elle avait quelque chose de touchant.
-Il n'y a vraiment pas de quoi, Baptiste : c'était avec plaisir. Et je compte sur toi pour être franc, si ces ouvrages ne te plaisent guère. Cela m'aidera à faire de meilleurs choix la prochaine fois.
Il lui sourit puis prit la direction de la salle commune d'un pas tranquille. Peut-être les autres auraient-ils besoin de lui, ne serait-ce que pour la vaisselle...

[Galathée]

Baptiste le suivit vers le rez-de-chaussée. La vaisselle était déjà en cours, Lena et Perceval s'y étant attelés, tandis qu'Abel avait repris place dans la boutique. Meloenn et Arion devisaient au-dessus du plan du Havre, discutant de ce qu'ils savaient des protections mises en place dans chaque villa, que le jeune roublard griffonnait aussitôt à l'endroit adéquat. Sedanius était invisible mais la porte de la cave était ouverte. Le gosse sourit encore au barde, puis fila vers le hangar, où il avait l'intention de se trouver une cachette. Kerun n'était toujours pas rentré.

[Taliesin]

S'approcher d'Arion et de Meloenn ? Hors de question : ce serait courir au devant des ennuis, sans compter que les déranger en plein travail n'aurait assurément rien de constructif.
Rejoindre Perceval et Lena ? La cuisine n'était pas très grande, ils s'y seraient marché sur les pieds...
Descendre auprès de Sedanius ? Hum, la vision de toutes ces bouteilles ne ferait que réveiller son envie latente de lever le coude.
Ce serait donc une nouvelle sortie dans la cour, pour y fumer paisiblement - du moins l'espérait-il. Ensuite, pour peu que la vaisselle soit terminée, il demanderait au jeune guerrier si Baptiste avait pu lui fournir des informations sur les enfants qu'il restait à libérer. Après tout, rien ne les empêchait de mener d'autres opérations dans les jours à venir...

[Galathée]

Taliesin put fumer tranquillement sans que personne le dérange. Des bateaux lourds passaient de temps en temps sur la Houleuse, charriant des déchets dans leur sillage, poursuivis par des mouettes grises. L'eau était noire et immonde, reflétant les rares rayons de soleil comme si une pellicule graisseuse y surnageait en permanence. Le barde aperçut pourtant le flanc sale d'un poisson, à une occasion ou une autre. Un rat traversa la cour en sautillant, jetant un regard mauvais au barde avant de se glisser derrière une caisse. Au loin, il percevait le cri de marins, peut-être des esclaves contraints de porter le chargement d'un navire... Il y avait un bruit de fond constant, le bruit de la ville, comme le murmure de vagues imaginaires...
Quand il rentra à l'intérieur, il trouva la salle commune vide. La carte du Havre était déployée sur la table, comme auparavant, désormais couverte de signes et de notes. Les dix bâtisses qui demeuraient en jeu étaient entourées d'un trait orange et se distribuaient à droite à gauche dans le quartier. Taliesin put y lire les noms : les Vainevie, les Doucechute, les Aigremont, les Sumpfknochen, les Fumedense, les Sombregloire, les Lamegrise, que Meloenn devait voir le soir-même, les Massacre de Tordo aux humeurs guerrières, les Louviers et les Gardepont...

[Taliesin]

L'elfe resta un moment les yeux rivés au plan, se demandant sans pouvoir s'en empêcher dans laquelle de ces demeures Galathée avait été martyrisée et, peut-être, assassinée. Mais bientôt, son regard se focalisa sur l'un des noms les plus récemment ajoutés, lequel lui rappelait quelque chose. Il lui fallu toutefois fouiller longuement sa mémoire avant de trouver quoi.
Aussitôt, il se levait et se dirigeait vers la cuisine.
Avant de s'emballer, vérifier.
-Désolé de vous déranger... dit-il à ses deux compagnons qui achevaient de laver la vaisselle. Mais je viens de penser à quelque chose et... Perceval, toi qui a regardé les notes concernant les enfants, ce matin... Est-ce qu'il n'y en a pas un qui travaille chez les Sombregloire ? Comme palefrenier ?

[Galathée]

" Oui, Hippolyte, je crois qu'il s'appelle, dit le jeune guerrier avec un sourire. Pourquoi ? Oh ! C'est une des maisons qu'a identifiées Arion, c'est ça ?"
Lena décocha un sourire appréciateur à Taliesin. Comme ils en avaient terminé avec le rangement de la cuisine, ils l'accompagnèrent dans la salle commune.
" C'est sûr que le gosse aurait sûrement des informations à nous fournir, dit Perceval. Mais comment est-ce qu'on va justifier d'aller dénicher un palefrenier dans une maison noble ?"

[Taliesin]

Il fronça les sourcils, extrêmement concentré. Avec cette opération, ils pouvaient faire d'une pierre deux coups : arracher un gamin aux griffes des Mélandiens, et avancer dans leur enquête concernant la rôdeuse. Voilà qui lui mettait un peu de baume au cœur.
-J'aurais bien vu Dame Fadraeth rendre aux Sombregloire une petite visite de courtoisie, s'offusquer de la maladresse du jeune palefrenier et demander à l'acheter pour pouvoir le punir. Mais comme elle ne monte pas à cheval, les chances pour qu'une telle rencontre ait lieu sont minces, pour le moins. Hum... Baelish pourrait sortir du placard, sinon : vu le réseau d'informateurs dont il dispose, qu'il ait localisé l'enfant ne paraîtrait pas extraordinaire. De plus, vous ne pensez pas que s'il ne reparaît jamais, cela pourrait en étonner certain ?
Il se redressa, dévisagea ses compagnons.
-Mais on peut réfléchir à d'autres couvertures. Et de toute façon, nous devons attendre l'aval de Kerun.

[Galathée]

" Dame Fadraeth n'est effectivement pas férue de canassons... et vu la taille du domaine... Il faudrait vraiment que par hasard, le gosse soit dehors avec un seau de fumier...
— En plus, le rapport dit qu'il n'est pas maltraité... Peut-être a-t-il un certain talent pour les chevaux... Il n'y a pas de notes sur son origine, mais il est peut-être fils de paladin, lui aussi, avec une expérience dans le domaine. Même s'il insultait Dame Fadraeth, ils pourraient refuser de le vendre.
— Je ne connais pas les Sombregloire, je ne pourrais pas dire s'ils seraient du genre à tenir tête à une matrone..."
Lena releva les yeux sur le barde.
" Avec la disparition de Deverell, n'est-il pas risqué de ressortir Baelish aussitôt ? Certes, il ne fait pas partie des suspects, mais on pourrait lui poser des questions. Il faudrait qu'il soit prêt à y répondre."

[Taliesin]

-Normalement, personne hormis Gargon et son entourage ne sait que Baelish s'est intéressé à Deverell juste avant sa disparition. Mais si l'information a filtré, n'y a-t-il pas des chances, comme je le disais, que d'aucun s'étonnent de la disparition complète de l'entremetteur ? Ils pourraient estimer que c'est un signe, qu'il craint quelque chose... ou qu'il a quelque chose à se reprocher. Cependant, j'admets que ça n'est pas sans risque... Et si le garçon est doué avec les chevaux, rien n'indique, non plus, que ses maîtres accepteraient de le lui céder...
Il soupira.
-Enfin, ce problème, nous le rencontrerons quelle que soit la couverture utilisée. A moins bien sûr d'organiser un enlèvement en bonne et due forme. Mais là, ça serait aussi dangereux que suspect : qui pourrait bien vouloir enlever un môme qui ne sort jamais du domaine et dont la principale caractéristique est d'être luménien ?

[Galathée]

" Je sais qui pourrait vouloir, dit alors Perceval, avec une grimace. Mais c'est une couverture risquée."
Lena lui jeta un regard en coin, la bouche pincée.
" Il existe un corps de l'armée mélandienne qui n'est composé que de jeunes Luméniens, réduits en esclavage très tôt, et fanatisés sous la bannière de Tempus, continua-t-il. A huit ans, Hippolyte est dans la tranche d'âge parfaite pour son recrutement. Comme il y a peu de Luméniens sur les marchés, il n'est pas rare que les officiers en charge de ces troupes n'aillent dénicher les candidats là où ils se trouvent. Une fois enrôlés, les enfants reçoivent un nouveau nom et subissent un lavage de cerveau radical. Ils ne vivent alors plus que pour la guerre. Aucun maître n'aurait la possibilité de vérifier qu'un ancien esclave y a été incorporé, d'autant que la Phalange des Ténèbres a une aura à la fois très confidentielle et en même temps respectée de tous. Le seul souci... c'est le risque d'être repéré par de véritables recruteurs."

[Taliesin]

Taliesin dédia au jeune guerrier un sourire lumineux.
[color=#FFFFF66]-Perceva, tu es formidable ![/color]
Il réfléchit à la question puis se tourna vers Lena.
-Toi qui connais bien les milieux huppés de Melandis... N'y a-t-il pas un risque que les Sombregloire en parlent à leurs relations, que la rumeur se répande et finisse par atteindre les véritables recruteurs qui, du coup, sauront qu'il y a eu imposture et mèneront peut-être l'enquête ? Ou bien penses-tu que la famille se taira, par peur de s'attirer des ennuis ?
Il se frotta le menton.
-En revanche, ce qui est déjà sûr, c'est qu'on pourra utiliser cette couverture pour sauver le garçon qui travaille chez un charpentier : l'artisan n'osera jamais causer du grabuge. De surcroît, le gosse est déjà costaud, si je ne m'abuse, donc ça collerait bien.
Tellement bien, même, qu'il fallait espéré qu'on ne l'enrôle pas avant qu'ils aient pu le libérer.

[Galathée]

" On ne parle pas de la Phalange comme ça, même dans la noblesse." dit Lena.
Perceval reprit la parole.
" Les recruteurs arrivent généralement sans prévenir, prélèvent le gosse et puis s'en vont. Beaucoup de gens estiment qu'ils portent malheur et les bonnes familles essaieront d'étouffer toute mention de leur présence en leurs murs. La Phalange est à la fois... haïe et crainte. Les hommes qui en composent l'état-major, des Mélandiens de souche, selon les statuts du corps, ne sont pas tous connus. Je crois que le plus gros risque, c'est que le gosse ait déjà été repéré, et qu'un recruteur débarque pour venir le chercher juste après nous. Mais même si c'était le cas... la famille noble n'en saurait probablement rien. Par contre, la Phalange saurait qu'elle a de la concurrence et s'en inquiéterait certainement.
— Mais je pensais... ne recrutent-ils pas en fonction de leurs effectifs ? Il n'y a plus eu de guerre depuis longtemps. Sans doute le corps est-il complet et nous ne risquons alors pas de croiser quiconque...
— La mortalité est très élevée dans leurs rangs, même en l'absence de guerre. Ils combattent tous les jours, les uns contre les autres. Non, la Phalange est en phase de recrutement permanent. D'autant qu'un gosse de huit ans ne serait pas aligné avant d'avoir quinze ou seize ans... S'ils prévoient une guerre à l'avenir... Et ils le prévoient fatalement : ce sont des Tempusiens."

[Taliesin]

L'elfe avait blêmi.
-Sur Mersant... Quand les Luméniens sont venus à notre aide... Ils ont mentionné des rumeurs concernant l'imminence d'un conflit.
Il se sentit gagné par un sentiment d'urgence qu'il eut de la peine à modérer.
-Çà veut dire qu'on ne doit pas trop tarder à libérer les garçons dont les noms figurent encore sur notre liste. Celui qui travaille au temple de Shar est sans doute trop vieux pour intéresser la Phalange. Mais les autres... Ce serait horrible qu'ils nous filent sous le nez, alors que nous savons où les trouver...
C'était une chance immense qu'ils en aient déjà récupéré trois. Il ne comptait pas Baptiste, qui aurait connu un destin pire encore...

[Galathée]

" Si nous décidons d'utiliser cette couverture, il faudrait agir très vite... Le même jour, pour bien faire, les débaucher l'un après l'autre. Ensuite... les risques sont trop grands que les officiers de la Phalange nous guettent." dit Lena en observant Perceval.
Ce dernier fronça les sourcils.
" Oui. Mais il ne reste que ces deux-là sur la liste. Fulgence, Thadée et Orwin sont sur la Liberté. Je pense que c'est jouable..."
Lena croisa les bras.
" Il va falloir que tu me dises très précisément à quoi ressemble un recruteur de la Phalange. Pour bien faire, il faudrait que tu me le dessines. Sinon je ne saurai pas en imiter le costume.
— Je ne sais pas dessiner, mais Abel pourrait m'aider, je suppose. Mais je pense que nous pouvons aussi décider de ne bouger que dans l'obscurité. Nous attirerons moins l'attention."

[Taliesin]

-Les recruteurs de la Phalange sont du genre à se présenter en pleine nuit même chez les nobles ? Si c'est le cas, c'est sûr que ça nous arrange : il y aura moins de monde pour surveiller nos déplacements. Par contre, il nous faudrait un maximum d'éléments sur la manière dont se déroule l'enrôlement : faut-il se comporter avec un semblant de courtoisie ? Doit-on verser une compensation aux propriétaires ? Et si oui, est-elle fixe ou variable en fonction des qualités physiques de la recrue ? Bref, plus nous serons crédible, mieux ce sera...